« Elle n’est pas belle la vie ? »


     

    Toujours de bonne humeur Domi, c’était sa phrase favorite… Il était l’ennemi du pessimisme et à chaque fois qu’il le fallait, il allait à la « gagne » ! Quitte à la provoquer cette chance, c’était pour lui la seule façon de relativiser une situation contraire ! Tout au long de sa carrière il a démontré cet état d’esprit… Malheureusement son dernier adversaire ne l’a pas épargné, pris à contrepied cette fois-ci… Car il y croyait encore selon sa force de caractère  !

     

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    Putain de camion disait-on pour un humoriste ! Putain de maladie dirons-nous pour Domi ! Deux témoins de générosité !…

     

    Sa dernière séance…

     

    https://youtu.be/O2a_4WuzK2c

     

     

    Il est donc parti sur la pointe de ses crampons, sans rien nous dire, réalisant un dernier transfert afin de rejoindre les dieux du football…

     

    Il n’y a pas de mot… Une énorme tristesse, en plus d’avoir été le plus grand portier que le club est connu, c’était un personnage attachant plein d’humour, généreux, toujours une bonne petite blague « pour la route » disait-il, d’une infinie gentillesse… j’ai peine à y croire… Il est parti voir les étoiles avec ses anges, gardiens comme lui !

     

     

     

     

    Habitué de la rambarde avec les anciens, lors de ses passages au Haillan, il ne manquait jamais de venir nous saluer… « Je viens voir mes amis » disait-il… Le club perd un homme cher qui aura marqué toute une époque… Un grand hommage doit lui être rendu et pourquoi pas en effet une tribune à son nom… ce serait légitime car tout le public l’aimait… à l’applaudimètre d’avant match, il faisait même quelques fois la pige au petit Prince de Lescure, c’est dire !

     

    Ses plus belles années, il les a passées ici, son cœur était définitivement en Aquitaine…

     

    Il mordait la vie à pleines dents, aimait la nature, les bons petits plats, les vignobles bordelais (passion qu’il partageait avec Girard, Lacombe, Specht entre autres) les chevaux, il en a même possédé pendant quelques années…

     

    Coté rectangle vert, c’était un parfait équipier, un modèle, d’une amabilité au-dessus de la moyenne, même pour ses adversaires… en exemple, une déclaration qu’il avait faite à l’issue d’un match à Nancy tout électrique sur un terrain de Marcel Picot qui recevait des projectiles en tous genres : « Le public nancéien s’est montré violent ce soir-là, mais je souhaite que les Lorrains retrouvent rapidement la Division 1 », l’arbitre de la rencontre ayant accordé un penalty à deux minutes de la fin… c’était cela Domi…

     

    Il aurait eu 64 ans le 9 décembre prochain, était né à Leuse dans le département de l’Aisne… Il a débuté sa carrière professionnelle à l’US Valenciennes Anzin en 1971. En 1973 , il quitte le Nord pour l’Alsace jusqu’en 1984… Il gagnera un titre de Champion de France avec ce club en 1979…

     

     

     

     

    Il honorera pendant cette période, 17 convocations en équipe de France et aurait pu compter davantage de sélections, mais un match éliminatoire du Mondial contre les Pays-Bas, en Mars 1981 où il encaisse un but des plus curieux sur un coup franc de 30 mètres d’Arnold Mühren, le ballon tape le poteau droit, heurte la nuque de Dropsy et ricoche dans le but ! Cette mésaventure lui coûtera sa place, ajoutée aux mauvaises performances de son club, il ne figurera même pas dans la liste des gardiens pour la Coupe du Monde en Espagne en 1982…

     

    Claude Bez le voulait… et quand le Président bordelais désirait un joueur il n’hésitait pas (comme quoi les temps ont changé !)…

     

    Sa première sortie officielle sous le maillot marine et blanc s’est passée le 17 Août 1984 lors du derby de la Garonne contre le Toulouse FC… Il démontra pour l’occasion qu’il serait un plus pour la défense, faisant preuve de sûreté dans ses interventions donnant ainsi à ses partenaires déjà une grande confiance… Bref c’était bien parti pour une longue route et quelle route… Jusqu’en 1990 en tant que joueur (il totalisera 596 matches de Ligue 1) et ensuite entraîneur des gardiens jusqu’en 2011…

     

     

    De gauche à droite Dropsy, Giresse, Bez, Delachet, Chaban-Delmas Maire, Rohr

     

     

    1984-1985-1986… Première saison aux Girondins et deuxième titre de Champion de France après Strasbourg, pour un coup d’essai = un coup de maître…

     

    Ce n’était que le début de son aventure bordelaise… Avec l’ambition d’un club à la hauteur de celle de son président, il manquait un trophée dans la vitrine : une nouvelle Coupe de France… Après celle remportée en 1941 contre le FC Fives ! 1986 fut la bonne année contre l’OM (2-1 AP)… du délire dans la capitale girondine au retour de nos héros, il a fallu l’arracher à Giresse cette coupe, dans un dernier effort, Domi a pu s’en saisir lors de la remontée de la gare St Jean jusqu’à la Mairie….

     

     

     

     

     

    On reconnaît de gauche à droite… Jacquet de profil, Tigana, Giresse (caché par la coupe), Dropsy qui réussira à attraper le trophée et le brandir) Pascal…

     

     

    1987 Le doublé historique des Girondins !

     

     

    Dominique Dropsy complètement à droite torse nu…

     

     

    Champion de France de Division 1, le quatrième et le troisième en quatre ans ! Que du bonheur, un stade bien garni pour cette 37ème journée contre l’AS Saint-Étienne, le titre au bout si la victoire est obtenue ! Du délire dans le stade grâce encore à Fargeon… Dominique Dropsy n’étant pas en reste en réalisant des parades au niveau de son talent ce qui signifiait que rien ne pourrait empêcher les girondins du sacre… Un public chaleureux, gâté par le spectacle proposé, rendait hommage à cette équipe girondine ! Que de la joie… Elle n’est pas belle la vie ?

     

     

    Dominique Dropsy au fond avec Léonard Specht…

     

     

    Mais il était dit que Bordeaux en voulait plus !

     

    Deuxième Coupe de France en deux ans et toujours contre le même adversaire, l’Olympique de Marseille et son président Bernard Tapie… Cette fois-ci sans prolongation (2-0) ! Sans bavure malgré un « Gigi » qui avait changé de camp !

     

    Le bilan de Dominique Dropsy en tant que joueur aura été plus que positif avec deux titres de Champion de France, dont un doublé, deux coupes de France, deux demi-finales européenne en 1985 en Coupe d’Europe des Clubs Champions contre la Juventus de Turin (0-3-2-0) ; seconde en Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupes en 1987 contre le Locomotiv Leipzig (0-1, 1-0, 5-6 aux t.a.b) !

     

     

    Entraîneur des gardiens

     

     

    Il quitte son statut de joueur en 1989… Il reviendra vite dans le milieu et devient entraîneur des gardiens toujours aux Girondins de Bordeaux en 1991… Mais doit interrompre son activité en 2005 pour cause de santé (rupture d’anévrisme) il a vu défiler de nombreux entraîneurs de Rohr (2 fois) en passant par Courbis (2 fois) Toni, Muslin, Stéphan, Baup, Pavon, Ricardo, Blanc, Tigana… Avec lesquels il a toujours entretenu de bonnes relations…

     

     

     

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    Bien évidemment les périodes Baup, Ricardo, Blanc auront été embellies par des titres entre les championnat de France, Coupes de la Ligue, Trophées des champions…

     

     

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    Il y a eu également les années sombres après le départ d’Elie Baup justement, il a répondu favorablement à Eric Bedouet (un autre serviteur du club) afin de l’aider à entraîner l’équipe en fin de saison 2005 qui était en mauvaise posture à la suite de l’arrêt pour cause de santé, de Michel Pavon

     

    La descente à l’échelon inférieur était même programmée mais, grâce au match nul obtenu contre Marseille à la dernière journée cela a permis d’éviter le pire… ainsi le tandem Bedouet-Dropsy a su redonner l’envie à un groupe en pleine déconfiture…

     

    Le générosité de Domi a donc fait son œuvre encore une fois… Les bouchées doubles, le bleu de chauffe il connaissait… Pompier de service en toute discrétion c’était dans sa nature… C’était l’homme du consensus… La passion qu’il a su transmettre à ses proches et en particulier à Damien son fils, gardien comme lui… formé à la CFA, il est venu grossir les rangs professionnels alors dirigés par Ricardo sur la demande de ce dernier… Domi ne lui a pas, pour autant, fait de cadeaux loin s’en faut… Le travail, c’était le travail !

     

     

     

     

     

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    Dropsy et le fiston

     

     

    Depuis sa dernière séance (en avril 2011), sa silhouette nous manquait, ses coups de gueule aussi non pas méchants mais constructifs envers ses gardiens !

     

    Après les séances il venait de temps en temps discuter avec les supporters (« les habitués » disait-il), plaisantait avec Coco le perroquet (« quand est-ce qu’on le bouffe ? ») avec les jumeaux pour lesquels il avait de l’affection… et puis surtout la blagounette du jour (« une dernière pour la route »)…

     

    Après son premier séjour à l’Hôpital, sa première sortie a été pour la plaine du Haillan… Il était ravi, il avait bien récupéré et se disait confiant pour l’avenir… Il avait ce jour-là convié une bonne partie du personnel soignant de Haut-Lévêque à une visite guidée… heureux de se retrouver dans son univers… ensuite il a fait visiter toutes les installations, les vestiaires, le château, la boutique… Il était fier il avait raison de l’être…

     

     

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    Les anecdotes bien sûr

     

    Il avait surtout quelques commentaires à faire sur certains arrivants, comme Savio par exemple qui venant juste de descendre de l’avion avait chaussé en suivant les crampons pour son premier entraînement avec ses nouveaux coéquipiers…

     

    Rien que par les expressions de son visage cela laissait apparaître de l’admiration pour ce brésilien… en secouant sa main, Domi donna ensuite le geste à la parole : près de lui derrière la rambarde (les grillages n’existaient pas encore) il me dit « Tu as vu ce qu’il a fait sur un mètre, il a éliminé 3 mecs ! C’est du délire… Il va nous faire du bien celui-là ! » .

     

    Une autre fois c’était un gardien qui était venu à l’essai… Domi ne connaissait même pas son nom… Trop fort, il arrêtait tout et quand Domi frappait – il frappait, il ne faisait pas semblant – même à bout portant avec un poignet ferme ce gardien détournait le ballon !

     

    À la fin de la séance, Domi vient pour discuter… Je lui dis « C’est le fils au commissaire Broussard ? Il arrête tout ! D’où il sort ? ». Il me répond en souriant « Je ne sais pas, on m’a demandé de le faire travailler, aux dernières nouvelles ce serait un Camerounais… mais on m’a dit aussi qu’il est Arménien, on ne sait même pas quel âge il a  ! ».

     

    Le lendemain on apprenait qu’il s’appelait et qu’il s’appelle certainement toujours Apoula Edel... Dans les mois qui suivront, il signe au PSG, il était effectivement Arménien tout en jouant dans l’équipe Nationale du Cameroun ! Il y a eu ensuite polémique sur son âge…

     

    Denilson l’avait également impressionné de par ses facilités techniques ses dribbles, ses jongleries, sa bonne humeur également… Un véritable clown parfois…

     

    Question tactique également, il nous répondait quand on lui demandait pourquoi Carrasso ne mettait jamais un défenseur au premier poteau : est-ce raisonnable ? « Ce n’est pas une obligation, un gardien c’est le patron, certains gardiens ne désirent pas de joueur au premier poteau… D’autres un seul mais au second… Tout est ouvert suivant le ressenti de chacun ! »…

     

    Un événement au château… Le toit envahi par un vol de cigognes ! Ce soir-là, la nuit tombait après la séance d’entraînement au moment de prendre nos voitures, ce vol d’échassiers a surpris tout le monde dont Dominique Dropsy qui se croyait revenu en Alsace ! « C’est incroyable j’en arrive de vacances, elles me suivent ou quoi ? »

     

     

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    Domi tu nous manques déjà ! Mais tu n’es pas perdu pour tout le monde… Claude Bez a dû créer une grosse équipe là-haut, il a dû te dire en te recevant : « Tape dans la main »…. Tu nous feras un signe n’est-ce pas ? C’est souvent qu’on va regarder au-dessus de l’église du Haillan !

     

    En tout cas saches que nous allons nous battre pour cette tribune Dominique Dropsy, dans un virage évidemment pour les cages, pour qu’on puisse dire : ce soir on va chez Domi, on ne va pas s’en prendre puisqu’il est toujours là, avec nous !

     

    Francis dit Napeso