InterviewG4E. Philippe Fargeon : « Ce n’est pas sur les matches de préparation que l’on peut juger une équipe »

    Cette fois-ci, nous n’avons jamais été aussi proches de la reprise des Girondins de Bordeaux pour une nouvelle saison, 2019-2020. Alors, pour bien la commencer, nous avons demandé à notre consultant, Philippe Fargeon, de revenir sur les dernières actualités du club bordelais. Transferts, Hwang Ui-Jo, Laurent Koscielny, matches de préparation, loft, huis-clos, Malcom, Angers… Rien n’est oublié ni laissé au hasard. Merci à Philippe pour ce moment, que nous vous partageons. Interview. 

    Jules Koundé est parti du club contre 25 millions d’euros, alors que les dirigeants annonçaient vouloir conserver leurs meilleurs jeunes, pour construire autour d’eux. Est-ce que vous comprenez ce départ ?

    Il y a une stratégie qui est que ce n’est pas parce que l’on dit que l’on va garder untel, que les opportunités parfois se présentent et que l’on n’est pas sûr de les retrouver un jour. Il y a des moments effectivement où parfois il faut savoir lâcher du lest. Ils sont en train d’apprendre et là ils ont peut-être appris qu’il ne fallait pas parler trop vite. Il faut plutôt dire qu’effectivement, on aimerait garder les meilleurs joueurs, sauf si une opportunité intéressante se présente. Et après, là, il faut définir quelles sont les opportunités intéressantes de celles qui ne le sont pas.

     

    L’avantage de ce transfert, couplé avec celui de Lukas Lerager (7M€), est que le prochain déficit sera comblé par cette somme. C’était peut-être là aussi une bonne opportunité de le vendre…

    Oui, voilà. Les nouveaux dirigeants viennent d’arriver, ils ont quand même eu des problèmes avec la DNCG donc je pense qu’effectivement, c’est intéressant au bout d’un moment de pouvoir équilibrer les comptes. Maintenant ils démarrent sur une zone plus simple. C’est un club de foot, donc les comptes sont importants, tout comme le sont les résultats et les prestations, qu’il faut prendre en compte aujourd’hui.

     

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    (JORGE GUERRERO/AFP/Getty Images)

     

    Un autre jeune est parti des Girondins cet été, Zaydou Youssouf. Comprenez-vous qu’un joueur formé aux Girondins, qui est son club de cœur, préfère partir à Saint-Etienne plutôt que de s’imposer ici ?

    C’est complexe, car il y a des stratégies internes, qui concernent un groupement de responsables, les dirigeants de chaque club, le représentant du joueur et le joueur, et à l’arrivée, il faut faire un choix. Et c’est difficile d’en parler tant qu’on n’a pas les tenants et les aboutissants de l’histoire. Après c’est vrai que c’est un jeune qui part, mais s’il permet lui aussi de ramener un peu d’argent au club, pourquoi pas…

     

    En attaque, Bordeaux a misé sur une piste peu commune en France, avec l’arrivée de Hwang Ui-Jo. Quel regard portez-vous sur ce choix ?

    C’est une opportunité de se développer à l’international aussi… Ca peut être aussi une stratégie intéressante mais qui ne marchera qu’avec la qualité du joueur. Ca va être une opportunité également pour ce joueur de s’imprégner d’une culture différente. Je pense que c’est bien joué au niveau de la stratégie mais maintenant il faut que ça rapporte.

     

    Hwang Ui-Jo

     

    On parle beaucoup de l’arrivée de Laurent Koscielny, qui tarde finalement à sortir de sa situation avec Arsenal. Est-ce que Bordeaux doit tout faire pour le faire venir ?

    Il me semble que le joueur a vraiment envie de venir à Bordeaux donc c’est un point positif. Le deuxième point positif c’est que c’est quelqu’un qui a joué dans un très grand club pendant de nombreuses années, et qui peut apporter toute son expérience et un équilibre dans cette défense. Donc oui c’est vraiment une bonne chose, mais après il ne faudra pas que les discussions durent trop longtemps…

     

    Il y a eu beaucoup d’arrivées, mais peu de dépenses. Comment jugez-vous le mercato bordelais au niveau des arrivées, et à quels postes pensez-vous qu’il manque des joueurs ?

    Je ne peux pas juger le mercato aujourd’hui car ce n’est pas sur les matches de préparation que l’on peut juger une équipe. Il faudra le faire en fonction des résultats officiels. Il y a un équilibre, on a trouvé des joueurs aux profils intéressants. Je vous rappelle que l’année dernière, pendant quasiment 6 mois, l’entraîneur a pu tester et observer les joueurs afin de décider lesquels il conserverait et lesquels il laisserait partir. Là, on est encore en phase de préparation et j’espère que pour le premier match de championnat, l’équipe sera prête. C’est encore difficile de savoir aujourd’hui. L’ensemble a l’air équilibré, on a doublé certains postes, c’est intéressant. Après, il faut que ce soit des joueurs qui ont le niveau pour jouer, et ça on ne le sait pas pour l’instant.

     

    Bordeaux est resté, lors des matches de préparation, sur le même rythme que la fin de saison dernière, en enchaînant les défaites (même s’il y a eu une victoire face à Montpellier). On demande aux supporters d’être patients, mais c’est compliqué parfois…

    Oui, mais vraiment pour moi, les matches amicaux, de préparation, ça ne veut rien dire. Il arrive parfois de faire des matches catastrophiques puis de faire une super saison derrière et inversement. Les matches amicaux sont là pour préparer la saison, le plus important c’est le championnat, il n’y a que ça qui compte. Il faut attendre. On a eu une préparation plus longue que les autres, puisque le coach a pu débuter cette période depuis son arrivée. Il a sauvé le fin de saison, donc on doit être une équipe qui doit être prête dès le début de saison.

     

    Paul Baysse

     

    Plusieurs joueurs ont été mis à l’écart du groupe professionnel : Sankharé, Cafú, Vada, Baysse et Mendy. Que pensez-vous de cette méthode et de ces agissements de la part de notre club ?

    Evidemment que ce n’est pas très agréable, c’est un peu comme une nouvelle mode où on se permet de considérer les joueurs soient une sorte de marchandise. Mais il doit certainement y avoir des problèmes au niveau des managers également ou des impresarios des joueurs, qui à certains moments oublient comment réagissent les clubs et parfois une demande de partir peut-être très mal interprétée. Mais il faut écouter les deux sons de cloche, car on ne sait pas vraiment ce qu’il se passe à l’intérieur et ça peut paraître cavalier mais on ne sait pas ce qui se passe en interne, quelles sont les intentions des joueurs, quel a été son discours ou celui de ces représentants. Donc je mets un bémol sur tout ça, car on n’est pas sûrs.

     

    Valentin Vada a des propositions justement mais veut rester dans un des 5 grands championnats européens. Donc il y a des choix à faire…

    Oui, j’ai vu que Vada a été surpris. Dès le départ, il sait qu’il veut partir et il a des exigences pour pouvoir partir. Mais s’il n’y a pas d’autres de la part d’un club de ces 5 championnats, que voulez-vous que fasse le club, surtout s’il ne compte pas sur lui. Après, on n’est pas dans le monde des bisounours non plus. Au bout d’un moment, le joueur, il a apporté ou il n’a pas apporté. Pour Vada, on a beaucoup attendu, ça a été très long, il n’a jamais pu vraiment s’imposer, il a eu sa chance avec plusieurs entraîneurs différents. Peut-être qu’un jour, un entraîneur arrive et se dit qu’il ne veut pas être celui à penser que… et il préfère s’en séparer et voir autre chose. C’est assez légitime.

     

    Lors de cette préparation, Paulo Sousa était parti sur un système à cinq défenseurs qui s’est finalement transformé en système à quatre défenseurs. Comment interpréter ce changement : il renonce à ses principes ou il s’adapte à son effectif ?

    Je crois qu’à ce niveau-là aujourd’hui, en Ligue 1, on ne peut pas se permettre, à part si on avait été Barcelone ou Madrid, de dire qu’on a un système de jeu et que les autres vont s’adapter à nous. L’intérêt d’avoir un contingent étoffé c’est de pouvoir s’adapter aux équipes que l’on a en face. Face à certaines équipes, vous allez pouvoir aligner 4 défenseurs et puis il y aura d’autres opportunités où on pourra s’adapter avec 5 défenseurs. Aujourd’hui, il faut être capable de proposer plusieurs systèmes de jeu.

     

    ballon entrainement autriche

     

    Une nouvelle est tombée en fin de semaine dernière et nous a surpris : tous les entraînements, en pleine période de vacances, ont été mis à huis-clos. Quel est le sens de cette décision ?

    J’avoue que ça me surprend. Parce que le club a fait un gros travail pour rapporter du monde au stade, en incluant des entreprises avec des projets intéressants. Ils sont ambitieux en faisant venir des entreprises locales comme partenaires et ça c’est une bonne chose. Mais par contre, il ne faut pas minimiser ces gens qui ont supporté les Girondins depuis des années, qui les ont supportés alors que les joueurs et les entraîneurs ont changé. Il ne faut pas les perdre, car ce sont ceux qui font avancer le club. Donc oui, cette décision m’a surpris. Alors après ils peuvent dire qu’avant certains matches, ils préparent une stratégie spéciale, etc… mais trouver l’excuse que les adversaires pourraient avoir des informations à ce moment, quand on voit tout ce qu’on trouve sur les réseaux sociaux actuellement, je ne suis pas sûr qu’ils aient besoin de ça. Après, oui, on parle des gens qui prennent des photos et les diffusent où on voit un entraîneur poser la main sur l’épaule d’un joueur et on va considérer qu’il le fait jouer parce que c’est son copain. Ca peut se comprendre mais il ne faut pas négliger pour autant ces supporters de club, qui étaient là avant que les joueurs n’arrivent et qui seront toujours là quand les dirigeants partiront.

     

    Surtout que les dirigeant ont toujours dit que les supporters étaient essentiels, qu’il fallait se baser sur leurs énergies pour avancer, alors qu’avec cette décision ils créent de la distance… Et ça prive aussi les petits qui rêvent de pouvoir approcher leurs joueurs préférés…

    Effectivement, moi j’ai toujours souvenir au mois d’août, quand on était en stage de préparation, on voyait du monde et c’est toujours agréable pour un joueur de voir qu’il y a des jeunes qui viennent du Centre, du Nord, du Sud de la France pour supporter les Girondins de Bordeaux qui est leur club de cœur. C’est mon avis personnel, mais je trouve que c’est mal joué.

     

    Malcom

     

    Malcom, ancien joueur des Girondins, vient de signer au Zenit après une expérience à demi-teinte au Barça où Valverde ne lui a pas réellement donné sa chance. Quel regard portez-vous sur ce choix ?

    Quand il est parti à Barcelone, c’est sûr que tu y vas et que tu tentes ta chance. C’est vrai qu’il n’a pas eu sa chance finalement, ça aurait été quand même une surprise s’il avait été titulaire à Barcelone dès cette année, sans méchanceté par rapport à ses qualités. Il avait l’opportunité de partir à la Roma, je crois que ça aurait pu être plus intéressant pour lui. Il a tenté l’expérience, il a joué dans un grand club et ça, on ne peut pas lui reprocher. Je vous rappelle qu’il voulait absolument partir, il était pressé. Peut-être que s’il était resté une année ou deux de plus à Bordeaux, il aurait peut-être trouvé un autre club que Barcelone ou y aller avec deux années d’expérience en plus. Il y a des moments où il faut savoir patienter un petit peu pour aller plus haut, même si une carrière est footballeur est courte.

     

    Et le choix du Zenit Saint-Pétersbourg ? Est-ce un choix par rapport à l’argent où il y a quand même un intérêt sportif, d’après vous ?

    Le Zenit jouera en Ligue des Champions, non ? Donc la réponse est là en mon sens. Cela a certainement joué dans son choix. En y participant, ils peuvent tomber face à un gros club et se montrer et lui permettre l’année d’après de retrouver un grand club. Mais il est vrai qu’il ne faut pas négliger l’aspect financier bien évidemment. Quand vous êtes déçu d’avoir été dans un grand club, la chance est passée, tu trouves un club qui te paie bien et qui te donne l’opportunité de pouvoir jouer la Champion’s League.

     

    Pour terminer, on approche du premier match officiel des Girondins avec le début de la Ligue 1. Comment voyez-vous ce match face à Angers ?

    Il faut toujours bien commencer. Il faut engranger des points pour rester en haut parce que ça va vite sinon. Si vous ne gagnez pas les premiers matches, vous pouvez vous retrouver dans une situation délicate. Si le 3ème match commence à devenir un match tranchant, c’est compliqué. Donc il faut commencer par une victoire pour débuter sur du positif. On ne s’en rend peut-être pas compte mais le premier match est très important car il va permettre sur la première partie du championnat de soit être serein, soit se mettre la pression. On se rappelle qu’à chaque fois que les départs ont été difficiles pour les Girondins, on n’a jamais réussi à aller plus loin.

    Merci Philippe !