InterviewG4E. Philippe Fargeon : « Je trouve ça dramatique que les joueurs ne soient pas au niveau physiquement au mois de mars »
A la veille d’affronter le Stade Rennais, nous avons voulu faire un point sur l’actualité des Girondins avec notre consultant Girondins4Ever Philippe Fargeon. En effet, de l’éviction de Ricardo jusqu’à l’arrivée de Paulo Sousa, en passant par la situation d’Eric Bédouet et ce fameux match face aux bretons, nous avons décortiqué ensemble certains débats concernant les bordelais. Amis lecteurs, c’est à vous. Interview.
Philippe, on a enfin vu de l’envie, de la solidarité, lors de ce match contre Monaco, et aussi une VAR qui nous est enfin favorable. Qu’avez-vous pensé de cette rencontre ?
« Lorsque vous êtes dans une période sans entraîneur, il y en a qui veulent se montrer automatiquement. Et il y a en a d’autres qui ont l’opportunité de devenir titulaire. Mais également, quand vous jouez face à Monaco, il y a une belle équipe, il ne faut pas l’oublier. Une équipe quasiment reconstruite à la mi-saison. Monaco, c’est toujours particulier, c’est une ville magnifique, et on a toujours envie d’être le meilleur. C’est un club qui peut s’acheter des joueurs et qui peut payer des joueurs, donc on a envie quand on est joueur de montrer face à cette équipe. Ce sont les multiples raisons à ce bon match des Girondins. Il faut maintenant continuer, avec ce nouvel entraîneur, les dés sont jetés. Quand vous avez un entraîneur et que vous avez du mal à vous imposer ou que vos entrées ne sont pas forcément satisfaisantes, l’entraineur a plus tendance à vous laisser sur le banc. Avec un nouvel entraineur, une nouvelle chance s’offre à vous. L’avenir, c’est de se sauver et de préparer l’année prochaine. Tous les joueurs doivent être au diapason de ce que veut faire l’entraineur. Il va peut-être apporter des modifications tactiques, sur le système de jeu. L’avantage d’avoir des profils similaires, c’est que cela offre plusieurs possibilités ».
Pour vous, ce penalty pour la main de Radamel Falcao est-il justifié ? Car même si évidemment la main n’est pas intentionnelle, derrière il y a deux bordelais et donc potentiellement une occasion de but…
« Le problème des penaltys aujourd’hui, c’est que l’on va devoir définir des règles. On pensait que la vidéo allait tout arranger, mais c’est tout l’inverse. Les règles ne sont pas définies, entre les fautes volontaires, involontaires, des mains volontaires, involontaires, des tirs cadrés, non cadrés. La décision se fait sur une fraction de seconde. J’ai tendance à dire que la décision est plus juste instinctivement, que lorsque l’on commence à réfléchir. Les interprétations sont toujours différentes avec la vidéo. Si vous regardez, dans 50% des cas, les gens ne sont pas d’accord même après avoir vu la vidéo. Avant, on commentait l’action de but. Maintenant, on commente l’action et la vidéo, et en plus on n’est pas d’accord. Il faut donc bien définir un penalty ou autre. Dans ce sport, l’erreur humaine fait partie du jeu ».
Le club a finalement décidé de se séparer de Ricardo. Pensez-vous qu’il s’agisse d’un intermède raté ?
« C’est compliqué… Ricardo est arrivé après l’ère Poyet, même si on n’a pas tout compris et on ne saura jamais le fin mot de l’histoire. Toujours est-il que l’on est allé chercher Ricardo, qui n’a pas les diplômes français, qui ne pouvait pas faire partie des conférences de presse, qui ne pouvait pas intervenir sur le banc. Je n’ai pas compris l’intérêt d’aller le chercher. Qui va se rappeler de ce passage ? On ne l’a pas vu. C’était Bédouet qui était là, aux interviews, sur la touche. Pourquoi être allé le chercher alors ? L’on va nous répondre qu’il connaissait le club. C’est sûr, il le connait neuf mois de plus maintenant. C’est un constat. De plus, on a des entraîneurs en-dessous, je pense à Dogon, à qui l’on peut donner une chance. On a quand même de bons résultats en Gambardella. Passons à autre chose maintenant ».
Ces dernières semaines, Eric Bédouet a reçu de nombreuses critiques, notamment à cause de son discours. Trouvez-vous ça normal qu’il soit conservé dans le staff ?
« Je trouve ça normal dans le sens où nous avons tout un staff qui arrive et Bédouet est là depuis des années, il connait le club, il a joué le pompier à nombreuses reprises avec des résultats assez intéressants ne l’oublions pas. Je pense que c’est normal qu’ils le conservent dans le poste qu’il occupe actuellement. Ils lui trouveront ensuite une place ensemble. Peut-être qu’il restera là, ou plus sur les jeunes. Ce sera à eux de décider après une période d’adaptation et de travail en commun. Ce ne serait pas logique que l’on remercie Bédouet à l’arrivée du nouveau staff. On voit d’abord comment cela se passe et on règle ça plus tard ».
Que pensez-vous de l’arrivée de Paulo Sousa, lui qui signe pour trois saisons et demie ? Il n’arrive pas seul, mais avec un staff de quatre personnes, ce qui fait forcément penser à du professionnalisme chose qui nous manquait peut-être dans ce club familial ?
« Déjà, j’espère de tout cœur qu’il restera trois saisons et demie, cela voudra dire que ça marchera (rires). Il y en a beaucoup qui ont signé pour longtemps et qui ne sont pas restés longtemps. Il vient avec son staff, c’est une bonne chose. J’ai beaucoup aimé son discours à son arrivée, de combattant, c’est ce qui nous manque. Aujourd’hui à Bordeaux, on a cette facilité à être bien. Les joueurs sont bien, sans stress. On n’a plu vraiment de visibilité, on ne parle plus des Girondins, les gens sont déçus. Donc lorsque l’on a quelqu’un qui parle de gladiateurs et de s’aider les uns les autres, cela m’a beaucoup plu. Il a aussi parlé du grand Bordeaux et cela fait longtemps que l’on n’a pas entendu ça. Et surtout d’en parler au futur. On l’entend au passé encore, plus au présent et encore moins au futur. On a maintenant un entraîneur qui arrive et qui en parle, moi ça me plait. Du professionnalisme, c’est ce qui manquait à ce club. Au bout d’un moment, quand on est dans la même organisation, toujours les mêmes, années après années, cela ne changeait pas, ni ceux qui prenaient les décisions, il y a une lassitude qui se crée. La lassitude, c’est à l’encontre de la sérénité. Quel que soit le métier, quand on s’assoit, que cela fonctionne pendant des années, il y a de la lassitude. Il faut des changements radicaux, pas en douceur. Il faut donner un gros coup de pied dans cette fourmilière, et c’est ce qu’a l’air de faire cet entraîneur. Et tant mieux ».
Etes-vous est d’accord avec Paulo Sousa quand ce dernier dit que les joueurs ne sont pas au niveau physiquement ?
« Je trouve ça dramatique. Dans une saison de football, il faut être bon en mars-avril-mai. C’est dans ces moments-là où on joue des finales. En ce moment, nous sommes au niveau des quarts et des demies, on peut le voir au niveau européen. Je ne peux pas comprendre qu’on ne puisse pas être en forme au mois de mars. Il y a une erreur, quelque chose qui s’est mal passé. Ils ont une organisation en interne, ils ont un staff, un préparateur physique. On ne peut pas dire que c’est le nombre de matches car certains ont joué plus qu’eux. Ils sont professionnels, ils ne font que ça, à un moment on ne peut pas se plaindre de faire trois matches dans la semaine. Il n’y a rien de plus beau que de jouer tous les trois jours, c’est magnifique. On se donne à fond, et on récupère pendant les entraînements. Quand un entraîneur arrive au mois de mars en décrétant que l’équipe n’est pas prête physiquement, c’est qu’il y a maldonne. Et honnêtement, je pense que le lien direct que l’on peut faire avec Eric Bédouet, le préparateur physique, est trop facile. On peut aussi citer le staff médical dans ce cas-là ».
Que vous inspire la probable arrivée d’Eduardo Macia au poste de recruteur ?
« Cela me fait sourire et très plaisir. Cela fait des mois, dans vos colonnes d’ailleurs, que je dis que l’on a un problème à ce niveau-là. Cela ne veut pas dire que ceux en place sont incompétents, mais il n’y a pas de résultat. On mise sur les jeunes, mais il n’y a pas beaucoup de jeunes issus du centre que l’on a vendus plus de 30 millions… Quand on veut sortir des jeunes, il faut les former, les garder un certain temps, les faire jouer en pro, qu’ils fassent d’autres saisons et après qu’ils soient vendus. Pour ceux qui étaient en place, ils avaient aussi peut-être des filiales un peu fatiguées et usées. Il faut relancer avec quelque chose de nouveau, d’autres filiales, d’autres possibilités. On a la plus grande Ligue de France, la Nouvelle Aquitaine. Ce qui veut dire que l’on devrait avoir le plus grand potentiel de joueurs jeunes, c’est logique. Combien de joueurs qui ont signé aux Girondins sortent après ? Pas beaucoup. Pourquoi les joueurs qui habitent à Agen ou Tarbes vont jouer en Espagne ? Ce sont ces voies-là qui ne fonctionnent plus. On ne peut pas dire que l’on privilégie la formation des jeunes sans avoir de jeunes qui réussissent aux Girondins. Certains réussissent une ou deux saisons et ils partent pour faire les beaux jours d’autres clubs de Ligue 1. Aucun grand joueur que l’on a formé. Je ne sais pas si cela vient du centre de formation ou de la cellule de recrutement, mais ce n’est pas normal. Nous ne sommes en concurrence qu’avec qu’un seul club en Ligue d’Aquitaine, Niort. Sur la Cote d’Azur, vous avez Nice, Monaco, Cannes, Marseille, tout ça ».
Pensez-vous que le résultat de Rennes à Arsenal puisse avoir une incidence sur le match de dimanche, et à quels niveaux ?
« C’est un match où nous pouvons faire quelque chose, pour une bonne raison : on a un nouvel entraîneur. Tout le monde aura envie de se faire voir. Et comme ce nouvel entraîneur a voulu des combattants, tout le monde va vouloir se battre. On va tomber contre Rennes, qui a fait un bon match aller en Coupe d’Europe c’est dommage. Ils ont fait un non-match à l’arrivée, ils vont être déçus, il y aura surement un contrecoup. Il y aura un coup à jouer, mais Rennes a aussi besoin de points car ils ne sont pas si mal que ça. Cela va être un match intéressant car nous allons avoir des joueurs qui vont se battre grâce au nouveau coach ».