Interview Girondins4Ever avec Romain Ferrier « Une fois qu’on a vu que 95% des garçons avaient retrouvé un projet, là on a tourné la page, on a pensé à nous »
Avant la rencontre entre le club des Girondins de Bordeaux et celui du Stade Rennais (Ligue 1), comptant pour les 1/32èmes de finale de la Coupe de France, nous nous sommes entretenus avec Romain Ferrier, ancien joueur et désormais ex-directeur technique du centre de formation des Girondins. Un long échange très agréable avec une personne qui a vécu des choses dramatiques ces derniers mois… Chute du club, fermeture du centre de formation, départ de la plupart des jeunes, licenciement : Romain Ferrier sera passé par toutes les étapes. Il revient sur cette période sombre, évoque l’avenir aussi, le fait de tourner la page. Nous parlons également son passage à Rennes, le match à venir et son avenir personnel.
Vous avez donc été aux Girondins en tant que joueur entre 1997 et 1999, puis en tant qu’entraîneur des U19 (2021/2022), de la réserve (2022/2023) et directeur technique de la formation avec en charge les U17 Nationaux (2023/2024). Comment allez-vous ?
Ça va. Il y a les fêtes de Noël qui arrivent donc ça va être aussi un bon moment pour couper et tourner la page gentiment puisque c’est un feuilleton qui a duré quand même plusieurs mois. Nous, vu comment on fonctionne dans le foot, ça commence dès le début de Juillet pour les reprises pour finir onze mois après. Donc cette première partie de saison a été malheureusement, au vu de ce qui s’est passé pour le club, complètement foutue.
C’est par les médias que vous avez appris la chute du club avec la perte du statut pro et la fermeture du centre de formation. Comment réagit-on quand on apprend tout ça par l’extérieur ?
C’est-à-dire qu’on est surpris et choqués tout de suite parce qu’on ne s’attend pas à ça. Évidemment, nous on gère le sportif, on ne sait pas exactement au détail près ce qu’il se passe. Mais au vu des dernières saisons on savait que c’était compliqué au niveau de la gestion, on l’avait vu. Même déjà à la fin de ma première saison à Bordeaux en 21/22, le club a failli passer à la trappe. Mais là, malgré tout, on ne s’y attendait pas forcément. C’est surtout la brutalité en fait de se dire que c’est terminé, de prendre conscience tout de suite des conséquences que ça va avoir. En effet, c’est de l’apprendre indirectement en fait. On rentre vraiment dans un tourbillon où tout de suite, à la seconde près, dès que l’info sort on est assaillis de coups de téléphone de parents inquiets, de joueurs, d’agents. Ils se disent qu’est-ce qu’il se passe ? Qu’est-ce qu’on va faire ? Donc oui ça a été violent de l’apprendre comme ça. Mais on ne pouvait se lamenter sur notre sort. Malheureusement la nouvelle était tombée, il fallait rebondir, en tout cas essayer de rebondir, être droit et solide pour les jeunes, pour les joueurs. On a une forme de responsabilité, on a créé un lien depuis plusieurs années avec eux, ils nous ont fait confiance. Et là en fait, tout s’écroule. Que font-ils ? La première des choses c’est qu’ils vont essayer de poser des questions à leurs référents que sont leurs familles mais également les référents au niveau du centre de formation, à l’internat, les coachs également. Ça rejaillit sur toutes les familles, il y a beaucoup d’inquiétudes évidemment. Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? Qu’est-ce que va devenir mon fils ? Il y a quand même pas mal de jeunes qui étaient issus de la Nouvelle-Aquitaine mais malgré tout, c’est un bouleversement parce qu’il faut retrouver un lycée de secteur, il faut retrouver un club. Puis paradoxalement ils n’étaient pas complètement libres donc ils étaient toujours sous contrat mais ce dernier était caduque. La situation était quand même incroyablement défavorable pour eux. On rentre dans un chapitre qu’on ne connaît pas du tout, la justice, une cessation de paiements, un redressement judiciaire. Maintenant je suis rompu à tout ça, je connais tout par cœur, toutes les démarches qu’il faut faire et ce qu’on a subi de longs mois.
Nous avons également été contactés par des parents de jeunes joueurs du centre, qui étaient inquiets pour l’avenir du club et de leurs enfants. On peut donc comprendre qu’ils recherchaient des informations…
Oui bien sûr… Derrière ça a été un vrai balai, on n’a rien lâché. Tous les gens qui avaient des réseaux avec d’autres clubs évidemment… Le malheur des uns fait le bonheur des autres, il y a beaucoup de clubs qui ont appelé tout de suite. On le voit, il y a beaucoup de jeunes qui se sont retrouvés libres et qui ont résilié pour rebondir dans des clubs… On a la liste, on s’était noté à chaque fois les joueurs qui partaient et qui signaient dans des clubs. Les destinations sont plutôt sympas quand même. C’est tout ce savoir-faire qui était affiché quelque part sur ce mur et ça fait bizarre de voir tous ces noms qu’on a accompagnés pendant des années. On est contents pour eux de les voir continuer dans leur passion, avoir une chance en tout cas de pouvoir continuer dans ce cursus-là. Maintenant on est un peu tristes parce que notre travail s’est arrêté en un claquement doigt en fait.
Il est vrai que ça faisait mal au cœur de voir tous ces joueurs partir vers d’autres clubs, même si nous n’étions pas étonnés. Ils cherchaient une porte de sortie pour continuer leur progression ?
C’est ça, c’est ce qui est paradoxal. C’est ce qu’il faut comprendre quand même aussi, et les gens ne l’ont pas vraiment compris… Ils critiquaient un peu les garçons parce qu’ils partaient mais il faut se mettre un peu à leur place, et notamment les plus jeunes. Il n’y a plus de structure, il n’y a plus de structure pour eux et on leur demande de rompre absolument le contrat qui était caduque, pour re-signer ou reprendre une licence. Ce ne sont pas eux, ce sont les victimes. Ils s’étaient inscrits dans la durée pour le club, ils voulaient jouer. Il faut vraiment rétablir ça, ce n’est pas de gaieté de cœur que les joueurs sont partis. Puis nous on l’a vu au quotidien, ils étaient tristes, tristes de perdre tout ça, perdre leurs repères, cette forme d’équilibre aussi. Ils étaient tellement tristes de quitter ce club, d’ailleurs ils l’ont dit sur les réseaux en partant. Mais à la base les joueurs ne voulaient pas partir, il ne faut pas changer tout ça. Les joueurs n’y sont pour rien quelque part. Eux ils auraient aimé continuer leur cursus à Bordeaux. Malheureusement on sait ce qu’il s’est passé, mais il ne faut pas les incriminer. Ils n’y sont pour rien. En tout cas je parle des jeunes du centre de formation.
Vous avez donc vécu un été 2024 des plus agités avec l’issue que l’on connaît et un départ début Novembre. Est-ce que vous avez pu digérer cela car ça a été un choc pour de nombreux salariés ?
Oui j’ai digéré parce qu’en fait je m’étais fixé comme ligne de conduite, de m’occuper des garçons. Je voulais penser à moi. Quand il y a quelque chose comme ça, on pense à cette image du Titanic, on sait que ça va couler et on essaye de sauver sa peau. Mais en fait non, les éducateurs on a essayé de d’abord s’occuper jusqu’au bout, avec les responsabilités qu’on avait vis-à-vis de ces garçons… Une fois qu’on a vu que 95% des garçons avaient retrouvé quelque chose, un projet, là enfin on a tourné la page et on s’est dit qu’on allait maintenant penser à nous. Après on rentre dans la procédure judiciaire. Là on tombe vraiment dans la vie des grands, des choses qu’on n’a pas forcément envie de vivre. On est loin du terrain. Malheureusement on est obligé de se défendre aussi quelque part…
Vous n’avez reçu aucune offre pour rester au club ?
C’est vrai qu’il y avait cette possibilité de repartir, mais moi je ne l’ai pas eu parce que quelque part il y a aussi une donnée économique. J’étais directeur technique d’un centre qui a fermé et responsable des U17 Nationaux qui ont fait forfait général. Donc c’est sûr que le raccourci est vite fait. Après, on a quand même commencé à travailler sur l’équipe des U18 R1. On était les trois coachs, le coach des U18 R1 Jimmy Briand, Sylvain Blaquart coach des U19 et moi, coach des U17 Nationaux. On a quand même continué à essayer de pérenniser parce que le club avait besoin de cette équipe-là. On l’a stabilisée et les éducateurs ont fait un vrai travail aussi pour trouver des joueurs. Là aussi on ne sait pas tout mais c’est très compliqué pour trouver des joueurs. Si tout le monde est déjà pris ? Et on est frappés aussi par la loi de la mutation donc on ne peut pas avoir plus d’un joueur muté hors période. Là on était vraiment hors période, ça aussi il faut en prendre conscience, donc il a fallu essayer de comprendre un peu comment on pouvait récupérer des joueurs libres de toute mutation. Tout ça a pris beaucoup de temps et d’énergie.
Avez-vous eu des sollicitations ?
J’avais été sollicité au départ mais ce n’était pas le moment. Avec les responsabilités que l’on avait tous, je ne me voyais pas dire ‘Merci pour tout, allez tchao !’ Non, non… Vis-à-vis des garçons déjà, c’était impossible ! Vis-à-vis des parents, des familles ce n’est pas possible de laisser… Partir du moment où ça y est, le job était fait, oui là on a commencé à penser à soi mais la saison était lancée. On sait comment ça se passe… Il y a des moments, il peut y avoir des ajustements en cours d’année, mais bon là, l’épreuve qu’on a passée… Besoin quand même d’un petit break puis on verra.
Regrettez-vous le manque de communication de l’été dernier et des dernières saisons en général ?
Pour nous, la communication quelque part, au niveau de la formation on a quand même été épargnés par tout ça je pense. On a continué quand même notre job même si parfois, évidemment au quotidien il y a des choses qui n’étaient pas forcément optimums. Malgré tout, on était un peu protégés de tout ça. Moins impacté que les pros ? Ouais, la grosse pression était sur l’équipe première. Il y avait un devoir de remonter, une pression sur le résultat. Nous, je pense que là-dessus, avec le recul on a fait tout ce qu’on pouvait pour aider le club au niveau de la formation. Sur la deuxième année, quand l’équipe descend et qu’il y a un loft qui est quand même créé, il faut le savoir. Il y a un loft à gérer et il y a onze jeunes qui montent chez les pros donc c’est beaucoup. Mais ils étaient investis et je pense que le club, d’ailleurs on fait une très belle saison et malheureusement on sait comment ça s’est terminé, mais les jeunes ont répondu présents. Quelque part c’est ce qu’on nous demande donc là-dessus on était fiers de ce qu’ils ont fait. Notre job c’est de former des joueurs en capacité de jouer avec les pros, et pas qu’ils fassent des aller-retour. Donc là, il y a eu beaucoup, beaucoup de jeunes sur les trois années. Amusez-vous à compter un peu le nombre de jeunes qui ont débuté, c’est incroyable ! Ce sont des dizaines de joueurs. Maintenant je trouve qu’on a fait le job et malgré tout on a essayé parce qu’au quotidien… C’était bien pour nous parce que les garçons voyaient que ça pouvait s’ouvrir et ils pouvaient jouer. Mais nous, ça a tiré fort sur nous aussi derrière parce que quand il y a carrément douze joueurs qui partent et qui ne sont plus dans nos effectifs, derrière ça tire un peu sur tous les effectifs.
Continuez-vous de suivre vos désormais anciens joueurs afin d’éventuellement les aider ou leur donner des conseils ? Car il faut aussi imaginer le choc qu’ils ont dû avoir et que certains ont peut-être encore aujourd’hui.
Oui, il y en a quelques-uns bien sûr. On a créé des liens avec eux. Ca a été surtout au niveau des choix quand ils ont pu avoir des choix dans la destination. Là, que ce soit les parents, les agents ou même les joueurs, on a toujours eu une relation transparente avec eux donc on se devait de leur dire ‘Attention tu peux t’engager là mais voilà ce que ça requiert’. Puis c’était un projet à moyen terme pour eux donc nous, on sait un peu ce qu’il peut se tramer puisqu’on est dans le métier. Donc l’idée de conseil, on a continué. Maintenant ils vivent ça dans leur contexte. Après, les garçons passent à autre chose. Au quotidien ils passent vite à autre chose les gamins.
Certains sont restés au club comme Jean Grillot, Emeric Depussay, Georges Grimaud, Glenn Younousse ou encore Fils-Whissy Ndong Bibang. Que pensez-vous de cela ?
Certains avaient déjà fait quelques matchs, que ce soit Jean ou Emeric. Ils étaient déjà des joueurs qui pouvaient devenir des joueurs avec l’ancienne identité des Girondins. Glenn aussi bien évidemment fait partie de ces trois joueurs. Après, Whisky est encore un petit peu plus jeune. Mais c’est bien parce qu’ils ont le sang Marine et Blanc et ça se voit. Ça se voit dans ce qu’ils font, ils se dépouillent tout comme les jeunes ont fait même s’ils n’ont pas tout bien fait sur toutes ces années. En tout cas on ne peut pas leur reprocher d’avoir mouillé le maillot et c’est ce qu’ils font encore. Malgré tout, pour eux c’est un vrai challenge parce que c’est le club de leur cœur et ils ont envie de passer du temps pour essayer de le reconstruire. Donc je trouve ça beau. Ils ont aussi l’ambition de redorer le blason.
Est-ce que vous continuez de suivre les Girondins de Bordeaux malgré tout ?
Ouais mais de loin honnêtement, de loin parce que la cicatrice est un peu… En fait, le projet ayant complètement changé… Bien sûr que je regarde les résultats, je regarde à chaque fois ce qu’ils font. Mais j’ai du mal à regarder les matchs. J’ai eu du mal à regarder les matchs au début parce que je ne reconnaissais plus personne tout simplement. Le fait d’être trimballé sur des stades, il n’y a plus de repères, plus de Matmut… Tout ça a été difficile à digérer. Mais je regarde à chaque fois les résultats des Girondins. Avant je regardais les matchs, je regardais sur les chaînes. J’ai regardé les deux premiers matchs je crois mais j’ai eu du mal après. Ça fait mal au cœur, mais il faut passer par là. C’est important d’être performant là. Si ce projet peut être porteur en gardant la même direction ? Honnêtement je ne sais pas. Si le propriétaire a décidé de se maintenir à la barre du club, j’espère qu’il a une vision et qu’il y a une stratégie. Après, je ne vais pas m’épancher plus que ça. Malheureusement je ne fais plus partie du projet, comme tous les autres salariés. Ca y est, on a été sortis et maintenant il faut essayer de rebondir pour tout le monde.
Les Girondins de Bordeaux vont affronter le Stade Rennais, un club que vous connaissez bien puisque vous avez été entraîneur dans différentes catégories entre 2014 et 2021 ?
J’ai passé huit saisons là-bas. J’en garde de très bons souvenirs. Dans la formation c’est quand même un club référent en France le Stade Rennais. Ça m’a permis de me construire, de me nourrir aussi en tant que formateur parce qu’il y a un vrai savoir-faire et une vraie identité. J’ai vraiment adoré là-bas, en plus j’ai tout connu là-bas puisque j’ai commencé en étant responsable de la préformation avec les U15. J’ai eu les U17 ans Nationaux, j’ai eu les U19 ans Nationaux, j‘ai eu la réserve. On a gagné des titres, Champion de France en U17, Champion de France en U19, on a fait la Youth League. Des choses assez incroyables pour un centre de formation. C’était vraiment très bien.
Est-ce que vous avez eu des joueurs sous vos ordres à cette époque, et qui sont aujourd’hui au haut niveau ?
Oui bien sûr. Quand je suis arrivé il y avait Ousmane Dembélé (PSG). Après, il y en a un paquet parce que si je fais la génération 97… Après, pour les plus connus il y a Eduardo Camavinga (Real Madrid), il y a Mathys Tel (Bayern Munich), Sacha Boey (Bayern Munich), Adrien Truffert qui joue toujours là-bas. Il y a les frères Doué, Guela (Strasbourg) et Désiré Doué (PSG). Il y a Jeanüel Belocian (Bayer Leverkusen), Georginio Rutter (Brighton), Matthis Abline (Nantes)… Tous ces joueurs-là en fait qui jouent dans les plus grands clubs européens et que j’ai eu. Si c’est une fierté ? Oui c’est une fierté, c’est ça en fait qui nous anime nous les formateurs. A ce qu’ils ressentent des émotions, et des émotions du haut niveau. C’est juste incroyable, c’est indescriptible. C’est pour ça que quand ils y arrivent on est très heureux. On était très fiers de voir les joueurs jouer au Matmut. On était très fiers de ça, notre objectif était là et on était payés pour ça d’ailleurs. Mais en tout cas c’est une fierté de voir tous ces joueurs qui étaient avec nous, qui étaient des jeunes adolescents. Ils avaient 14-15 ans puis on les a accompagnés tout ce temps. Il y a Lesley Ugochukwu qui est à Chelsea aussi… C’étaient vraiment de très, très belles années. Puis on est toujours en contact. C’est-à-dire que de temps en temps il y a des petits messages qu’on s’échange avec tous. Ce sont des garçons qui sont vraiment de très bons joueurs, et c’est aussi l’objectif de la formation, mais ce sont aussi des bons mecs. Il y a encore des joueurs qui jouent à Rennes, de moins en moins puisque le club a vendu tous ses bijoux de famille. Il y a Lorenz Assignon qui joue et qui était capitaine dernièrement. Je le connais très, très bien, je l’ai eu de nombreuses années.
Avant l’issue dramatique qu’a connu le centre de formation bordelais, quelles étaient les similitudes entre ces deux centres de formations réputés ? Et les différences aussi ?
Pour les différences, il y avait un vrai savoir-faire aux Girondins. Quand je suis arrivé, on sentait vraiment que c’était une institution. C’est un peu le même principe, Patrick Battiston et Patrick Rampillon qui ont un peu été les fondateurs des deux centres de formation. C’est un peu le même cursus. C’est une identité de joueurs bien définis à Rennes. Malheureusement à Bordeaux c’était dans un niveau moindre, je suis arrivé et la voilure avait été réduite. Quand je suis arrivé au niveau de la formation, je voulais venir à Bordeaux. C’était la destination après Rennes où je voulais venir. C’est moi qui ai contacté Bordeaux pour venir, voilà, pour la petite histoire. J’ai essayé d’ouvrir la porte pour venir, ce qui n’a pas été le cas forcément au départ. Mais le club déjà à ce moment-là, c’était après King Street, on ne savait pas qui allait reprendre et j’ai signé malgré tout mon contrat alors que je ne savais pas si le club allait déjà, à cette période-là, survivre. Gérard Lopez est arrivé juste après moi. C’est Alain Roche qui m’a fait venir et il est parti 15 jours après mon arrivée (rires).
La formation bordelaise a été critiquée par moments, pourtant elle a permis de sauver le club financièrement avec plusieurs joueurs. Quel est votre avis sur ça ?
En fait, c’est le but d’un centre de formation. C’est une ligne budgétaire bien sûr. C’est un milieu très concurrentiel en France parce qu’on est chassés de partout. Tous les bons joueurs sont chassés partout. En tout cas, pour les clubs qui s’appuient sur la formation, c’est toujours la même chose. Je l’avais vécu aussi parce que je sors d’un centre de formation, un grand centre de formation avant, c’était l’AS Cannes. Pourquoi les jeunes, on a joué ? Parce qu’il n’y avait plus d’argent et qu’on ne coûtait pas grand-chose. Lyon aussi, dans sa période creuse après tous ses titres, s’est appuyé sur la formation parce qu’ils n’avaient plus d’argent. Ils avaient investi dans beaucoup, beaucoup de choses, notamment le stade. Donc ils ont lancé des joueurs, pas par défaut, mais dans l’obligation et finalement ce sont des joueurs qui se sont révélés. Nous on a tenu notre rôle à Bordeaux en effet parce que des joueurs sont sortis, des joueurs ont joué, des joueurs ont été vendus donc on ramenait de l’argent au club. On a créé des capitaux donc on a fait tourner la machine pour le club. D’ailleurs sur les trois années, ça a ramené beaucoup d’argent entre les reliquats Tchouameni et Koundé. Après ça a été Bakwa, Mwanga, Mara qui a quasiment sauvé le club. Ce sont tous ces joueurs-là qui ont quand même ramené beaucoup d’argent en peu de temps. En regardant un peu à droite, à gauche, les centres de formation qui vendent autant, ce n’est pas si évident que ça. Bordeaux est bien situé par rapport au budget qu’il avait. Si on prend les budgets de Monaco, Paris et Rennes, c’est fois deux ou trois, avec une puissance beaucoup plus forte. Je trouve qu’on a accompagné comme on le pouvait les Girondins de Bordeaux au niveau de la formation.
Nous restons persuadés que lors de la saison 2021/2022, lorsque le club est relégué en Ligue 2 à l’issue du championnat, si les jeunes joueurs avaient été lancés dès le mois de Janvier, nous aurions peut-être pu nous maintenir en Ligue 1.
Malheureusement on ne le saura jamais. Mais ce qu’on peut savoir quand même c’est que Mara en fin de saison, il a eu du temps de jeu et il a marqué. Il a marqué et du coup il est pris pour la sélection U20 au Tournoi de Toulon, où il performe. De là, il y a Southampton qui vient le chercher. Mais attention, c’est un risque aussi de prendre un jeune. C’est un risque pour un coach professionnel parce que ça reste malgré tout un ‘produit’ pas totalement fini. Il faut l’accompagner, il faut le lancer dans de bonnes conditions, il faut qu’il soit bien entouré par des joueurs qui sont en confiance autour d’eux. Qu’il y ait aussi cette envie de bienveillance de les aider parce que ça reste quand même de la concurrence les jeunes (sourire), surtout s’ils performent. Donc un vestiaire ce n’est pas si évident que ça. Mais après, une fois que cette deuxième année a été lancée malheureusement en Ligue 2… Les jeunes se connaissaient tous et ça a été ce terreau qui a fait qu’ils se sont donnés, ils se sont arrachés. Il y avait une bonne ambiance, tout se passait bien mais après, malheureusement ça a déraillé sur la fin. Il faut le signaler aussi, mais malgré ces deux dernières saisons où les moyens n’étaient plus les mêmes et qu’on était en Ligue 2, le centre de formation est resté dans les cinq premiers du classement des centres de formation, derrière Rennes, Monaco ou Paris. Donc pour un club de Ligue 2 à ce moment-là… Les critères pour justement déterminer ce classement-là, c’est essentiellement le temps de jeu des joueurs dans les clubs, et dans les cinq meilleurs championnats d’Europe. Donc ça c’est super.
Est-ce que vous serez devant votre écran ce dimanche pour la rencontre de Coupe de France ?
Ouais, je pense que je vais regarder quand même, jeter un petit coup d’œil pour regarder le match. En simple observateur ? Oui, oui. Je ne sais pas mais peut-être que j’irai voir les jeunes rennais à l’hôtel s’ils arrivent la veille, s’ils ont le droit aussi parce que je ne sais pas si Sampaoli… (sourire) Parfois quand ils venaient sur Rennes, notamment la première année, j’avais été les voir. Sinon, oui je vais regarder le match quand même parce que ce sont deux clubs que j’ai côtoyés sur ces onze dernières années. Ça a déjà été le cas en coupe il y a deux ans. En Gambardella aussi, où il y avait eu cet épisode. Mais on avait eu un Bordeaux – Rennes il y a un an, perdu 1-0 à domicile. Il y avait eu un bon match, puis il y avait des jeunes qui avaient joué, notamment Lenny Pirringuel je m’en souviens. Bien sûr que je vais regarder ce match-là où tout peut arriver. Maintenant, il est évident que ça va être un beau match de Noël on va dire, mais la priorité n’est pas forcément sur la Coupe de France. Si Bruno Irles l’a dit ? Bien sûr, et il a bien raison. Il y a un train devant qui s’appelle Saint-Malo, qui carbure fort. En espérant, on ne leur souhaite pas du mal (sourire), que les fêtes cassent cette dynamique pour que Bordeaux puisse revenir.
Combien de temps vous donnez-vous avant de retrouver un projet ?
Le plus vite possible. Ça peut arriver assez vite. Je suis ouvert à pas mal de choses parce que j’ai beaucoup de cordes à mon arc, en fait. J’ai connu beaucoup de choses. Si possible, faire quelque chose de cette saison parce que là, on était loin des terrains de foot et ça manque. En tout cas une structure élite ça c’est sûr. Pas forcément partir sur un projet de coach numéro un dans un championnat N2-N3, ça ne m’intéresse pas. En France ou à l’étranger ? On verra, après ce sont les opportunités. J’ai déjà été sollicité pour l’étranger. C’était au moment où j’ai dit ‘non, je ne veux pas partir’. Il ne faut pas fermer de portes. Maintenant, si c’est en France ce sera le mieux.
Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?
De bonnes fêtes et une bonne santé. De bonnes fêtes de Noël. Je ne vais pas spoiler aussi mais que l’année 2025 soit beaucoup plus joyeuse que celle qu’on a pu vivre sur le deuxième semestre. Que toute cette page Girondine, que tous les salariés puissent rebondir et tourner la page. Rebondir sur quelque chose de dynamique. C’est vrai qu’un club sportif, avec tous les entraîneurs et les formateurs, on va repartir dans ce monde-là. Mais un club de foot pour des administratifs c’est tellement particulier parce qu’il y a de l’affect. Il y a de l’affect dedans, il y a quelque chose. Ils revendiquent quelque chose, ils soutiennent quelque chose de palpable, de concret alors qu’une entreprise reste une entreprise. Mais là, il y a la partie humaine qui est en plus. Si c’est déboussolant de retrouver quelque chose quand on n’a connu que ça ? C’est ça. Je vais rebondir là-dessus, une boussole pour toutes ces personnes-là et qu’on retrouve un chemin avec un cap sympa. La santé évidemment et qu’on puisse tous sourire en se revoyant.
Un Grand Merci à Romain Ferrier pour cet entretien et on lui souhaite de vite rebondir.