InterviewG4E. Badou Sambague : « Sékou n’a pas le temps de faire semblant »

    Il est le dernier à avoir signé son premier contrat professionnel aux Girondins de Bordeaux. Sékou Mara a gravi vite et bien les échelons qui l’ont mené au groupe pro. Destiné à évoluer avec les U19 la saison dernière, il prit finalement place à la pointe de l’attaque de la réserve bordelaise. Désormais sous contrat avec le FCGB jusqu’en 2023, ce pur avant-centre a montré sa détermination et sa polyvalence lors des matches de préparation. Pour Girondins4Ever, son conseiller/avocat, Badou Sambague, nous dresse le portrait d’un garçon bien entouré, la tête sur les épaules, et désireux de grappiller du temps de jeu à chaque instant, dans le but de progresser et s’épanouir. Interview.

     

    On imagine que cela doit représenter un aboutissement pour Sekou de signer professionnel dans son club formateur, à seulement 18 ans ?

    Je pense qu’il pourra mieux en parler que moi par rapport à cette signature de contrat, comme sa famille, mais au lieu de parler d’aboutissement, on va dire plutôt que c’est une belle étape. C’est une étape importante pour lui, dans la mesure où il a choisi de s’engager avec les Girondins depuis très jeune et qu’avec sa famille, ils avaient longuement réfléchi au projet qu’il devait choisir par rapport à Sékou. Quand ils ont pris cette décision, elle était totalement réfléchie et elle a été faite avec une vraie conviction. Signer un contrat avec Bordeaux, c’est grande étape, c’est important pour lui mais ce n’est pas une finalité. Je pense qu’il en est conscient. Il a été au travail bien avant de signer ce contrat-là et ça le pousse encore plus à travailler de manière plus dure pour atteindre ses objectifs.

     

    D’ailleurs, il a attendu le jour de ses 18 ans pour signer professionnel, on sait qu’il y a eu des négociations avant de trouver un accord. Est-ce que vous pouvez nous en dire un peu plus ?

    Il n’y a pas forcément besoin d’évoquer ces négociations. On a tendance à penser qu’elles reposent sur l’aspect financier ou autres. Je pense que dans une période comme celle-ci, les familles et les joueurs ont besoin de savoir quel est le projet du club : est-ce qu’il y a une certaine stabilité, est-ce qu’il y a aussi une volonté de permettre aux jeunes de montrer leurs qualités ? Je pense qu’il y avait besoin d’avoir cette visibilité et quand le club a demandé à ce qu’un certain nombre de jeunes, dont Sékou, reprennent avec les professionnels, cela montrait également une direction et une volonté de leur permettre de montrer leurs qualités. Des jeunes comme Sékou ont besoin d’avoir cette possibilité d’être confronté au haut niveau, pour se tester, pour travailler les domaines à perfectionner. Il y avait besoin d’avoir un peu plus de visibilité sur ce point. Ce n’est pas avoir des garanties car on n’en a jamais dans le football mais d’avoir la visibilité d’une projection qui pourrait être la sienne au sein du club. A partir du moment où cette projection correspondait exactement à ce qu’il avait eu il y a 3 ans et demi quand il a signé son contrat avec les Girondins, les voyants étaient tous au vert et on pouvait avancer dans le bon sens. C’était une bonne chose aussi de le faire concilier avec ses 18 ans, au moment où toute sa famille était présente dans la région bordelaise, pour avoir tout le monde et valider cette étape importante pour nous.

     

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    Pour sa signature justement, ses coéquipiers et sa famille étaient présents, avec un gâteau d’anniversaire. Il s’agit surement d’un moment inoubliable pour tout le monde… Et il y a une image qui nous a marqué, c’est le regard de sa mère, journaliste de profession. On a senti beaucoup de fierté de sa part. Est-ce que vous pouvez nous parler de la relation que Sékou a avec sa famille, son entourage ?

    Je pense que Sékou a une chance énorme avec sa famille, c’est que contrairement à ce que l’on peut voir dans beaucoup de situations, sa famille ne fait pas une obsession du fait qu’il devienne footballeur ou le meilleur joueur. Je pense que c’est aujourd’hui ce qui fait sa force. Il a une famille qui est très terre à terre, que ce soit son papa ou sa maman. Quelle que soit la notoriété qu’ils peuvent avoir, ils ne le mettent pas dans une situation de réussite absolue dans le monde du football. Il conserve l’aspect de compétition tout en gardant le plaisir. C’est quelque chose qui est difficile dans le monde du football et il a la chance d’avoir autour de lui des parents comme ça qui sont dans cette direction-là. Ils veulent d’abord qu’il s’épanouisse en tant qu’homme avant de s’épanouir en tant que footballeur. Parce qu’en étant épanoui en tant qu’homme fera de lui un footballeur épanoui dans tous les cas.

     

    Quel discours vous a été tenu par la direction bordelaise ? On sait que Bordeaux est réputé pour sa formation, mais ces derniers temps, peu de jeunes ont eu leur chance…

    La direction a tenu le même discours que lui a tenu ses parents ou que j’ai pu avoir avec lui en aparté : dans le football, on a ce que l’on mérite. S’il est bon, il jouera. Et paradoxalement, s’il n’est pas bon, il ne jouera pas. Je pense que Sékou et sa famille ont bien compris qu’il faut garder en tête que c’est la compétition et la performance qui vont faire qu’il sera amené à jouer, à grappiller des occasions pour pouvoir s’exprimer avec l’équipe professionnelle. Ce n’est pas un acquis. On l’a vu sur la préparation, il est arrivé déterminé, avec un bon état d’esprit, comme il l’a toujours fait à Bordeaux. Là, il a élevé son niveau de détermination et aujourd’hui l’entraîneur lui a donné des opportunités pour se montrer en ce moment. Le discours du club est que les jeunes ont toute la place dans le projet et ce discours n’a pas changé depuis que Sékou est arrivé au club. Dans les clubs, il y a toujours des étapes, des phases, qui peuvent être positives ou moins. L’objectif est de provoquer des situations positives, c’est son objectif aujourd’hui et le club est en phase avec ça. Parfois, on arrive dans un club, tout est rose, ça se passe bien et du jour au lendemain, ça se passe mal. Un club de football, c’est comme les saisons, sauf si on est au PSG, il y en a qui sont moins bonnes, d’autres sont meilleures. C’est au joueur à s’adapter à cette situation-là, de ne pas douter. Le discours du club a toujours été le même. Il y a des opportunités à saisir et c’est à Sékou de faire le maximum maintenant. Le club est très content de sa signature, qu’il s’inscrive dans le projet. C’est important de voir que le choix qu’il a fait, il y a plusieurs années, soit validé aujourd’hui. C’est une chose importante pour la famille et Sékou qui valide le fait qu’ils ne se sont pas trompés dans leurs projections jusqu’à maintenant.

     

    C’est vrai qu’en cette préparation, Sekou a eu du temps de jeu lors des matches amicaux, et a été plutôt bon offensivement face à Saint-Etienne. Est-ce un signe positif pour vous et lui surtout ?

    Pour un jeune joueur, le temps de jeu est toujours positif. Quand on est amené à avoir des opportunités pour se montrer et prendre du rythme au plus haut niveau en France, qui fait partie des 5 plus grands championnats européens et qu’on le fait à 17-18 ans, il faut croquer et foncer. Tout temps de jeu est à prendre. Je pense que c’est un élément qu’il a très bien compris, même si Sékou aujourd’hui n’évolue pas à son poste. Il doit comprendre aujourd’hui, que même en évoluant à ce poste-là, contre Saint-Etienne, contre Angers, ce sont des choses positives qu’il va en tirer. Même s’il peut être amené à jouer attaquant, aujourd’hui, il est en train d’avoir plus de coffre, à s’habituer à certains efforts, à connaître le rythme de la Ligue 1. C’est important pour un nouveau joueur, tout est nouveau pour lui : l’intégration dans le groupe, les matchs, les adversaires, le niveau d’exigence. Tout ça est difficile à emmagasiner pour un nouveau joueur et je pense qu’il est en train de faire de façon très sereine. C’est ça qui est intéressant, il commence à comprendre les choses très rapidement. C’est un garçon très intelligent, il a eu son BAC S un an en avance. Aujourd’hui, il continue de prendre des cours de langue, parce que c’est un garçon qui est très terre à terre. Il sait aussi que c’est un degré de compétition qui demande une certaine rage, une grinta pour réussir.

     

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    Comme vous le disiez, chose peu commune, il a joué « piston » dans le système de Paulo Sousa et s’est plutôt bien débrouillé. C’est pourtant difficile de le voir à ce poste car tout le monde sait que c’est un pur numéro 9… Cela reste intéressant d’accumuler de l’expérience, même sur un poste différent ?

    C’est toujours intéressant pour un jeune joueur, oui. Quand on arrive lors d’un match et que l’entraîneur a besoin d’avoir comme titulaire ou remplaçant, un jeune joueur qui est capable de rentrer numéro 9 ou sur le côté, au lieu de prendre deux joueurs, il prendra Sékou. Je pense que c’est important pour un joueur de comprendre que cette polyvalence peut apporter sur le perfectionnement et l’acquisition de bases solides, sur un poste en particulier, même si ce n’est pas son poste initial. Cela peut permettre une alternative lorsque le coach a un choix à faire. S’il a besoin d’un piston gauche et un attaquant, Sékou l’a fait pendant la préparation : il est capable de rentrer dans le milieu et couvrir son côté. Pour lui, c’est toujours intéressant. Peut-être que le coach lui dira « Tu es numéro 9 et tu le resteras », mais le coach saura aussi qu’il est capable de faire des efforts en tout cas. Et ça, c’est très important pour un jeune joueur.

     

    Parlez-nous de lui et de ses qualités, les choses qu’il a à améliorer dans son jeu ?

    Je pense que c’est un garçon qui comprend vite les choses, il est très intelligent. Il est capable de jouer dans les airs comme au sol. Il est doté d’une très bonne technique. On le voit physiquement, il est déjà très affûté et il est capable de répondre au défi physique. C’est un garçon qui est très exigent envers lui-même. Des fois, cette exigence est un peu trop extrême chez les jeunes joueurs, donc on a tendance à noircir le tableau. Je le prends plutôt comme une qualité mais c’est quelque chose que l’on doit parfois calmer en lui expliquant qu’il y a eu des choses intéressantes dans son jeu. C’est notre rôle, celui de l’entraîneur et du club de façon générale. Sinon, c’est un garçon qui est capable de jouer en pointe, de marquer de la tête, du pied droit ou gauche. Il sait tirer les penaltys. C’est un garçon qui n’a pas encore totalement montré toutes ses qualités et je pense que quand il l’aura fait, c’est un garçon qui peut aller très haut.

     

    Quelle est sa marge de progression ? Est-ce qu’il peut réussir à s’imposer rapidement d’après vous ?

    Le club, l’encadrement sportif et celui de la formation sont conscients du niveau de Sékou. Sa famille et moi-même, nous en sommes conscients nous aussi. La dernière étape est que Sékou, malgré le fait qu’il connaisse ses qualités, soit conscient qu’il est capable dès cette année de s’affirmer et de réaliser de belles choses. C’est ça le plus important chez un jeune joueur : avoir conscience de pouvoir réaliser ces choses-là et je pense qu’il est en train de s’en rendre compte. En étant au contact quotidien des professionnels, il se rend compte non seulement des choses intéressantes qu’il est en train de faire, mais également des choses qu’il doit parfaire pour atteindre le haut-niveau. Et il est en train de le faire.

     

    Dans un monde où il y a de moins en moins de sentiment d’appartenance, et même si Sekou n’est pas natif de la région, on sent quand même que les Girondins de Bordeaux sont importants pour lui, pouvez-vous nous le confirmer ?

    On a vu lors des discussions pour la signature : Sékou, il était prêt. Ce n’est pas quelqu’un qui a tergiversé, qui s’est posé des tas de questions comme ça peut être le cas avec d’autres joueurs. Son choix et celui de sa famille était très vite arrêté. C’est ce qui est le plus important quand on conseille des joueurs surtout lorsqu’ils sont jeunes, on a besoin d’avoir ce sentiment d’appartenance à un club, de vouloir réaliser quelque chose et de marquer de son empreinte un club par ses performances sur le terrain et sa relation avec les gens. Je pense que son arrivée à Bordeaux, la manière dont il a été accueilli et ce qu’il a pu gravir comme échelon depuis le début au sein du club montre aussi son attachement au club. Pour lui, cet attachement est important et il est là depuis son choix de venir à Bordeaux dès le plus jeune âge. Même si ce sont des choses qui se perdent, on voit que Sékou et sa famille ont gardé ces choses-là. C’est aussi une des clés de la réussite quand on veut réussir dans son club formateur, c’est important d’avoir cet attachement. Pour lui, il n’a pas le temps de faire semblant.

     

    Merci Badou, et bonne saison à Sékou !