De Tavernost et le Qatar
Dans une interview accordée au quotidien Le Monde, Nicolas de Tavernost est revenu en détail sur l’arrivée des fonds en provenance du Qatar dans le championnat de France, et plus particulièrement au PSG. L’actionnaire des Girondins de Bordeaux espère l’instauration de règles pour retrouver l’équité du championnat.
Al-Jazira chamboule la Ligue 1 avec ses investissements dans le Paris Saint-Germain …
Le statut de Paris était anormal, le club n’avait pas toujours été bien géré. Il fallait mettre du pétrole dans la machine, si j’ose dire. Mais le rachat du PSG est une mauvaise affaire pour les autres grands clubs français parce qu’il leur enlève toute rationalité économique. Par exemple, tous les efforts de Lyon pour être le numéro un du foot français deviennent obsolètes. Les clubs français risquent se devenir la proie des propriétaires étrangers. Ce n’est pas très réjouissant. C’est pour cela que l’on veut s’affranchir de cette situation.
Mais comment vous prémunir de l’appétit de grands groupes ?
Nous avions repris Bordeaux pour être à la table du sport, parce que France Télévisions et des chaînes comme TF1 nous en avait écarté. Même si nous continuons à être attachés à Bordeaux, nous avons souvent dit que si un partenaire venait nous aider à développer le club, nous regarderions cette opportunité.
Est-ce à dire que vous songez à vous désengager de Bordeaux ?
Non, mais nous demandons qu’il y ait des règles pour rétablir une compétition équitable, sinon le championnat de France sera fortement destabilisé.
Avez-vous déjà des partenaires en tête ?
Nous n’avons pas cherché. Mais si d’autres clubs comme le PSG venaient à être vendus, nous serions contraints de le faire.
La saison prochaine, les français devront s’abonner à Canal + ou Al-Jazira pour voir des matches de Ligue des Champions. Que vous inspire cette nouvelle donne ?
Le sport va se réduire dans les chaînes privées au profit de la télé payant. On a eu la concrétisation avec les droits de la Ligue des Champions (CA) qui sont passés du clair au crypté. Aucun événement sportif n’est rentable sur une chaîne gratuite. C’est l’évènement structurellement le plus déficitaire. Il y a pourtant un avantage avec le sport, c’est l’EPO des télés, de l’audience immédiate. Mais cette EPO coûte très cher. Le montant des droits de la Ligue 1 (660 millions d’euros), c’est deux fois le budget annuel de M6.
Les chaînes en clair ne tenaient-elles pas à diffuser du sport pour renforcer leur image ?
Ce n’est plus autant le cas. Le sport n’est même plus un produit d’appel. Pour TF1, la CA est devenue un problème: la chaîne perdait de l’argent et l’audience des matches faisait moins que la moyenne des « prime-times » (5,5 millions de téléspectateurs). Se séparer de la C1 n’a pas été une si mauvaise affaire pour TF1. Aujourd’hui, avec la compétition, l’éparpillement des chaînes, l’augmentation des droits, les chaînes en clair gratuites ne peuvent plus se permettre d’acheter des évènements à perte: elles n’ont ni les moyens, ni la volonté d’accéder aux grandes compétitions sportives. Le marché des droits ne s’est jamais ajusté, il n’a jamais baissé. L’arrivée d’Al-Jazira a fait monter les prix. Ce qui pose problème à Canal +. Même si Canal a fait une bonne affaire en remportant une partie de la Ligue des Champions, les droits de la C1 ont doublé en France, on les estime à 100 millions d’euros.
Allez-vous arrêter le football sur M6 ?
Nous allons continuer à proposer quelques évènements, si les prix sont raisonnables. Nous avons fait une offre commune avec TF1 pour se partager l’Euro 2012 et l’Euro 2016. Canal + aura l’obligation de diffuser la finale de la Ligue des Champions en clair: si elle est vendeuse, nous serons très intéressés. Nous sommes dans un système où le sport business est à son paroxysme. Les français devront payer pour regarder le sport ou les matches qui les intéressent, comme le font déjà les Allemands, les Italiens, les Espagnols, les Anglais.