InterviewG4E. Léa Mannon : « Je me suis tout de suite sentie concernée »

    Passée par les Girondins de Bordeaux de 2015 à 2019, Léa Mannon, native de la région, n’a jamais quitté des yeux son club. Si son parcours fut sinueux, la faute à des blessures, et qu’elle coupa aussi pendant plusieurs mois avec le football, elle reprit goût à ce sport récemment, et rejoindre les Girondins était pour elle une évidence. Ci-dessous, elle raconte comment son retour s’est organisé, et quelle est l’ambition pour cette saison. Entretien.

    Tu as repris une licence la semaine dernière, comment cela s’est passé ?

    La saison dernière, j’ai joué en Coupe contre les Girondins, et Jérôme (Dauba) m’a parlé du projet, même si on ne savait pas trop la situation du club, mais il m’avait déjà contacté pour que je revienne. J’ai attendu que la situation se soit stabilisée avec tout ce qui s’est passé, et ensuite Jérôme m’a recontacté. Il m’a donné le contact de Romain (Vitry, l’entraineur cette saison). Je l’ai eu, on a discuté, et j’ai fait une séance d’entrainement la semaine dernière pour tester. Ça m’a plu, donc voilà.

    Tu étais à Bassens jusqu’à présent.

    Oui, cette année je n’avais pas encore repris de licence parce que l’équipe a été dissoute. Cette année, je n’avais pas encore de licence. J’avais eu des contacts avec d’autres clubs, mais comme Jérôme m’avait appelé, j’attendais pour les Girondins.

    Tu as vécu à distance la descente aux enfers du club, et surtout de la section féminine qui a été entrainée dedans… Comment l’as-tu vécue ?

    Forcément, comme je suis issue de la région, et que j’ai en plus participé au projet de construction de cette section, ça m’a touché. Je m’étais dit qu’il y aurait surement besoin des filles d’ici, et des anciennes. Dès que j’ai vu que le club était dans cette situation-là, je me suis tout de suite sentie concernée.

    D’ailleurs, il y a plusieurs anciennes qui se sont senties concernées, avec Andréa Lardez qui est restée, Amandine Herbert, Sophie Istillart également. C’est important de s’appuyer dans un projet de reconstruction sur des joueuses historiques, au niveau de l’identité…

    Oui. En plus, le groupe est assez jeune, donc d’avoir le soutien des anciennes, des filles qui ont connu le haut niveau sur plusieurs années… C’est important d’avoir ces filles-là dans le groupe. En fait, on a toutes des parcours différents, et on peut toutes apporter quelque chose à ce groupe.

    Est-ce que vous avez parlé d’objectifs avec le coach ?

    Il m’a surtout parlé de ce que je pouvais apporter au groupe, mais oui, l’objectif de l’équipe est de remonter le plus rapidement possible dans l’élite. L’objectif de cette saison est déjà de remonter en D3, et ensuite, petit à petit, de remonter au plus haut niveau.

    Ce n’est plus la même structure qu’avant puisque c’est désormais l’association qui a repris la section. On repart vraiment sur de nouvelles bases.

    J’ai arrêté aux Girondins juste l’année avant que ça commence à bien se développer. Même si on avait passé un cap en montant en D1 – j’ai fait une saison et demie en D1 – on n’était pas encore dans le professionnalisme total. Pour moi, à titre personnel, forcément, ce n’est pas un retour en arrière. Après, pour l’équipe, certes, c’est un peu plus compliqué. Même si on repart en association, on est quand même dans les mêmes locaux, on a des choses qui sont mises en place pour nous. Je peux comparer à Bassens ou d’autres clubs aux alentours, on a quand même la chance d’avoir les structures, d’avoir des gens autour de nous qui nous apportent quand même cette sensation d’être dans une structure, je ne dirais pas professionnelle, mais vraiment encadrée. Quand je parle des structures aussi, je parle du matériel, de ce qui est mis à notre disposition, mais aussi des personnes qui sont là pour nous encadrer. On sait qu’il y a le retour de Jean-Louis Triaud, de Madame (Françoise) Brunet. C’était vraiment une personne importante de notre projet quand j’étais là déjà. Je sais qu’on est entourées de personnes qui vont nous permettre de remonter vite au meilleur niveau à mon sens.

    Avec aussi des partenaires qui ont fait ce qu’il fallait financièrement pour que l’association reparte.

    Oui, exactement. On est quand même dans de bonnes conditions. J’ai connu vraiment le footballeur amateur, et même si aujourd’hui le club n’est plus professionnel, je ne me sens pas dans un club amateur. On est aux Girondins, et ça se sent quand même. Franchement, je ne me fais pas de souci, je sais que petit à petit on va atteindre les objectifs.

    A titre personnel, tu as aujourd’hui 25 ans, tu as connu aussi deux fois les croisés, ce qui a un peu freiné ta carrière, et tu as aussi fait un break de quelques temps avant de revenir…

    Les deux blessures ont été très dures à digérer, surtout la seconde. La première, limite, ça a été un tremplin dans ma carrière, mais la seconde, ça m’a vachement freiné. Ça a été très compliqué. J’avais totalement laissé le foot de côté pendant un moment, et cette période-là m’a fait du bien. Quand j’ai repris le foot, ce second croisé a été très douloureux. J’avais pas mal d’appréhension, ce que je n’avais pas sur mon premier croisé. Petit à petit, avec les années que j’ai pu faire à Bassens, j’ai recommencé à prendre du plaisir, à ne pas avoir peur dans les duels, et là honnêtement je peux dire que ça y est, cette blessure est vraiment, vraiment derrière moi. Je n’ai plus aucune appréhension. Ça a été dommage que ça ne se passe pas au top la saison dernière à Bassens parce qu’honnêtement, je reprenais du plaisir en jouant au foot. Là, je suis contente d’être aux Girondins parce que je sais que je vais enfin pouvoir m’épanouir, jouer au foot avec des joueuses de qualité, un staff et des locaux de qualité.

    Même si tu es encore jeune, tu vas amener aussi ton expérience, parce que tu as vécu beaucoup de choses…

    Oui, et très honnêtement, les blessures, ça fait prendre en maturité. C’est logique, mais je ne suis plus la jeune joueuse que j’étais. J’ai beaucoup appris même si j’ai eu une période où j’étais loin des terrains. J’ai changé de mentalité, et je pense que je peux apporter ça à ce groupe qui est quand même très jeune. Si je ne suis pas très âgée, autour de moi, à part Andréa et Sophie, c’est moi la plus âgée… C’est un groupe vraiment très jeune, mais c’est bien aussi parce que ça va apporter de la fougue à ce projet.

    Le football féminin a été mis de côté alors que depuis plusieurs années, à travers les grandes compétitions, on essayait de le mettre plus en avant. Il a été abandonné à Bordeaux de par ce qui s’est passé au club… C’est un peu un crève-cœur de ne pas être mises plus que ça en avant ?

    Oui, c’est déplorable parce que le foot féminin était en plein essor, et ça s’est arrêté d’un coup. Mais honnêtement, je ne me fais pas de souci, je pense que ça reviendra vite. C’est à nous de remettre le foot féminin en avant que ce soit au club ou même par rapport aux résultats de l’équipe nationale pour voir un peu plus large. Il y a eu une période, avec les résultats de la Coupe du Monde, où le foot féminin a un peu chuté. Mais je ne me fais pas de souci, que ce soit au club ou même plus largement, le foot féminin retrouvera sa place, celle à laquelle il doit être. C’est très triste ce qui se passe au club, mais une fois que tout sera remis d’aplomb, cela deviendra de beaux souvenirs. C’est dans les moments difficiles qu’on se crée les plus beaux souvenirs. A l’heure actuelle, c’est un passage un peu compliqué, mais cela présage de belles choses ».