Fargeon : « Le renard a de l’avenir »

    Aujourd’hui, dans So Foot, l’interview d’un ancien attaquant des Girondins de Bordeaux, connu pour être un véritable renard des surfaces.Voici donc l’interview de Philippe Fargeon.

     

     

     

     

    Le rôle d’attaquant a-t-il évolué depuis l’époque où vous jouiez ?

    Le rôle des attaquants d’appui a évolué, pas celui des finisseurs. Parce que dans une action de but, il faut toujours un finisseur. En France, on n’a jamais formé de vrais buteurs, on a formé des joueurs qui sont bons partout. On n’a jamais eu de formation spécifique pour les buteurs, donc à la limite on peut dire qu’il a évolué quand on a fait venir de vrais buteurs de l’étranger ou des Français formés à l’étranger comme Jean-Pierre Papin ou moi-même (Philippe Fargeon a été formé en Suisse, à l’Etoile Carouge, ndlr). Pendant des années, les meilleurs buteurs du championnat de France étaient étrangers. C’est la preuve qu’il y avait un travail de fond qui n’était pas fait en France.

     

    Les entraîneurs demandent de plus en plus aux attaquants de presser, défendre, déborder… C’est pour cela qu’il y a de moins en moins de véritables renards des surfaces ?

    Oui, c’est ce que je vous disais. Dans les centres de formations français, on a privilégié un certain temps d’avoir des joueurs bons partout plutôt que d’en avoir qui étaient uniquement bons devant le but et moins dans la construction du jeu. Donc on a peu de renards français. Le problème vient de là. Il y a vingt ans on n’avait pas de bon gardien, on a mis des entraîneurs spécifiques et maintenant on a les meilleurs gardiens au monde.

     

    Les équipes jouent également de plus en plus avec un seul attaquant axial, ce qui ne favorisent pas les renards…

    C’est vrai que cela peut pénaliser. Regardez Bordeaux cette saison, ils avaient commencé avec deux attaquants dont un qui tournait autour de l’autre (Modeste et Gouffran, ndlr), et puis maintenant ils évoluent avec une seule pointe (Diabaté, ndlr) à qui ils ne demandent pas de jouer dos au but en gardant le ballon mais plutôt d’être présent dans la surface. Grâce à ce changement de tactique, Cheick Diabaté a marqué quatre buts lors des derniers matchs. Mais c’est un système de jeu qui ne fonctionne que si vous possédez un attaquant qui n’a besoin que de deux occasions pour en mettre une au fond.

     

    D’un point de vue strictement technique, l’évolution des ballons favorise les attaquants ?

    Je ne sais pas, parce que les ballons ont toujours évolué. Les ballons n’étaient déjà plus les mêmes au début et à la fin de ma carrière. C’est gênant pour tout le monde, mais le rôle d’un buteur, d’un chasseur de surface, c’est de se positionner en fonction des appels, des trajectoires de balles. Plus que le ballon, ce qui a évolué c’est le physique, la technique.

     

    Justement, l’évolution physique des joueurs a forcément changé leur profil…

    Bien sûr, mais c’est encore une fois dû à la formation. Dans toutes les équipes de jeunes, y a des gens qui sont plus doués que les autres devant le but. Il faudrait prendre le temps dès 12-13 ans de dire à ces jeunes « toi tu as des qualités de buteur, donc plutôt que de te former à faire des contrôles orientés et des passes de 45 mètres, tu vas rester travailler devant le but ».

     

    Le souci c’est que plus tard, leurs entraîneurs leur demanderont plus que ça…

    Peut-être. Moi, quand je suis arrivé aux Girondins il n’y avait que des attaquants internationaux avec des qualités différentes des miennes, capables de jouer dos au but, mais ils ont fait appel à moi parce qu’il y avait un problème de finition. Ce que tous les clubs recherchent, c’est ce fameux buteur. Et souvent, on va le chercher à l’étranger. C’est vrai qu’à une époque on cherchait surtout des « déménageurs », mais on reviendra aux gars qui peuvent marquer quinze buts en une saison. Toutes les équipes championnes de France ont eu un joueur qui a terminé sur le podium des meilleurs buteurs.

     

    Le fameux renard des surfaces a donc un avenir ?

    Bien sûr, parce que ce qui compte c’est de la mettre au fond !

     

     

    So Foot