InterviewG4E. Sacha Clemence : « J’ai passé deux bonnes années à Bordeaux et une bonne à Angers. Surement mes plus belles années »

    Angers’ French forward Sacha Clemence celebrates after scoring against Nimes during the French L2 football match between Angers (SCO) and Nimes-Olympique, on May 22, 2015 in Jean Bouin Stadium, in Angers, western France. AFP PHOTO / JEAN FRANCOIS MONIER (Photo by JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP)

    Sacha Clemence a débuté la saison, libre de tout contrat, avec l’UNFP. Vous allez découvrir un témoignage touchant de ce joueur de 31 ans, qui a aujourd’hui la tête sur les épaules, et qui rendrait assurément services à certains clubs. Passé par la réserve des Girondins de Bordeaux pendant deux saisons, avec qui il a failli signer professionnel, Sacha a connu ensuite un parcours du combattant et n’a eu de cesse de persévérer. Il passa notamment par Angers, le prochain adversaire du FCGB, où il participa à la remontée du club en Ligue 1, qui n’est depuis pas descendu. Découvrez dans notre interview le caractère et la pugnacité de celui qui attend qu’un club se manifeste pour s’attacher ses services.

    Tu viens de passer plusieurs semaines avec l’UNFP afin de te préparer pour cette nouvelle saison. Comment as-tu vécu cette aventure, et en quoi l’UNFP t’ai aidé ?

    Ça m’a aidé à me préparer physiquement, à être dans une structure de club, ça y ressemble. Il y avait un staff technique, médical, on était dans un bel hôtel avec de bonnes infrastructures, des bons terrains, avec spa, jacuzzi. Il y avait vraiment tout ce qu’il fallait, comme dans un club, un préparateur physique… On est fin prêts à débuter dans un club. Mais on n’a pas de club… Le point positif, c’est la préparation physique. Il y avait un bon groupe, des bons gars. On jouait une mi-temps chacun à chaque match. Mais à part ça, il y a quand même beaucoup de points négatifs. A partir du moment où tu décides de faire partie du stage UNFP, les clubs voient ça d’un mauvais œil…

     

    Tu sens qu’il y a un frein, une sorte d’étiquette qu’on colle aux joueurs ?

    Complètement, une étiquette, c’est le mot. Tu es en demande, donc les clubs sont en position de force. Je sais que des clubs sont venus nous voir, mais je ne sais pas si… Je me pose des questions, très peu de joueurs ont signé. Donc l’UNFP, il n’y a rien à redire, ce n’est pas de leur faute, ce sont vraiment les clubs que je ne comprends plus. Je ne sais pas leurs critères de recherche.

     

    Les clubs préfèrent faire essayer de faire une plus-value plutôt que de prendre un joueur de 31 ans…

    C’est ce que je me dis, mais le problème c’est qu’il n’y a pas que des ‘vieux’, il y a aussi des jeunes qui sont passés par l’UNFP, qui n’ont pas été pris. Je sais qu’ils sont réticents par rapport au fait que tu approches la trentaine, mais même les jeunes n’étaient pas pris pour autant, des mecs qui ont fait de la Ligue 1… C’est propre à la France. A l’étranger, ils hésitent moins à prendre des mecs d’expérience. Ici, tu ne joues pas, tu arrives à la trentaine, ça y est… Tu es limite fini. Tu as aussi les clubs en France qui veulent mettre moins d’argent, qui profitent du Pôle Emploi. Ce qui se fait beaucoup maintenant, c’est que les mecs au chômage, les clubs demandent à ce qu’ils prennent leur complément. Cela complète ton chômage, pour être au plafond. Donc ils te donnent des cacahuètes, et toi tu prends un complément de ton chômage pour être au plafond, sauf que quand tu n’as plus vraiment de club il te reste les cacahuètes. Les clubs jouent beaucoup sur ça, et même en Ligue 2, ça commence à arriver.

     

    Sacha Clemence

     

    Donc tu n’as pas eu de propositions concrètes. Tu as commencé à te projeter ?

    Bien sûr que la question je me la suis posée. Mais j’ai 31 ans, j’ai connu pas mal de choses, des blessures, une montée en Ligue 1, des descentes. J’ai connu un peu de tout. Je me laisse un peu de temps, et j’ai aussi des projets professionnels en tête. A l’heure d’aujourd’hui, j’attends que l’on vienne à moi, que ce soit en Ligue 2, en National, voire à l’étranger. Un projet qui me permettrait de prendre du plaisir et d’apporter mon expérience parce que je suis à la fleur de l’âge, et je suis certain que je peux encore apporter que ce soit à des coéquipiers plus jeunes, mais aussi au niveau de la performance. On a joué des clubs de Ligue 2 en préparation et sincèrement, je ne me suis pas senti ridicule, pas du tout.

     

    Revenons aux Girondins de Bordeaux. Tu as passé deux ans au centre de formation, enfin plutôt avec la réserve directement. Comment s’est déroulée ton arrivée au club, toi qui venais du Stade Bordelais ?

    Je suis arrivé en CFA, j’avais mon propre appartement à côté. C’est Patrick Battiston qui était venu me voir lors de matches au Stade Bordelais. Il m’avait appelé directement. A l’époque, il m’avait demandé de venir à quelques entraînements. J’étais au Stade Bordelais à 18 ans et je travaillais aussi pour survenir à mes besoins. Je travaillais de nuit, dans la manutention, et je sais qu’il avait aimé ma mentalité. Ça, lié au foot, j’ai signé un an, j’ai fait ma saison. Ça a été une assez bonne saison pour la première, et je sais que lors de cette première année ils avaient un peu hésité à me faire signer professionnel, mais ce n’était pas la bonne période, manque de chance… C’était l’année du titre de Champion de France, avec Marouane Chamakh, Yoann Gourcuff… Je ne suis pas vraiment tombé à la bonne période. Du coup, j’ai juste été reconduit un an, et je suis parti à Carquefou. Je suis vraiment redescendu bien plus bas, il y a eu des blessures, puis je suis remonté.

     

    Sacha Clémence

     

    Aujourd’hui, le club a beaucoup évolué dans énormément de choses. Quelle image tu as de Bordeaux ?

    Bordeaux reste un grand club français. Il y a toujours des gros joueurs qui arrivent à tirer leur épingle du jeu. Même quand ils ne font pas des grosses saisons, il y a quand même des joueurs qui arrivent à faire des bonnes choses, ce n’est pas anodin. Maintenant, l’effectif manque peut-être un peu de maturité, il y a beaucoup de jeunes. Mais c’est un peu le foot de maintenant, beaucoup de jeunes, pas chers… C’est un peu ça maintenant en France. Les Girondins, à l’inverse d’autres gros clubs, n’ont jamais mis l’argent sur un gros joueur, comme Lyon peut le faire par exemple. Je pense que c’est un peu ce qui a manqué sur certaines années, mais ça a toujours été cohérent quand même, cela reste un bon club. Il aurait peut-être fallu investir sur quelques joueurs au bon moment, sur certaines saisons, afin de franchir un palier. Mais ça reste quand même un club mythique.

     

    Beaucoup de jeunes signent aujourd’hui professionnels, même à l’âge de 16 ans… Tu disais qu’il t’avait peut-être manqué de maturité à l’époque à Bordeaux pour signer professionnel, mais aujourd’hui mature ou pas, on les signe même très jeunes.

    C’est vraiment une autre époque par rapport à la mienne. Ça n’a plus rien à voir, les générations ne sont pas les mêmes. Aujourd’hui, les jeunes se lâchent plus facilement, ils ont aussi peut-être plus de qualités. Mais en tout cas, ce n’est plus pareil. Avant, on voyait des pros, on venait avec des pincettes au vestiaire, on était impressionnés. Maintenant, ce n’est plus du tout ça. Les mecs sont costauds ! Ils n’ont pas froid aux yeux, et ce n’est pas plus mal. Ils se lâchent sur le terrain, c’est certainement ce qui me manquait un peu. J’avais un peu de mal à me lâcher, à jouer libéré. Il y avait aussi beaucoup de pros qui redescendaient à l’époque en réserve, ce n’était pas évident non plus.

     

    Sacha Clemence 2

     

    Tu signes ton premier contrat professionnel avec le SCO d’Angers en 2014, club avec lequel tu vas réussir une belle saison, et une montée en Ligue 1. D’ailleurs, le SCO n’est plus descendu depuis… Est-ce qu’on peut considérer qu’il s’agit de ta meilleure saison en termes d’émotions, la plus complète ?

    Oui, j’ai été décisif pour la montée avec un doublé. Bien sûr qu’en termes d’émotions, c’est ma plus belle saison. C’est la meilleure. Il y avait un état d’esprit sur le terrain et dans le vestiaire qui était incroyable. Franchement, on avait une équipe de malades. Il y avait Jonathan Kodjia, Razza Camara, Romain Thomas, Sofian Boufal, Thomas Mangani… On avait vraiment une grosse équipe, c’était vraiment costaud, mais un peu à l’image du club. Angers, c’est toujours costaud, Olivier Pickeu (le directeur sportif, ndlr) y est pour beaucoup. J’avais eu assez de temps de jeu, j’arrivais de National. J’ai mis cinq buts, c’était une saison cohérente.

     

    Et pourtant, tu quittes le SCO au bout d’une saison…

    C’est peut-être une de mes erreurs commises lors de ma carrière. C’était un regret sur deux choses. La première c’est que j’aurais pu rester, il y a eu pas mal de blessés l’année qui a suivi en Ligue 1, je pense que j’aurais pu jouer. Le coach Stéphane Moulin m’avait dit en fin de saison que ça allait être compliqué pour moi, alors qu’il me restait un an de contrat. J’ai été un peu piqué à vif et j’ai décidé de partir. Mais à côté de ça, j’ai eu un bon contrat à Créteil (Ligue 2), de trois années. Malheureusement, je me suis blessé, et l’équipe est descendue en National. J’ai signé trois ans, je pensais me mettre à l’abri, je voulais assurer le truc… J’ai fait une année, l’équipe est descendue et je n’ai pas pu faire les deux suivantes même si j’ai pu retrouver une Ligue 2 avec Tours. Franchement, ce que j’en ressors de tout ça, c’est la fameuse ‘bonne étoile’, que je n’ai pas eue. Le foot, c’est tellement aléatoire, c’est incroyable. Il n’y a pas de logique.

     

    Samedi, pour le premier match de la saison en L1, tes deux anciens clubs (Bordeaux et Angers) s’affrontent. Comment vois-tu cette rencontre, et la saison de chaque équipe ?

    Je vois Angers gagner parce que c’est solide. Maintenant, il faudra voir comment Bordeaux joue, ce qu’ils mettront en place. Laurent Koscielny a signé, et c’est une bonne chose ça. En tout cas, je souhaite vraiment des bonnes choses à ces deux clubs parce que j’ai passé deux bonnes années à Bordeaux et une bonne à Angers. Surement mes plus belles années. Je débutais à Bordeaux, et Angers, c’est ma plus belle saison avec une montée en Ligue 1. Je ne leur souhaite que du positif, et que le meilleur gagne !

     

    Merci Sacha ! On te souhaite de trouver chaussure à ton pied, et plein de bonnes choses dans tes projets futurs !