InterviewG4E. Frédéric Dehu : « J’avais un réel souhait d’évoluer sous le maillot bordelais »

    (Photo by FRANCK FIFE / AFP)

    A l’approche de Bordeaux-Paris, nous avons interviewé un ancien joueur du club de la capitale, Frédéric Dehu. Passé aussi par l’OM, Lens et Barcelone, ce natif de Seine-et-Marne a abordé avec nous des sujets très intéressants, comme le match de dimanche notamment, son image des Girondins, sa relation ‘houleuse’ (à l’époque) avec Christophe Dugarry, le rachat du club ainsi que d’autres thèmes tout aussi instructifs. Avec son expérience et sa vision du football, il a aisément pu nous répondre et développer de façon très pointue toutes ces questions. Voici l’interview complète, bonne lecture.

     

    Il y a une histoire entre vous et Bordeaux, où vous avez failli signer à plusieurs reprises…

    « Effectivement, j’ai failli signer plusieurs fois à Bordeaux, qui m’avait sollicité dans un premier temps lorsque j’étais au Racing Club de Lens, où ça n’avait pas pu se faire parce qu’à cette époque-ci, on ne partait pas si facilement qu’aujourd’hui. La deuxième fois où le club s’est manifesté, j’étais à Barcelone. Malheureusement pour moi, il fallait que le club vende Sylvain Wiltord à Arsenal, pour que le transfert me concernant se fasse. Cela s’est fait dans les dernières heures du mercato estival, du coup j’ai pris mes dispositions aussi, et j’ai fini dans les dernières heures de ce mercato au Paris Saint-Germain ».

     

    Bordeaux a toujours une bonne image dans le monde du football. Et vous, quelle image aviez-vous du club ? Pourquoi auriez-vous aimé y signer ?

    « J’avais un réel souhait d’évoluer dans ce club. D’une, c’est un club qui a une histoire. De deux, c’est un club dans lequel j’aurais toujours aimé évoluer lorsque j’étais en activité. Par tout ce que cela comportait.  Malheureusement, cela ne s’est pas fait pour diverses raisons. Ce n’est pas un regret. Mais par son palmarès, par son histoire, par ce que cela véhicule, j’aurais bien aimé en tant que joueur porter les couleurs des Girondins de Bordeaux et m’entrainer au Haillan. Car cela a été un des premiers clubs à avoir ces infrastructures ».

     

    Frédéric Dehu
    (Photo by FRANCK FIFE / AFP)

     

    Pensez-vous que cette image se dégrade avec les résultats de ces dernières années ?

    « Je ne pense pas que cette image se dégrade. Je pense juste que chaque club a ses bons moments et ses moments de difficulté. Aujourd’hui, les résultats des Girondins ne sont pas forcément à la hauteur des espérances du club et des supporters. Je pense que l’image est toujours celle d’un club sain et avec du potentiel. Il faut simplement retrouver des valeurs qui étaient les siennes et puis surtout des résultats qui correspondent aux exigences d’un club comme les Girondins de Bordeaux » .

     

    Il y a pourtant un bordelais avec qui vous ne vous entendiez pas plus que ça, un certain Christophe Dugarry, qui avait déclaré en 2009 : « Avec lui, on était dans l’intimidation permanente : il ne pouvait pas me  blairer, je ne pouvais pas le blairer non plus. On était dans la même zone,  donc on se fritait. C’était un combat mais ça ne servait à rien : il n’y avait pas  de vainqueur ! C’est né sur le terrain : il jouait alors à Lens. On se prend la  tête et à la fin du match, je vais le voir pour m’excuser. Et il m’envoie chier !  Il allait alors signer à Barcelone, donc je lui sors un truc du style ‘Bon  courage sur le banc de touche’. À partir de ce moment-là, c’était la guerre ».

    « Disons que je pense que cela a été une image faite par rapport à nos caractères et nos personnalités durant nos carrières. Je vais vous raconter une belle anecdote. Christophe et moi-même avons une passion commune, le golf. Il s’est avéré qu’il y a un peu plus d’un an de cela, on s’est retrouvé à faire équipe dans une compétition de golf. C’était en toute sincérité la première fois que je revoyais Christophe en dehors du terrain. Figurez-vous que nous avons partagé cette partie du fait que nous faisions équipe ensemble. Cela s’est super bien passé car nous sommes des êtres intelligents et ce qu’il s’est passé sur le terrain, cela fait partie du passé. La preuve que nos personnalités ont su se réunir pour faire face à la difficulté de ce sport, et nous avons gagné la compétition (rires).

    Concernant cette citation, je ne me souviens pas du tout de ce moment-là. Vous savez, j’ai un caractère qui n’est certainement pas facile, mais je ne suis pas quelqu’un de rancunier. Cela démontre bien tout cela, car je n’avais aucun souvenir de ce moment. Comme l’on dit, il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis. Nos comportements réciproques… Comme il l’a justement dit, nous étions dans la même zone, et avec des caractères bien affirmés, on s’est donné, rendu, et re rendu des coups. D’année en année, il s’est instauré une sorte d’animosité footballistique. Rien de plus, maintenant, c’est comme ça, et puis c’est passé ».

     

    Dugarry Christophe joueur Bordeaux capitaine

     

    Il y a quelque temps, vous déclariez, en parlant de Paris, voir d’un bon œil l’arrivée « d’investisseurs étrangers, car le foot français allait petit à petit mourir ». Comment voyez-vous l’arrivée des américains aux Girondins de Bordeaux ?

    « On ne va pas se voiler la face. Aujourd’hui, on a un exemple en France, c’est le Paris Saint-Germain. Si les clubs français veulent rivaliser, ou du mois vivre voire survivre dans le championnat de France ou accéder à la Ligue Europa, ils seront dans l’obligation de passer par le rachat et forcément par des structures étrangères. On a pu le voir pour Marseille, Monaco, et cela risque d’être le cas pour d’autres clubs. Pour l’instant, il n’y a que Lyon qui arrive à survivre avec sa très bonne gestion. Je ne vois pas d’un point de vue négatif ce rachat. Cela va permettre au championnat de France d’avoir des moyens supplémentaires et de faire bonne figure dans des coupes européennes. Et puis que le coefficient UEFA augmente pour que le championnat français soit mieux reconnu qualitativement […] Je vais être sincère, aujourd’hui pour se positionner sur un avis favorable ou défavorable, il faut avoir les tenants et les aboutissants à savoir ce que compte faire les investisseurs. N’ayant pas toutes ces informations-là, c’est difficile de porter jugement. De toute manière je ne le vois que d’un aspect optimiste. Je pense que si ces personnes-là ont souhaité investir dans le club des Girondins, c’est que le club a déjà une bonne image, véhicule des valeurs et a un potentiel sportif qui peut permettre au club de revenir sur le devant de la scène. C’est surtout savoir les moyens qu’ils vont donner au club, l’aspect financier sur les années à venir. Et surtout de savoir si cela va déclencher quelque chose au club. Maintenant, personnellement, je ne connais pas ces informations. Je veux être optimiste, car je pense que Bordeaux doit faire partie des cinq clubs français qui permettent, chaque année, d’être présent dans les coupes européennes et de pouvoir rivaliser avec les autres championnats européens. Quand on voit les résultats malheureux des clubs français en Europe, ça attriste, et m’attriste. J’espère que via l’investissement de ces personnes, cela va permettre au club de faire venir des joueurs d’un certain calibre et de pouvoir obtenir des résultats qui sont meilleurs qu’actuellement pour pouvoir être sur le devant de la scène européenne comme le club a pu l’être à un certain moment ».

     

    Quels souvenirs gardez-vous de vos matches à Bordeaux, que ce soit avec Lens, Paris ou Marseille, vous qui n’avez jamais gagné à Bordeaux (Chaban Delmas) ? Même si cela parfois s’est joué à peu…

    « Vous en êtes sûr ? (rires). Il me semble que si, l’année où nous avons terminé Champions de France avec Lens en 1997-1998. Il me semble que l’on vient gagner à Bordeaux, 3-1. Il me semble, si je ne dis pas de bêtises. (ndlr : après vérification, le match en question ici était une défaite de Lens 3-0 à Bordeaux. Frédéric Dehu n’a bien jamais gagné en terres bordelaises). J’avais le souvenir de ne pas avoir souvent fait de bons résultats à Chaban Delmas. De là à dire que je n’avais pas gagné… Si vous le dites. Vous avez fait des recherches (rires). En fin de compte, j’ai trouvé. Comme j’avais voulu évoluer sous les couleurs du scapulaire bordelais, je faisais exprès de perdre (rires). Je suis surpris, mais cela démontre que, même si actuellement ce ne sont pas les résultats attendus, pendant des années Bordeaux était un club qui jouait le haut du tableau et qui pouvait se permettre de rivaliser avec les grands clubs français. Parce que pour moi, Bordeaux fait partie des grands clubs français ».

     

    D’ailleurs, il y a une série d’invincibilité toujours en cours pour Bordeaux à domicile contre Marseille. Dans vos souvenirs, est-ce que quand on est joueur, on aborde ce match différemment, en sachant que l’OM n’a plus gagné depuis des années à Bordeaux ?

    « J’ai eu la chance, je ne sais pas si cela est une chance finalement, mais j’ai joué sous les couleurs parisiennes et marseillaises. Dans tous les stades où nous allions jouer, il y avait cette rivalité. D’une, car on reçoit le club de la capitale, et de deux cars on reçoit le club le plus populaire de France. Tous les clubs qu’on rencontrait avaient cette envie de battre ces équipes. On tombe face à des joueurs qui se transcendent un peu plus, qui jouent un match avec une odeur particulière, qui se surpassent et on voit toute la difficulté de gagner ces matches. Bordeaux a quand même de telles qualités et capacités, qu’il peut se permettre de rivaliser avec ces clubs-là. D’où le manque de résultats de Marseille ou Paris, car si mes souvenirs sont bons, Paris avait du mal à gagner contre Bordeaux à une certaine époque. C’est peut-être une des raisons ».

     

    Vous avez stoppé votre carrière à 36ans. Quel regard portez-vous sur cette longévité, notamment symbolisée par Jaroslav Plasil chez les Girondins ? Au passage, que pensez-vous des gens qui disent qu’à cet âge-là, on est cuit pour la Ligue 1 ?

    « Il y a un facteur important à cette longévité, c’est le fait de ne pas avoir de blessure importante qui nous éloigne des terrains. Je pense que cela fait partie d’une hygiène de vie et d’un professionnalisme. Tous ces paramètres réunis pour durer et pouvoir faire une carrière longue comme Plasil ou encore Hilton, et il y en a d’autres. Il y a un facteur chance et l’aspect professionnalisme dans l’attitude […] Ce jugement est typiquement français. Même si c’est un poste qui demande moins de capacités physiques mais tout autant de concentration, on peut prendre l’exemple de Buffon. C’est un exemple dans ses prestations et performances. Un autre dans notre championnat de France c’est Hilton. Aujourd’hui, Montpellier se situe dans les cinq premières équipes du championnat, avec la meilleure défense. Et pourtant Hilton a 41 ans. Dès que l’on passe les 32 ans en France, on est trop vieux pour ce sport, pour pouvoir être performant. On n’a pas cette analyse par rapport à l’âge en Espagne, en Italie, en Allemagne et en Angleterre. On juge seulement sur les performances là-bas. Il y a encore des joueurs âgés mais performants, pourquoi s’en priver !? ».

     

    Jaroslav Plasil

     

    Revenons à l’actualité et ce Bordeaux-Paris qui se profile. Comment voyez-vous cette rencontre où les forces semblent diamétralement opposées ? (à noter que l’interview est réalisée la veille de Paris-Liverpool)

    « On est tous conscient d’une chose aujourd’hui, c’est que le PSG ne joue pas dans la même catégorie. Que ce soit par rapport à Bordeaux et aux autres clubs de Ligue 1. La preuve en est, on arrive à la 15ème journée, et ils en sont à 14 victoires en 14 matches. Cela démontre bien une différence de qualité entre les autres équipes françaises par rapport au PSG. Maintenant, il y a un événement important dans la semaine, qui est le match de Ligue des Champions. Il reste décisif pour le Paris Saint-Germain dans sa qualification pour les 8èmes. Il faudra voir le résultat de ce match pour voir les incidences sur la suite. Si on enlève ce match de milieu de semaine et que l’on se base sur un match classique de Ligue 1, en toute sincérité, je vois mal les Girondins pouvoir rivaliser avec l’effectif du Paris Saint-Germain ».

     

    Vous reconnaissez-vous dans ce « nouveau » Paris ?

    « Clairement non. Entre le PSG que j’ai connu, et l’actuel, je pense que l’on a changé complètement de catégorie. On n’est plus du tout dans la même philosophie. Même si ça reste le même club, je pense qu’aujourd’hui, le club a pris une dimension telle que c’est devenu tout autre chose. Je ne vais pas être nostalgique, mais même si nous avions des obligations de résultats à l’époque, aujourd’hui je pense qu’ils sont décuplés. Il y a eu un tel investissement, et une telle envie de gagner le championnat et les coupes à présent, c’est différent. Il y a aussi cet objectif de gagner la Ligue des Champions, ce que n’arrive pas à faire le club malheureusement mais pourtant il s’en donne les moyens financiers. Cela démontre aussi le changement radical qu’il y a eu au club depuis 10ans ».

     

    Aujourd’hui, vous êtes à la tête de « Need Events », société dans l’organisation événementielle, pouvez-vous nous en parler ? (visiter le site ICI)

    « Je suis à la tête d’une société d’événementiel qui cumule mes deux passions qui sont le football et le golf. J’organise des événements golfiques ou footballistiques tout simplement. Ou sinon, je réalise des séjours qui cumulent des parties de golf à des matches de Ligue des Champions le soir où j’emmène des groupes sur des golfs bien spécifiques. Généralement sur des golfs avec de grosses notoriétés, comme celui où s’est joué la Ryder Cup, en France, le PG Catalunya en Espagne, des golfs références. A cela, je joins une prestation match de Champions League, des prestations qu’apprécient mes clients. Depuis 5 mois, j’ai aussi une activité parallèle, où j’ai pris la direction d’une agence qui s’appelle « YouFirst Sports », qui est une agence de management de joueurs de football. C’est une agence espagnole qui a voulu ouvrir un bureau en France. Comme je vous le disais, c’est un championnat très qualificatif. Ils se sont aperçus par l’intermédiaire de la gestion de la carrière de Mariano, qu’il y avait de la qualité en France, c’est pour cela qu’ils ont voulu ouvrir un bureau en France et que j’en ai pris la direction ».

     

    Un très grand merci à Frédéric pour sa sympathie et le temps qu’il nous a accordé.