InterviewG4E. Alou Diarra : « Bordeaux n’est pas un tremplin ! Mon objectif, c’était même de gagner la Ligue des Champions ! »
Les semaines passent et Girondins4Ever continue de vous proposer chaque semaine, une à deux interviews exclusives. Et pour le compte de cette 38ème et dernière journée de Ligue 1, c’est notre ancien capitaine Alou Diarra qui répond à nos questions !
Bonjour Alou, que deviens-tu depuis la fin de ton contrat à Nancy en juin 2017 ?
Depuis la fin de mon contrat à Nancy en 2017, j’ai continué à bien me préparer. J’ai été sollicité mais, malheureusement, je n’ai pas répondu positivement aux sollicitations parce que je n’avais pas toutes les conditions que je demandais pour pouvoir faire ma passion. Je n’avais pas toutes les conditions réunies pour que je m’épanouisse, du coup, j’ai décliné des offres. Je me suis entretenu, comme un professionnel. J’ai commencé à me lancer sur ma reconversion : j’aimerais bien entraîner. J’ai entamé les démarches auprès de la fédération pour pouvoir entraîner.
On apprenait en février dernier que tu t’entraînais avec ton ancien club de Charlton. Puis en mars, on te voyait très affûté au Match du Cœur, avec les anciens Girondins contre la Real Sociedad. As-tu eu des propositions de contrats durant cette année sans jouer ? L’Inde, le Qatar, où certains joueurs en fin de carrière décident de finir, ne t’attirent pas ?
Cela pourrait m’attirer car ce sont des expériences que je n’ai pas vécues encore, en tant que joueur. Cela pourrait être enrichissant pour moi, de découvrir ces pays. Après, tout dépend comment, dans quelles conditions, avec qui… Il faut que toutes les conditions soient réunies pour je valide une opportunité comme celle-ci. Un championnat que je n’ai pas connu ? Oui, bien sûr, je suis curieux. J’ai joué en Allemagne, en Angleterre, aux 4 coins de la France. Qu’est ce qui pourrait m’attirer ? Une expérience humaine, où je pourrais découvrir une autre culture et apporter mon expérience, oui, pourquoi pas ?
Quand on voit quelqu’un comme Marco Materazzi, qui, pour une première expérience en tant qu’entraîneur, était justement entraîneur-joueur dans un club en Inde…
J’avais entendu parler de cette Indian League. Ça a été plutôt pour promotionner cette ligue qui se mettait en place. Ils ont fait appel à des joueurs de renoms, ils ont fait appel à lui. Il y en avait d’autres aussi. Je ne me considère pas étant quelqu’un comme Materazzi, vu que moi, je n’ai arrêté que depuis juillet dernier. Moi, c’est vraiment pour vivre une expérience footballistique. J’ai encore les jambes pour aider des équipes. Je l’ai déjà fait à Nancy, même si cela n’a pas suffi malheureusement, parce qu’on partait de vraiment trop loin. Mais je reste content du parcours et des matchs que j’ai fait avec Nancy parce que j’ai donné satisfaction aux dirigeants, j’ai répondu aux attentes, mais la marche était trop haute collectivement pour atteindre l’objectif maintien.
Tu as eu une belle carrière, tu as connu de grands clubs, une finale de Coupe du Monde, des titres de champion de France notamment. Y a-t-il une équipe, un entraîneur, un championnat, une compétition que tu aurais aimé connaître, avec le recul ?
J’ai fini ma formation en Allemagne, au Bayern Munich. Mais je n’ai pas connu, je n’ai pas encore, eu d’apparitions en Bundesliga, c’est un championnat que j’apprécie énormément. Cela reste un de mes regrets. J’ai beaucoup apprécié mon passage à Munich. Mais oui, si j’avais un championnat que j’aurais vraiment aimé découvrir, c’est la Bundesliga. Et puis, sur la durée. J’ai fait 2 ans au Bayern Munich, j’ai joué en Coupe d’Allemagne, j’ai connu les divisions inférieures avec les catégories de jeunes. Mais je n’ai jamais pu jouer en Bundesliga : un championnat où il y a de très belles ambiances, avec de très beaux stades, et c’est peut-être un de mes regrets oui. Une Coupe que j’aurais aimé remporter ? La Coupe de France ! J’ai gagné le Trophée des Champions, la Coupe de la Ligue, le championnat aussi, à plusieurs reprises. La Coupe de France, c’est une belle coupe. Elle réunit les clubs amateurs et les clubs professionnels. Pour moi, c’est une des coupes les plus difficiles parce que physiquement, ce n’est pas évident d’enchaîner – quand on est dans une équipe de haut niveau – avec cette coupe-là.
Tu as connu la dernière belle époque bordelaise avec Yoann Gourcuff, Marouane Chamakh notamment… Vous finissez champion, vous connaissez une série de 11 victoires consécutives, vous faites un magnifique parcours en Ligue des Champions où vous battez la Juventus, le Bayern Munich entre autres. D’un œil de supporter, on vous voyait invincibles. Comment vit-on cela quand on est au milieu de cette équipe ?
Collectivement, au sein de cette équipe-là, on se sentait bien, on dégageait quelque chose d’unique. Une force collective. On se trouvait les yeux fermés, on s’entendait très bien en dehors du terrain, et ça, ce n’est pas toujours évident. On formait vraiment une vraie équipe, avec le club, les salariés, que je tiens à remercier. Les supporters aussi, qui ont vraiment été très présent, qui nous ont suivi, porté, sur tous ces matchs ! On a vraiment senti toute une région, tout le « secteur ouest » de la France, même toute la France, derrière nous. On dégageait des valeurs que tout le monde voulait voir. Il y avait du collectif, du beau jeu, du plaisir, de la prise de risques. Il y avait beaucoup de technique. Honnêtement, on ne se sentait pas invincible, car cela serait présomptueux de se sentir invincible, mais on sentait que, quand on était dans un bon jour, on pouvait poser des problèmes à n’importe quelle équipe. Battre le Bayern Munich et la Juventus Turin en aller-retour, c’est quelque chose de phénoménal. Et quand on bat le Bayern Munich, il y a Philip Lahm, Bastian Schweinsteiger, des futurs champions du Monde ! On dégageait quelque chose de très fort. On se sentait fort, ensemble. J’ai bien dit ensemble. On avait complètement adhéré à la physionomie de jeu, à la politique de jeu de l’entraîneur. Tout le monde se sentait épanoui dans son rôle, à son poste. Et donc tout le monde se sentait à 100%. Il y a une telle réussite, une telle osmose, avec le public, avec tout le monde ! Honnêtement, ça a été une très très belle période.
Est-ce que, selon toi, c’est la plus belle période de ta carrière ?
Oui, c’est la plus belle période de ma carrière parce que, au quotidien, c’était toujours un plaisir de venir s’entraîner au Haillan, ce cadre magnifique. Jouer à Chaban-Delmas, avec des supporters toujours prêts à soutenir, qui étaient complètement investis avec un Bordeaux qui avait retrouvé une crédibilité dans le football français. On faisait vraiment partie des équipes phares. Bordeaux mérite d’être considéré comme un très grand club français, vu son Histoire et son palmarès. On était sur le toit de la France, et même en Europe… On a fait de très belles prestations qui nous ont permis de gagner en crédibilité oui.
Comment expliques-tu ces périodes compliquées que connaissent les Girondins suite aux titres de champions ? En 1999, 2009…
Quand je suis arrivé à Bordeaux, c’est ce que l’on m’a dit en premier. On m’a dit « Bordeaux, ça fonctionne avec des cycles, il faut faire partie des bons cycles ». Du coup, j’ai eu la chance de faire partie d’un bon cycle, où il y avait un très bon entraîneur, une bonne équipe, des joueurs qui ont progressé. C’est toujours une période difficile à digérer parce que il y a de l’euphorie et je ne sais pas si la région a l’habitude d’avoir ce type d’euphorie. J’ai fait partie du dernier bon cycle des Girondins de Bordeaux et j’en suis fier. Après mon passage à Lyon, mon objectif, c’était vraiment de poser des problèmes à Lyon. Lyon dominait la France depuis 7 ans, il fallait casser cette dynamique. Et d’avoir participé à ça, ça me rend fier. On a vraiment cassé la dynamique d’une équipe compétitive, par le jeu, par la qualité des joueurs. Ce qu’on a fait, c’est historique et c’est aussi pour ça qu’on nous apprécie à Bordeaux, nous, les anciens joueurs. Quand on y retourne, on nous parle souvent de cette période qui a apporté beaucoup de joie, de fierté au public girondin, au public bordelais. Je suis vraiment heureux et fier d’avoir fait partie de cette période, de cette époque.
Comment juges-tu, de l’extérieur, cette saison des Girondins de Bordeaux ? Un début prometteur, une période très noire et, peut-être, l’Europe ce soir… ?
C’est à l’image de la saison, c’est de l’irrégularité, malheureusement. Après, je trouve que dans cette équipe, il y a de la qualité. Il y a un entraîneur aujourd’hui qui a du caractère, qui est capable d’imposer des choses, une rigueur, un esprit de compétitivité à Bordeaux. Je trouve bon le choix de l’entraîneur, même si j’apprécie énormément Jocelyn Gourvennec. C’est vrai que Gustavo Poyet, on sent dans son discours sa détermination. On sent qu’il veut sortir d’un confort, qu’il veut bousculer les habitudes, que Bordeaux ronronne depuis quelques années. C’est plaisant. Je les ai vus jouer dernièrement, à St-Étienne, le derby contre Toulouse, c’est une équipe qui a du potentiel. Il y a énormément de vitesse. Ils ont le joueur qui est capable de faire la différence à n’importe quel moment, qui est Malcom. C’est une équipe qui a manqué de régularité mais je suis confiant sur cette fin de saison parce que je trouve que tout le monde s’est recadré. Le coach a pu recadrer tout le monde. Tout le monde est vraiment concentré sur cet objectif qui est l’Europa League. Ce serait pour Bordeaux de jouer l’Europa League. Bordeaux se doit de figurer au minimum chaque année en Europa League. J’ai bien dit au minimum en Europa League. Parce qu’aujourd’hui Bordeaux a tous les ingrédients. Ils ont un stade magnifique, un public historique depuis des années, ils ont de très bonnes structures, de très bonnes installations. Ils ont aussi des joueurs de très bonne qualité. Il y a un jeune groupe mais il y a de la qualité. À eux de faire les efforts pour progresser. Je pense que Poyet peut permettre à ces jeunes joueurs de progresser, de leur inculquer la culture de la gagne, et beaucoup de rigueur aussi.
Avec Poyet, le meilleur reste à venir…
Oui, je pense aussi que le meilleur reste à venir. Il a du tempérament et, à Bordeaux, il faut un coach avec du tempérament. Pour sortir de tout ce cadre qui est plaisant, mais qui est très reposant aussi ! Trop reposant parfois !
Tu as évolué à Bordeaux, Marseille, Lyon, Rennes… Ressentais-tu à l’époque, ce manque de pression aux Girondins ? Comme certains joueurs ont pu le dire.
Je pense que cette tranquillité, elle est très appréciable. Cependant, en tant que joueur, tu dois être très déterminé, tu dois te fixer des objectifs élevés. Moi, j’ai adoré ma tranquillité à Bordeaux. Cela me permettait, en dehors du football, de profiter de cette magnifique ville, de cette région. Avoir des personnes courtoises, échanger avec beaucoup de monde, pour moi, c’est quelque chose de très positif. Avoir un environnement calme, serein, qui n’étouffe pas le joueur. Les joueurs, qu’est-ce que je peux leur dire ? Quand on joue à Bordeaux, c’est pour jouer les premières places ! Pour jouer l’Europe ! Sinon, on ne va pas jouer à Bordeaux, on va jouer dans des clubs moins huppés. La pression à Bordeaux est naturelle, elle doit être naturelle. Cela veut dire que quand on porte ce maillot, on se doit d’être européen au minimum. Il ne faut pas l’oublier. Le public girondin est aussi exigeant que le public parisien ou marseillais. Mais, il le montre d’une autre manière. Ils sont aussi exigeants. C’est un public qui est présent depuis des années, qui a connu des années glorieuses. Si un joueur faisait l’erreur de se reposer sur ce cadre… Pour moi, c’est un luxe d’avoir ce cadre-là, reposant, qui permet de couper, après le football. Cela permet de profiter d’autres activités, d’autres loisirs, que proposent cette région et cette ville. Mais individuellement, en tant que joueur, quand on arrive à Bordeaux, c’est pour jouer les premiers rôles. C’est pour jouer l’Europe, c’est pour gagner des titres. C’est dans cet état d’esprit-là que je suis venu à Bordeaux, après mon passage à Lyon, où j’étais champion, où j’ai remporté la Coupe de la Ligue. Quand je suis arrivé à Bordeaux, j’ai eu un discours avec Laurent Blanc, où tout était clair ! C’est-à-dire que, l’objectif, c’était de jouer les premiers rôles. Il y avait une ambition, qu’on ne criait pas tous les joueurs haut et fort, mais l’ambition était là. Je pense que l’ambition ne doit pas disparaître à Bordeaux.
Le problème est bien là, avec des joueurs qui prennent Bordeaux comme un tremplin alors qu’au final, c’est le top de leurs carrières…
Ah non, Bordeaux ce n’est pas un tremplin ! Il y a beaucoup de joueurs qui se trompent sur Bordeaux ! Quand ils parlent du cadre reposant, oui, c’est reposant quand tout va bien ! Quand tu es dans les 5 premiers, quand tu joues l’Europe, oui, la ville, c’est tranquille, les supporters aussi ! Par contre, ils l’ont bien vu dernièrement, quand ça ne va pas, ils ne sont pas contents. Et quand ils ne sont pas contents, ils le font savoir. Bordeaux a un vrai public ! Et j’ai pu m’en apercevoir pendant mon passage à Bordeaux. Le public bordelais n’a rien à envier à beaucoup de publics ! Mais le public bordelais est exigeant, beaucoup plus exigeant que l’on ne le pense ! Il y a les résultats qui jouent beaucoup. Mais c’est surtout l’état d’esprit, le comportement des joueurs qui fait que, les supporters s’identifient à leur équipe. Cela a été un petit peu le problème dernièrement, le public ne s’identifiait pas cette équipe parce que, pour eux, il manquait de la détermination, de l’ambition, du talent, il leur manquait quelque chose. Bordeaux n’est pas un tremplin ! Surtout pas ! Je te le dis clairement, à l’époque où j’étais à Bordeaux, mon objectif, c’était même de gagner la Ligue des Champions ! L’ambition n’a jamais cessé d’augmenter au fur et à mesure des saisons. Quand on est devenu champion, qu’on est arrivé à battre Lyon, qui était champion depuis 7 ans et qui jouait en Ligue des Champions depuis des années, quand on a gagné le Trophée des Champions, qu’on est arrivé à battre le Bayern Munich et la Juventus, des clubs qui sont toujours dans le dernier carré de la Ligue des Champions… Et bien, ton objectif, c’est de la remporter aussi ! Quand je suis venu à Bordeaux, j’avais une ambition individuelle déjà, qui était déjà d’être bon sur le terrain, d’aider l’équipe. Quand j’ai vu que j’avais un coach de qualité, un groupe derrière moi capable de pouvoir atteindre des objectifs, forcément, l’ambition n’a cessé d’augmenter. Et ça, ça doit rester à Bordeaux ! Le cadre reposant, il faut l’oublier. Pour moi, cela n’a rien à voir avec le manque de motivation, le manque de stimulation, ce ne sont que des excuses. Venir dans le centre-ville à Bordeaux, me promener avec mon entourage, ma famille, c’était le luxe. Il y avait de la tranquillité, les gens sont courtois, gentils, c’est appréciable. On partage notre passion qui est le football. Pour moi, c’est un luxe d’avoir cette tranquillité. Et si on confond tranquillité, et manque de pression, on fonce tout droit dans le mur. Il faut absolument que les joueurs d’aujourd’hui qui arrivent à Bordeaux, se disent qu’ils sont dans un top club français ! Dans un grand club français, historique. Ils ne sont pas là pour se reposer. Ils sont là soit pour gagner des titres, soit pour jouer la Coupe d’Europe. Minimum. Sinon, il ne faut pas venir à Bordeaux. Comme j’ai dit, moi, quand je suis venu à Bordeaux, c’était vraiment une opportunité.
Quels ingrédients doivent-ils mettre pour arracher l’Europa League ce soir ? Contre une équipe qui n’a plus rien à jouer.
C’est beaucoup de détermination. C’est une équipe qui joue devant son public, mais vu la saison que Bordeaux a eue, c’est vraiment la dernière chance de ne pas avoir de regrets. Entamer ce match avec énormément de détermination, Bordeaux a de la qualité. Ils doivent mettre énormément de détermination, dans tout ce qu’ils vont entreprendre… Ils doivent remporter ce match, qui doit leur permettre de sauver leur saison, pour partir l’année prochaine sur de bonnes bases. Il faut rentrer avec de la détermination dès les premières minutes, être présent dans les duels parce que, quand on joue contre Metz, c’est avant tout un combat physique, mais Bordeaux a des qualités pour poser des problèmes à cette équipe messine. Il faudra être présent dans l’impact, dans les duels, et après, Bordeaux pourra poser son jeu, et j’espère, remporter ce match. Ce qui pourra complètement sauver la saison de Bordeaux et pourra leur permettre d’être en Europa League, ce qui serait génial. J’ai envie de voir Bordeaux en Coupe d’Europe ! J’ai joué en Coupe d’Europe avec Bordeaux, et c’est plaisant ! C’est plaisant de voir Bordeaux en Europe. C’est tout le mal que je leur souhaite. Honnêtement, j’espère qu’il y aura énormément de détermination, et que tous les joueurs seront mobilisés. Vraiment se concentrer sur le moment du match, tout donner, ne pas avoir de regrets. Vu la période difficile qu’ont eu les Girondins de Bordeaux, ça reste une opportunité, il ne faut pas passer à côté.