[Interview Girondins4Ever] Jacques Pichard (Saint-Colomban Locminé) : « Quand j’étais gamin j’avais le maillot des bordelais. J’ai toujours le maillot avec le V, l’original »

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    Avant la rencontre entre le club des Girondins de Bordeaux et celui de Saint-Colomban Locminé, comptant pour le match en retard de la 1ère journée du championnat de National 2, nous nous sommes entretenus avec Jacques Pichard, entraîneur de cette équipe. Un échange très agréable avec une personne qui œuvre beaucoup pour mettre en place un vrai projet dans son club de cœur. Nous évoquons ce projet, ses idées, son binôme avec Florent Besnard, la montée du club de N3 en N2, mais également la situation des Girondins, son intérêt pour le club au scapulaire depuis sa jeunesse, le contexte du match en retard, de cette période de fêtes et des ambitions. 

    Vous êtes l’entraîneur principal et vous travaillez en binôme avec Florent Besnard. Pouvez-vous nous présenter ce binôme.

    Je suis l’entraîneur général du club et l’entraîneur principal de la Saint-Colomban de Locminé en N2. Pourquoi je suis l’entraîneur principal ? Tout simplement parce que j’ai les diplômes donc il ne faut pas se tromper vis-à-vis de la Fédé et compagnie. Après, évidemment on est très complémentaires puisqu’on a nos missions bien définies entre nous et on se connaît par cœur. Donc c’est plutôt facile. Cela fait la quatrième saison que nous travaillons ensemble. On ne se connaissait pas. J’étais un ancien du club de la Saint-Colomban, j’ai été joueur et j’étais venu une année entraîneur il y a au moins une quinzaine d’années. Je suis revenu à mon club de cœur parce que j’ai toujours estimé que c’était mon club de cœur. C’était il y a quatre ans, c’était au moment du Covid. L’entraîneur Pierre Talmont avait été sollicité par Vannes. J’étais à la GSI Pontivy en National 3, j’avais dit que j’arrêtais. Florent avait fait une saison à la Saint-Colomban cette année-là, mais avec très peu de matchs avec le Covid. Quand Pierre a signé à Vannes, il y avait un trou à combler (sourire), puis j’avais toujours dit que je reviendrais bien à Locminé. De fil en aiguille, avec le Président on se connaissait bien, et il a dit que ce n’était pas une mauvaise idée parce qu’ils ont toujours pris quelqu’un du cru au niveau entraîneur. C’est un club convivial, familial où effectivement il y a eu plein de demandes. En National 3 il y a eu plein d’offres d’entraîneurs pros etc, j’ai été reçu et ils se sont dit qu’il y avait peut-être moyen de faire un duo puisque Flo connaissait bien les joueurs. Il avait fait une petite saison avec eux, il en connaissait, et moi j’avais la chance de connaître le club. 

    Florent Besnard était joueur du club et à l’arrêt de sa carrière, il a de suite pris la main sur le coaching. Qu’est-ce que cela apporte d’avoir un ancien joueur du club qui avait juste raccroché ?

    Ça permettait déjà de gagner du temps et de ne pas semer la panique en se disant que l’entraîneur s’en va. Le club avait peut-être aussi la peur qu’il emmène quelques joueurs avec lui à Vannes. Malheureusement le président a eu le Covid. Il a été hospitalisé et a été plus de vingt jours dans le coma. Le Comité Directeur était au nombre de quatre, donc les trois autres ont pris le relais. On s’est vu une première fois, puis une deuxième et après ils nous ont dit ‘On a quelque chose à vous proposer, est-ce que vous ne pourriez pas travailler ensemble ? On vous laisse 48 heures tous les deux’. Donc on a été deux jours à discuter tous les deux (sourire). Puis on a trouvé le déclic en se disant ‘Est-ce qu’on fait ce challenge ou pas ? Est-ce qu’on a envie ou non ?’ Même en deux jours, il y a toujours des choses qu’on a envie de faire et d’autres un peu moins, et réciproquement. De toute façon si on n’essaye pas, on ne saura pas. Il faut respecter l’institution, ça c’est quand même la première règle. On nous donne cette chance de pouvoir reprendre le club. On le connaît donc on n’est pas en terre inconnue. Ils nous laisseront du temps pour travailler, puis ça ne va pas, ça n’ira pas c’est tout ! Du coup c’est parti comme ça.

    Le club vient de monter de National 3 après avoir remporté le championnat la saison dernière. Quelles sont les différences notables entre la N3 et la N2 ?

    Là, on change de catégorie. Ce n’est pas une division d’écart, c’est un peu plus pour moi parce qu’il y a beaucoup plus d’impact, beaucoup plus d’intensité et des joueurs plus efficaces, que ce soit dans les deux zones de vérités, offensives et défensives. C’est ça la différence et ce n’est quand même pas rien parce qu’il y a des joueurs qui descendent avec la refonte des groupes. Il y a quand même beaucoup de joueurs qui descendent de Ligue 1, Ligue 2 et National donc il y a pléthore de bons joueurs qui ont de l’expérience et on voit la différence. C’est beaucoup plus technique, c’est plus propre, il y a moins d’erreurs, ce qui fait qu’on voit la différence entre les deux niveaux. C’est pour ça que pour nous l’aventure est belle. Elle est belle parce qu’on s’est servis aussi de nos erreurs, de nos échecs. La première année s’est bien passée, à chaque fois même, malgré le fait qu’il y ait toujours des moments difficiles parce qu’on a un budget très limité au sein du club. Donc le temps d’apprendre à connaître les joueurs, en plus avec le Covid on a fait le choix d’un groupe très élargi, avec ses avantages et ses inconvénients. On avait la quantité mais c’était un groupe très hétérogène donc on s’est rendu compte qu’il y avait des joueurs qui n’avaient pas le niveau de N3. Ils savaient qu’ils étaient dans le groupe donc ils ne comprenaient pas pourquoi ils ne jouaient pas. On avait 27-28 joueurs la première année, on a réduit à 23 la deuxième année. Puis l’objectif est aussi d’intégrer des jeunes. De former c’est bien, mais si on ne les fait pas jouer, si on ne les essaye pas, ils ne vont pas grandir. En N2-N3 on est obligés de recruter à l’extérieur, il n’y a pas le choix. Par le passé, il y avait beaucoup de joueurs qui revenaient de centres de formation, notamment de Lorient. On avait pas mal de jeunes à Lorient et on s’aperçoit aujourd’hui que la N3 est plus forte qu’avant aussi et les joueurs qui arrivent de centres de formation ne sont pas forcément prêts à jouer en N3, contrairement à ce qu’ils peuvent croire. S’ils n’ont joué qu’en U18, le jeu est complètement différent et l’impact est différent avec des joueurs expérimentés. 

    Il ne faut pas oublier non plus que les jeunes issus des centres de formation jouent en N2-N3 de plus en plus jeune et qu’ils ne sont donc pas prêts à affronter le monde senior, bien différent des championnats jeunes.

    Ces jeunes n’ont pas connu le monde sénior quelque part. Ils ont fait quelques apparitions dans le groupe en équipe réserve en N2-N3. Et encore, il y a deux ans, si j’ai bonne mémoire 80% des équipes N2 de réserves pros, sont descendues en N3. Je ne sais même pas s’il en reste une en N2. Donc quand ils arrivaient chez nous, ils se disaient ‘bin oui, bin non’. C‘était à tort et à raison parce qu’on se disait ‘quand ils arrivent chez nous c’est pour rebondir et pour repartir’. Ces joueurs-là, quand ils arrivent de centres de formation, dans leur tête ils pensent qu’ils vont être pro. Ils ne sont pas préparés et on ne les prépare pas à sortir des centres de formation. On en a récupérés quelques-uns et au bout d’un an, deux ans, trois ans, ils comprennent effectivement que la formation n’est pas terminée. On a construit le groupe petit à petit. Il faut le renouveler tous les ans pour un tiers des joueurs quelque part, même si on a gardé volontairement la grosse ossature l’an dernier. Avec des gens qui se connaissent bien, qui sont d’abord là pour le collectif et non pas à titre individuel. On existe par le collectif.

    Vous êtes actuellement à la 8ème place avec ce match en retard face aux Girondins, et à seulement 3 points. Vous attendiez-vous à être situé à cette place en début de saison ?

    C’est une bonne question. Quand on est compétiteur, on ne se pose pas la question d’être relégable (rires). On ne la pose pas. Enfin on la pose, il ne faut pas avoir peur. Il y a deux ans, on était relégables à la fin des matchs aller. On a fait des choix forts fin Janvier, on avait recruté deux personnes d’ailleurs et on avait fait une remontada de quinze matchs sans défaite. Cette saison-là on s’est sauvés et les joueurs se sont dit entre eux ‘On a quelque chose à faire’. Ils sont restés, on en a éliminé que trois ou quatre de mémoire et on a complété. L’an dernier on s’est dit qu’on allait aborder la saison d’une autre façon mais c’était plus mental qu’autre chose parce que la qualité des joueurs était là. Donc c’était une prise de conscience individuelle et collective qui nous a permis de ne pas galérer comme l’année passée et de prendre des points. On s’aperçoit qu’au fil des matchs la confiance est là quand tu gagnes. Tu bonifies ton jeu et tu deviens imbattable entre guillemets. L’appétit vient en mangeant donc on s’est dit qu’on verrait sur les cinq-six derniers matchs. On savait qu’on allait se sauver, on était dans les cinq premiers. On a pris les matchs un à un et c’est ce qu’il s’est passé. On a toujours été chasseur que chassé. Tous les matchs clés, les matchs couperets, on les a gagnés, jusqu’à aller chercher la montée à Pontivy l’avant dernier match. C’était extraordinaire. Le président du comité directeur dit ‘On ne se refuse rien, au contraire. Si on doit y aller, on fera tout pour qu’on puisse figurer dans ce championnat de N2 avec les moyens qui vont avec’. C’est ce qu’il s’est passé. Ça permet aussi au club de se structurer davantage, de grandir aussi et d’aller beaucoup plus vite, de rassembler les partenaires, les supporters, les bénévoles et tout ce qui va avec. Même nous au niveau du staff. Mais on le fait par étapes parce que c’est le budget qu’il faut.

    Photo Pierrick Chassine

    Est-ce que l’objectif reste le maintien quand on est un promu, ou est-ce qu’on voit plus haut à la mi-saison ?

    La réponse est simple, c’est le maintien. C’est le maintien parce que la saison est longue et on n’est pas encore à mi-parcours. Donc par expérience, les matchs retours ne seront plus les mêmes qu’aux matchs allers. Quand on démarre une saison, on veut tous mettre un plan de jeu, un système de jeu, une façon de jouer. Les matchs retours, ça sera la chasse aux points pour toutes les équipes donc le jeu sera complètement différent je pense. J’ai des bons copains qui sont en N2 et ils m’ont dit ‘Tu verras Jacques, les matchs retours ne sont plus les mêmes. Les équipes que tu vas jouer feront la chasse aux points’. Quand on regarde un peu la presse, les réseaux, tous les clubs qui sont en bas, sont en train de recruter. C’est pour ça que les équipes du match aller ne seront peut-être pas les mêmes. Nous, à ce jour, il n’est pas prévu de recruter. On s’est posé la question sur notre gardien parce qu’il avait pris plusieurs matchs de suspension. Dans l’immédiat on verra fin Janvier, mais on voit ça tranquillement pour l’instant car on a tout le groupe. Côté blessures on est plutôt épargnés donc c’est une bonne nouvelle. On a pas mal de cartons, c’est clair. Maintenant il faut qu’on apprenne aussi parce que l’arbitrage n’est pas le même, les sanctions sont un peu plus lourdes et un peu plus rapides. Mais que ce soit pour nous ou pour tous les autres, ça a été à notre avantage, désavantage. C’est à nous aussi d’avoir une maîtrise de soi un peu plus importante. Ce sont aussi les consignes qui sont données aux arbitres pour éviter les grosses blessures donc à nous d’en prendre conscience. De se mettre en opposition avec l’arbitrage, ça ne sert à rien. Maintenant, des fois ils manquent un peu de pédagogie. La nouvelle génération ne veut plus discuter, alors que ce n’est pas compliqué d’échanger. Ça permet à tout le monde de se calmer et ça repart, on est quand même des êtres humains et ça ne reste que du foot. Quand on se retrouve à 10 contre 11 ce n’est plus le même match. Donc l’objectif, si on me disait ‘Vous terminez 8ème en fin de saison’, ce serait un exploit. Maintenant on a pris la mesure du niveau N2 je pense. J’espère que samedi on pourra faire bonne figure et poursuivre notre série puisqu’on est sur quatre matchs sans défaite. Il faut être constant et rigoureux de la 1ère minute à la 96ème parce que je pense que les Girondins ont de l’ambition.

    Vous restez sur deux matchs nuls 0-0 en championnat. On sait que les Girondins ont quelques petits soucis offensivement en étant la 12ème attaque. Est-ce aussi votre cas ? 

    (rires) On sait qu’on a des occasions à chaque match. C’est un peu particulier parce qu’il nous manquait Abdoul Bila le week-end dernier contre Dinan, même si on s’est retrouvés à onze contre dix. On a peut-être été un peu plus émoussés et Dinan a bien défendu, mais on n’a pas trouvé la faille. On a eu la possession en seconde mi-temps dans leur camp, mais on n’a pas trouvé la faille pour marquer. On avait mis des jeunes. On a eu une occasion mais on n’a pas été efficaces. Et Poitiers, par contre, on doit gagner. On a loupé un penalty au bout de cinq minutes, puis panne d’éclairage etc… Poitiers était une équipe qui était très bien en place, qui a son système de jeu qu’il faut respecter, son animation. Ils ne prennent pas de risques et ils attendent l’erreur de l’adversaire. Il n’y a pas eu d’erreur de notre part sauf qu’on n’a pas réussi à mettre ce but. Un de nos attaquants était blessé aussi ce jour-là. Ceci étant, avec du recul on se disait que Poitiers, c’était un bon nul parce que c’est quand même une équipe qui est devant. Mais en même temps, avec du recul on se dit qu’on aurait dû les battre. Autant Dinan le nul est logique, c’est à l’extérieur et en plus c’est une équipe contre qui on réussit rarement chez elle (sourire). Est-ce qu’il y avait cette appréhension ? Je ne sais pas. Les fêtes de Noël arrivaient… Le Poiré on va gagner, Châteaubriant on va gagner. On n’est pas là pour gamberger, donc je ne pense pas. C’était un bloc équipe. On ne va pas non plus changer notre jeu. On ne va pas venir mettre le bus à Bordeaux quand même, ce n’est pas le but du jeu. De toute façon, même si on voulait le faire, on a des joueurs de ballon donc… On verra le résultat à l’arrivée mais l’objectif est de continuer à prendre des points. C’est aussi simple que ça.

    Vous allez découvrir Bordeaux, le Stade Matmut Atlantique et les supporters bordelais. Est-ce qu’on est forcément prêts pour ce genre d’événement ?

    Quelques joueurs ont connu quand même quelques stades. Maintenant, jouer dans un stade de 42 000 places, le sixième stade de France je crois. On est dans les villes de France de moins de 5 000 habitants (rires) donc c’est le grand écart. Quand on est un joueur de foot, il faut se concentrer sur soi-même. Je pense que quand on est joueur on fait abstraction du stade, maintenant il y a toujours cette crainte. Mais je pense qu’il faut en faire une force et non pas une faiblesse. On a joué à Vannes, c’est 10 000 places, on a été au Mans c’est 25 000 places. Il sera peut-être impressionnant, je le connais un peu. Quand on est sur le terrain il faut se lâcher.

    Avec la fermeture du Virage Sud pour avoir utilisé des engins pyrotechniques face au Stade Briochin, l’ambiance pourrait néanmoins être différente. Est-ce une aubaine ? 

    Quand on est joueur, et sincèrement même quand on est sur le banc, on pense qu’on écoute mais en fait on est concentré sur le jeu et sur ce qu’il se passe sur le terrain. Moi le premier, quand quelqu’un me parle, je n’écoute même pas. On est concentrés sur le jeu, on est concentrés sur les joueurs, on est concentrés sur ce qu’il se passe. L’objectif c’est toujours d’anticiper ce qu’il se passe par rapport à un changement, par rapport à une organisation, une animation. Donc je ne pense pas. Sincèrement ça devrait plutôt être l’inverse. On a des joueurs d’expérience donc le stade, au contraire, c’est une belle récompense. Il faut donner une belle copie et ça doit nous aider à nous surpasser. Il n’y a pas de fatigue, il va falloir courir, beaucoup courir (sourire), faire beaucoup d’efforts et ça c’est génial !

    Si je pouvais redevenir joueur, j’aimerais pouvoir jouer au Matmut parce que quand j’étais gamin j’avais le maillot des bordelais. J’ai toujours le maillot avec le V, l’original. Si j’étais supporter des Girondins plus jeune ? Ouais, je les suivais. Toute ma génération, les Battiston, Dropsy, Trésor… Après j’ai toujours suivi et je ne sais pas pourquoi… C’était une très belle équipe, Lacombe, Giresse, René Girard que j’ai retrouvé après à Clairefontaine quand il était sélectionneur. On s’est retrouvés là-bas. Tigana, Dugarry, Trésor, Pauleta, Lacombe, Girard, Chamakh, Costil, Gourcuff à la fin… C’est là où on se dit ‘On joue contre la réserve !’. Eh bin non…

    Que pensez-vous du fait d’avoir Bordeaux, un tel club, à votre niveau ? Est-ce une belle surprise ou une chose négative ?

    Je dirais que ce qui arrive aux Girondins est malheureux mais ce n’est pas de notre fait, ce n’est pas du vôtre. Il y a eu une gestion défectueuse. Alors après, évidemment qu’on peut se dire, il y a une gestion défectueuse, alors on les condamne. Ils sont condamnés, ils sont en N2. Ils auraient pu être en R1. Le club est aujourd’hui, en suspens quelque part financièrement. Ils sont sous observation, dans le monde économique ce n’est pas compliqué, c’est soit redressement et savoir comment ils vont payer les dettes, soit ce sera la liquidation en fin de saison. Alors après, on peut juger effectivement en se disant comme des mauvaises langues ‘On aurait dû jouer le premier match, ils n’étaient pas là’. On aurait pu avoir match gagné par forfait ou aurait pu jouer contre une équipe qui n’est plus la même aujourd’hui. C’est peut-être ça le côté négatif dans le sens qu’on aurait peut-être pu les battre le premier match alors que là, on verra. Maintenant c’est la vie, c’est le règlement qui est comme ça, il faut le prendre comme il est. Les trois points ? Oui. Dinan les a battus 2-1 donc ils ont pris trois points qu’on ne prendra peut-être pas. Effectivement, on aurait pu se dire qu’ils n’avaient pas de joueurs, c’est forfait terminé. On peut faire des plans sur la comète longtemps, émettre des critiques, des jugements, ils exploitent le règlement. Après, par rapport au trou de 118 million minimum et un budget annoncé de 1 million d’euros, il faut m’expliquer comment il est de 1 million. Quand je vois les joueurs, le staff, les infrastructures etc, ils sont plus près des 8-10 millions, que nous à 700 000 euros. Mais il faut regarder le sportif, c’est une belle aventure. C’est historique. On est quand le deuxième club du Morbihan derrière Lorient, c’est anormal (sourire).

    D’ailleurs, quand on voit tous les clubs bretons de bon niveau, c’est une belle chose de vous voir à ce niveau-là ?

    C’est très, très bien. Pourquoi on en est là ? C’est qu’on a structuré. On a construit le projet du club quand je suis revenu il y a quatre ans. On a défini ce qu’on voulait faire au club. L’objectif a été de se dire qu’on voulait la vitrine, l’équipe une, au niveau national. Des équipes 2 et 3 au plus haut niveau régional, un maximum d’équipes de jeunes au niveau régional, continuer à former. On est 500 licenciés, donc recruter, former, garder et fidéliser nos éducateurs pour que nos gamins puissent s’épanouir. Qui plus est, si demain il y a des pros, tant mieux, excellent. Pour perdurer dans le temps, pour pérenniser le club. L’objectif est de pérenniser, pas de faire des éclats, avec une gestion saine. On ne va pas dépenser ce qu’on n’a pas. Du coup, ce qui nous arrive là aujourd’hui, permet aussi d’aller beaucoup plus loin au niveau des partenaires. Je suis responsable des partenaires aussi, de par l’histoire, ce qui fait que ça permet de rencontrer des chefs d’entreprises, de vendre un projet de territoire. On a beaucoup d’entreprises et d’industries agro-alimentaires dans notre région. Juste pour citer, la marque Daucy c’est la partie légumes, la partie cochon c’est la marque Jean Floc’h, que vous devez entendre, sponsor à Lorient. Puis autrement on a le groupe LDC, où on a beaucoup de volaille. On a beaucoup d’agriculteurs et d’éleveurs dans notre région. Effectivement, il y a beaucoup d’outils avec beaucoup de salariés avec les marques Le Gaulois, le Poulet de Loué… Ce qui fait qu’on a construit le projet en se disant que si les salariés des entreprises ont besoin d’embaucher, chez nous on a leur gamins, et s’ils prennent du plaisir chez nous, ils prendront du plaisir au travail. On a rapproché les entreprises et l’association du club, ce qui fait qu’il y a une ambiance terrible, avec une organisation interne, avec des commissions. Chacun amène sa commission dans une ambiance où on prend du plaisir, le but c’est ça. On est juste à 20 minutes de Vannes et Pontivy, donc l’axe Lorient – Rennes. On prend même des minibus pour aller chercher des gamins au collège en secondaire sur Vannes et Pontivy, pour qu’ils arrivent à l’entraînement plus tôt et les parents viennent les chercher après. On a même l’aide aux devoirs pour les petits. On a plus de 100 bénévoles. Donc quand l’équipe Une fonctionne, ça va beaucoup mieux derrière. C’est pour ça que je dis qu’il faut qu’on reste à ce niveau-là. A nous d’être malins dans nos recrutements, dans notre formation puis voilà.

    Et il faudra aussi être malin samedi. Justement, comment aborde-t-on ce genre de rencontre, face à un adversaire qui sait qu’il va devoir prendre des points pour revenir sur Saint-Malo ? 

    Il ne faut pas non plus tout bouleverser. On a tous les matchs donc de toute façon on regarde tous les matchs et on sait exactement comment joue Bordeaux. Il y a donc des choses qu’on va faire à l’entraînement ce mardi soir. La seule chose qui va changer ce sera que c’est le seul déplacement qui va se faire la veille. On partira vendredi midi pour être à l’hôtel vendredi soir. Quelque part c’est bien parce qu’on va commencer la nouvelle année pendant deux jours où on sera tous ensemble. C’est une autre façon de se connaître encore plus même si on se connaît davantage. Autrement on ne va pas changer nos habitudes, on fait entraînement ce soir (mardi, ndlr), jeudi, vendredi on part. On dînera ensemble vendredi soir, réveil musculaire samedi matin, déjeuner, puis on ira tranquillement au stade. Si les joueurs ont carte blanche pour le réveillon ou si cela reste très stricte ? (rires) On ne peut pas empêcher le réveillon. On les a mis en garde et on les a encore remis en garde lundi soir. On n’a pris qu’une semaine de congés, ils avaient un petit programme individuel. Dans les têtes il faut lâcher, même si mentalement je pense qu’on n’est pas fatigués. Mentalement on est bien mais une coupure ça fait toujours du bien. On ne s’est pas vus pendant une semaine. Mais on leur a dit ‘Ne faites pas les cons mardi soir parce qu’on va le payer samedi. C’est Bordeaux, ce n’est pas le petit bled où il y aura 200 spectateurs’. J’en connais quelques-uns (sourire), comme n’importe qui. Après il reste mercredi, jeudi, vendredi, samedi donc n’abusez pas trop. Maintenant c’est de la responsabilité individuelle. Ils savent les sanctions, aujourd’hui on a un groupe étoffé donc quelqu’un qui n’est pas dans la ligne, quelque part… Maintenant on reste des amateurs.

    Des amateurs certes, mais on peut tout de même parler d’un niveau semi-professionnel ?

    Oui, c’est pour ça que quelque part nos joueurs ont plus de mérite entre guillemets, qu’un joueur professionnel d’aujourd’hui. Il faut un peu voir l’investissement qu’ils donnent, l’engagement et la détermination pour résister, pour être en N2. Le joueur travaille, ça veut dire qu’il se lève le matin, il va au travail donc il a une fatigue physique ou mentale, on dira ce qu’on voudra. Le soir on fait des entraînements à 19h donc le joueur ne rentre jamais avant 21h30. Moi le premier je suis là à 17h et je repars à 22h. Il faut le vivre pour le comprendre. Le lundi c’est la récup’, mardi soir entraînement, mercredi soir entraînement, vendredi entraînement, samedi en N2 au pire tu pars à midi autrement c’est rendez-vous à 15h à domicile. Imaginons, on a quand même des pères de familles en plus, donc il y a des enfants… Vous mettez tout ça bout à bout, par rapport à un pro… Quand je vois Saint-Malo, Gwen est un copain, mais c’est la belle vie. Le lundi on fait la petite récup’ tranquille, on est plus à lire L’Equipe etc, le mardi matin il y a entraînement, le midi on déjeune ensemble, l’après-midi c’est muscu. Mercredi matin c’est un peu d’entraînement, jeudi on travaille devant le but, vendredi c’est la vitesse et samedi c’est match. Ils ne font que ça donc quand on met nos joueurs à côté… On n’a aucun contrat fédéral. Ce n’est pas le même système d’entraînements. Quelque part on est très exigeants mais à un moment donné aussi on est obligés de se dire qu’ils ont une vie aussi à côté. Le positif pour nous, c’est de se dire que quelqu’un qui ne fait rien, n’est pas bien dans sa tête. Alors tout le monde ne travaille pas encore pour X raisons. Ils ont le chômage et quelques trucs par ci, par là, il y a ceux qui ont aussi connu le monde pro un peu. Donc quelque part, ils se connaissent. Moi le premier, j’aime bien faire autre chose en parallèle parce que ça me permet d’oublier le foot. Autrement on est intoxiqués en permanence, même si je passe mon temps au foot (rires). Mais ça fait du bien de s’aérer la tête, de parler d’autre chose et de voir autre chose. Comme ça le soir tu viens et tu te défoules, c’est une bonne fatigue physique et mentale. Alors que quand tu n’attends que le foot le soir…

    Que peut-on vous souhaiter cette saison ? 

    Déjà, c’est de continuer à proposer ce que l’on fait aujourd’hui, pour qu’on puisse donner du plaisir aux joueurs, et qu’ils donnent du plaisir aussi aux autres. Quand je vois l’enthousiasme au niveau des supporters et des dirigeants… Puis le staff, on est aussi récompensés, tous les jeunes qui viennent aux matchs… Donc c’est quand même ça, c’est de prendre du plaisir et d’en donner. Puis bien sûr, en prenant des points (rires). C’est un ensemble pour qu’on puisse continuer à construire et à faire grandir ce club. Il faut poursuivre, on n’est pas à la moitié encore. Si on peut prendre encore quelques points là et rester invincibles samedi, ça serait bien parce qu’après on reçoit Bourges. Ils ont dû encore recruter, ils ont changé d’entraîneur je crois aussi. Tout le monde ne sera pas premier.

    Un Grand Merci à Jacques Pichard pour cet entretien et sa disponibilité.