#Interview. Jean-Pierre Papin : « Je regrette de n’avoir rien gagné avec les Girondins ! »
Ce dimanche 18 février à 21h, les Girondins de Bordeaux se déplacent au Stade Orange Vélodrome de Marseille pour y défier l’OM. A cette occasion, Girondins4ever a rencontré Jean-Pierre Papin, qui a porté les couleurs olympiennes puis bordelaises. Confessions.
Bonjour Jean-Pierre, après avoir été joueur, entraîneur, vous êtes aujourd’hui consultant sur beIN SPORTS, depuis 2012. Vous n’avez plus entraîné d’équipe professionnelle depuis Châteauroux en 2010. Le terrain ne vous manque pas trop ?
Énormément ! Énormément, parce que quand on a goûté à ce genre d’adrénaline, ce parfum de vestiaire, ces responsabilités, il est clair qu’on a envie un petit peu d’y retourner. Mais bon, je fais aujourd’hui un métier qui me passionne, qui est très intéressant avec une équipe que je connais bien, où il y a beaucoup de respect. Et ça se passe très bien !
Voyager chaque semaine dans un stade se rapproche d’une
vie de joueur non ?
Non, à aucun moment. A aucun moment, il n’y a pas de rapprochement
possible. Quand on a connu le terrain, c’est complètement
différent.
Vous déclariez en septembre 2013 à L’Équipe, vouloir
arrêter de travailler avant vos 55 ans. Est-ce toujours le cas
?
C’est une possibilité… A l’époque, je pensais que ma carrière
d’entraîneur serait beaucoup plus longue ! (rires) C’est là où ça a
posé problème. Mais bon, dans le timing, ça ne doit pas être loin
quoi qu’il arrive !
Vous vous voyez rester consultant encore longtemps
?
Je ne sais pas, je ne sais pas. J’ai encore deux ans de contrat.
Après, c’est dans longtemps deux ans. En fait, c’est long et c’est
court !
Seriez-vous prêt à reprendre un club en cas d’offre
intéressante ?
Oui, ça me plairait bien. Après, je veux vraiment un challenge en
fait. Entraîner pour entraîner, sincèrement… C’est bien, d’accord,
mais moi j’aurais voulu un challenge avec des objectifs, et où on
te donne aussi la possibilité d’avoir quelques joueurs qui sont
intéressants. Arriver en tant que pompier de service, je l’ai fait,
c’est bien aussi parce que c’est court, mais c’est précipité. Ça,
ce n’est pas très bien pour vivre normalement. Ça va trop vite. On
ne peut pas se poser, on ne peut pas réfléchir. T’es là, tous les
jours, tu dois trouver la solution… Parce qu’en fait, t’es dans
l’urgence. Systématiquement. Le métier d’entraîneur, ce n’est pas
que ça, c’est aussi vivre dans la tranquillité, préparer les matchs
en sachant qu’il n’y a pas le feu, c’est complètement différent.
Après, c’est le métier qui veut ça. Je reconnais, que dans ce
métier, on sait très bien que ça peut arriver tout le temps, bien
évidemment.
Il y a toujours ces catégories d’entraîneurs : il y a
celui qui arrive dans un grand club comme le PSG, avec une
enveloppe « transferts » de 200 M€, et qui a le travail
qui est déjà à moitié fait, et le pompier de service…
Oui, mais celui-là, il a des objectifs avérés, il est obligé de les
réussir ! Bien évidemment que tout le monde préférerait celle-ci de
situation, mais je pense qu’il y en a d’autres, qui sont peut-être,
plus valorisantes. Faire monter quelques jeunes, leur apprendre
certaines choses… Les voir grandir, les voir au plus haut niveau.
C’est deux métiers différents je veux dire. Et celui, bien sûr, où
tu es dans l’urgence. Mais, une fois, ce serait bien d’avoir celui
où tu n’as pas l’obligation de, ou de te maintenir, ou d’être
champion. Mais, tout doucement, te créer la situation, voir les
gamins qui poussent. J’appelle ça un projet.
Un projet à long terme, un peu comme Christophe Galtier
quand il était à Saint-Etienne ?
Exactement ! C’est ça en fait. Avec un club, où tu sais qu’il y a
le potentiel quoi qu’il arrive pour avoir du public. Saint-Étienne,
c’est un grand club aussi. T’as les Girondins… tu vois, un club
historique. C’est ça qui serait intéressant. C’est un peu ce que
j’ai fait à Strasbourg en fait. Au départ, t’es pas dans l’urgence,
t’as deux ans pour monter. Finalement, au bout d’une saison, tu y
arrives… Avec des gamins, que tu fais monter. Des joueurs, purs
produits du club, tu les fais signer finalement amateur, et ils
jouent en pro toute la saison. C’est ce genre de chose, où tu mêles
expérience et jeunesse, et tu t’aperçois, que là aussi, tu peux
avoir de supers résultats !
Depuis que vous êtes sur beIN SPORTS, avez-vous
refusé des offres de contrats ?
Oui.
De quels clubs ?
Je ne peux pas te dire… Parce que justement, je ne retrouvais pas
ça. C’était trop dans l’urgence, pour remplacer quelqu’un… Tu ne
pars pas du départ, tu n’as pas choisi tes joueurs, tu ne sais pas
comment ça va se passer. Et c’est complètement différent.
Des clubs de Ligue 1
?
Il y a les deux, Ligue 1, Ligue 2. Et à l’étranger aussi.
Vous avez joué dans plusieurs grands clubs, européens et
français. Si vous aviez dû faire votre carrière dans un seul et
unique club, lequel auriez-vous choisi ? Et pourquoi ?
J’aurais adoré jouer à Manchester United ! Il y a eu des contacts,
mais le Bayern n’a jamais voulu me laisser partir. Même blessé, ils
n’ont jamais voulu me laisser partir. Manchester, c’était le club
de mon père. Ça a été le premier club que j’ai supporté. Et ça a
été un crève-cœur quand le Bayern ne m’a pas laissé partir. Même si
il y a eu le Milan, même si il y a eu l’OM, même si il y a eu les
Girondins, le Bayern… C’était plus un choix du cœur en fait. Je me
rappelle, j’étais blessé, je ne savais même pas si j’allais rejouer
un jour. Eric Cantona m’a appelé un soir à Munich, il m’a dit
« J’ai bien discuté avec Sir Alex, il voudrait qu’on reforme
le duo qu’on avait en Équipe de France. Et pour ça, il te prend à
Manchester, il te laisse te soigner, et tu prends ton temps ».
C’était beau ça non ?
C’était beau oui, Cantona, Ferguson…
Et en fait, le Bayern ne m’a jamais laissé partir. Après, je ne
suis pas quelqu’un qui me plaint. J’ai une carrière, qui est, je
pense, exceptionnelle, par rapport à ce que je voulais faire. C’est
ce dont j’avais rêvé. De l’avoir fait dans ces clubs, d’avoir gagné
autant de titres avec ces clubs, c’est juste magique quoi ! Je
regrette de n’avoir rien gagné avec les Girondins. Alors que
c’était tout proche. Une Coupe de la Ligue, ça aurait suffi.
Ce week-end, les Girondins se déplacent à
Marseille pour la 26ème journée de Ligue 1.
Marseille est en forme depuis quelques mois. Bordeaux peut-il
espérer un résultat au Vélodrome ?
Oui, on peut toujours espérer un résultat au Vélodrome. Après, on
sait tous comment cela se passe, ce qu’il va falloir faire. Je
trouve cette équipe girondine un peu jeune, mais elle a prouvé ces
quatre derniers matchs qu’elle avait relevé la tête, qu’elle était
dans une meilleure spirale. Je pense qu’un point, ce serait bien…
Je ne les vois pas gagner là-bas, ça c’est sûr. Mais je pense qu’un
point, c’est possible. Sachant que l’OM est obligé de gagner, vu ce
qu’il se passe en ce moment. Ils vont laisser des espaces, et il y
a des joueurs quand même intéressants côté girondin capables de
faire la différence en contre. Donc je me dis que ça peut être pas
mal, mais je ne les vois pas gagner par contre.
On associe cette série positive à l’arrivée de Gustavo
Poyet. Mais virer Jocelyn Gourvennec était-il la bonne
solution ?
Écoute, quand tu vois ce qu’il se passe, tu ne peux pas dire le
contraire. Après, sportivement, c’est une chose. Bien évidemment
que quand tu connais Jocelyn, le mettre dehors c’est juste un
crève-cœur. Parce que c’est un mec qui est humain, qui est entier,
et c’est en plus un très bon entraîneur qui avait été élu par ses
pairs quelques mois auparavant. Après, quand on connait ce milieu,
on sait qu’il n’y a jamais rien d’acquis, et qu’à tout moment, en
cas d’échec, tu peux te retrouver à la porte. Moi, ça m’a surpris,
parce que je ne m’y attendais pas du tout. Mais ce qui m’a surpris
surtout, c’est de voir la défaite de Granville. C’est interdit. En
voir certains courir avec Gustavo, et courir beaucoup moins avec
Jocelyn ! Ça, ça m,’a choqué par contre. Il y a un truc qui a été
préjudiciable au club, c’est la blessure de Gaëtan Laborde. Ça
n’aurait peut-être pas été le plus décisif de tous, mais je pense
qu’il apportait quelque chose qu’il n’y avait plus pendant quelques
temps. La grosse défaillance pour moi, c’est Malcom. Qui était un
diable en début de saison, et du jour au lendemain, tu as
l’impression qu’il a perdu son football !
La grosse tête, non ?
Non non, je ne me permettrais pas, je ne le connais pas ce garçon.
Mais il a eu un passage à vide que j’ai rarement vu. Ça fait
réfléchir. Quand tu as été coach et que tu vois ça, ça fait
réfléchir.
Le match peut-il dépendre de la forme de Thauvin et
Malcom ?
Non, non, c’est avant tout des collectifs. Ce sont des
individualités qui peuvent, bien évidemment, faire la différence,
mais ces équipes-là, elles sont aujourd’hui dans de bonnes
spirales, car le collectif il est bon. Après, ils feront peut-être
la différence, l’un et l’autre, ou l’un ou l’autre, mais ce sont
les collectifs qui sont bons aujourd’hui dans ces deux équipes. Et
je dirais même qu’il est peut-être un peu mieux aujourd’hui côté
marseillais.
Pensez-vous que Bordeaux peut accéder à une place
européenne en fin de saison ?
Oui, c’est possible. En plus, ils ont un calendrier qui va bien, je
trouve. J’ai regardé un petit peu, c’est un calendrier qui ne va
pas trop mal. Et en allant gagner à Nantes la dernière fois, je
pense que, maintenant que tu es à 3 points des Nantais, et la
saison est encore longue, oui, je dirais que c’est possible. Moi
j’y crois en fait.
Avez-vous un souvenir de votre retour au Vélodrome en
1996, sous le maillot bordelais ? (0-0, en septembre
96)
Oui, je me souviens de ce match… Déjà, le plus important, c’est
qu’on n’ait pas perdu. Je me souviens de m’être fait siffler quand
je suis rentré avec les Girondins. Après, je peux comprendre…
Enfin, quelque part je peux comprendre. Quelque part, je ne
comprends pas. Je comprends, parce qu’on fait partie des équipes
qui jouent contre l’OM. Mais quand on a été ce que j’ai été à l’OM,
ça fait mal au cœur. Mais ça, c’est mon côté sensible, ce n’est pas
grave. Je trouve que la sensibilité est importante, ressentir les
choses, c’est bien. Moi, je ressens peut-être plus d’une manière
forte, mais c’est vrai que ça m’avait fait mal ce jour-là. Mais
c’est la vie d’un footballeur aussi… faut faire avec.
Vous avez inscrit 31 buts en 72 matchs avec Bordeaux,
puis êtes parti en 1998 finir votre carrière professionnelle à
Guingamp. Pourquoi ne pas avoir joué plus longtemps aux Girondins
alors que vos statistiques étaient encore très positives
?
C’est les égos mal placés. Ne pas supporter de devoir être
remplaçant. Je pense que c’était un peu ça. Vouloir continuer et
jouer à tout prix, jusqu’à plus faim. Sans vraiment réfléchir à
certaines choses. Et ça a été une décision qui a été prise
progressivement.
Et vous auriez aimé, avec le recul, continuer avec
Bordeaux ?
Avec le titre de champion juste derrière, j’aurais aimé, bien
évidemment (rires). Bien évidemment.