InterviewG4E. Nicolas Douchez : « J’ai pas mal de souvenirs liés aux Girondins alors que je n’y ai jamais joué »
Auteur d’une carrière belle et complète, Nicolas Douchez est resté dans le football après avoir terminé son parcours de joueur professionnel au Red Star, en étant depuis le début de saison consultant pour Telefoot. L’ancien portier du Havre, de Châteauroux, Toulouse, Rennes, Paris, Lens ou encore du Red Star, a accepté d’évoquer avec nous ses souvenirs des Girondins de Bordeaux, qui affrontent ce vendredi le Stade Rennais pour le compte de la 11ème journée de Ligue 1. Nicolas aurait d’ailleurs pu signer à plusieurs reprises au FCGB, qu’il a suivi tout au long de sa carrière pour différentes raisons que vous allez découvrir dans notre entretien ci-dessous. Au travers de cet échange, nous avons retrouvé la personne que nous attendions, celle qui a un avis juste sur l’actualité du football, sans avoir besoin de propos choc pour exister : un vrai moment de plaisir. Merci Nicolas. Interview.
Que représente pour vous le club des Girondins de Bordeaux, au niveau de l’histoire du football français ?
La réponse est dans la question : au niveau historique, c’est un club mythique. C’est un club que je regardais forcément quand j’étais petit parce qu’il y avait de belles années. J’ai été baigné dans l’univers bordelais à travers la télé, de par le président charismatique de l’époque, Claude Bez. Il y avait aussi des joueurs incroyables et forcément les matchs qu’il pouvait y avoir à l’époque entre Bordeaux et Marseille, c’était quelque chose que je suivais de près quand j’étais petit à la télé.
Quels sont vos souvenirs à titre personnel face aux Girondins de Bordeaux ?
Il y a pas mal de souvenirs par rapport à Bordeaux. Les plus anciens sont liés à l’époque où il y avait Tigana, Giresse, etc… toute cette époque-là. Et puis après, il y a ceux que j’ai pu connaître en tant qu’adversaire. Je me souviens l’année du titre quand il y avait Feindouno, Laslandes, quand Elie Baup était l’entraîneur. Il y a pas mal de gens que j’ai pu recroiser dans ma carrière, notamment Elie Baup que j’ai eu comme entraîneur. J’ai pas mal de souvenirs liés à ce club alors que je n’y ai jamais joué. Ce qui est certain c’est qu’il y avait un stade qui me faisait rêver, par son couloir. J’avoue que la première fois où je suis allé à Chaban-Delmas, j’étais super content de pouvoir me dire qu’enfin, je traversais ce couloir.
Lorsque vous étiez joueur, votre nom a été cité dans la presse pour venir jouer à Bordeaux, notamment lorsque Cédric Carrasso s’était blessé gravement. Est-ce que vous aviez vraiment été contacté, est-ce que ça vous aurait plu d’évoluer aux Girondins ?
Il y a eu plusieurs fois des contacts. Dans un premier temps, juste avant que Carrasso signe, c’était Laurent Blanc, l’entraîneur si je ne me trompe pas. Il y a eu des contacts à ce moment-là et finalement, c’est Cédric qui avait signé. Et ensuite, quand il s’est blessé, j’ai eu quelques contacts, mais ça n’a pas été beaucoup plus loin que ça en fait. J’ai été sondé, j’étais encore au PSG à ce moment-là, il aurait fallu qu’on arrive à se poser pour se mettre d’accord, mais comme ils hésitaient… Ils étaient intéressés d’un côté parce que j’étais expérimenté, tout en se demandant comment ça pouvait se passer sachant que je jouais moins vu que j’étais remplaçant à Paris. Ils se sont posés plusieurs questions. Moi de même de mon côté et finalement, on n’a jamais été plus loin que ça.
Vous avez affronté Bordeaux lors de la saison 2008-2009, qui les a vus devenir Champions de France. Ce n’était pas vous lors du mythique 2-3 à Rennes où Gourcuff offre la victoire à notre équipe à la 94ème… Quels souvenirs gardez-vous de cette saison-là ?
J’en garde un super souvenir car c’était ma première saison à Rennes, ça s’était bien passé pour moi. Ce match-là, je voulais vraiment jouer. Je crois que c’est le seul match que j’ai raté de la saison d’ailleurs. On était invaincus à domicile, c’était une belle affiche et j’étais triste de ne pas pouvoir y participer. C’était un beau spectacle mais forcément j’étais déçu à la fin du match (rires).
Et que pensez-vous de cette équipe qui a fini championne de France cette année, avec Gourcuff, Chamakh, Cavenaghi…
Même s’ils ont enchaîné 11 victoires d’affilée, c’était un truc de fou, je sais que c’était un déplacement pas évident pour Bordeaux. Ce n’était pas évident de venir gagner à Rennes et je pense que ça les a vraiment aidés à se lancer pour que la série dure jusqu’à la fin.
Pensez-vous que Bordeaux ait changé de statut/standing ces dernières années, et quelles en sont les raisons selon vous ?
C’est difficile de trouver les raisons. Oui, le statut a changé. Aujourd’hui, Bordeaux, quand la saison commence, ce n’est pas forcément l’objectif « Coupe d’Europe » qui est annoncé. Après, les explications, je suis malheureusement trop loin pour donner un avis là-dessus. C’est un club qui est en restructuration, qui a du mal à retrouver son équilibre. Et financièrement, lorsqu’on ne peut pas mettre beaucoup d’argent dans un club comme Bordeaux, c’est difficile d’avoir des résultats et de faire venir des joueurs qui peuvent aider le club à redevenir ce qu’il était avant.
Est-ce que pour vous c’est important de se baser sur les anciens du club pour restructurer le club ? On a vu qu’Alain Roche est revenu en tant que directeur sportif, Jean-Louis Gasset aussi, 10 ans après son premier passage à Bordeaux…
Oui, pour moi, c’est important quand on est un club historique comme Bordeaux, mais comme tout club même. De plus en plus, les clubs ont besoin de retrouver une vraie identité, du caractère, avec des gens qui connaissent la maison. Forcément, il ne faut pas que ça non plus, mais s’appuyer sur des gens qui aiment le club, qui ont porté les couleurs et ont envie de défendre ses couleurs à 100%, c’est important.
Vous avez joué pendant deux saisons à Rennes avec Jimmy Briand. Quel avis avez-vous sur sa longévité ? Faisait-il déjà partie à l’époque des joueurs sérieux, amenés à durer dans le temps ?
Quand je l’ai connu à Rennes, il était bien plus jeune et certainement moins sérieux que ce qu’il est devenu après (rires). Mais en tout cas, c’était un bosseur et un travailleur. C’est vrai que pour un attaquant, ce n’est pas évident de pouvoir durer aussi longtemps. Est-ce qu’à l’époque, il a pu prendre des conseils d’un ancien bordelais, qui était à Rennes, Sylvain Wiltord, qui était aussi un exemple à ce niveau-là ? Possible. Jimmy, c’est quelqu’un qui est capable de s’inspirer de ce que les grands joueurs ont fait avant lui. C’est quelqu’un que j’ai toujours aimé, j’ai apprécié jouer avec lui et contre lui. C’est quelqu’un qui aime le foot, qui est content d’être sur un terrain. Quand on est content d’être sur le terrain et qu’on aime ce que l’on fait, généralement, on prolonge le plaisir le plus longtemps possible.
Vous avez aussi évolué avec Youssouf Sabaly, formé au PSG. Comment expliquer qu’il n’ait pas réussi à maintenir son niveau de jeu ces dernières saisons ?
C’est compliqué de savoir ce qui se passe. C’est vrai que Youssouf, quand il est parti de Paris, on sentait qu’il avait les qualités pour pouvoir s’imposer dans un autre club. Quand il a signé à Bordeaux, j’étais content et convaincu que ça allait lui permettre de franchir un palier, d’élever son niveau dans un club comme les Girondins. Après, pourquoi là ça se passe moins bien ? Je suis trop loin de lui et je ne suis pas en contact non plus avec lui, je n’ai pas vraiment d’explications. Ce qui est certain c’est qu’on vit tous des moments compliqués dans une carrière et peut-être que lui, il est dans une période un peu moins bonne, dans le doute. C’est sa faculté à sortir de cette mauvaise passe qui le fera avancer. C’est dans la difficulté qu’on apprend et j’espère que lui va pouvoir relever la tête et montrer qu’il est capable de retrouver une place de titulaire indiscutable.
Vous êtes ami avec Clément Chantôme, qui vous avez d’ailleurs côtoyé dans trois clubs (Red Star, Paris et Lens). A Bordeaux, il a fait de bons débuts avant de s’éteindre un peu… Comment expliquer qu’il n’ait pas eu la carrière qu’on lui prédisait ?
A Bordeaux, ça a très commencé puis il y a eu sa blessure à l’épaule qui l’a écarté des terrains pendant un petit moment. Et puis sur la saison d’après, si je ne me trompe pas, il y a eu une qualification en Coupe d’Europe et enchaîner championnat et coupe d’Europe alors que Bordeaux n’était peut-être pas armé pour pouvoir le faire. Sur ce qu’il faisait à Bordeaux, je le regardais plus attentivement forcément, je trouve que les critiques ont été un peu dures. C’est trop facile de ramener la mauvaise série ou le mauvais jeu à un joueur. Lui qui est quelqu’un de régulier sur le terrain, qui ne va pas marquer mais qui fait un travail plus discret, je trouvais que c’était un peu dur au niveau des critiques de lui reprocher à lui plus qu’à d’autres alors que c’était un ensemble à ce moment-là qui faisait que Bordeaux était un peu moins bien.
On vient d’aborder le cas de deux joueurs qui ont baissé clairement de niveau une fois arrivés à Bordeaux. On se pose parfois la question qui endort l’autre : est-ce le club qui endort ses joueurs, avec la célèbre étiquette de Club Med que l’on donne au Girondins de Bordeaux ? Ou alors ce sont les joueurs qui endorment le club ?
Pour le coup, sur les deux joueurs que l’on a évoqué, je suis certain que ce ne sont pas ces joueurs qui endorment le club. Ce n’est pas dans leur caractère, ni à Youssouf, ni à Clément. C’est un secret pour personne, on sait que Bordeaux est une ville agréable où il fait bon vivre. Il n’y a pas de pression médiatique, ni de la part des supporters, il n’y a pas de pression négative, forte au quotidien. C’est vrai que de temps en temps les joueurs ont besoin de sentir cette sensation pour ne pas se laisser aller. Je pense que c’est le cadre de vie qui endort les joueurs et le club. Il y a des exemples qui montrent que l’on peut être capable de montrer l’inverse. Je pense que le fait que le club ait perdu l’ambition, ça crée moins de dynamique, de positif, de motivation.
Quel regard portez-vous sur la saison de Benoit Costil, voire même ses saisons depuis qu’il est arrivé aux Girondins ? D’ailleurs, c’est lui qui vous succède à Rennes, lorsque vous quittez le club breton pour Paris…
Exactement, il est arrivé juste après moi à Rennes. Il était très bon d’ailleurs, parce que moi je sortais de bons moments à Rennes et ce n’est jamais simple quand c’est comme ça. Et comme il n’en avait pas assez, il a retenté le truc en passant après Cédric (rires). Il ne s’est pas mis dans les situations les plus simples mais je trouve qu’il a plutôt bien géré. Que ce soit à Rennes et maintenant à Bordeaux, il a réussi à s’imposer, à être performant. Là, il est encore appelé en Equipe de France donc ça veut dire qu’il fait partie des meilleurs à son poste. Maintenant, on en revient toujours au fait de trouver la motivation : aller chercher le petit truc qui fait qu’on ne s’endort pas et qu’on arrive à transmettre à ses partenaires l’envie de gagner.
Benoit Costil était capitaine la saison précédente et depuis l’arrivée de Jean-Louis Gasset, il a perdu le capitanat au profit de Laurent Koscielny. Est-ce que vous comprenez cette décision de ne pas donner le rôle de capitaine à un gardien ?
Pour bien connaître Jean-Louis, il y a eu des rumeurs de départ de Benoît en début de saison, ce n’est pas simple de s’appuyer sur un capitaine qui est peut-être annoncé sur le départ. Que ce soit fondé ou pas, ce sont des discussions qu’ils ont dû avoir entre eux. Un capitaine est vraiment celui sur lequel on peut s’appuyer durant toute la saison pour se battre. Peut-être que Jean-Louis a eu des doutes sur l’investissement de Benoît avec ces rumeurs, je ne sais pas. Au-delà de ça, moi, j’ai été capitaine et je trouve mieux que ce soit un joueur de champ qui soit capitaine. Nous, les gardiens, on a la chance d’avoir cette liberté de parole. Quand on arrive à ce niveau-là, en pro, on a ce caractère qui nous permet de jouer et de s’imposer. Je sais que ces qualités, Benoît, il les a. Il n’a pas forcément besoin d’un brassard pour parler davantage ou s’investir plus. Autant que ce soit un joueur de champ qui puisse être le relais sur le terrain, parce quand on demande au gardien de traverser le terrain pour aller voir l’arbitre… tous ces trucs qui ne servent à rien, je trouve que c’est mieux que ce soit un joueur de champ. Les gardiens, on n’a pas forcément besoin de ça pour exister.
Bordeaux a eu des gardiens emblématiques dans son histoire : Dropsy, Huard, Ramé, Carrasso, Costil… Est-ce qu’il y en a qui vous ont marqué plus que d’autres ?
Le premier, on en revient à l’époque dont on a parlé. Dropsy, il me surprenait aussi par son style vestimentaire qui changeait complètement de tous les autres. Après, Huard qui a toujours son record d’invincibilité, quand je commençais à jouer à Toulouse et que je retrouvais Huard sur le bord du terrain pour une interview, c’était impressionnant pour moi. Je me disais « ce gars-là, il a le record d’invincibilité ». Et après, Ramé, ça a été le premier gardien pouvant jouer pied droit, pied gauche sans aucun souci. Après, c’était Cédric… Carrass’, on s’est croisé mille fois sur les terrains, on s’est retrouvé en équipe de France ensemble, j’ai joué avec son frère… Cédric, on ne connaît bien et on s’entend bien. C’était toujours un plaisir de le croiser.
On va aborder le match de ce weekend. Etes-vous d’accord pour dire que ces deux dernières années, le Stade Rennais, votre ancien club, a pris la place des Girondins de Bordeaux dans l’échiquier de la Ligue 1 ?
En tout cas, oui, le Stade Rennais s’est imposé comme un club qui joue le Top 5 chaque saison maintenant. C’est un club qui s’est imposé pour accrocher les places européennes, chose que Bordeaux faisait régulièrement avant. La tendance s’est inversée mais on sait que le foot est assez cyclique : aujourd’hui, c’est Rennes, demain ça va être Lille et après peut-être que la roue va tourner et que Bordeaux reviendra dans la course. Mais c’est vrai qu’aujourd’hui, Bordeaux a un train de retard sur Rennes.
Les Rennais accueillent Bordeaux ce vendredi, juste après la trêve internationale et avant d’accueillir Chelsea en Ligue des Champions mardi. Même si on imagine que les Rennais vont vouloir jouer les matchs les uns après les autres, est-ce qu’il y a un risque que les joueurs aient plus en tête cette grosse affiche européenne ?
C’est évident. On a beau dire « non, on prend les matchs les uns après les autres », on n’a pas le choix de toute façon. Mais le fait de dire que Chelsea soit dans les têtes dès ce weekend, c’est sûr parce que les joueurs vont espérer ne pas se blesser. Même s’ils vont jouer à 100%, ils auront peur d’une blessure, ils auront peur de rater ce match. C’est la première fois que Rennes joue la Ligue des Champions, c’est l’affiche à ne pas manquer pour eux. Donc, oui, ça va y jouer, ça va être dans leurs têtes, c’est évident.
Bordeaux de son côté est en difficulté, notamment à l’extérieur cette saison, où ils ont pris beaucoup de buts, principalement sur les derniers matchs. Pas de quoi faire peur à Rennes avec ce rendement actuel, non ?
Oui, mais à Bordeaux, il y a quand même de grands joueurs. C’est le retour d’Hatem face à Rennes. Jimmy revient dans son ancien club aussi, tout comme Benoît. Ça fait quand même pas mal d’anciens rennais qui sont du côté de Bordeaux. Généralement, quand on est ancien, même si on a passé de bons moments, on a une petite énergie supplémentaire pour essayer de gagner parce que ça fait toujours plaisir d’aller gagner chez son ancien club.
Comment voyez-vous cette rencontre ?
C’est difficile de dire que je vais voir un match ouvert avec Bordeaux cette saison. Pour l’instant, ils sont plus partis sur l’objectif d’être stable défensivement même s’ils ont pris beaucoup de buts. Le paradoxe est particulier, c’est étonnant. Je sais que Jean-Louis, pour avoir un peu discuté avec lui, attache une importance sur le fait que son équipe joue déjà bien défensivement avant de pouvoir bien se libérer. Mais avec les joueurs qu’il a, le talent, il l’a. J’espère qu’il s’est bien servi de cette trêve internationale pour gagner un maximum de confiance et pouvoir laisser un maximum de liberté à ses créateurs pour mettre des buts.
Un pronostic ?
Je ne vais quand même pas souhaiter une défaite des rennais (rires)… Un petit match nul après une trêve internationale, ça ne serait pas surprenant parce que Rennes a le match de Chelsea déjà dans la tête, des internationaux qui vont revenir. Je pense qu’un match nul de Bordeaux face à Rennes pourrait aussi leur permettre d’emmagasiner de la confiance et d’essayer d’enchaîner sur une série positive. Un match nul mais pas un 0-0, je n’ai pas envie de ne pas voir de buts. Un petit 2-2 !
Vous avez également joué au PSG qui est l’adversaire suivantdes Girondins, le week-end prochain. Comment Bordeaux peut essayer d’aller faire un résultat là-bas au vu des difficultés actuelles ? C’est difficile de redémarrer avec deux matchs à l’extérieur, sachant le nombre de buts pris ces derniers matchs…
Le match à Paris sera plus compliqué pour Bordeaux. Paris a déjà l’expérience d’enchaîner, de pouvoir gérer la Ligue des Champions et le championnat. Ils sont sur 8 victoires d’affilée, c’est assez énorme. C’est toujours difficile de s’imposer au Parc, mais il y a des équipes qui l’ont fait, d’autres qui n’étaient pas loin de réussir. Je pense que le match de Rennes sera important pour le déplacement à Paris. Si Bordeaux réussit à avoir quelque chose de positif contre Rennes, ça peut lui permettre d’espérer davantage pour le match contre Paris.