Jean-Christophe Thouvenel : “J’ai proposé Valbuena partout. Tout le monde a dit la même chose, qui n’a aucun sens… ‘Un joueur d’1.60m’. Tous. Sans exception”
Dans Le Podcast des Légendes, l’ancien latéral des Girondins de Bordeaux, Jean-Christophe Thouvenel, est revenu sur sa carrière d’agent, après celle de joueur. Il aurait notamment pu s’occuper de Mathieu Valbuena, mais il fut confronté aux refus des clubs.
« J’ai rencontré son père chez lui. Je travaillais avec un agent officiel, j’étais collaborateur, c’était un agent camerounais. On avait Jean Makoun, Peter Odemwingie, Modeste M’Bami, Ludovic Obraniak, beaucoup de joueurs africains… A cette époque-là, bien sûr, j’allais voir Bordeaux, et j’ai vu le petit Valbuena. J’ai été le voir jouer 20 fois, je le connaissais comme si je l’avais fait. Quand j’apprends que le club a décidé de ne pas lui proposer un contrat professionnel, et qu’il était un peu comme un orphelin, par le biais d’un de mes amis qui connaissait le papa, je lui ai demandé de rencontrer le papa. On organise un rendez-vous, je rencontre le papa chez lui. Je discute avec le papa qui est portugais d’origine. Il était adorable, quelqu’un de très bien, et il me dit ‘si vous pouvez faire quelque chose pour nous, ce serait fantastique’. Je lui ai demandé de me laisser regarder, qu’il y avait peut-être quelque chose à faire avec Auxerre par exemple. Le joueur a été proposé partout. Tout le monde a dit la même chose, qui n’a aucun sens… ‘mais, tu viens nous proposer un joueur qui fait 1.60m, est-ce que tu penses qu’un joueur comme ça compte tenu des nouveaux critères de la Fédération Française de Football qui veut maintenant des joueurs qui font 1.90m, 100kg, 1m de détente verticale…’. On m’a répondu ça à tous les clubs où il a été proposé. Tous. Sans exception. A tel point qu’il est parti jouer à Langon, de là il est parti à Libourne, puis à Marseille parce qu’il avait quelqu’un de très proche du directeur sportif de l’époque… Ils se sont dits, ‘de toute façon, ça ne mange pas de pain, on peut le prendre, et on verra’. C’est comme ça. Moi, suite à tout ça, je n’ai pas osé appeler le papa pour le dire ‘écoutez, j’ai honte, je ne peux pas trouver de solution pour votre fils, car tout le monde me répond la même chose’. Je me suis imaginé à la place du papa, quand on vient vous dire ça pour votre fils… Je suis mal placé, j’ai joué avec Alain Giresse, qui n’était pas un géant… J’ai joué avec Fernando Chalana, Antoine Martinez… Il y en avait une multitude de joueurs comme ça. J’ai baissé la tête et je n’ai pas osé appeler le papa pour lui dire que je ne pouvais rien faire. J’ai parlé avec des entraineurs, et des entraineurs avec qui j’ai joué… C’était 0 en indemnités de formation. Mais non… ‘la Fédération met l’accent sur des joueurs nanana’. On programme des joueurs qu’on prend à 12-13 ans, et on les amène à 16-17 ans comme ça, avec des 1.90m… ».
Puis, il ajoute.
« J’en ai raté d’autres, mais c’était moins tragique. Là, pour moi, c’était une tragédie du système du football français à cette époque. Et pourtant, Alain Giresse avait cassé les codes, et plein d’autres. Jean Tigana, lui aussi… C’était une crevette, par contre il avait un nombre incalculable de qualités fortes dont l’endurance, la résistance, la vision du jeu, le mental, la persévérance. J’ai raté le coche pour Valbuena. Si je le rencontrais aujourd’hui, je lui expliquerais ».


