Bellion : “Tigana, du n’importe quoi”

    David Bellion revient dans la troisième partie de son interview interactive sur sa relation avec Jean Tigana. Propos du site officiel.

     

     

     

     

    Comment expliquez-vous l’échec de la saison dernière avec Jean Tigana ? De Fabien

    David Bellion : Si je commence à me pencher sur ce sujet… Il y a eu un problème entre nous et je n’ai pas encore tout dit sur notre relation. C’était n’importe quoi mais je ne parle que pour moi. Collectivement, c’est difficile à expliquer. Ce n’est pas une question d’entraînement, du contenu des séances. Malgré ce qu’il m’a fait, j’appréciais les entraînements. Je n’avais aucun problème de ce côté-là. Je connais des gens qui connaissent Jean Tigana. Il paraît qu’il est très différent dans la vie quotidienne que lorsqu’il est entraîneur. J’ai souvent entendu des personnes de la même génération que Jean Tigana le déclarer. Comme ils le disent, je veux bien les croire. Même mon agent le connaît un petit peu et me disait qu’il était différent dans la vie. Le management, je pense que c’est une histoire de psychologie. Il faut essayer de comprendre la personne en face. La France, elle a changé en 10 ans. Je sais qu’il a été champion de France avec Monaco en 1997. Aujourd’hui, ce n’est plus pareil. Je ne sais pas trop quoi vous dire mais je sais ce que j’aimerais dire. (Il souffle) En fait, les choses n’ont pas été dites sur ce sujet. C’est resté au niveau du vestiaire et très peu de gens ont osé parler pour le moment. Tout le monde a des traces de ce passage. Il était complètement hallucinant. Nous avons désormais un entraîneur qui tente d’effacer cela le plus rapidement possible. Cela ne me donne pas envie d’en parler aujourd’hui. Les autres joueurs ne parleront pas pour moi car personne n’a envie de revenir sur cet épisode mais ils savaient très bien que ma situation, par rapport à la leur, c’était n’importe quoi. Je donnerai peut-être les détails un jour mais pour le moment, j’essaye de mettre de côté et de vivre autre chose. Oublier, je ne pourrai pas.

     

     

    Tes coéquipiers t’ont-ils donné un surnom ? De Léa

    David Bellion : Oui, depuis très longtemps. C’est « Souley » qui m’avait donné ce surnom. Les joueurs m’appellent « Sakho » mais cela se prononce « Saro ». C’est le nom de famille de mon père alors que je porte celui de ma mère. Tout le monde me surnomme comme cela. Au Sénégal, le « KH » se prononce « R », comme dans les pays du Maghreb d’ailleurs.

     

     

    Quels sont les surnoms les plus marquants des joueurs bordelais ? De Clémence

    David Bellion : « Chameau » pour Marouane (rire). Je me souviens encore de la tête de Laurent Blanc quand il a entendu ce surnom. Je venais juste d’arriver au club mais tout le monde surnommait Marouane de cette façon. Laurent Blanc regarde Marouane et lui dit : « C’est toi que l’on appelle Chameau » ? Marouane lui répond oui. Laurent Blanc lui répond : « Et tu laisses appeler Chameau » ? Marouane répond encore par l’affirmative. Le coach lui dit : « Ok » avec une tête ! D’ailleurs, il m’appelait « Charles Aznavour ». J’avais chanté une de ses chansons en arrivant au club et c’est resté. Il m’a appelé Charles pendant 3 ans. Matthieu Chalmé, nous l’appelons le « Chacal » quand nous jouons à Mario Kart. Henri Saivet, c’est peut-être le mec qui a le plus de surnom dans l’univers ! Il s’appelle « Doug », le « Grand Doug », « Moundouk », « Saivinho »… Yoan Gouffran, je l’appelle « La Gouff » ou « Mon Cousin ». Avec Michaël Ciani, on fait un peu les Américains. On s’appelle « My Nigger ». On le fait car, apparemment, un Français ne peut pas le dire. C’est complètement ridicule. On le fait pour rigoler. Nous nous moquons tous les uns des autres. C’est pour cette raison que nous avons un bon vestiaire. Nicolas Maurice-Belay, nous l’appelons « Coco ». Nous n’avons pas encore trouvé un bon surnom pour Ludovic Obraniak mais « La Gouff » s’en occupe. Pour le moment, on l’appelle « Le Polak ». Comme Ludo est assez marrant, il est vite entré dans le jeu et Yoan, c’est un tueur ! Il y avait aussi Fernando qui appelait Wendel « Cabesa » ou « Chupa Chups » (rires).

     

     

     

    Qu’avez-vous ressenti après la victoire face à Lille [5-4] ? De Coraline

    David Bellion : C’était extraordinaire. Nous menons 4-1 puis Lille revient à 4-2. Je m’échauffais avec Matthieu Chalmé. Je le regarde et lui dit : « On est à Lille, une grande équipe. Je ne le sens pas. Même si nous menons 4-2, ça ne sent pas bon. » On voyait Lille revenir progressivement. De plus, c’est une équipe qui joue au ballon, qui ne panique pas. Voir une équipe ne pas paniquer alors qu’elle est menée 4-2, c’est toujours inquiétant ! A 4-3, j’ai regardé Matthieu. On avait un sourire crispé. A 5-4, on est sorti du banc. J’étais super heureux de voir Ludo marquer ce but décisif. La situation qu’il a vécue à Lille, je l’ai connue également, même à Bordeaux. Quand on ne joue pas, on espère montrer ses qualités. Là, il marque 2 buts contre son ancien club. Il a mis tout le monde d’accord. Personnellement, il y a aussi un peu d’envie par rapport à ceux qui étaient sur le terrain. En tant que joueur, on a toujours envie de jouer de telles rencontres. C’était tellement beau comme cela qu’il ne vaut mieux rien changer.

     

     

    Suivez-vous les résultats de Ligue 2 ? De Coraline

    David Bellion : Non, pas du tout. A part les matches de Barcelone, je ne regarde pas trop les matches. Il m’arrive de regarder certains matches anglais mais même Manchester United, je ne les regarde pas souvent. J’ai pourtant d’anciens coéquipiers qui jouent.

     

     

    Le football t’intéresse moins aujourd’hui ? De Quentin

    David Bellion : C’est le monde du football qui ne m’intéresse pas. Je dois faire l’amalgame. L’environnement du football, les commentaires, les débats à ne pas en finir… Je ne regarde pas la télévision. Les spécialistes, les analystes… Mais on analyse quoi ? Il y a un ballon, 22 joueurs qui tapent dedans… Je ne comprends pas pourquoi il y a tout cela. Je pense qu’il faut faire ce métier avec sérieux quand on a la chance de le faire mais il ne faut surtout pas se prendre au sérieux. Aujourd’hui, je trouve que cela devient vraiment n’importe quoi. Les droits TV, l’argent partout… Les joueurs gagnent beaucoup d’argent, attention, je ne crache pas dans la soupe. Cela dit, ce n’est pas moi qui aie demandé à gagner autant lorsque j’étais jeune. C’est l’offre et la demande. Si j’avais vraiment fait de l’argent une priorité, je ne serais plus à Bordeaux. J’ai reçu beaucoup d’offres depuis que je suis au club. Tout est une question d’équilibre. J’aime beaucoup ce club, j’essaye de donner tout ce que je peux. J’espère pouvoir revenir au niveau physiquement pour mettre tout le monde d’accord. Le monde du football ne m’intéresse pas.

     

     

    A contrario, penses-tu que tu auras plus de plaisir à regarder des matches lorsque tu auras terminé ta carrière ? De Julien

    Non, je ne pense pas. Tant que Barcelone jouera de cette façon, je les regarderais jouer. Je continuerai à voir des matches d’Arsenal parce que j’aime beaucoup ce que fait Arsène Wenger. Il lance toujours des jeunes. Je ne le connais pas mais il nage à contre-courant et j’ai toujours aimé les gens qui fonctionnaient comme cela. Que ce soit la philosophie du Barça, d’Arsenal, de Lille l’année dernière ou de Dortmund. Les gens qui sourient, qui proposent du jeu. J’aime quand les entraîneurs disent : « N’oubliez pas que vous faîtes un métier merveilleux ». Ces discours me plaisent car on ne se réveille pas pour aller à l’usine ! Je suis très humain comme joueur. C’est pour cette raison que je m’écarte du monde du football mais pas du jeu. De cette façon, je ne me laisse pas polluer. C’est simple, je ne lis rien et ne regarde rien à part Barcelone. Que les gens m’applaudissent ou pas, qu’ils me critiquent en bien ou en mal, peu importe. Ce qui compte, à mes yeux, c’est de donner du plaisir aux enfants, de voir leurs yeux quand ils viennent aux matches ou aux entraînements. Ils ne savent pas vraiment qui nous sommes mais ils sont là. C’est une image de mon enfance. J’allais moi aussi voir les pros. Être accessible pour les enfants, cela me touchera toujours. Pas le reste.

     

     

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