InterviewG4E. Cédric Varrault : « Bordeaux n’a pas changé de standing, non, pour beaucoup ça reste quand même une place forte du football français »

    (Photo by Vincent Poyer/Icon Sport)

    Cédric Varrault est actuellement l’entraîneur adjoint de la réserve de l’OGC Nice. Cet ex-défenseur latéral fut plutôt un joueur de club, n’ayant connu « que » trois clubs français professionnels et ce lors d’une carrière bien pleine de 18 années (Nice de 1999 à 2007, Saint-Etienne de 2007 à 2010, pour finir à Dijon de 2011 à 2018). Cédric aurait pu rejoindre les Girondins de Bordeaux à quelques reprises lors de ces années, mais cela ne s’est finalement pas fait. Avant cette rencontre du jour face à son dernier club professionnel, Dijon, en Coupe de la Ligue, nous l’avons contacté pour notre interview d’avant match. De nombreux sujets ont été abordés, et nous vous laissons découvrir la totalité de notre entretien ci-dessous. Un grand merci à Cédric pour le temps qu’il nous a accordé. Nous avons toujours eu une excellente image de lui, ayant de belles valeurs d’homme avant tout, puis de combat sur le terrain. Interview.

     

    Pour commencer, on va prendre un peu de vos nouvelles. Vous avez mis un terme à votre carrière de joueur l’été dernier et maintenant, vous avez rejoint le staff de l’équipe réserve de l’OGC Nice. Comment ça se passe pour vous ?

    Oui, c’est ça, j’ai intégré le club en début de saison dans le staff de la Nationale 3. Au départ, en tant qu’adjoint, mais après l’entraîneur principal est parti donc j’ai pris l’intérim pendant un mois et demi avec un autre entraîneur, qui était dans la formation aussi. On a donc géré l’intérim à deux. Comme je n’avais pas les diplômes et comme il y a eu pas mal de changements à la direction du club, dans l’organigramme, du coup, il y a un nouvel entraîneur qui a été nommé, qui est à la fois directeur du centre et entraîneur de la réserve. Je récupère donc mon rôle d’adjoint que j’avais au début.

     

    Lors de votre carrière, vous avez pu voir les Girondins de Bordeaux vivre des hauts et des bas. Champions de France en 1999 et en 2009, et d’autres saisons où le club a fini en deuxième partie du classement. Pensez-vous que le standing de Bordeaux a baissé ces dernières années ?

    Le standing non, car pour beaucoup ça reste quand même une place forte du football français. C’est vrai qu’il y a eu des saisons exceptionnelles, comme l’année du titre de Champions de France, je m’en souviens bien de cette saison. C’est beau pour un club d’être au summum. Après, maintenant c’est vrai que pour accrocher les trois premières places, ça devient compliqué car il y a des équipes avec des budgets importants et qui veulent jouer la Ligue des Champions chaque année. Je ne pense pas que Bordeaux puisse rivaliser avec ces équipes-là, mais ça fait partie des six meilleures équipes du championnat de France. Donc ça reste quand même une équipe qui a la possibilité d’être européenne chaque saison.

     

    La saison dernière, vous expliquiez que Bordeaux avait un bel effectif mais finalement, Bordeaux a terminé 14ème. Est-ce normal pour un club comme Bordeaux, ou avez-vous eu plus l’image d’un club devant jouer l’Europe chaque saison ?

    Il faut savoir se situer dans le championnat. Après, ce n’est pas facile, moi je vois ça depuis l’extérieur, ça a été racheté par des fonds d’investissement qui a envie de construire quelque chose et qui a donc de l’ambition. Après il y a des projets qui se mettent en place, et on le voit dans beaucoup de clubs, dans le court et le moyen terme. Il faut réussir à se situer dans ce championnat, ce n’est pas facile. Les 3-4 premières places, elles sont réservées maintenant toujours aux mêmes équipes et après il y a une lutte entre la 4ème et la 8ème place. Bordeaux, pour moi, ça fait partie des clubs comme Rennes ou Saint-Etienne, même si Saint-Etienne, ça dépend aussi des saisons, qui peuvent se mêler à cette course entre la 4ème et la 8ème place.

     

    Du coup, que pensez-vous de ce type de rachat de club, comme celui qu’a vécu Bordeaux et comme Nice avec Ineos ?

    Pour Bordeaux, je vis ça de l’extérieur car je suis assez loin de la réalité de Bordeaux. Après, nous, pour le vivre ici à Nice, ce sont des gens qui viennent avec de l’argent et qui ont de l’ambition. Ils ne viennent pas ici pour gaspiller leur argent et faire des coups bas. Et je pense qu’à Bordeaux c’est sûrement la même chose. Je pense qu’ils viennent pour construire un projet, ils ont de l’ambition donc après est-ce qu’ils mettent les moyens nécessaires ? Est-ce qu’ils mettent les bonnes personnes ? Chacun fait son bilan. Je trouve que ça permet d’amener de la concurrence dans le championnat français et on l’a vu avec les Qataris quand ils sont arrivés, Paris ils en ont fait la meilleure équipe du championnat. Monaco ça a été pareil à un moment donné où ils ont réussi à toucher le plus haut. Marseille aussi lutte pour les 5 premières places. A part Lyon, qui reste sur un modèle français, les autres clubs reposent sur des hommes d’affaires étrangers, mais si on s’entoure des bonnes personnes et qu’on propose des projets cohérents, ça ne peut qu’être bénéfique pour le championnat.

     

    Ca devient nécessaire même…

    Oui exactement. On voit bien que c’est difficile aujourd’hui de rivaliser avec les clubs européens. Donc, forcément aujourd’hui, il faut que les clubs français aient de l’argent pour pouvoir attirer certains joueurs et pour ça, il faut d’abord attirer des gros moyens.

     

    Cedric Varrault
    (Photo by Jean Paul Thomas/Icon Sport)

     

    Vous avez eu plusieurs approches de Bordeaux lors de votre carrière, dont une en 2005-2006 mais Frédéric Antonetti vous a convaincu de rester. Vous aviez entendu de bons échos de la part d’autres joueurs passés par le club à l’époque ?

    Pour moi, Bordeaux a toujours fait partie des clubs intéressants et quand on est joueur, on a envie de venir jouer dans des clubs comme Bordeaux. Il y a une saison où j’étais vraiment intéressé pour venir et le club aussi. Après, ça ne s’est pas fait, c’est comme ça. Mais c’est vrai qu’en tant que joueur, ça a toujours été un club attirant.

     

    En tant que joueur, est-ce qu’il y a un match en particulier dont vous vous souvenez face à Bordeaux ? Peut-être en 2006, le match où vous avez marqué un but…

    C’était plus les années avec Gernot Rohr. Il avait entraîné là-bas, on savait que c’était un match qui lui tenait à cœur. C’était un coach qui était meneur d’hommes. C’est vrai qu’il y a eu des matchs assez âpres, mais ça fait partie des bons souvenirs. C’est vrai que quand on a un joueur ou un entraîneur dans une équipe qui ont porté le maillot d’un club, en général, quand on rejoue contre son ancien club, on aime bien y faire des performances. J’ai ce souvenir là avec Gernot car c’était un club qui lui tenait à cœur. Comme il avait des attaches là-bas, c’était toujours des matchs particuliers.

     

    Il tenait un discours particulier pour ces matchs-là, pour vous booster ?

    Il a été joueur et entraîneur là-bas, donc comme je disais, quand on a vécu une expérience dans le passé dans un club, en général quand on revient, ce n’est pas qu’on a envie de prouver mais on aime bien, bien faire face à son ancien club. Ca a toujours été des matchs corrects mais en tant qu’adversaire, j’avais surtout souvenir de ces matchs-là contre Bordeaux, car c’était des matchs engagés, il y avait du répondant en face. Et c’est vrai que l’année où Bordeaux a été Champion de France, avec Souleymane Diawara, Yoann Gourcuff, Marouane Chamakh et Laurent Blanc comme entraîneur, pour les avoir affrontés, là c’était vraiment une belle équipe.

     

    Quel regard portez-vous sur la carrière de Gernot Rohr, lui qui est actuellement sélectionneur du Nigeria ?

    Gernot est toujours en activité. Il a toujours trouvé de nouveaux projets, c’est ça qui est fort, donc chapeau. Parce qu’en tant qu’entraîneur, ce n’est pas évident de toujours trouver des projets. Il a toujours rebondi, partout où il est allé, ça s’est toujours bien passé dans l’ensemble, je pense qu’il s’éclate. Je ne suis pas étonné qu’il perdure dans ce métier, c’est quelqu’un qui a des valeurs, des messages à faire passer. C’est vrai que ces dernières années, il s’est plus orienté vers des sélections, mais ça doit être son choix. Mais chapeau, car pour durer dans ce métier-là, ce n’est vraiment pas facile.

     

    Vous parliez du souvenir que vous aviez de Bordeaux de l’époque du titre de Champions de France. Vous avez dit dans une interview que c’était une belle équipe à regarder mais par contre à affronter, c’était plus compliqué…

    Oui, c’était une belle équipe, car il y avait vraiment de la qualité. Déjà, le coach dégageait quelque chose de particulier. C’était beau d’affronter une équipe où on sentait qu’il y avait un vrai groupe, ce que soit au niveau foot que pour l’état d’esprit. Encore une fois, c’est beau de voir une saison comme ça et de finir Champions avec des grosses individualités comme ça. Donc c’est sûr que quand on est adversaires (rires)… Ce n’est pas facile. Mais avec du recul, même maintenant, chapeau, car c’était largement mérité.

     

    Younousse Sankharé

     

    Vous avez évolué avec Younousse Sankharé à Dijon. Cette saison, Younousse a été blacklisté, faisant partie d’un loft lors de la préparation, et est actuellement mis à pied et dans une procédure de licenciement. Avez-vous suivi cela, et que pensez-vous de ce que vit votre ancien coéquipier ?

    J’imagine que ça ne doit pas être facile et frustrant pour lui. En plus, Younousse, c’est vraiment quelqu’un que j’ai toujours apprécié, même après qu’il soit parti de Dijon. C’est vraiment une bonne personne, c’est quelqu’un que j’aime bien. Ca me fait mal au cœur pour lui. Je vois ça de tellement loin que je ne peux pas me permettre de juger ou quoique ce soit, mais c’est quelqu’un qui a toujours défendu les couleurs du club. Même la saison dernière, lorsqu’il marque lors de la dernière journée le but pour Bordeaux et qu’il fait descendre Caen, je pense que ça montre que c’est quelqu’un qui défendra toujours le maillot pour lequel il joue. Je suis un peu surpris de voir qu’il se retrouve dans cette situation-là, car ce n’est vraiment pas quelqu’un de tordu. Après le milieu du foot, parfois quand on veut vous pousser dehors, il y a des moyens qui sont employés, qui ne sont pas toujours beaux et justes. Je me mets à sa place, franchement si je peux lui envoyer un petit message de soutien, car ça ne doit pas être une situation facile. Et encore une fois, pour moi, ce n’est pas mérité. J’espère qu’il va vite rebondir et que cette situation va vite être réglée. On sait très bien que parfois des clubs ne comptent pas sur des joueurs, donc ils essaient de tout mettre en œuvre pour pouvoir les faire partir mais il faut quand même respecter le contrat. Ce n’est pas quelqu’un de tordu, il l’a prouvé par le passé qu’il défendait toujours les couleurs de son club… C’est dommage.

     

    A Nice, vous avez également évolué avec un attaquant qui est dans l’histoire des Girondins : Lilian Laslandes. Que pouvez-vous nous dire sur lui ?

    Lilian, pour moi, ça a été un modèle. En tant que jeune, quand je commençais en pro, côtoyer un joueur comme Lilian, ça a été vraiment bénéfique. Je sais que je me suis beaucoup servi de tous ses conseils et de tout ce qu’il était en fait. Il était très humble malgré sa grosse carrière. Toujours positif, à donner des conseils, un vrai meneur d’hommes. Franchement, il y a quelques joueurs que je prenais en exemple et dont j’essayais de m’inspirer, que ce soit Lilian, José Cobos, Cyril Rool ou Olivier Echouafni, c’est 4 anciens que j’ai essayé de prendre comme exemple. Pour moi, Lilian, ça a été un honneur de le côtoyer, un plaisir de le revoir quand je le recroise maintenant qu’il a arrêté. C’est quelqu’un que j’aimerais revoir plus souvent aussi parce c’est une personne que j’ai beaucoup apprécié, déjà en tant que footballeur mais surtout en tant que humain.

     

    Suivez-vous de près la tactique de Paulo Sousa, l’entraineur des Girondins ? Les latéraux ont un rôle prépondérant, dans une défense qui est à 3 (ou 5 donc) en phase offensive, et à 4 en phase défensive. Vous avez certainement dû pratiquer ce système avec des latéraux jouant le rôle de piston, qu’en pensez-vous ?

    Il faut savoir que pour tous les systèmes, il y a des avantages et des inconvénients. Après, ce qui est intéressant, c’est l’animation qu’on met dedans. Dans ce système-là, comme vous dites, si le rôle des pistons a aussi un rôle offensif, c’est intéressant, car ça permet de se projeter par l’avant et d’avoir des sécurités derrière, en ayant trois défenseurs derrière soi. C’est un système intéressant. Je suis ça de loin, mais c’est quand même un projet de jeu intéressant, il y a parfois des bonnes choses. Si le coach a mis en place ce système-là, c’est qu’il a estimé que c’était le meilleur système à proposer avec les joueurs qu’il avait en place. C’est un bon système, on le voit à Nice aussi parfois, c’est intéressant quand on a un joueur avec un gros volume de jeu, qui sont aussi bons offensivement que défensivement, ça peut être vraiment intéressant.

     

    Bordeaux a fait un bon début de saison mais reste sur deux défaites, une défaite à domicile imméritée face à Saint-Etienne, et une défaite légitime à Lille. Que pensez-vous du début de saison bordelais ?

    Je trouve ça intéressant. C’est une belle équipe avec un bel effectif et un projet de jeu intéressant. Moi, je trouve ça plutôt positif. Après, mardi c’est une autre compétition. C’est autre chose. C’est toujours intéressant de jouer à domicile, et d’y faire un parcours car cette Coupe de la Ligue, il y a toujours moyen d’aller rapidement en finale. C’est toujours intéressant de la jouer, d’autant plus quand on joue à domicile. Je suis plutôt quelqu’un de positif, donc je souhaite que Bordeaux vive la meilleure saison possible. Ils ont les moyens de pouvoir prendre du plaisir en championnat de pouvoir jouer entre la 8ème et la 5ème place.

     

    Cedric Varrault
    Photo Icon Sport

     

    Dijon a failli descendre en Ligue 2 la saison passée et s’est sauvé in-extremis. Puis le DFCO ne s’est pas vraiment renforcé cet été, en laissant partir de bons joueurs comme Naïm Sliti. Que pensez-vous du début de saison de votre ancien club, qui est actuellement 20ème ?

    Il y a eu quand même pas mal de chamboulements dans l’effectif en comparaison à l’année dernière. C’est vrai qu’ils ont perdu peut-être leur meilleur joueur aussi. Ce sont les stratégies du club. Je suis ça de loin, je ne maîtrise pas tout. C’est vrai que la saison dernière a été compliquée. Ils se sont sauvés notamment grâce au super début de saison qu’ils ont fait, en gagnant quatre matchs d’affilée. C’était quelque chose d’exceptionnel de faire ça et qui d’après moi, leur a permis de sauver leur tête la saison dernière. Après, ils ont très mal démarré mais s’ils ont eu un regain. C’est compliqué car c’est un championnat difficile et ils doivent vivre une période délicate. Mardi, c’est une autre compétition, donc ça va permettre de faire jouer d’autres joueurs. Mais c’est vrai qu’ils sont partis pour vivre une saison assez compliquée. La saison dernière, ça a été chaud, cette année, ça repart dans le même rythme. Je leur souhaite de pouvoir relever la tête et de s’accrocher jusqu’au bout. Ils ont réussi à le faire la saison dernière, j’espère qu’ils vont le refaire cette saison même si le début est délicat.

     

    Comment voyez-vous cette rencontre mardi entre Bordeaux et Dijon ? Sachant que comme vous dites, c’est un match de Coupe de la Ligue et que cela peut être différent dans les têtes des joueurs des deux équipes…

    Je pense que du côté de Dijon, ils vont faire abstraction de tout ce qui s’est passé jusqu’à maintenant. Leur priorité, ça sera toujours le championnat, car ils ont envie de sauver leur peau et rester en Ligue 1. Après, c’est une autre compétition, c’est un match à l’extérieur, ce n’est que du plus. Si on se fait éliminer… Ce qu’il faut en tant que joueur et compétiteur, c’est donner le maximum et de se qualifier. Ca peut aider, quand on vit un championnat difficile, de vivre de belles aventures humaines, d’avoir du positif dans une saison et si on peut arriver jusqu’en finale ou au moins dans le dernier carré, c’est toujours intéressant. Après, la priorité restera quoiqu’il arrive le championnat, mais je pense qu’ils vont jouer leur coup à fond et ça va leur permettre du positif dans une saison qui est assez mal embarquée.

     

    Un pronostic ? Ou c’est compliqué ?

    (Rires) Oui, c’est compliqué, parce que j’aimerais bien que ça passe pour Dijon car je suis resté vraiment longtemps là-bas et que c’est une saison difficile. S’ils pouvaient faire un résultat pour que ça leur amène un peu de positif et qu’ils puissent enchaîner derrière avec une bonne série en championnat et sortir la tête de l’eau, ça serait bien.

    Un grand merci à Cédric, et une bonne saison à lui !