InterviewG4E. Philippe Fargeon : « On est en train de tomber dans l’oubli, car on me parle moins souvent des Girondins au quotidien »
Pour cette nouvelle interview, nous avons fait appel à notre consultant maison, Philippe Fargeon pour s’attarder sur les sujets d’actualité concernant les Girondins de Bordeaux. Des deux derniers matches jusqu’au prochain face à Nantes, en passant par le recrutement et le jeu proposé, l’ancien bordelais a débattu et a tenté d’expliquer les maux actuels rencontrés par le club au scapulaire. Amis lecteurs, c’est à vous. Interview.
Commençons par un bilan des deux derniers matches des Girondins, face à Toulouse (2-1) et Guingamp (0-0), à domicile
«On demande de gagner des matches à la maison, c’est important. En sachant très bien qu’en ayant deux matches d’affilée, c’est toujours très difficile. On essaie de prendre six points, mais il vaut mieux prendre trois points même si c’est à l’arrachée. Cela fait quand même du bien. Même si c’est un non-match que l’on n’a pas apprécié, on a la victoire au bout. Après pour Guingamp, malheureusement, on joue contre le dernier et on ne peut pas faire la différence. Ce sont vraiment des points perdus, à la maison, contre le dernier et en plus dans une période où nous ne sommes pas au mieux ».
Que pensez-vous de la forme actuelle de Jules Koundé, qui reste sur de très bonnes sorties sur les derniers matches ?
« Tout le monde le sait, ce n’est pas surprenant. Il a progressé en peu de temps. Il s’est stabilisé dans une position qui semble lui convenir, c’est une bonne chose. Malheureusement, il y a trop peu de satisfactions ces temps-ci ».
Jimmy Briand a atteint la barre des 90 buts en Ligue 1. Un chiffre symbolique selon vous ?
« C’est bien, cela prouve que c’est un buteur car marquer 90 buts en carrière, c’est super. Il marque surtout un but important. C’est bien beau de marquer des buts mais il marque des buts qui donnent la victoire. C’est bien. C’est en plus du respect. Quand vous perdurez sur plusieurs saisons comme ça, sur plusieurs années, en ayant changé de club et que vous arrivez à faire 90 buts. Je lui tire mon coup de chapeau, c’est bien, c’est une satisfaction ».
Évoquons désormais les arrivées de Josh Maja et de Yacine Adli. Quel est votre regard sur ce mercato assez jeune ?
«J e pense que c’est bien, il y a de l’évolution. On verra avec l’avenir, ce sont de jeunes joueurs. Mais déjà, si on peut les regrouper, on peut dire que l’on a deux jeunes talentueux et qui peuvent apporter quelque chose. Aujourd’hui, on n’a pas les moyens de s’acheter des joueurs très riches, très grands, très forts. Un peu comme a pu faire Monaco il y a un certain temps. On voit que ce sont des joueurs qui ont l’air d’avoir de la qualité. Maja n’a joué qu’un match et demi à peine en quelques jours, car jusqu’à maintenant il ne jouait pas titulaire dans son club. Même chose pour le jeune parisien, qui n’a joué que quelques minutes en pro. Il faut attendre, à mon avis ça peut être quelque chose de sympa, ils peuvent apporter des choses, c’est bien. Encore faut-il leur laisser un petit temps d’adaptation et aussi voir s’ils vont rentrer dans le cadre que le club veut mettre en place ».
Vous évoquez le projet de Monaco. Lorsque l’on voit le classement actuel de l’ASM, cela n’est pas une politique de recrutement un peu risqué ?
« C’est risqué si l’on fait comme Monaco a fait : ça a marché la première année, ça n’a pas marché la deuxième. Si vous vendez en masse des joueurs, vous pouvez avoir des surprises derrière. Monaco a fait une très belle opération financière la première fois. L’année suivante, ils ont fait la même chose en changeant quasiment toute l’équipe. Je crois qu’il y a une ossature qui doit rester. Il faudrait presque qu’il y en ait qui partent tous les trois ans au conseil constitutionnel. Cela évitera de former des gens pendant trois ans, qui mûrissent aux Girondins, qui prennent cette âme girondine et qu’au bout de trois ans –quand ils ont joué régulièrement et pas qu’un an à l’image de Kamano que l’on fait perdurer dans cette équipe- on peut les laisser partir. Mais on ne les fait pas partir tous ensemble. C’est un peu ce qui a coûté cher à Monaco en début d’année ».
Dans le sens inverse, Lukas Lerager a quitté la Gironde pour l’Italie. Une perte importante ?
« Je ne comprends pas. Il était là pour suppléer Plasil. Même si Plasil a une forme excellente pour son âge, je ne comprends pas pourquoi on l’a laissé partir. Il faisait partie des joueurs réguliers. Il n’était pas un foudre de guerre soyons clairs, mais c’était un joueur régulier sur lequel on pouvait compter. C’est cette politique que je ne comprends pas encore. On va prendre des joueurs pour remplacer ceux qui sont plus âgés et on les fait partir avant. Il y avait peut-être une opportunité financière, je ne sais pas. C’est surprenant. Mais d’un autre coté, il y avait tellement de récupérateurs et tellement d’avant-centres, à un moment si on se sépare d’un ou deux, ce n’est pas non plus négligeable. C’est logique ».
Récemment, le comportement de Yann Karamoh a beaucoup fait parler. Quelle est votre position sur le sujet ?
« S’il ne veut plus jouer à Bordeaux, qu’il se casse. Ça suffit. Il y a ce manque de respect de ce club. C’est malheureux, mais on s’intéresse de moins en moins aux Girondins, à part les passionnés que nous sommes, parce que ces choses n’intéressent pas. Un joueur ne respecte pas le club. Je le respecte depuis des années, mais un esprit d’équipe se forge avec une équipe complète, pas que des individualités. Si les joueurs n’ont pas compris ça, qu’ils ne respectent pas le club, le maillot… S’il ne le mérite pas, il part. Soit il l’accepte et il se met en place pour avoir de meilleurs résultats. J’en ai marre que l’on ne respecte pas ce club. On peut avoir des joueurs qui sont moins bons mais qui se battent pour le maillot, dans une période un peu difficile et en essayant de tout faire pour être mieux. Mais quand on a les joueurs qui se disent respectueux et qui ne mouillent pas le maillot, ils n’ont rien à faire dans ce club. Il ne faut pas avoir peur de virer ceux qui n’aiment pas ce maillot. S’ils ne le respectent pas, ils n’ont rien à y faire. Les Girondins, c’est un grand club et je crois qu’on l’oublie un peu trop peu souvent. On est en train de tomber dans l’oubli, car on me parle moins souvent des Girondins au quotidien. Les gens n’osent plus m’en parler car ils sont tristes. Il faut laisser du temps aux Américains, attention. Avant, ils m’engueulaient car les joueurs ne jouaient pas bien, et je préférais ça, même si je n’y étais pour rien ».
Abordons le match de dimanche face à Nantes. Un contexte forcément particulier après le décès d’Emiliano Sala ?
« C’est une histoire dramatique, c’est très difficile pour tout le monde. Même si nous ne l’avons pas côtoyé, on a vu les réactions unanimes de tout le monde. C’était un garçon attachant, qui a laissé de bons souvenirs partout où il est passé. Cela fait encore plus. Pour Nantes aussi cela doit être difficile, ainsi que pour tous les Girondins qui ont joué avec. Quand on le voyait en interview, c’était quelqu’un de très profond, je comprends ces réactions. Cela a dû peiner beaucoup. Cela doit être très dur de remonter la pente, pour les deux clubs.
Hors ce contexte dramatique, il faut absolument engranger des points sur le terrain, car ce classement commence à devenir très inquiétant…
« Sur le terrain, bien sûr qu’il faut remonter. Les prestations montrées ces temps-ci ne sont guère satisfaisantes. Il faut gagner mais Nantes ne doit pas perdre. Ce que je regrette un peu, c’est que ce derby était passionnant et passionné, mais il ne l’est plus. On va à Nantes comme on va à Caen. J’ai toujours connu des Bordeaux-Nantes et des Nantes-Bordeaux exceptionnels. J’aimerais que cela revienne. Coté résultats, Nantes n’est pas très bien, mais Nantes a la possibilité de s’imposer. A nous d’aller chercher les points que l’on a perdus contre Guingamp à la maison. Même si on ne devrait pas avoir de risque de descendre, cela va tellement vite d’un coté comme de l’autre. On peut basculer sur une fin de saison comme l’année dernière, assez exceptionnelle, mais je ne suis pas persuadé qu’aujourd’hui, nous avons la mentalité et les joueurs qu’il faut ».
Lorsque l’on regarde le jeu proposé, c’est proche du néant en ce moment à Bordeaux. Quand on sait que Ricardo est un coach assez défensif, est-il à pointer du doigt dans cette situation ?
« Je n’ai jamais trop voulu parler mal des entraîneurs. Ils jouent un rôle particulier. Quand il y avait des mauvais choix, je considère que je peux le dire. Par rapport à Ricardo, c’est une situation difficile. On le savait quand on est allé le chercher, que le jeu n’était pas le plus plaisant à voir. On le savait, on n’est pas surpris par rapport à ça. C’est une situation compliquée pour lui. Il revient, il ne peut pas faire de déclarations, il ne peut pas se lever du banc, il y a un changement de président, une nouvelle politique, ça bouge d’un coté et de l’autre. Cela doit être une situation compliquée à vivre. Il est venu à Bordeaux à un moment où ce n’était pas évident. Le duo fait du bon travail. Le jeu n’est pas excellent, mais il faut avoir des joueurs qui ont envie et qui sont motivés. Cela fait des années que l’on change les joueurs et les coachs, mais il y a toujours les mêmes résultats. Ce n’est pas là où il faut poser la question. C’est ailleurs où il faut aller chercher le problème. Ricardo fait de son mieux avec ce qu’il a. Tout est une question de mentalité ensuite. Aujourd’hui, on n’y arrive pas. On est forcément déçu après des mauvais matches, mais arrêtons de penser qu’en changeant des joueurs ou en changeant l’entraineur, l’on remettra ce club à flot. Ce n’est pas comme ça qu’on le remettra. Tout le monde sait comment faire, c’est aux américains de s’en occuper ».
Merci à notre fidèle consultant Philippe Fargeon pour cette nouvelle intervention sur G4E !