« Tous les clubs sont en difficulté »

    Nouvelle interview de Jean-Louis Triaud, qui s’axe principalement sur l’aspect économique du championnat français. Le président des Girondins de Bordeaux évoque notamment les droits télévisuels, les difficultés financières en Ligue 1 et plus particulièrement concernant les salaires, l’arrivée des actionnaires Qataris au PSG, mais également la situation du club bordelais avec l’arrivée de Francis Gillot.

     

     

     

     

    Les droits télévisuels de la Ligue 1 ont été attribués pour la période 2012-2016 à Canal + et Al-Jazira, pour un montant provisoire de 510 millions d’euros. Que pensez-vous de l’arrivée de ce nouveau diffuseur en provenance du Qatar ?

     

    Cette venue est forcément positive. Un client de plus est toujours une bonne chose, surtout que la chaîne qatarie ne se contente pas de la diffusion de deux matches, mais possède aussi les droits de la Ligue 1 à l’étranger. C’est un bon complément, car les candidats ne se bousculaient pas. Je remarque tout de même que, malgré le « cocorico » poussé à cette occasion, le montant récolté est, pour le moment, en baisse d’environ 20 % (de 668 à 510 millions d’euros). Lorsqu’un diffuseur comme Canal + achète le lot qui lui convient sans concurrence, il ne peut pas en être autrement.

     

    Votre actionnaire principal aux Girondins n’est autre que M6. La Ligue 1 n’est-elle pas susceptible de les intéresser ?

     

    Aucune chaîne en clair n’est en mesure de concourir avec une chaîne cryptée qui vend des abonnements. Seules les coupes nationales ou les compétitions internationales, incontournables en termes d’image, peuvent les attirer.

     

    Et que pensez-vous de la création de la chaîne de Ligue de football professionnel, CFoot ?

     

    Il s’agit d’une béquille ou d’une roue de secours si tous les produits ne sont pas vendus. C’est une aventure qui démarre, il y aura une période de latence. Mais tout cela vaut mieux que de ne rien faire.

     

    Un club comme l’Olympique lyonnais traverse une période compliquée sur le plan financier. Comment l’analysez-vous ?

     

    Tous les clubs sont en difficulté… A l’exception de Lorient, qui a réussi une série de bonnes opérations, et du PSG bien sûr, tous connaissent des difficultés. Il est vrai que certains le sont plus que d’autres. Et, pour les gros, le point inquiétant est que le réservoir de revenus constitué par la participation à la Ligue des champions ne suffit pas à éviter les déficits. Il faut faire preuve désormais de plus de réalisme. Nous avons certainement vécu au-delà de nos moyens.

     

    Peut-on mettre en cause l’inflation salariale de ces dernières années ?

     

    Les présidents de clubs sont coincés entre le marteau et l’enclume. D’un côté, ils doivent assurer l’équilibre des comptes ; de l’autre, le diffuseur et le public réclament plus de meilleurs joueurs, susceptibles de recevoir de gros salaires… C’est la raison pour laquelle nous sommes parfois allés au-delà de ce que l’on souhaite pour conserver quelques bons joueurs. On critique le niveau de la Ligue 1. Pour y remédier, il faut faire des efforts et prendre des risques. Mais notre système est relativement vertueux et tant mieux. Lorsque l’on voit qu’un club comme Valence en Espagne vit avec 500 millions d’euros de dettes, on s’aperçoit que nous ne sommes pas sur la même planète.

     

    Le PSG, grâce à ses nouveaux investisseurs qataris, dépense sans compter. Êtes-vous jaloux ?

     

    Chacun est libre de trouver ses propres investisseurs. Si les Qataris ont envie d’investir autant d’argent à Paris, cela les concerne. Sur les 80 millions d’euros des transferts, une partie modeste a été dépensée en France. De toute façon, même s’il en avait été autrement, cela n’aurait pas remis à l’équilibre le football hexagonal. Cela profite donc essentiellement au PSG, à moins de considérer que l’achat de droits télé par Al-Jazira est lié à cette présence à Paris.

     

    Paris sera-t-il champion ?

     

    Si l’on prend l’exemple de Manchester City et de ses investisseurs qataris, on s’aperçoit qu’il ne suffit pas d’acheter de grands joueurs pour jouer le titre. La puissance financière est une condition indispensable, mais cela ne garantit pas le titre. A terme, les Parisiens devraient tout même obtenir quelques résultats.

     

    Comment ressentez-vous les critiques formulées à l’encontre du niveau sportif de la Ligue 1 ?

     

    La Ligue 1 n’est pas si mal que cela. On se gargarise des championnats étrangers, mais regarder un Aston Villa-Bolton ou un Malaga-Saragosse, ce n’est pas enthousiasmant. On ne montre en France que les quatre meilleurs équipes de ces championnats, qui possèdent un niveau bien supérieur. De la 6e à la 18e ou 20e place, les matches ne sont pas beaucoup plus excitants.

     

    Bordeaux part sur un nouveau cycle avec l’arrivée de Francis Gillot. Qu’attendez-vous de lui ?

     

    Je souhaite qu’il inculque un nouvel état d’esprit à un groupe en perte de confiance. Les Girondins ont des moyens que pas mal de clubs peuvent lui envier, beaucoup de ceux-là accueilleraient avec plaisir nos joueurs. Le nouvel entraîneur doit amener de l’ambition dans le jeu, de la confiance et de l’envie.

     

    Avec le recul, regrettez-vous l’épisode Jean Tigana, nommé en juillet 2010, démissionnaire en mai 2011 ?

     

    Si c’était à refaire, je le referais. J’ai plaidé pour qu’il poursuive l’aventure. Il aurait fait une meilleure saison… Vous me direz, ce n’était pas difficile. Après quelques années d’interruption, Jean avait besoin de reprendre contact avec le football. C’était une saison de reprise, pour lui. Avec un autre adjoint choisi dans son relationnel, et une meilleure acclimatation, il aurait à coup sûr été plus performant.

     

     

    Source: Le Monde