#InterviewG4E. José-Karl Pierre-Fanfan : “Bordeaux, n’a pas les moyens d’un PSG, n’a pas le business model d’un Olympique Lyonnais, ni le mécène qu’a Marseille”

    Pierre-Fanfan Darcheville

     

    José, tu as arrêté ta carrière après ton passage au Qatar, en 2008, quel a été ton parcours depuis ?

    Depuis, donc, j’ai fait pas mal de choses. J’ai été consultant sur Canal Plus, en tant qu’homme de terrain. J’ai enchaîné ensuite, au sein du syndicat des footballeurs, l’UNFP, en tant que délégué régional dans un premier temps, chargé des clubs professionnels de toute la région Nord. Nord, au sens large, ça va du Paris St-Germain jusqu’à Caen, Le Havre, Amiens… Tout le grand secteur Nord. J’ai ensuite donc passé ma licence d’agent de joueurs. J’ai intégré le service “management” de l’UNFP, toujours. J’ai également passé mon diplôme de manager général de club sportif à Limoges, au Centre d’Économie du Sport de Limoges, précisément. Aujourd’hui, voilà, j’ai étoffé toute ma palette, et je suis quelques joueurs professionnels, Ligue 1 et Ligue 2. J’ai une activité toujours, de consultant. Je me suis enrichi d’un maximum de diplômes pour évoluer dans ce milieu du football qui est le mien.

     

    Tu es aujourd’hui l’agent de Christopher Nkunku, milieu de terrain du PSG. On parlait d’un possible prêt du joueur parisien aux Girondins pendant l’été 2017, rumeur ou vraie possibilité ?

    Envisagé, non, il y a eu des interrogations sur la situation du joueur. Après, le joueur, il est guidé. Il était et est toujours parisien. Il a un contrat au PSG. Il est vrai que Paris aujourd’hui c’est particulier dans le sens où, pour un jeune joueur issu du centre de formation… En général, partout déjà, la formation c’est très délicat, mais dans un club comme Paris, avec les ambitions parisiennes, c’est encore plus compliqué d’intégrer le jeu. Donc c’est vrai que son temps de jeu était discutable, et cela suscite les interrogations, les intérêts de beaucoup de clubs, de l’Hexagone, de l’étranger. Bordeaux, oui, s’est renseigné.

     

    Christopher Nkunku, malgré son poste de milieu, a des attitudes d’attaquant. À l’aise devant le but notamment..

    Il a déjà évolué attaquant en jeunes. Il a une palette qui est très riche, qu’il pourrait également étoffer, mais c’est un garçon qui est très à l’aise dans la zone de vérité, face au but, il a le geste juste. Il choisit sa surface de pied, ce n’est pas du hasard, il a vraiment un bon placement. Voilà, c’est un joueur qui peut évoluer effectivement à plusieurs postes.

     

    Tu as joué dans de grands clubs français, et gagné des titres dans tous ces clubs. Lequel gardes-tu le plus dans ton cœur, et pourquoi ?

    Sincèrement, ce n’est pas de la langue de bois, j’ai vécu des choses différentes dans chacun des 3. Aujourd’hui, je vis en région parisienne, j’ai Paris qui est la capitale, qui a eu l’impact le plus important, le plus retentissant dans ma carrière. C’est le Paris St-Germain. Porter le brassard de ce club, même s’il n’y avait pas les moyens financiers du Qatar, mais le PSG a toujours été le PSG. Un grand de France mais peut-être pas un grand d’Europe mais aujourd’hui, c’est un grand d’Europe. Mais en France, il a toujours été un grand de France, l’un des clubs à battre. C’était particulier de porter ce maillot. La pression médiatique, l’environnement, le plus délicat, c’était vraiment au PSG. Après, le côté princier monégasque, c’est aussi particulier. Un entraîneur comme Didier Deschamps, qui était hyper agréable, c’était une superbe expérience. Puis le club qui m’a mis le pied à l’étrier, le Racing Club de Lens, avec qui j’ai découvert la Ligue des Champions, mais surtout le club par qui tout commence, quelque part. Avec un public extraordinaire, des moyens différents, une image différente, beaucoup plus populaire. C’était juste énorme. Difficile effectivement, parce que c’était vraiment des étapes dans ma carrière, particulières, avec à chaque fois des caractéristiques différentes, qu’on ne peut pas comparer en fait.

     

    José-Karl Pierre-Fanfan

     

    Quel est ton souvenir des matchs contre Bordeaux ?

    Là-aussi, partout où je suis passé, c’était une affiche. Même si, j’avouerais, en terme de palmarès c’est compliqué depuis quelques saisons du côté des Girondins. Mais ça reste un grand club français. Qui a un gros passif. Je ne sais pas si les jeunes d’aujourd’hui le voient comme ça mais en tout cas ma génération, a énormément de respect pour ce club. Qui a vu de grands joueurs aussi. C’est vrai que préparer un match face aux Girondins… On savait que les Girondins était une équipe qui a toujours pratiqué un beau jeu, qui a toujours eu des attaquants de qualité, toujours la maîtrise en milieu de terrain, toujours un jeu propre. Donc c’était un match particulier, qu’on attendait. Ça faisait partie des grosses affiches du championnat.

     

    As-tu déjà eu une proposition pour y signer ?

    Non, Bordeaux, non. J’ai eu beaucoup de clubs français, mais Bordeaux, non. De mémoire, non.

     

    Comment perçois-tu cette équipe au jour d’aujourd’hui ?

    Difficile déjà, dans le sens où cette saison, c’est compliqué. Changement d’entraîneur… Gourvennec était là, avec une philosophie de jeu, avec un projet à long terme. Puis, l’urgence des résultats a fait qu’il y a eu cette prise de décision : un changement d’entraîneur. Pas convaincu qu’il y ait eu une révolution. Par contre, il y a eu une réaction sur quelques semaines. Là aussi, c’est toujours des réactions assez surprenantes. On peut dire qu’effectivement, il y a eu une réaction du groupe suite à l’arrivée d’un nouvel entraîneur, alors que, je pense, pour le connaître un petit peu, Gourvennec était assez proche de ses joueurs, et qu’il y avait quelque chose d’assez intéressant en tout cas. C’est comme ça qu’il fonctionne. Mais bon, maintenant, le nerf de la guerre dans le football d’aujourd’hui, il est clairement financier. Les joueurs aujourd’hui, certes, ils aiment un fanion, mais on a le sentiment que ce qui fait la différence, c’est financièrement. Bordeaux, n’a pas les moyens d’un PSG, n’a pas le business model d’un Olympique Lyonnais, ni le mécène qu’a Marseille. C’est-à-dire qu’il faut être très fort, dans la stratégie club, très fort au niveau du recrutement, très fort dans la formation, en faisant des bons coups. S’appuyer sur les jeunes, même un an ou deux, et puis ensuite les voir partir. Mais qui vont rapporter une manne financière. Et être très fort justement, sur les joueurs méconnus, qui justement, peuvent avoir du talent et qui sont passés à côté. Mais qui vont nous correspondre sur une philosophie de jeu. Et qui vont permettre d’exister dans la première partie de tableau, dans les places européennes. Aujourd’hui, le titre, il est injouable, mais la 2ème, 3ème place, il faut essayer de s’y mêler ! Bordeaux se doit, d’accéder à ces places-là. 2ème, 3ème place. C’est une ville qui peut attirer de grands joueurs. C’est une ville, une région magnifique. C’est quand même des atouts pour attirer au quotidien des joueurs de qualité. Même si le Haillan mérite aussi un petit coup de peinture, même si certes, il est historique. Les camps d’entraînements méritent aussi d’évoluer. Il y a des moyens en terme de structures, d’infrastructures, de région, d’attirer de bons joueurs. Après, faut que le projet décolle et que les moyens soient là. Donc, si vous n’avez pas les moyens financiers, c’est dans la stratégie de recrutement qu’il faut travailler. Parce que, je ne veux pas pointer du doigt tel ou tel joueur, mais ce qui est sûr, c’est que malgré tout, il y a eu des investissements qui ont été fait. On ne peut pas dire que, leur masse salariale est tout en bas du classement. Il y a eu certain niveau de revenus aux joueurs. Ils ont investi aussi sur quelques transferts. Mais sportivement, ça ne va pas, car ils se sont trompés à mon sens.

     

    Les joueurs aujourd’hui, certes, ils aiment un fanion, mais on a le sentiment que ce qui fait la différence, c’est financièrement. Bordeaux, n’a pas les moyens d’un PSG, n’a pas le business model d’un Olympique Lyonnais, ni le mécène qu’a Marseille. C’est-à-dire qu’il faut être très fort, dans la stratégie club, très fort au niveau du recrutement, très fort dans la formation, en faisant des bons coups. S’appuyer sur les jeunes, même un an ou deux, et puis ensuite les voir partir. Mais qui vont rapporter une manne financière. Et être très fort justement, sur les joueurs méconnus, qui justement, peuvent avoir du talent et qui sont passés à côté. Mais qui vont nous correspondre sur une philosophie de jeu. Et qui vont permettre d’exister dans la première partie de tableau, dans les places européennes. Aujourd’hui, le titre, il est injouable, mais la 2ème, 3ème place, il faut essayer de s’y mêler ! Bordeaux se doit, d’accéder à ces places-là. 2ème, 3ème place

     

    CHELSEA – PSG
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    Ils se trompés sur quels joueurs selon toi ?

    Ils se sont trompés en terme de politique, en général, comme ils fonctionnent. C’est un championnat qui reste, pas difficile à cerner. Hormis le Paris St-Germain, il reste malgré tout des équipes qui, en étant un peu mieux structurées, je pense à Montpellier, à Nice malgré tout, qui recrutent et arrivent malgré leurs moyens, à être dans cette première partie de tableau. Rennes va s’appuyer un peu plus sur son centre de formation, son entraîneur aussi, Lamouchi, qui fait un un bon travail. Avec des moyens, qui correspondent aussi à mon sens à ceux de Bordeaux, mais ils sont quand même devant ! Bordeaux, ils sont aujourd’hui au milieu du classement, mais devrait être quelques places au-dessus. Bordeaux se doit en tout cas, d’avoir les 3 ou 4èmes places pour ambition.

     

    Penses-tu que, pour regagner cette 3ème ou 4ème place, nous devons obligatoirement passer par l’arrivée d’investisseurs ?

    Sur un plan financier, oui, ils ont besoin d’argent. Après, l’argent ne fait pas tout. L’argent, c’est intéressant, mais encore faut-il savoir bien l’utiliser. Le PSG, certes, il y a le Qatar derrière. Ils ont investi beaucoup, mais tout n’a pas toujours été bien fait. Heureusement, ils ont les moyens de rectifier. Entre les Jesé, les Krychowiak, beaucoup de flops. Des flops que Bordeaux, ne pourrait pas se permettre. Il faut se l’argent, mais il faut derrière savoir l’utiliser. Savoir l’utiliser, c’est avoir au sein du club des personnes capables d’analyser, de cerner les vrais problèmes, cerner les vrais postes, les vrais profils. Et se donner les moyens ensuite d’aller les chercher. Je ne connais pas Bordeaux suffisamment dans son mode de fonctionnement, je ne fais qu’un constat extérieur. Mais aujourd’hui, on n’a pas le sentiment, que tout est mis en place pour avoir un effectif optimisé.

     

    Crois-tu que l’on peut assister à un scénario similaire à celui du match aller ?

    Il y aura sûrement une réaction d’orgueil des bordelais. On se rappelle qu’avant ce match, Bordeaux faisait un début de saison, plus qu’intéressant, convaincant. Ce match a marqué une fracture côté bordelais. Ce match était incompréhensible. Ce n’est pas une tare d’aller perdre au Parc des Princes, de prendre une gifle. Il y en a plein qui l’ont prise. On pensait que Bordeaux allait pouvoir, cette saison, rivaliser. Derrière ça, ils ne s’en sont jamais remis, il y a eu le changement d’entraîneur. Ce n’est pas forcément justifié de perdre contre Paris au Parc, ça peut arriver un accident. Paris ne boxe pas dans la même catégorie, même si Bordeaux faisait un bon début de saison. Mais cette défaite a vraiment marqué un virage négatif dans l’effectif, dans tout ce qui a suivi derrière et cela a occasionné le départ de Gourvennec. Je pense qu’ils vont avoir malgré tout un sursaut d’orgueil, une envie côté Bordeaux. Pour Bordeaux, malgré tout, ça reste “l’affiche”, de recevoir le champion. Il y a certes, une accumulation de matchs côté PSG. Ils se sont qualifiés difficilement quand même contre Caen. Première mi-temps, où ils doivent se mettre à l’abri. Au final, même en se mettant en danger, ils sont qualifiés. Le problème du PSG, c’est qu’ils ne pourront pas gagner tous leurs matchs 6 ou 7 à 1. Sur un plan individuel, ils sont supérieurs. Sur un plan collectif, ils sont supérieurs. Et même quand ils ont des trous, l’équipe adverse ne se met jamais à l’abri avec 3 buts d’avance. L’équipe adverse est capable d’en mettre un, parfois peut-être deux, mais derrière il ne faut pas grand chose. Ils se mettent la tête à l’endroit, et 10 minutes suffisent pour que ce PSG-là revienne. Saint-Étienne l’a vu à ses dépens il y a quelques semaines. Ils faisaient un bon match mais c’est difficile, pour leurs adversaires, d’avoir 1h30 de concentration, de faire déjouer cette équipe-là. Parce qu’à un moment, la moindre erreur, vous la payez cash parce qu’ils sont en capacité de vous sanctionner, car il y a vraiment de la qualité. Parfois ils sont insuffisants. Mais là, ça reste une affiche, j’insiste, donc ils seront concernés. Ils sont champions, il y aura peut-être un turnover. Mais même le turnover est qualitatif côté PSG.

     

     

    Merci à José-Karl pour ce moment intéressant !