#Portrait. Jussiê évoque son départ sans considération des Girondins, ses blessures et Cédric Carrasso. [Partie 2/3]

    l’equipe jussie maccabi

     

    SON DÉPART DES GIRONDINS

     

    Quelques mois après avoir été libre de tout contrat, on t’annonce au Stade Bordelais, puis à Bordeaux Caudéran. Tu nous avais appelé pour démentir cette information mais, comme il n’y a jamais de fumée sans feu, que s’est-il réellement passé ?

    Concernant Caudéran, mon fils joue là-bas. L’AGJA Caudéran. Je suis proche des gens qui travaillent au club. Je connais le Président, et j’ai connu l’entraîneur de l’équipe première. Je discute avec l’entraîneur, on sympathise… Il me dit, en rigolant “Tiens Jussiê, tu peux venir t’entraîner avec nous de temps en temps!”. En plaisantant, je lui réponds “Oui, un jour, pourquoi pas!”. Un jour, il y a eu un sujet dans Sud Ouest avec lui, le coach de l’AGJA, car ils allaient jouer contre la réserve de Bordeaux justement. Et lui, il lâche, et je ne sais pas pourquoi d’ailleurs, “Jussiê, il vient…”. J’appelle le Président, je lui dis que je ne sais pas d’où il sort l’info mais que son entraîneur a dit ça sur moi. Le Président est furieux. Et donc, il a lâché que j’allais m’entraîner et jouer avec Caudéran, alors que c’était faux!

    Le Stade Bordelais, je suis venu m’entraîner avec eux quand j’ai arrêté ma carrière. Pour garder la forme et essayer de trouver un club après Bordeaux. Et donc, je connais Bruno, l’entraîneur du Stade Bordelais. Mon préparateur physique connaissait très bien Bruno, alors nous avions commencé à faire un travail ensemble, d’entraînement simplement. Et Bruno, un jour, alors que j’avais décidé d’arrêter ma carrière et j’avais en plus, déjà commencé dans le vin, me dit “Tiens Jussiê, pourquoi tu ne viens pas t’entraîner avec nous ?”. Je lui dis “Bruno, écoute, je commence à rentrer dans un autre milieu, je ne sais pas si je vais avoir le temps…”. Il me répond “Mais non, tu viens t’entraîner quand tu veux, et tu joues quand tu veux!”. Déjà, ce concept-là, je le trouvais moyen pour moi parce que, avec mes problèmes physiques, il faut que je travaille beaucoup. Il fallait que je renforce mon genou, j’avais besoin de travailler beaucoup. Je savais que ça n’allait pas être possible… Je me dis que si je fais ça, je vais me blesser. Mais, il m’avait bien reçu et il était sympa. Je lui dis “Ok, pas de soucis, on fait ça, je signe”. Je joue le jeu et on fait ça. Je vais là-bas pour signer, et là, il y a un soucis. Ils n’ont droit qu’à deux contrats fédéraux, et ils avaient déjà les deux joueurs. Donc je devais signer un contrat fédéral, mais je ne pouvais pas. Et là, de suite, j’ai dit “Ecoute Bruno, laisse tomber, on arrête. Déjà, je pense que je ne vais pas avoir le temps. Et je ne veux pas prendre la place d’un autre contrat fédéral, que tu enlèves ce joueur, alors que je ne viendrais que de temps en temps seulement. Donc on arrête.” Mais avant ça, il avait déjà annoncé que j’allais jouer au Stade Bordelais. Donc c’était déjà sorti partout! Et finalement, ça ne s’est pas fait. Effectivement, j’allais jouer au Stade Bordelais, mais après notre conversation, je n’ai même pas réussi à m’entraîner.

     

    Tu déclarais avoir de l’amertume à ton départ des Girondins de Bordeaux, sur la manière dont tu es parti. Est-ce que cette amertume est toujours présente ? Comment expliques-tu que certains joueurs n’ont pas forcément le départ qu’ils méritent ou qu’ils souhaiteraient ?

    Une séparation, c’est toujours difficile. Ca a été difficile pourquoi ? Parce que, après 10 ans, je m’attendais à ce moment-là, que mon départ se fasse d’une autre manière. J’étais en fin de contrat. Au fond de moi, je savais déjà que je n’allais pas rester. Ce n’était pas ça le soucis. Je ne voulais pas que les Girondins me gardent, je ne voulais pas. Je ne rêvais pas, je ne me disais pas “Putain j’ai fait une superbe saison…” alors que je n’avais pas fait une super saison, je n’avais pas beaucoup joué, j’avais été pas mal blessé. L’équipe n’était pas bien. Forcément, je savais que ça allait se faire comme ça. Mais c’est la manière, comme ça a été fait à la fin. Ulrich Ramé prend les rennes de l’équipe au dernier match, contre le Paris Saint-Germain. Les Girondins savaient déjà que je n’allais pas rester. A ce moment-là, je me disais “Peut-être qu’il y aura quelque chose, qu’on vienne me dire merci, pour ton travail, pour toutes ces années. Ca va être ton dernier match, on va essayer de faire quelque chose…”. Mais non, rien. Avec le recul, tu te dis que ça ne sert à rien, que c’est de l’égo en fin de compte. Mais à ce moment-là, je sentais que j’étais n’importe qui, que toutes ces années ne comptaient pas, que ce n’était pas très important. Oui, j’ai eu de l’amertume au départ. Mais aujourd’hui, franchement non. Je suis vite passé à autre chose. Il ne fallait pas rester sur ça non plus. Et pour moi, ce qui était important, c’est que j’ai eu des moments très difficiles, au moment des blessures, et que le club m’a toujours soutenu. Surtout Jean-Louis Triaud, il m’a beaucoup aidé. Finalement, je me dis que c’est ça que je veux retenir. Ces choses-là. Ces bons moments que j’ai vécus. Non, aujourd’hui je n’ai plus d’amertume, je supporte les Girondins, je suis triste quand on perd, je suis heureux quand on gagne. En ce moment je suis un peu triste (rires)!

     

    Vieira Jussiê

     

    Donc tu aurais voulu être davantage célébré…

    Quand je vois, qu’un mec comme Carrasso, une idole quoi, la façon qu’il est parti, je me dis que quelque part, le club ne fait pas très attention à ça, et c’est dommage! Parce que des joueurs comme Carrasso par exemple, tu ne peux pas les laisser partir comme ça… Comme si de rien n’était, comme si ce n’était qu’un simple joueur. Mais non, c’est une idole, donc il faut les traiter comme il se doit! Donc, je n’étais pas soulagé mais, je me suis dit il y a quelque chose, dans le système du club, auquel ils ne font pas attention. Bordeaux est considéré comme un club famille. J’espère qu’à l’avenir, pour les autres, ça se fera différemment!

     

    SES MULTIPLES BLESSURES

     

    Ton aventure -et ta carrière de joueur professionnel- s’est arrêtée alors que tu semblais avoir retrouvé des sensations, après une nouvelle longue blessure. Avec presque un an de recul, est-ce une déception pour toi de ne pas avoir continué ? Est-ce que le football te manque ?

    Non, le foot ne me manque pas. Je suis sincère, très sincère. Je n’ai pas joué au foot depuis fin janvier. C’est ma passion, mais ça ne me manque pas. Déjà, à la fin, j’étais un peu dégoûté de la manière dont j’avais arrêté ma carrière. Je me disais que j’aurais pu continuer, mais en même temps je me disais que c’était le moment. Surtout avec ce projet dans le vin qui m’a touché, qui m’a donné envie de partir sur autre chose. Le monde du foot, je ne voulais pas trop y rester. Dans ma tête, quand je faisais une projection sur mon avenir, je ne me voyais pas dans le monde du foot après ma carrière. Du coup, avec le projet du vin, je me disais que j’allais faire autre chose. Et cette chose, aujourd’hui, occupe beaucoup de mon temps, c’est aussi ma passion! Et je ne peux pas avoir 15 passions. La seule déception que j’ai, c’est par rapport à mes blessures. Je suis plus “raison” que “cœur”. Au contraire de ma femme par exemple. Je savais qu’à un moment donné, il fallait s’arrêter. Je me disais “Un an de plus, deux ans de plus, même trois ans de plus, je sais qu’à un moment donné ça va s’arrêter”. Et je me demandais si j’allais avoir la même opportunité de reconversion, dans le vin qui est ma passion, comme je peux avoir aujourd’hui ? Est-ce que ça vaut le coup de sacrifier ces trois années ? Donc à ce moment-là, c’était le moment pour moi d’arrêter. J’ai mis ça dans la balance de la vie, et j’ai vu que j’avais plus à gagner à arrêter ma carrière. Aujourd’hui, je ne regrette pas! Mais j’essaie de ne pas y penser. Ces pensées-là, je les évite.

     

    Vieira Jussiê GTV2

     

    Penses-tu que de ne pas avoir signé en France après ta carrière, après la fin de ton contrat avec Bordeaux, est lié à tes nombreuses blessures contractées pendant ta carrière ? On dit souvent qu’un joueur de foot qui se blesse a une mauvaise hygiène de vie. Penses-tu que c’est le cas te concernant ?

    Non, je pense pas que les clubs pensaient que j’avais une mauvaise hygiène de vie. Quand on voit un cas comme Gourcuff, souvent blessé, alors le mec il est niquel! Je pense que c’est lié à la malchance. Au départ, je ne travaillais pas assez. Quand j’avais les blessures musculaires, j’essayais de comprendre ça, en me demandant ce qu’il se passait. Au Brésil, jamais blessé. A Lens, jamais blessé. Pourquoi à Bordeaux j’étais blessé ? Le constat a été difficile, a été long, mais je suis arrivé au constat que je n’entraînais pas mon corps, pour l’exigence que les matchs me demandent. Je m’entraînais à 50% et je jouais en match à 100%. Donc forcément, il y avait un décalage. A ce moment-là, j’ai fait venir un kiné brésilien, qui est resté à Bordeaux pendant un an avec moi. Il habitait à Bordeaux, il faisait les aller-retours, et on travaillait tous les jours. Tous les jours, tous les jours, tous les jours… Ca c’était avec Gillot. Et quand on regarde mon historique, on peut voir que ma seule blessure, c’était contre Marseille. Je saute, je retombe, coude cassé! Là, on ne pouvait rien faire. Donc non, pas de mauvaise hygiène de vie. J’ai eu la certitude que je donnais beaucoup pendant les matchs, mais que je ne m’entraînais pas assez. Ca ne venait pas de moi, ça venait de ce que l’on nous proposait. Pour mon corps, ce n’était pas suffisant. Il fallait que je m’entraîne encore plus, en plus des entraînements collectifs. Il faut savoir que pour les clubs, nous ne sommes que des produits. Très clairement. Toi, quand tu viens acheter quelque chose, tu payes un prix, mais derrière il faut que ce soit niquel. Si tu achètes quelque chose et que tu sais que c’est bientôt périmé, tu te dis, soit je n’achète pas, soit moitié prix. Et les clubs, c’est ça. Je pense qu’avec mon historique de blessures, ils se sont dit “Jussiê se blesse beaucoup, on va le faire venir, on va le payer, mais si demain il se blesse, après qu’est-ce qu’on fait ?”. Ils ont peur. Je pense que c’était pour ça, j’avais conscience de ça. C’est quelque chose qui m’embêtait, mais pour moi c’était clair. Avec mon histoire en France, ne pas pouvoir trouver un autre club facilement… J’ai eu des contacts avec des agents. Il y avait un directeur de club, qui a dit à mon agent “En ce moment, on n’a pas besoin de milieu défensif”. Mon agent lui dit “On parle du même joueur là, vous parlez de Jussiê ?”, et le dirigeant lui dit “Mais Jussiê, il n’est pas milieu défensif, vous êtes sûr ?”. C’était un dirigeant de Lorient qui avait dit ça. L’amateurisme de ces gens-là… Comment ça se fait qu’un mec comme ça est dans le football ? Je me suis rendu compte, qu’à tous les niveaux, de la chaîne du football français, il y a beaucoup d’amateurisme. Beaucoup, beaucoup. C’est ça aussi, qui m’a dégoûté un peu à la fin de ma carrière. J’ai eu accès à des gens, je me suis dit comment ont-ils eu une place dans le football ? Mais c’est comme ça…

     

    Il y a-t-il eu un moment, notamment après tes ruptures des ligaments croisés, où tu t’es dit que tu allais jeter l’éponge ?

    Non. Ma décision d’arrêter ma carrière, ce n’était pas jeter l’éponge. C’est vraiment une décision d’arrêter car c’était le moment. Je n’en avais pas marre. Je n’en ai jamais eu marre du foot. Si j’avais eu le physique pour, j’aurais fait comme Hilton. L’envie, je l’avais. Même après mes grosses blessures, surtout les ligaments, j’ai pris mon mal avec beaucoup de patience. Je savais que j’allais revenir mais je ne savais pas dans quel état, mais je n’ai pas voulu à ce moment-là jeter l’éponge.

     

    Vous pouvez toujours retrouver la première partie de l’interview de Vieira Jussiê, ICI, sur Girondins4Ever