[Interview G4E] Fabrice Fontaine (Chauray) : “La place des Girondins n’est pas en National 2 donc naturellement je leur souhaite le meilleur”
Avant la rencontre aller entre le club du FC Chauray et celui des Girondins de Bordeaux, comptant pour la 9ème journée du championnat de National 2, nous nous sommes entretenus avec Fabrice Fontaine, entraîneur de cette équipe. Dirigeant pendant vingt ans au sein des Chamois Niortais, il est notamment passé par La Rochelle, Niort Saint-Liguaire puis Chauray depuis Février 2024. Alors en train de jouer le maintien en National 3, le voici désormais en National 2 avec son groupe. Avec lui, nous évoquons son parcours, le club de Chauray, les Chamois Niortais, ce championnat de National 2, Jérémy Grain, le match à venir contre les Girondins et bien d’autres sujets…
Comment s’est faite votre arrivée dans le club de Chauray ?
Écoutez, j’étais au club de Saint-Liguaire, un club voisin, sans contrat et en R2. Le club de Chauray était sur six ou sept défaites, ils avaient besoin d’un DES (Diplôme d’Etat Supérieur) pour coacher en N3. Du coup, j’étais disponible et à quelques kilomètres. Ils m’ont proposé de rejoindre l’aventure à ce moment-là, en Février 2024.
Vous avez terminé la saison 2024 puis la suivante vous terminez premier de votre poule de National 3. Est-ce que l’équipe était faite pour jouer la montée en N2 ?
Ah non ! On savait que deux ans auparavant ils se sont sauvés pour ne pas descendre en R2. Ensuite ils passent donc de R1 en N3 et j’arrive pour le maintien, alors qu’on joue le maintien justement avec la réserve des Chamois Niortais. On est dixième et eux onzième, ce sont eux qui descendent et on se maintient à la dernière journée entre guillemets, à Challans, en N3. L’année suivante vous recomposez avec certains joueurs puis vous agrémentez l’effectif. Maintenant, de dire de jouer le haut de tableau ou une montée, ce n’était pas du tout prévu. C’était un maintien le plus tôt possible pour pouvoir ensuite pérenniser le club en N3. Ensuite, au fur et à mesure on connaît la saison qu’il y a eu, on a travaillé et puis ça a souri à la fin.
Quelles différences avez-vous déjà pu constater entre la N3 et la N2 ?
Je trouve qu’il y a beaucoup plus de joueurs de qualité, qualité individuelle intrinsèque, technique. Ensuite il y a les projets de jeu qui sont déjà bien définis sur chaque équipe, chaque club, avec vraiment des intentions de jeu propres à chaque club, puis c’est défini et surtout appliqué de façon très efficace. Donc je trouve qu’on se rapproche du haut niveau, du monde pro. On voit surtout le nombre de joueurs qui ont côtoyé la Ligue 1, la Ligue 2 et le National. En N2 on les voit de plus en plus donc naturellement que la différence se fait là, dans la maîtrise offensivement et défensivement. Il y a de la qualité aussi, avec beaucoup de systèmes à cinq quand même, donc c’est difficile de marquer des buts. Mais néanmoins il y a beaucoup de qualité offensivement.
Lors de votre recrutement on a remarqué que plusieurs joueurs arrivaient des Chamois Niortais, club qui a disparu pour fusionner avec un autre. Est-ce qu’on peut dire que d’une certaine façon vous remplacez un peu les chamois ?
Alors au fond de moi, dans mon esprit, on ne pourra pas remplacer les Chamois Niortais, déjà par rapport à l’histoire qui a été unique. C’est un club qui détient les records du nombre de matchs en Ligue 2, c’est un club emblématique de Ligue 2, emblématique de la ville de Niort. Nous, très humblement je vous le dis, à Chauray, qui est une commune de l’agglomération du niortais, on essaye juste de construire un parcours, une aventure, une histoire dans ce club. Après, le fait que je sois 20 ans aux Chamois Niortais fait que oui j’ai croisé des joueurs, donc j’ai une fibre. On transpire l’essence des Chamois Niortais, maintenant ça ne remplacera pas l’histoire ni le club. On essaye juste de recréer du football sur le niortais avec nos moyens et avec notre esprit. On est un peu pauvres de football en Nouvelle-Aquitaine, on le voit, donc aujourd’hui on se retrouve un peu comme un club référent. Pour un club comme Chauray, se retrouver référent de Nouvelle-Aquitaine c’est quand même extraordinaire. Donc c’est un rôle à assumer, à surtout travailler et à pérenniser. C’est quand même dommage car c’est la Ligue où vous comptez le plus grand nombre de licenciés, et aujourd’hui on est l’une des plus pauvres quand même en termes de haut niveau. C’est un créneau qu’on a pris, on doit l’assumer et c’est très difficile par rapport aux autres clubs. On ne joue pas du tout dans la même cour en termes de budgets, qui vont parfois du simple au triple, ou au double en tout cas. A nous d’avoir des armes, et ça passe par le jeu et l’esprit, l’état d’esprit surtout.
Parmi vos recrues, Jérémy Grain, attaquant qui évoluait aux Girondins la saison dernière. Comment cela s’est fait ?
C’est qu’on se connaissait de l’époque des Chamois, quand j’étais dans le staff des Chamois Niortais en Ligue 2. Il était sous contrat donc c’est comme ça qu’on s’est connus à l’époque. Après il a suivi sa route, et naturellement sur sa vie, sa carrière, il avait besoin de retrouver un club dans ses racines, dans ses origines. Niort était à l’origine de sa belle-famille déjà, elle est issue de Niort. Étant sur Bordeaux, naturellement que la connexion s’est faite. Parfois le football offre ce genre de retrouvailles.
Quels sont les points forts de Jérémy ?
Ses points forts, c’est que c’est déjà un très bon technicien. Il a une vitesse de pied, vitesse de frappe, c’est un buteur. Il est déjà à deux buts chez nous. C’est un joueur techniquement vif, il entre dans les petits espaces, il est intelligent tactiquement, avec une grosse culture footballistique. Il est capable de s’adapter à plusieurs systèmes et il est capable de jouer pour les autres donc c’est très important. C’est un joueur qui joue pour les autres. C’est très important aujourd’hui pour nous par rapport au projet de jeu. Bien sûr, il apporte de la maturité, de la lucidité et de la maîtrise sur le nouveau championnat qu’on découvre avec nos joueurs. Je pense qu’il va être content de vous retrouver (rires). Jérémy, c’est son club de cœur donc naturellement que pour lui c’est un match important, non pas par rapport à ce qu’il s’est passé l’année dernière. Mais il va jouer à René Gaillard, là où il a tout connu entre guillemets, là où il a construit sa carrière au début. Et de jouer contre les Girondins de Bordeaux, qui est son club de cœur, c’est un ensemble pour lui.
On a une fâcheuse tendance aux Girondins c’est que très souvent, les anciens passés par le club marquent quand ils l’affrontent (sourire)…
J’espère que ça va continuer (rires). On ne perd pas une habitude (sourire).
Vous avez réalisé une très bonne préparation estivale en enchaînant les victoires, et le début de championnat est plutôt honorable pour un promu avec une 9ème place actuelle. Comment jugez-vous votre début de saison ?
Cohérent mais un peu frustrant. Mais j’ai pour habitude de dire qu’il faut savoir d’où on vient et toujours regarder où on va du coup. A ce moment-là on se dit que c’est cohérent parce qu’il y a de nombreux matchs, et notamment le dernier encore à Avranches (défaite 3-1), qui est quand même une très belle équipe de ce championnat. Depuis le début on a fait quatre déplacements en six matchs donc naturellement que pour nous les pieds ont tout de suite été mis dans le plat. Donc il a fallu montrer du caractère et aussi de la maîtrise. Je trouve que mes joueurs ont répondu jusqu’à maintenant. Mais il reste énormément de matchs derrière. C’est un bon début comme vous dites, mais ce n’est pas suffisant parce que je pense qu’on avait de la place pour encore faire mieux. Ces matchs-là, avec le travail, avec l’expérience qu’on va construire, j’espère que ce sont des matchs qui vont se transformer en points pour la suite.
Vous allez affronter les Girondins de Bordeaux, une émotion particulière quand c’est la première fois ?
C’est l’une des meilleures équipes en ce moment des trois poules de National 2 (rires). C’est une émotion particulière pour moi, déjà du fait de jouer ici à René Gaillard, où j’ai tout construit, ma vie professionnelle, de sportif, etc… C’est une émotion particulière parce que normalement on n’a pas envie de rencontrer les Girondins de Bordeaux en National 2, ce n’est pas leur place. Donc c’est une émotion particulière, à la fois comme l’émotion que j’ai eu pour les Chamois Niortais à la disparition du club, et de voir les Girondins en National 2. La place des Girondins n’est pas en National 2 donc naturellement je leur souhaite le meilleur. Mais c’est une émotion particulière parce que ça montre bien la difficulté qu’on a aujourd’hui dans le football de haut niveau, avec les dirigeants. Niort en a fait les frais, aujourd’hui ce sont les Girondins, c’est difficile également. Donc c’est une émotion particulière parce qu’on joue un grand club, un grand club en National 2. C’est contradictoire pour moi.
Est-ce qu’il va falloir aussi conditionner vos joueurs pour ce genre de rencontre ?
Je pense que tous les joueurs qui vont affronter les Girondins de Bordeaux cette année, ont dans leur tête une projection particulière. Pour chaque coach avec son équipe, c’est une projection particulière parce que c’est une équipe et un club particulier. C’est une équipe emblématique donc naturellement que l’approche est différente. Mon discours avec les joueurs va aussi être, non seulement différent, mais à la fois commun. C’est-à-dire que c’est un match parmi tant d’autres qu’il va falloir bien sûr aborder de la meilleure des façons sur un match type gala, avec des milliers de personnes au Stade René Gaillard. Ensuite, la Terre ne s’arrête pas de tourner donc il faut aussi se projeter sur le match qui suit à Châteaubriant (sourire), et la vingtaine de matchs qu’il y aura derrière encore. Donc naturellement que c’est un match à prendre comme les autres, avec un parfum particulier, comme une Coupe de France quand vous avez une grosse équipe face à vous, avec une histoire, un emblème. C’est motivant pour eux, pour nous et pour les niortais. Cette soirée, c’est un rendez-vous qu’on construit depuis quelques semaines. En montant en National 2, on savait qu’en jouant Lorient, les Girondins de Bordeaux, Les Herbiers, Angoulême, ce sont des équipes emblématiques de National 2 et de National. Donc ça a une saveur particulière pour nous les grosses affiches.
Votre stade n’était peut-être pas configuré pour une telle rencontre, du coup cela sera au Stade René Gaillard. Est-ce plutôt une bonne chose pour vous et vos joueurs ou est-ce que vous auriez préféré recevoir Bordeaux à Chauray ?
Il y a les deux réponses, oui et non. C’est une bonne chose parce que, quand vous êtes sportif, vous avez envie de vivre ces moments-là, avec du public, avec un événement. Vous avez envie de vivre le football, vous avez envie de partager avec des gens, les émotions. Maintenant vous avez envie de les partager aussi chez vous, c’est-à-dire dans votre cocon. C’est ce qui fait notre histoire aussi, une ascension fulgurante qui fait que ça a du mal à suivre. La réception des spectateurs, il y a une chose qui ne peut pas être dépassée donc naturellement c’est difficile de créer du spectacle chez nous. En tout cas j’espère, c’est pour ça que l’objectif est là, de pérenniser ce club au niveau du National 2 pour avancer sur notre structure et construire l’histoire du club chez nous petit à petit.

Les Girondins sont sur une bonne dynamique depuis plusieurs semaines, comment prépare-t-on ce match ?
De la même façon, avec la même rigueur, de la discipline parce que je suis partisan de ceux qui ne réinventent pas les choses du jour au lendemain. Il y a une certaine continuité, un certain fil conducteur qu’on met en place depuis un an et demi du coup. Ce ne sont pas les Girondins qui vont perturber la mise en route, la construction, les Girondins ou un autre, que ce soit à domicile ou à l’extérieur. La saveur est bien sûr différente si vous jouez au Stade Atlantique, si vous jouez à Cholet, si vous jouez aux Herbiers etc… Bien sûr que chaque match a sa vérité. Maintenant, entre nous à l’entraînement c’est le même fil conducteur, ce sont les mêmes habitudes de travail, c’est la même concentration et discipline. On ne s’invente pas tout d’un coup rigoureux, on ne s’invente pas concentrés, ça se travaille tous les jours. Donc l’attention est la même que d’habitude, avec cette petite, j’espère en tout cas pour les joueurs, chose qui va les prendre aux tripes. Après on parle un peu plus de dépassement de soi, de don de soi, de détermination. Une motivation qui est supplémentaire ensuite.
Est-ce que vous en faites le principal favori cette saison ou est-ce que des équipes comme Avranches, La Roche ou Les Herbiers peuvent vraiment poser problème ?
Aujourd’hui, je pense qu’il fait partie des favoris. Je pense en plus que sur la dynamique qu’est en train de connaître les Girondins de Bordeaux, le travail qui paye de Bruno (Irles) progressivement, va faire que ça va être un rouleau compresseur comme l’année dernière. L’année dernière c’était un peu plus tard, là c’est assez tôt pour pouvoir continuer naturellement. Après je trouve qu’il y a de très belles équipes. Avranches est une très belle équipe de haut de tableau, voire des trois premières places. La Roche a montré des arguments de maturité sur un système aussi différent, sur des joueurs avec des profils différents. Aujourd’hui vous pouvez compter sur Les Herbiers, La Roche, Angoulême, Bordeaux, ça fait déjà pas mal d’équipes (rires). Si on peut rajouter Saint-Malo qui est en train de se relever ? Oui voilà, et qui est sur une dynamique positive. Le jour où il y a quelques attaquants pros qui descendront à Lorient, je pense que vous allez les voir sur une série de cinq matchs d’affilée sans défaite. Vous verrez que c’est un jeu proposé qui est très efficace, très intéressant, et c’est ce qui fait la beauté de ce groupe en ce moment. Ça joue au football en tout cas.
Vous restez sur une défaite 3-1 à Avranches et vous étiez au repos lors de ce 6ème tour de Coupe de France. Est-ce que vous en tirez un avantage ?
L’avantage que j’en retire, c’est ce que j’ai demandé aux joueurs, c’est cette frustration, cette déception qu’il y a eu en Coupe de France, cette sortie. De s’en procurer, de la nourrir en motivation maintenant pour le championnat. De regarder les autres tirages au sort, les voir jouer, passer au septième tour, ça doit nourrir cette volonté de vouloir performer maintenant. C’est ce que je leur ai demandé. C’est un mal pour un bien. Ok, en tant que compétiteur on aimerait être dans la course au septième tour, déjà pour notre club, pour pouvoir peut-être faire une affiche chez nous au huitième tour ou en 1/32èmes, etc. Naturellement que tout le monde vit sur cette coupe, maintenant ce n’est plus le cas nous concernant. Ça doit être une force, c’est ce que je leur demande, c’est-à-dire à la fois de la récupération, mais en même temps ça doit nourrir une certaine déception qui doit se transformer en détermination. Pour que face aux Girondins ou les deux matchs qui sont devant nous, on puisse capitaliser des points. On a des objectifs maintenant qui sont consacrés au championnat donc allons-y à fond.
Quelles seront les clés du match selon vous ?
Les clés du match, c’est ce qu’on a mis en place depuis le début, beaucoup de maîtrise offensivement et défensivement, jouer les choses justes et non pas par rapport à l’enjeu. C’est d’être vraiment concentrés sur le jeu. Et se consacrer à nous par rapport à notre projet de jeu, de pouvoir l’imposer aux Girondins de Bordeaux, qui plus est sur un match spectacle. Donc ça demande beaucoup de maîtrise, beaucoup de recul, beaucoup d’abnégation pour pouvoir collectivement surtout, performer et scorer pour gagner le match. Donc ça va être ça, c’est surtout ça, la gestion des émotions et la capacité à se concentrer sur ce qu’on sait faire.
Que peut-on vous souhaiter cette saison ?
La même chose que l’année dernière. On cherchait le maintien le plus tôt possible et on a eu une montée, donc souhaitez le moi (rires).
Un GRAND MERCI à Fabrice Fontaine pour sa disponibilité et cet échange très sympathique



