InterviewG4E. Ibrahim Ba : « Bordeaux, pour moi, c’était une autre dimension, par rapport à l’histoire du club et de la ville »

    Ibrahim Ba, dit « Ibou ». Ce joueur a marqué les supporters des Girondins de Bordeaux, alors qu’il n’est passé qu’une seule saison par la Gironde. Aujourd’hui entraîneur, après avoir été scout notamment pour le Milan AC avec qui il garde une relation forte, l’ancien ailier, surnommé « la fusée » par les supporters bordelais, a toujours le sourire, et semble croquer la vie à pleines dents, si l’on se réfère à son compte Instagram. Une chose est sûre, comme avec Le Havre où il montra aux yeux de tous toutes ses qualités, Ibrahim a toujours le club au scapulaire dans son cœur. Pour Girondins4Ever, celui qui est aujourd’hui âgé de 45 ans revient sur sa carrière et son passage au FCGB, et sur la rencontre face à Marseille de ce dimanche, lui qui est également passé par la Cannebière quelques mois. Interview. 

     

    Avant de parler de votre expérience à Bordeaux et du match face à l’OM dimanche, nous souhaiterions d’abord avoir de vos nouvelles. Comment allez-vous et que devenez-vous aujourd’hui ?

    Je vais bien. Je suis devenu entraîneur, même si pour le moment je n’ai pas encore d’équipe. J’ai passé le diplôme d’entraîneur, il me reste l’UEFA pro, donc je reste dans la continuité de mon projet. Je suis actuellement à la recherche d’un club pour entraîner.

     

    Vous souvenez-vous de votre transfert aux Girondins de Bordeaux en 1996, en provenance du Havre ? De mémoire, vous deviez signer à Nantes et finalement un appel de Rolland Courbis a tout changé…

    Oui, c’est comme ça que ça s’est passé. Je devais avoir un rendez-vous avec les dirigeants de Nantes. Je m’en rappelle encore, j’étais en voiture et j’allais du Havre à Paris, et je reçois un coup de fil. C’était Rolland Courbis qui me disait qu’il savait très bien ce qui se passait, que j’allais vers Nantes. Nantes venait de gagner le championnat et il m’explique que là-bas j’allais être un joueur parmi tant d’autres. Il me disait qu’à Bordeaux, il voulait refaire une équipe et il voulait que je sois quelqu’un d’important pour l’équipe et c’est ce qui m’a fait changer d’avis. C’est pour ça que je suis allé là-bas.

     

    Vous n’êtes resté qu’une seule saison aux Girondins de Bordeaux avant de partir pour le Milan AC. 46 matches, 7 buts et plusieurs passes décisives. Est-ce que l’on peut dire qu’il s’agit d’une de vos saisons les plus accomplies de votre carrière ?

    Non, je pense que c’était dans la continuité de ce que je faisais auparavant, au Havre. J’avais déjà plusieurs matchs en D1. Si on regarde ce que je faisais au Havre, c’est plus ou moins similaire, je fais une trentaine de matches par an. Après c’est vrai que quand je suis arrivé à Bordeaux, pour moi c’était une autre dimension parce que Bordeaux, par rapport à l’histoire du club et de la ville, tout le monde sait très bien que c’est une grande histoire, quelque chose de très important. Surtout que Bordeaux, l’année d’avant, avait fait la finale de la Coupe d’Europe, donc avec des très grands joueurs que l’on connaît tous très bien aujourd’hui. Pour moi, c’était un challenge. Rolland l’a très bien compris, l’idée était que l’équipe ait de nouveaux joueurs et puis surtout de jouer pour la ville et le club. A l’époque avec le président Bez et ce que représentait le club, c’était quelque chose d’important.

     

    Ibrahim Ba joueur Bordeaux

     

    Plusieurs joueurs de cette équipe saison 1996-1997 feront partie de l’équipe Championne de France deux ans plus tard. Sentiez-vous que cette équipe avait des capacités d’obtenir un titre à l’époque ?

    Je pense, quand on arrive dans une équipe comme ça, qu’on pouvait arriver à un tel niveau. Cette année-là on finit 3ème du championnat je crois, on perd en finale de la Coupe de la Ligue. Moi, je pars parce que tout le monde était d’accord, surtout le club, et par la suite il y a d’autres joueurs qui sont arrivés. Comme on le sait dans le football, ce qui est important c’est le groupe, l’amalgame et ça s’est vu par la suite, avec d’autres renforts, comme Lilian Laslandes, Sylvain Wiltord… ça fait partie du football.

     

    Et, vous personnellement, avec du recul, est-ce que vous avez des regrets d’avoir quitté la Gironde à ce moment-là ?

    Non, disons que j’ai passé un an et j’y ai passé un moment extraordinaire, parce que je ne la connaissais pas cette ville. Je connaissais l’histoire du club et de la ville et arriver après plus de 4 ans au Havre, d’une ville où on n’était pas assez reconnu malheureusement, là je me retrouve dans une ville qui était très importante pour le football français. J’avais signé un contrat de 5 ans donc cette année-là, il me restait encore 4 ans. A part pour certains dirigeants du club, leur intérêt était que je puisse partir. Ils s’étaient mis d’accord au sein du club pour un départ de 45 millions de francs à l’époque, je crois. Ils m’avaient acheté 6 millions donc quand vous voyez ce qui se passe après, en faisant les calculs, on comprend très bien.

     

    Avec du recul également aujourd’hui, comment expliquez-vous que vous ayez rencontré des difficulté après votre première saison à Milan ? Peut-être à cause de blessures…

    Non, ce n’est pas à cause de ça. Ma première année, je joue plus de 35 matches, je fais 15 passes décisives donc on ne peut pas dire que ma première année n’a pas été bonne. C’est vrai que l’équipe n’a pas été au niveau standing du nom du club, parce qu’on a terminé 10ème. Après, dans l’ensemble pour moi, arriver à 23 ans à Milan, jouer 35 matches et faire autant de passes décisives, je crois que ce n’est pas donné à tout le monde. Ça a été quelque chose d’extraordinaire. Par la suite, il y a eu tout ce qui s’est passé par rapport à la Coupe du Monde, tout le monde pense que ça n’a pas été une bonne année pour moi. Mais personnellement, pour moi, c’est du positif, bien sûr !

     

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    Justement, est-ce que le fait de ne pas avoir été sélectionné pour la Coupe du Monde n’a pas été un frein pour vous ?

    Ça fait partie des choses de la vie. Quand vous êtes sportif de haut niveau, vous aspirez à participer à certaines compétitions. En ce qui me concerne, tout ce que j’avais fait c’était pour préparer ça. Avant de quitter Bordeaux pour aller au Milan AC, j’avais parlé avec l’entraîneur de l’équipe nationale à l’époque (Aimé Jacquet, ndlr). La discussion était claire, il y a eu une demande et une réponse qui a été faite. Je lui ai dit que j’avais la possibilité de partir à l’étranger et il m’a dit que « moi, ce qui m’intéresse, c’est que tu puisses jouer. Donc si tu joues, il n’y a pas de problème ». Après, il y a eu des choix et ça fait partie de la vie. L’entraîneur fait ses choix et tous les matches sont différents. On le voit encore aujourd’hui, dans des clubs avec les entraîneurs, à chaque match il se passe quelque chose.

     

    Ensuite, vous avez un passage à Marseille en 2001 où vous avez joué 11 matches. Lors de la deuxième journée, vous avez joué 24 minutes contre les Girondins et le score final était 0-0. Est-ce que c’était un match particulier pour vous ?

    En fait, je suis arrivé à Marseille car j’étais en prêt de Milan. Malheureusement, j’ai eu des blessures, notamment au tendon rotulien, donc il a fallu du temps pour revenir. J’avais besoin de jouer et je me suis retrouvé à Marseille sans être vraiment à 100% avec la préparation et tout ce qu’il y avait autour. A Marseille, il y avait eu des changements avant la saison, et aussi pendant, pour les entraîneurs. Ce n’était pas vraiment l’ambiance idéale. D’autant plus si vous êtes prêté et pas prêt à 100% physiquement. Après ce match, je m’en rappelle très bien car pour moi en France, Le Havre et Bordeaux, ce sont mes deux clubs. Donc c’était quelque chose de spécial…

     

    Au moment de signer, est-ce que vous vous souveniez qu’il y avait une rivalité forte entre Marseille et Bordeaux ? Aujourd’hui, avec les médias et les supporters, il est difficile d’être transféré d’un club à l’autre pour les joueurs sans être critiqué.

    Oui, je m’en rappelle de cette époque avec le Président Bez et Tapie de l’autre côté. Il y a eu aussi Tigana aussi et puis d’autres joueurs. Ça fait partie du boulot, des choses de la vie. Pour les joueurs, le plus important était de faire son boulot, de jouer professionnel. Donc à partir du moment où tu joues et que tu fais ton boulot, il ne devrait pas y avoir de problèmes. C’est vrai que les supporters, parfois, ils sont réticents, mais comme je l’ai dit, si vous avez la chance d’être dans un des grands clubs… A l’époque, il y avait l’épopée Nancy et Saint Etienne et après c’était Marseille et Bordeaux. Pour tout joueur, l’idéal c’était soit à Marseille, ou à Bordeaux.

     

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    Est-ce que vous suivez encore les Girondins de Bordeaux ? Et surtout trouvez-vous que l’image du club a changé aujourd’hui ? A votre époque, on parlait encore d’un club historique, qui semble aujourd’hui rentrer dans le rang, même si sportivement, cela se passe plutôt bien actuellement…

    Oui, je suis toujours intéressé par le championnat français et notamment par mes deux clubs respectifs, Le Havre en deuxième division et Bordeaux en Ligue 1. Quoi qu’il arrive, c’est un club historique, Bordeaux. Ils ont gagné plusieurs fois le championnat et avec de très grands joueurs qui y ont joué. Donc pour moi, c’est un club historique. Pour moi, ça fait partie de la vie du club, il y a des hauts et des bas. C’est vrai que le club a été vendu donc on sait que ce n’est pas facile. Tout le monde ne peut pas se battre contre Paris avec le budget et tout le monde le sait. Après, il faut trouver d’autres solutions, comme travailler sur le centre de formation, les jeunes par exemple. C’est un tout, tout dépend du projet que le club décide de faire. Avant le club pouvait acheter, maintenant ce n’est plus le cas et il faut trouver d’autres solutions. Ça fait partie du football, il y a eu une grosse période avec Lyon et aujourd’hui ils traversent la même période. C’est normal.

     

    Comme vous l’avez dit, Bordeaux a changé de propriétaire et a été racheté il y a un an par un fonds d’investissement américain. Que pensez-vous de ce procédé de rachat ?

    C’est difficile pour moi, car je collabore avec Milan où je fais du scouting aussi. Il y a eu le même problème à Milan qui a été racheté par un fonds d’investissement. Ce n’est pas facile. Ce sont des personnes qui sont amenées à avoir des projets sur le long terme. Quand on est supporters, on s’attend à ce que la personne qui a acheté investisse de suite pour pouvoir repartir comme à la belle époque. Mais il y a la DNGC et l’international fairplay de l’UEFA. C’est un tout. Les personnes qui achètent ces clubs-là doivent regarder leur portefeuille et les paramètres à respecter. Malheureusement, ce n’est pas facile.

     

    Ce dimanche, Bordeaux, 3ème, se déplace à Marseille, 2ème. On a l’impression de retrouver une grande affiche de notre championnat… Comment voyez-vous cette rencontre ?

    C’est génial, parce qu’en fait, on vit un peu dans la nostalgie. Car comme on en a parlé, ce sont deux clubs qui ont fait l’histoire. Les années 80, pour nous, c’était Bordeaux-Marseille, Marseille-Bordeaux. Laissons de côté Paris qui est sur une autre planète, qui vit quelque chose d’autre. Je pense que c’est très bien pour le football français de retrouver ce classique. Je suis très content que ces clubs jouent ces places-là.

     

    Vous voulez faire un petit pronostic ?

    C’est difficile. Ce sont deux entraîneurs portugais avec de la qualité et ils sont en train de le démontrer. Ça n’a pas été facile pour eux au début mais après dans l’ensemble, je pense que les joueurs commencent à les suivre et comprendre leurs systèmes. Ce qui est marrant c’est que ce sont deux entraîneurs que je connais. Un parce que j’ai joué contre lui quand il jouait en Italie et l’autre je l’ai côtoyé quand il était dans le staff de Mourinho à l’Inter.

     

    Justement, que pensez-vous du travail de Paulo Sousa actuellement aux Girondins ?

    Je pense que les résultats parlent d’eux-mêmes, ils lui donnent raison. Après, on sait très bien ce qui se passe du côté financier mais je pense qu’aujourd’hui il faut se concentrer sur le moment, sur les résultats, et que Bordeaux n’a pas eu à acheter des joueurs à 200 millions, donc c’est très bon.

    Merci Ibou pour ce moment ! 

    ibrahim ba