Alain Giresse : « C’est comme si on m’avait mis une bombe atomique à l’intérieur. Tout explose ! C’est fort, énorme… C’est spontané après ce but, ça explose, je n’ai vécu ça qu’une fois… »
Pour Europe 1 et Jacques Vendroux, dans un nouvel épisode des Géants, Alain Giresse est revenu longuement sur match de football RFA – France du 8 juillet 1982, souvent surnommé la « nuit de Séville » ou « Séville 82 », match de demi-finale de la Coupe du monde de Football de 1982 en Espagne. A commencer par le choc entre Patrick Battiston et Harald Schumacher.
« Je suis surpris qu’il ne siffle pas penalty. Je suis surpris qu’il ne donne pas carton rouge. On est surpris parce que ce gardien, depuis le début, a une attitude agressive. A chaque fois qu’il y a un joueur de notre équipe qui passe à côté de lui, il a des gestes, il repousse… L’arbitre doit le punir, il doit intervenir, il doit le sanctionner. Il ne le fait pas… Ça crée un peu de nervosité, mais on la maitrise… On aurait pu partir de travers ».
Puis Gigi se remémora le but de Marius Trésor.
« Je vois un espace, et je me dis que c’est là qu’il faut que je mette le ballon… Marius est monté évidemment pour essayer de jouer le ballon de la tête. Je m’applique, il est légèrement touché, et le ballon arrive au bon endroit. Il se trouve que ce n’est pas de la tête que Marius va reprendre le ballon, mais il fait une reprise de volée exceptionnelle sous la barre. Un geste technique d’un autre monde. Et il le fait en demi-finale de Coupe du Monde, ce qui nous permet de prendre l’avantage au score. C’est l’extase sur ce but ».
Alain Giresse évoqua ensuite son but.
« Je le frappe rapidement, car il faut profiter de l’espace offert par les allemands. Je le donne à Dominique Rocheteau, qui le donne à Michel Platini, qui le dégage à gauche pour Didier Six. C’est là que quand il me met le ballon… Je vais le raconter, et ça va prendre du temps, mais quand j’ai pensé à tout ça, sur l’instant, il fallait aller vite (rires). Je me dis qu’il me met ce ballon, c’est bien gentil, mais ce n’est pas facile à reprendre, parce que je suis droitier. Si je tape avec le pied gauche, c’est le marchand de frites à l’extérieur qui va récupérer le ballon… Je l’ai donc pris de l’extérieur. Je vois partir le ballon, et qu’il touche le poteau… Là, je me demande où il va finir… Tout d’un coup, je vois qu’il s’en va de l’autre côté… Quand il arrive dans le petit filet et que tu vois le filet qui tremble, alors là… C’est comme si on m’avait mis une bombe atomique à l’intérieur. Tout explose ! C’est fort, énorme… C’est spontané après ce but, ça explose, je n’ai vécu ça qu’une fois… On est en finale de la Coupe du Monde… je ne sais pas où je vais, je cours, on me tombe dessus… ça vibre dans ma tête parce que le temps n’a pas effacé tous ces moments-là. Mais c’est tellement fort que le temps ne peut rien faire contre ça ».
L’ancien joueur des Girondins de Bordeaux termina par la défaite lors de cette rencontre, puisque l’Allemagne gagna aux penaltys.
« C’est Hiroshima pour nous, tout se relâche. La tension emmagasinée depuis le début… Tout s’écroule. Ça fait un effet qui est fort, et ça fait très mal. On ressent beaucoup d’injustice par rapport à ce match, par rapport à tout ce qui a pu se passer, ces moments qu’on a subi et pas qu’une fois, en ayant cru que c’était fait et que la Coupe du Monde était au bout… Tu rentres au vestiaire comme un zombie. On fuit ce terrain, ce stade, on est complètement abattus, et on se met tous à chialer. C’est comme quelque chose qui a été volé, qui a été cassé. Tu ne peux pas tenir, c’est du chagrin. C’est quelque chose qui te prend aux tripes, que tu ne peux pas maitriser. Il n’y avait rien qui pouvait nous consoler. S’il y avait eu un avion qui était là, à la sortie du vestiaire, on montait tout de suite dans l’avion. C’est à la hauteur de ce que ce match a été, et a procuré, pour tout le monde. J’ai pleuré, mais on a tous pleuré, par rapport à la façon dont on a vécu la chose ».