InterviewG4E. Philippe Fargeon : « Les trophées sont de plus en plus rares à récupérer au niveau national, c’est le match de l’année pour Bordeaux »

    On se retrouve aujourd’hui pour la seconde intervention de notre consultant Philippe Fargeon. Lors de cette nouvelle rubrique, l’ancien buteur des Girondins de Bordeaux est revenu sur les rencontres de Nice et d’Angers, le prochain match face à Dijon, ainsi que d’autres sujets d’actualité comme les transferts ou les polémiques autour de l’arbitrage. Amis lecteurs, c’est à vous de jouer ! 

    Philippe Fargeon

    Commençons par un rapide bilan des deux derniers matches des Girondins, à Nice et à Angers.

    « C’est marrant car on a un premier match où nous avons des occasions et on perd, et un autre où nous n’avons pas forcément d’occasions et on gagne. C’est la beauté du football. On ne méritait pas la défaite à Nice et je ne suis pas sûr que l’on mérite la victoire à Angers. C’est la preuve que le football a ses surprises. C’est bien la preuve que lorsque l’on a des occasions, il faut les mettre au fond. C’est ce qui a manqué à Nice, et c’est ce qui a été mieux fait au niveau du match contre Angers. Cela remet les choses en place, donc c’est bon. Les équipes qui réussissent ont toujours l’opportunité de faire la différence. C’est ce qu’a fait Bordeaux contre Angers, et ce qu’ils n’ont pas su faire contre Nice. C’est un peu les grandes équipes, vous avez une opportunité avec un grand joueur qui peut faire la différence, le buteur notamment. Cavani l’a fait pendant quelques années, Ibrahimovic au départ. Le concret c’est qu’à un moment, lorsque vous avez un buteur capable d’enchainer les buts devant toute la saison, vous savez qu’il peut marquer à n’importe quel moment, à l’image de ce but venu de nulle part face à Angers à la dernière minute ».

     

    Prochaine échéance face à Dijon. Comment voyez-vous cette rencontre ?

    « On se doit de gagner maintenant que l’on est sur une dynamique pas trop mal. On est quand même qualifié en demi-finale de Coupe de la Ligue même si nous avons perdu en Coupe de France contre la même équipe de Ligue 2. Je pense que c’est important de se retrouver en demie, avec une échéance, même si Strasbourg est difficile à jouer, de jouer une finale. Des déceptions par rapport à Nice mais un bon redressement face à Angers donc l’arrivée du match contre Dijon est l’opportunité de continuer sur cette lancée. Cela replace l’équipe si jamais elle s’impose contre Dijon ».

     

    Dijon

     

    Malgré ce redressement, forcé est de constater qu’il y a une inconstance des résultats. Comment expliquer cette tendance en dents de scie ?

    « Cela s’explique déjà par le fait que l’on ne met pas à fond certaines occasions que l’on a. C’est toujours plus difficile de s’imposer, voilà le problème que l’équipe a rencontré contre Nice. Il y a des équilibres qui se trouvent. On est dans une période un peu particulière, car il y a des transferts, avec des mouvements compliqués à gérer. Il y a la vérité du terrain ensuite, l’on doit engranger des points en championnat. Aller gagner à l’extérieur c’est bien, maintenant il faut continuer, car ce serait dommage de ne pas faire un résultat contre Dijon ».

     

    La situation de François Kamano est bloquée. Le joueur veut partir, le club en demande plus. Comment cela va se terminer ?

    « Aujourd’hui, je pense que tous les clubs sont confrontés à cette situation. C’est le bras de fer, sauf que Kamano n’est pas dans sa dernière année de contrat, il ne faut pas qu’il l’oublie. C’est un accord à trouver. Moi, je ne connais pas la politique du club après tout. Je ne sais pas ce que les nouveaux dirigeants veulent faire de ce club. Est-ce qu’ils veulent garder les meilleurs et faire des coups comme vendre Kamano à 20-25 millions ? Ce que je peux comprendre. Soit, ils veulent le garder pour se faire un équipe. Est-ce que l’on veut vendre les meilleurs, comme M6 l’a fait pendant un certain temps ? Et nous aurions toujours les mêmes soucis. Ou est-ce que l’on a l’intention de garder de bons joueurs un peu plus longtemps de manière à les vendre plus chers ? Mais aussi qu’ils puissent permettre à Bordeaux de jouer un peu plus haut qu’ils ne jouent ces derniers temps. Il faut donc connaitre la politique du club. Ils sont arrivés avec plein d’ambition, et tant mieux, cela fait plaisir. Il faut que cela se concrétise par des actes. On peut aussi garder les meilleurs en profitant de certaines opportunités. Un joueur très demandé, même s’il est très bon, cela ne me dérange pas qu’on le vende. Il faut évidemment derrière que l’on ait l’argent pour acheter un joueur en devenir ou d’avoir un œil sur quelqu’un. C’est vrai que c’est encore tôt, ils viennent d’arriver, il y a les premiers transferts et toute une organisation qui doit se mettre en place ».

     

    Jimmy Briand, François Kamano, Yann Karamoh

     

    Garderiez-vous Yann Karamoh en fin de la saison ?

    « Pour l’instant, il fait un bon début. C’est agréable les joueurs comme ça. Le danger que l’on a connu jusqu’à maintenant, c’est que nous avions des joueurs qui faisaient une bonne saison, deux bonnes saisons, et on leur demande de partir. Derrière, ils brillent dans d’autres clubs. C’est un peu dommage, il faut connaitre la politique du club. On respecte la politique ensuite, si c’est former des jeunes pour que derrière on puisse les revendre après avoir joué quelques matches dans l’élite à l’image de Lyon, moi ça m’irait très bien. Il faudrait que l’on ait une organisation en interne qui fonctionne pour cela, c’est ce qui manque aux Girondins depuis des années. On peut changer le coach, les joueurs, tant que l’organigramme est toujours le même, ça ne changera pas les résultats. Est-ce que l’on veut former des jeunes ? Est-ce que l’on veut se rapprocher des clubs voisins, dans la Ligue Aquitaine qui est la plus grande ligue pour aller chercher des joueurs pour qu’ils viennent jouer chez les Girondins ? Soit cette politique-là, soit une autre avec des joueurs qui jouent une saison et demi ou deux saisons, et les revendre direct. Il faut bien définir cela. C’est l’avenir des Girondins qui est en jeu ».

     

    Un mot sur le tirage de Coupe de la Ligue contre Strasbourg, pas si évident que ça ? En cas d’échec, le sixième place ne serait en plus pas qualificative…

    « Non, ce ne sera pas évident d’aller gagner là-bas, mais c’est une demi-finale. Strasbourg est en pleine forme sur ces dernières semaines, et aller là-bas ce ne sera pas facile. Ils ont un très bon entraîneur, quelqu’un d’adorable en plus, cela va de pair. C’est une compétition que l’on a déjà gagnée, on a ce coté expérience, c’est un atout exceptionnel. Paris étant éliminé, ça peut être quelque chose de magnifique à faire. Surement le match le plus important de l’année, on doit s’y préparer. Si on atteint la finale, c’est une saison réussie. On peut aussi parler du coach, il fait de bons résultats. Je trouve que c’est bien, on commence à voir quelque chose de concret, une identité dans ce club […] Gagner un trophée, cela s’inscrit sur les murs d’une ville ou d’un club. Et ça, on ne l’enlève pas. On ne se rappellera pas forcément qu’ils ont terminé sixième mais on se rappellera qu’ils ont terminé quatrième et qu’ils pourront jouer l’Europa League grâce au championnat. Mais cette saison-là, on se souviendra surtout que Bordeaux a gagné une Coupe de la Ligue. Aujourd’hui, les trophées sont de plus en plus rares à récupérer au niveau national. Ils sont raflés par le Paris Saint-Germain depuis quelques années. Il y a une opportunité cette année, c’est pour cela que je pense que c’est le match le plus important de l’année, depuis déjà très longtemps chez les Girondins de Bordeaux ».

     

     

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    Benoit Costil en est à 7 penaltys arrêtés sur 15 depuis son arrivée aux Girondins il y a un an et demi. Comment jugez-vous cette performance ?

    « On a l’impression de Benoit est un joueur qui marche aux sentiments, car il est exceptionnel et souvent décisif. Il l’a encore été ces derniers jours. Quand il est en pleine confiance et que l’équipe fonctionne, il est présent à chaque fois. A un moment, il a été critiqué. J’ai souvent été proche des gardiens parce que l’on a le même rôle avec les buteurs. On dépend tellement de l’équipe, que l’on brille si jamais ils sont bons. Il y avait un gros déséquilibre défensif jusqu’à ce que Pablo arrive. Il est redevenu le Benoit Costil que l’on connaissait. Arrêter des penaltys c’est aussi une question de confiance, mais aussi de travail. A ce niveau-là, il doit connaitre tous les tireurs avec une vidéo pour savoir de quel côté il faut plonger. Il doit avoir la sensation de tous gardiens, comme les buteurs devant un but, de vouloir plonger au bon moment. C’est la preuve des grands gardiens […] C’était une très bonne chose de l’avoir nommé capitaine, à un moment où il était en plein doute et surtout de le préserver. C’était très important, il était dans une période difficile. Quand le coach est arrivé, il l’a maintenu capitaine et c’est aussi une preuve de confiance. C’est un des postes les plus importants au niveau de la confiance. Sans confiance, vous doutez sur vos compétences de gardien vous doutez sur vos sorties, sur vos reflexes, et vous devenez l’ombre de vous-mêmes ».

     

    On était plutôt optimiste avec l’arrivée de la VAR, et l’on voit que finalement, l’arbitrage peut être tout autant polémique…

    « C’est compliqué, car à partir du moment où on a décidé de faire une chose comme ça, on est champions du monde aussi grâce à elle, il ne faut pas l’oublier. Il y a un juste milieu et un équilibre à trouver. On ne peut pas rester six ou sept minutes à attendre la décision pour savoir s’il y a penalty ou pas. Je suis pour que l’erreur d’arbitrage fasse partie du jeu. Même avec cette vidéo et cette manière d’arrêter le jeu et de regarder, on doute encore. Il nous arrive même d’hésiter avec les images vidéos, j’ai entendu certains commentaires disant qu’il y avait penalty, d’autres non. Il y a des cas bien particuliers, et il faudrait trouver un juste milieu. Il ne faut pas que ce soit trop long, il faut arrêter de demander la vidéo sur chaque action ou doute. Sur chaque corner, il y a penalty finalement. Si vraiment on respecte la règle et que l’on regarde les images, il y a toujours quelqu’un qui accroche. Si l’on commence à partir là-dedans, on n’aura plus du tout le même jeu. Est-ce que l’on veut le garder ? C’est une autre paire de manches. On se rend compte qu’elle ne donne pas forcément la réponse juste, ou en tout cas nous ne sommes pas forcément d’accord avec la version qu’elle donne ».

     

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    Dernier sujet d’actualité : le report des matches. Cela peut-il avoir une incidence sur la forme physique des joueurs ?

    « D’abord, ce sont des professionnels, ils peuvent s’adapter. Un pilote d’avion, quand on lui dit qu’il décolle dans une heure car il y a trop de brouillard, il ne se pose pas la question s’il va amener l’avion à bon port. J’ai connu une période où je jouais en Suisse, avec des températures basses et la neige, nous avions six matches de retard par rapport au leader. Avec des matches à deux points à l’époque, nous avions dix points de retard. Cela peut paraître énorme, mais cela ne nous a pas empêchés de finir devant eux et de gagner les six matches. Chaque entrainement peut être remis en cause. Vous revoyez l’état des joueurs, mais ce sont des professionnels. Ils doivent être présents, aptes, si ce n’est pas samedi, c’est le dimanche. Je me souviens avec Toulon, nous avons joué un match, initialement prévu le samedi soir, on a joué le dimanche à 14h. On a gagné 2-0, j’ai fait mon doublé donc voilà. Il faut s’adapter. Si ce n’est pas possible, il y a une raison, ce sont des termes de sécurité. On ne peut pas remettre en cause le fait de prendre des décisions comme ça ».

     

    Merci à Philippe Fargeon pour sa disponibilité et sa participation à cette rubrique.