« Je reste sur ma faim »

     

    Bonjour Mme Leenhardt. Tout d’abord, qu’avez-vous pensé de la performance des Girondins à Paris ?


    C’était un bon match. C’est un bon résultat mais, dans l’absolu, ce match nul ne replace pas Bordeaux dans la course à l’Europe. Je reste sur ma faim quant à l’irrégularité de l’équipe. Faire ce nul à Paris, c’est très bien, mais faire un nul contre Ajaccio, une semaine avant, enlève tous les bénéfices de vos performances à l’extérieur. Encore plus quand c’est face à une grosse équipe. On ne peut pas s’empêcher de remarquer que Bordeaux est vraiment bon, mais bon contre les grosses équipes…

     

     

     

    Ce samedi, Dijon se présente à Chaban-Delmas. Quel regard portez-vous sur ce promu ?

     

    Je trouve que c’est une très bonne équipe. C’est un des promus les plus intéressants depuis longtemps. Il ne se contente pas de jouer le maintien petit bras. De l’extérieur, on voit que ce club est une vraie aventure. Cela tient à l’entraîneur qui est un peu particulier. C’est un passionné. Bordeaux doit se méfier d’une équipe qui est dans une dynamique comme celle-ci, où tout est possible. Ils ont de bons résultats. Il y a un bon collectif, évidemment, mais aussi de bons joueurs. Et puis… il y a Kakuta. Kakuta est la meilleure recrue de la Ligue 1. Pour ce qu’il apporte, la qualité du joueur et la façon avec laquelle il est arrivé. C’est un super joueur. Il bonifie vraiment sont équipe. Il apporte énormément sur le plan collectif.  Dijon est une équipe intéressante, qui joue au ballon et qui est régulière dans ses résultats. Bordeaux doit vraiment rester sur ses gardes.

     

     

     

    Garder un joueur comme Kakuta en Ligue 1, serait une très bonne nouvelle pour le football français. Dijon en est-il capable ?
    C’est très compliqué. C’était déjà surprenant qu’il aille à Dijon. C’était aussi surprenant qu’il n’ait pas plus de propositions que cela. Ils se sont trouvés, et on voit qu’il a fait le bon choix finalement. Maintenant, on voit que ce joueur, qui n’avait pas de temps de jeu à Chelsea, a d’énormes qualités. A présent, je pense qu’il peut aller où il veut. Donc je ne sais pas s’il va rester à Dijon. Cela semble très compliqué. En revanche, il représente le pari d’un prêt hivernal qui a fonctionné. C’est assez rare pour être signalé. Souvent les joueurs qui arrivent en janvier ont du mal à s’adapter. Lui par contre, il a toutes les portes ouvertes grâce à ses performances désormais.

     

     

     

    Les observateurs ainsi que Francis Gillot font le même constat : Bordeaux réussit surtout de bonnes performances contre les grosses cylindrées. Vous partagez cette analyse donc…?

     

    Oui. Ce n’est pas nouveau à Bordeaux. Malheureusement. Quel que soit le technicien d’ailleurs. C’est difficile à inverser pour les joueurs. L’équipe a un problème. Pas de motivation, parce que je ne crois pas que les joueurs n’aient pas envie contre les « petites équipes ». Mais ils ont un problème de régularité, ou d’investissement, dans leurs matches contre les mal-classés.

     

     

     

    On voit également que Bordeaux est très performant à l’extérieur, moins à domicile. Les Girondins doivent-ils adopter une autre tactique que le 3-5-2 contre Dijon ?

     

    Le 3-5-2 a aussi marché à domicile. Quand on regarde le match contre Ajaccio, ce système fonctionne jusqu’à la 90ème minute. Moi je pense que ce n’est pas seulement une question de système. Cette organisation a très bien fonctionné sur les premiers matches à domicile en 2012, et notamment contre Valenciennes (ndlr : victoire de Bordeaux 2-1). C’était un 3-5-2 très offensif, et cela avait très bien fonctionné. Je pense que c’est plus une question de « jouer à domicile ». Les joueurs ont plus de mal à se lâcher dans ce système, ou retombent dans une sorte de syndrome Chaban-Delmas dès qu’ils sont bousculés. On voit qu’à l’extérieur, ils se sentent plus à l’aise, plus relâchés. Cela devrait être le cas à la maison. Je ne pense pas que ce soit qu’un problème de système, même si on a vu que Gillot avait organisé son équipe en 4-4-2 à l’entraînement, cette semaine. J’attends de voir. Je ne crois pas qu’il va changer.

     

     

     

    L’Europe et Toulouse sont à neuf points. Jugez-vous, comme Francis Gillot, qu’il est « indécent » de parler d’Europe ?

     

    Je pense que Gillot préparait son match de Paris lorsqu’il a fait ces déclarations. C’était très orienté. C’était plus un message tourné vers ses dirigeants et ses joueurs. Il peut très bien dire le contraire aujourd’hui. C’est aussi de la communication. Je ne dirais pas que c’est indécent, mais en tous cas, ce n’est plus vraiment d’actualité. Pas tellement à cause de Bordeaux. Les Girondins font un parcours remarquable. Mais plutôt à cause de la qualité des équipes de devant qui ne baissent pas, ou alors pas toutes. Le problème, c’est que, quand vous avez un ou deux adversaires devant vous, vous pouvez compter sur des faux-pas. En revanche, lorsqu’il y en a six, et notamment Toulouse et Saint-Etienne… Le week-end dernier, Saint-Etienne a perdu, mais Toulouse a gagné. Ils ne vont pas tous s’écrouler en même temps. C’est pour cette raison que je pense que ce sera très difficile.

     

     

     

    Enfin, un mot sur Chamakh qui vient d’être placé sur la liste des transferts à Arsenal. Bordeaux peut-il essayer de faire revenir le franco-marocain ?

     

    (ndlr : sourire) Ils peuvent toujours essayer, mais il y a plusieurs problèmes. La liste des transferts n’est pas une surprise pour lui. Marouane le savait. Je l’ai eu au téléphone, il est toujours très attaché à Bordeaux; c’est son club. En revanche, il y a aussi des intérêts financiers. Pour le club d’Arsenal, qui ne compte certainement pas le brader non plus. Bordeaux a peu de chance d’être en Europe. Le club n’aura donc qu’un petit budget dédié au recrutement, voire pas de budget. Arsenal ne va pas le donner, même s’ils l’ont eu gratuit. Il y a aussi le choix du joueur. Même s’il n’a pas joué à Arsenal, il peut tout à fait prétendre jouer dans un club européen anglais. Est-ce qu’il a l’âge de se dire : « je me suis fait ma carrière à Arsenal, je vais revenir à Bordeaux pour prendre du plaisir ? ». Je ne sais pas. Si c’est seulement cela, je pense que Bordeaux a toutes ses chances. J’ai bien peur que le financier prime là-dessus. Arsenal n’est pas du genre à faire un cadeau. Ils ne vont pas brader leurs joueurs. Ce n’est pas parce qu’on ne joue pas à Arsenal qu’on a plus la côte. Si on ne joue pas dans un autre club, c’est différent…

     

     

     

    Remerciements à Lawrence Leenhardt pour cet entretien.