Interview. Ervin Taha : « C’est une confrontation particulière pour moi »

    (Photo by Manuel Blondeau/Icon Sport)

    Ervin Taha était l’un des plus grands espoirs de sa génération au centre de formation des Girondins de Bordeaux. Natif de la capitale, il est l’un des nombreux joueurs recrutés dans le « vivier » de la région parisienne, plus grand pourvoyeur de talents en France. Après de nombreuses années passées au centre, avec de belles promesses mais aussi des moments d’absence dus aux blessure, Ervin n’a pas réussi à obtenir le fameux sésame, à savoir le contrat pro. Avec du recul aujourd’hui, il reconnait un manque de maturité et de travail, ne prenant pas l’excuse trop facile des blessures. Aujourd’hui à Bourges, le prochain adversaire du FCGB en National 2 samedi, il a retracé son parcours en début de semaine avec nous, se livrant sur son attachement pour les Girondins, tout en se projetant également sur les échéances à venir. Entretien.

    Qu’est-ce tu réponds si je te dis que ce qui t’a empêché de percer aux Girondins et de signer ton premier contrat pro, c’est principalement les blessures ?

    Ce n’est pas dû qu’aux blessures, il y a aussi eu un manque de maturité et de travail. C’est vrai qu’il y a eu les blessures, mais selon moi c’est plus par manque de maturité à certains moments, et de travail aussi.

    Matthieu Chalmé à l’époque, en parlant de toi, évoquait peut-être un manque de prévention avant et après l’entrainement, des étirements, des renforcements, des soins, l’hygiène de vie.

    Je ne rejoins pas totalement ça car par exemple, l’hygiène de vie hors terrain, ça suivait. C’était plus quand j’étais dans l’enceinte du club, il y avait un manque d’investissement, et je le rejoins sur ça. Je pense que c’est dû à la jeunesse. On croit qu’il y a le temps, et finalement, non, le temps passe, et les joueurs derrière poussent et prennent les places.

    Malgré tout, il y a un coup du sort. Alors que Malhory Noc ou Ibrahim Diarra sont pressentis pour être avec les pros à Saint-Etienne, c’est finalement toi, car tu n’es pas blessé.

    Il y avait ça oui, mais il y a aussi eu le fait que le coach Gourvennec, à cette époque, voulait voir un attaquant d’en dessous qu’il n’avait jamais eu à l’entrainement. A ce moment-là, je revenais de blessure, j’ai fait quelques jours d’entrainement, et donc du coup j’y suis allé et ça s’est bien passé par la suite.

    Avec un peu de recul, comment tu expliques toutes ces blessures ?

    C’était un manque de maturité. En fait, il fallait s’étirer, boire, faire un peu plus de prévention, comme l’avait dit le coach Chalmé. C’est ça, c’est ce qu’on appelle l’entrainement invisible.

    Tu quittes les Girondins après ta formation, et tu signes ton premier contrat pro ailleurs, à Guingamp. Quel est ton sentiment à ce moment-là ?

    A ce moment-là, c’était plus un soulagement qu’une joie. Je me disais ‘enfin, ça y est, j’y suis, et le plus dur commence’. C’était plus un soulagement et une revanche.

    Depuis, tu as presque fait un club par an depuis ton départ des Girondins : Guingamp, Laval, Créteil, Nancy, Les Herbiers, Bourges… Comment expliques-tu cette instabilité ?

    Là encore, je suis retombé dans mes travers. Je n’allais pas régulièrement à la salle, l’entrainement invisible n’était pas correctement fait. C’est ça… Je suis retombé dans mes travers, alors que ma volonté est d’avoir de la régularité et de me poser.

    On revient aux Girondins de Bordeaux actuels. Tu as dû voir la dégringolade ces dernières saisons…

    Déjà que le club descendre en Ligue 2, c’est triste. C’est triste aussi pour moi, parce que Bordeaux est un club que j’ai continué à suivre, je regardais tous les matches. J’étais vraiment au courant de l’actualité du club, et franchement ça ne m’a pas fait plaisir, c’était quelque chose de difficile à voir. Maintenant, le club est en National 2, c’est une sensation bizarre, qui n’est pas agréable. En plus, j’ai de la tristesse surtout pour le centre de formation qui a fermé, les salariés du club. Même les joueurs qui étaient là… C’est triste. Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé, mais franchement c’est triste. Je sais que les joueurs actuels logent au centre de formation. Je suis toujours en contact avec plusieurs joueurs, et quand ils m’envoient des vidéos du centre vide, ça fait très bizarre…

    Est-ce que ces dernières semaines quelqu’un au club a pensé à toi pour revenir ?

    Non, pas spécialement.

    Il y a deux autres bordelais avec toi à Bourges aujourd’hui, Mohamed Aggoun et Hamza Bouhadi…

    On a un peu parlé avec Hamza du fait que Bordeaux soit dans notre poule. On parle évidemment de l’actualité du club. Cette confrontation qui arrive, c’est quelque chose de spécial, et si on a la chance d’y être, ce sera avec plaisir.

    Ce sont deux joueurs qui n’ont pas leur chance plus haut, mais il y a beaucoup de jeunes dans les centres de formation. Cependant, ils peuvent aussi, comme toi, réussir une carrière ensuite.

    C’est ça. Après, tous les cas sont pareil et différents à la fois. Par exemple, mon cas sera différent de celui d’Ilan Kebbal (aujourd’hui au Paris FC, ndlr), même s’il y a quelques ressemblances. C’est comme dans tous les centres de formation, on ne peut pas faire signer tout le monde, mais après il y en a qui réussissent ailleurs. Il y a aussi des joueurs qui ne sont pas forcément prêts à l’instant T pour passer à l’étage supérieur dans leur club, et qui arrivent à maturité dans d’autres clubs. C’est ce qui s’est passé pour beaucoup de joueurs.

    Aujourd’hui, tu es à Bourges, qui est annoncé comme l’un des favoris de la poule…

    Favori, c’est les autres clubs qui le disent. Nous, on a nos objectifs, on travaille pour et on travaille très bien. On ne prend aucun adversaire à la légère, on prend tout le monde de la même manière. On abordera les rencontres dans le meilleur état d’esprit possible. On bosse bien à l’entrainement, on a un très bon coach, et un très bon staff, une bonne direction et de très bonnes installations. Franchement, il y a tous les ingrédients pour faire une bonne saison.

    Qu’est-ce qui fait la différence sur la longueur en National 2 ?

    C’est l’état d’esprit et les détails. Mais aussi faire des séries. Quand tu fais des séries, tu as plus de chances de finir dans le haut que de rester en bas.

    Peux-tu nous parler de ton équipe ?

    Le groupe a changé par rapport à l’année dernière, il doit rester trois ou quatre joueurs par rapport à la saison dernière. Je les ai rejoints un peu après, mais dès que je suis arrivé dans le groupe, j’ai directement été mis à l’aise par le staff et les joueurs. En fait, l’identité de jeu s’est imprimée directement, et c’est pour ça qu’il y a ce début de saison-là. C’était très clair, chaque joueur à chaque poste sait ce qu’il a à faire. En fait, on peut sortir un titulaire, mettre un remplaçant, et ne pas voir de différences. Tout le monde est prêt à jouer, tout le monde connait le projet de jeu. Si tu sors un mec qui a fait 40 matches, en le remplaçant par un autre qui n’en a pas beaucoup, il saura quoi faire. C’est ça la force de ce groupe, tout le monde se tire vers le haut et travaille ensemble.

    Vous étiez sur une bonne série mais vous avez chuté à domicile face à Châteaubriant (2-3). Comment l’expliquer ?

    Encore une fois, c’est une question de détails. De détails dans les deux surfaces, de faits de jeu. On n’était pas forcément inquiétés, il y a eu quelques erreurs de notre part et voilà, ça s’est payé.

    Qu’est-ce que cela fait de revenir à Bordeaux, et de jouer dans un stade où tu as fait tes débuts en pro, le Matmut Atlantique ?

    C’est vrai que c’est une confrontation particulière. J’en parlais avec Nathanaël Bai avec qui je suis très proche, car on est de la même génération. C’est un match spécial, mais c’est un match que j’aborderai comme les autres. Si j’ai la chance de le jouer, il aura une saveur particulière. C’est le commencement pour moi.

    Est-ce qu’il peut y avoir une appréhension du groupe de se retrouver dans un grand stade comme le Matmut Atlantique, avec possiblement beaucoup de monde ? (depuis, il a été décidé que le match serait à Sainte-Germaine à huis clos, ndlr)

    Non, il n’y aura pas forcément d’appréhension, je pense au contraire que ce sera plus de l’excitation. En fait, quand tu joues au foot, tu joues aussi pour ce genre de match-là. Jouer dans un stade avec beaucoup de supporters, franchement… J’espère que ce sera un bon match, mais ce sera plus de la motivation de jouer devant beaucoup de supporters, que de la pression. On a un groupe qui est mature et expérimenté, où beaucoup ont connu le National, la Ligue 2… Le groupe ne sera pas impressionné.

    Tu vas donc aussi retrouver des joueurs que tu connais…

    Oui, il y a Nathanaël Bai, Driss Trichard, Malhory Noc… Après, il y a également Cédric Yambéré que j’ai connu, même s’il était plus grand et j’étais à ce moment-là plus au centre quand il était là. J’ai même vu que Younes Kaabouni était revenu, Over Mandanda a également signé, donc plein de joueurs que je connais. Il y aura aussi dans les tribunes des gens hors foot que j’ai connus à Bordeaux. Il y a tous les ingrédients réunis pour que ce soit un bon match.

    Ils ont dit sur Ervin Taha

    Matthieu Chalmé : « Il est très bon techniquement, il va vite. Il doit gagner en régularité dans les prestations et il doit éviter d’être trop blessé ».

    Jocelyn Gourvennec : « Un joueur qui sent le foot, qui est altruiste, dynamique, qui va vite, qui sait dribbler, qui sait passer ».

    Jean-Luc Dogon : « C’est quelqu’un d’habile devant le but. Il est capable de mettre des buts, il a vraiment le sens du but ».

    (Photo by Manuel Blondeau/Icon Sport) – Photo by Icon Sport