Yoann, on a quelque chose à te dire…
Cet article, on l’avait écrit il y a maintenant plusieurs jours. C’est peut-être la « prétention » bordelaise, décrite par plusieurs autres supporters, d’autres clubs. Mais lorsqu’on l’a relu, au lendemain de cette non-montée en Ligue 1, en fait, on s’est aperçu que jamais nous avions parlé de montée. Comme quoi, finalement, nous ne sommes pas si hautins ni prétentieux. Nous avons décidé de ne pas le modifier et de le laisser tel quel, puis de vous le proposer. Bonne lecture.
Yoann, on a quelque(s) chose(s) à te dire alors, prends un café, long si possible, pose-toi sur ton canapé, et profite de ce moment parce qu’on va être super sympa avec toi.
On t’a connu à une époque où le Club – le football même – était différent. Peut-être plus proche, peut-être plus ouvert… Mais ça, c’est certainement une réflexion de vieux cons, que nous sommes peut-être aussi désormais. Le fameux : « c’était mieux avant ». Mais bien sûr que non. Tu en es la preuve. Cette époque, l’on te suivait t’entrainer de temps en temps avec les professionnels, avec une armada de joueurs à ton poste, et tu ne faisais pas tâche. Et puis, on venait voir la réserve à Galin, et en avant match, on se souvient de toi comme souriant, cherchant, comme un rituel, les personnes de ta famille, ou tes amis, qui étaient venus te voir jouer. Ce sourire n’a pas changé (bon, il est devenu plus « bright », on te l’accorde), comme ce sérieux dans la préparation avant chaque rencontre, le regard déterminé. Il y avait déjà aussi ce timing dans les duels aériens, et ces transversales du gauche que tu peaufinais. Les croqueurs de devant ne te laissaient pas souvent tirer de coups francs, mais l’on savait que tu aimais déjà ça.
Et puis arrive ce départ. Nous non plus, on n’a pas forcément compris. On était peut-être à une époque où l’on privilégiait le « potentiel », la technique, le physique, la décision d’un homme, à l’état d’esprit, à l’amour du maillot. Les années qui ont suivi ont montré et prouvé que c’était une erreur. Evidemment, à cette époque-là, tu avais des manques, on le sait tous, mais ce n’était pas des manques rédhibitoires, ils ne demandaient qu’à être comblés et travaillés. Comme beaucoup, et peu à la fois, c’est de cet échec que tu te nourriras pour revenir plus fort. Pas de revanche parce que comme nous, putain, qu’est-ce que tu aimes ce club. Mais quand même, il n’y avait pas un peu d’injustice là-dedans ?
Ces années en Angleterre, on les a suivies, on a vu ton caractère qui s’est de plus en plus affirmé, on t’a vu grandir personnellement, t’épanouir, te stabiliser, devenir un homme, un père de famille, un mari l’été dernier dans ta ville de cœur, un homme qui dit tout le temps oui aux belles causes. Il ne manquait plus qu’une seule chose à ta vie et au fond de toi, tu savais que comme il y a une justice, ce moment allait arriver un jour.
Ironie du sort, c’est au moment où le club est au plus mal. Ironie du sort, c’est à ce moment-là qu’on rappelle ceux qu’on n’a pas conservé car ils n’avaient pas le niveau, à l’époque. On pense aussi à toi, Vital. Ironie du sort, on te demande et te fait comprendre qu’il va falloir faire des efforts alors qu’en plus tout le monde sait que tu vas être la pierre angulaire du projet. Des efforts financiers, oui, mais aussi des efforts sportifs, humains, ceux de ne pas jouer alors qu’encore une fois, c’est sur toi que toute la saison va reposer. C’est là que la beauté de l’âme ressort. Prendre le risque, aider son club formateur et de cœur, jusqu’au bout, en n’étant même pas sûr d’y signer, et en faisant encore un effort financier quelques heures plus tôt. Tout ça, avec en toile de fond, le fait de ne pas avoir été conservé neuf ans plus tôt. Ce stress, que tu prendras toute la saison sur tes épaules, va se matérialiser par une petite larmichette lors de l’officialisation de ton contrat, le dernier jour du mercato. La sincérité, l’honnêteté, la sensibilité. Des mots qui te caractérisent aussi.
Et puis arrive cette saison, qui démarre mal avec cette défaite à Saint-Etienne, et les premières craintes de ceux qui ne t’avaient pas suivi, qui ne te connaissaient pas. Et de ce point de vue-là, c’était presque compréhensible. Seulement, on ne ressort pas indemne de quatre mois sans compétition. Ce fut d’ailleurs ton discours dans les minutes qui ont suivi, avec aussi la promesse que ça allait de mieux en mieux. Promesse tenue.
On a tout aimé. On a aimé ces coups-francs magnifiques. On a aimé ces interventions par le tacle. Ces interventions dans les airs où tu as su rapidement t’adapter par rapport à un modèle anglais bien différent dans les normes d’arbitrage. Mais ce qu’on a aimé par-dessus tout, c’est ce caractère. Ce modèle que tu es par l’exemple. Ce guide que tu es pour les jeunes. Ce perfectionniste. Ce soutien quand un coéquipier en avait besoin. L’encouragement plutôt que de gueuler dans le but de détruire. Ce mec aussi qui remet les pieds sur terre à ses coéquipiers après un but. Ce mec, c’est le Michel Pavon de la saison 98-99. Ce mec avec du caractère, mais qui est juste, et dit/fait les choses avec le cœur. En réussissant à faire ce que tu as fait, avec tes coéquipiers cette saison, tu fais partie des joueurs de cette trempe, des joueurs qui ne fuient pas leurs responsabilités et mieux, qui font ce qu’ils disent. Des joueurs qui font l’histoire d’un Club.
La saison dernière, on a vécu l’horreur. On a pleuré. Peut-être que toi aussi. On a été humiliés par la France entière. Mais on a été surtout humiliés par des joueurs qui ne méritaient en rien de porter ce maillot, de représenter ce club. Il est de coutume de rappeler les anciennes gloires pour redorer un blason. Mais rappeler des mecs qu’on a virés pour cette même mission, franchement, c’est presque du jamais vu. Et ça, tu peux aussi en être fier.
On t’aime Yo. On t’aime pour ce que tu es, pour ce que tu représentes, pour tout ce qu’on vient de te dire. Mais on t’aime surtout parce qu’on a retrouvé l’envie de suivre, d’aimer, de soutenir notre club, dans une ambiance, une atmosphère, qui tourne uniquement autour de notre passion : le football. Oui, il n’y a pas que toi. Il y a tes coéquipiers. Tout le groupe. Oui, évidemment. On insiste bien, tout le monde, sans exception. Chaque joueur cette saison a participé à l’exploit de faire renaitre le Club. Mais il y a surtout toi, Yo, qui a réussi à fédérer, à emmener tout ce beau monde, à effacer les doutes, à aspirer la pression comme tu le dis si bien. Toi qui embrasses ou tapes avec la plus grande sincérité l’écusson à tous tes buts. Ce n’est pas grand-chose, c’est certainement instinctif pour toi, naturel, mais quel bien cela nous fait…
Tu ne te rends pas encore compte, du moins pleinement, de ce que tu as apporté cette saison. Tu en prendras vraiment conscience dans plusieurs mois. C’est toujours comme ça. Mais nous, nous le savons.
Les joueurs passent, le Club reste. Seulement, il y a des joueurs qui font que le Club reste ce qu’il est. Tu en fais partie. A vie.