InterviewG4E. Matt Moussilou : « Il y a tout pour faire quelque chose de bien à Bordeaux, avec une belle région et des gens aiment le football »

    (Photo by PHILIPPE HUGUEN / AFP)

    Avec une belle expérience en Ligue 1, notre interlocuteur du jour a surtout performé au LOSC à ses débuts. Néanmoins, il a parcouru de nombreuses villes en France, comme ailleurs. Il détient même le record du « coup du chapeau » le plus rapide de l’histoire de la Ligue 1. Vous l’aurez tous reconnu, il s’agit de Matt Moussilou. De ses débuts, à ses souvenirs, en passant par l’histoire des Girondins de Bordeaux, nous avons échangé avant l’Amiens-Bordeaux de ce week-end. Nous avons retrouvé une personne qui ressemblait à ce que nous pensions, à savoir avec beaucoup de simplicité, de bienveillance… Une personne simple et affectueuse. Amis lecteurs, c’est à vous, prenez autant de plaisir que nous.

     

    Durant ta carrière, as-tu eu l’opportunité de signer aux Girondins ? Aurais-tu aimé signer dans cette Institution ?

    « Dans ma carrière, non, je n’ai jamais eu la possibilité d’aller aux Girondins, qui est pour moi l’un des plus grands clubs français. J’adore la région, je suis surtout venu visiter avec des escapades avec ma femme autrefois. Nous avons profité lorsque nous avions un peu plus de temps. Mais professionnellement parlant, je n’ai jamais eu d’approche. Honnêtement, j’aurais bien aimé signer aux Girondins. A mon époque, il y avait une bonne équipe. J’avais des amis qui étaient là-bas, qui me parlaient en bien de cette équipe comme David Bellion, Alou Diarra et autres. Forcément, quand on entend de bonnes choses d’un club, on ne peut être que content de le rejoindre si jamais ».

    Quels souvenirs gardes-tu de tes confrontations face à Bordeaux ?

    « Que ce soit avec Lille, Saint-Etienne, Marseille, Nice ou autres, cela a toujours été une confrontation particulière face à Bordeaux. Bordeaux a toujours été une équipe qui jouait les trouble-fêtes entre les cinq premiers et les premiers rôles de mon époque. Ce n’était jamais des parties de plaisir, des matches très serrés et délicats. Surtout quand on allait jouer à Chaban-Delmas avec ce tunnel de quinze kilomètres (rires) ».

     

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    Ton début de carrière est un franc succès au LOSC pendant cinq saisons, où vous finissez même second du championnat en 2005. Que retenez-vous de vos débuts ?

    « Ce sont selon moi des débuts très prometteurs, très précoces. Nous étions des jeunes entre nous, qui nous connaissions depuis très jeunes. On avait fait le centre de formation ensemble, on était une bonne équipe de copains qui a réussi à exploser au plus haut niveau jusqu’à jouer la Ligue des Champions. L’époque lilloise était assez magique ».

     

    Tu exploses complètement, jusqu’à même inscrire le hat-trick de le plus rapide du championnat. L’on doit souvent te poser cette question, mais que se passe t-il dans ta tête à ce moment-là ?

    « J’étais dans un moment de grâce. De plus, j’avais subi un deuil d’une ancienne fan qui était devenue une amie, décédée ce jour-là. Elle s’est interposée dans une querelle de familles, elle a pris un coup de couteau et elle est morte sur le coup. Il est arrivé ce qu’il devait arriver, 3 buts en 5 minutes. J’ai l’impression d’avoir été porté par elle. C’est quelque chose que je ne peux expliquer. J’ai encore ce record aujourd’hui. C’est un honneur et un privilège d’avoir vécu ce moment-là ».

     

    Joie Bordeaux Groupe Trophée des Champions

     

    En 2009, Bordeaux est champion de France sous la houlette de Laurent Blanc. Quel souvenir gardes-tu de cette fameuse équipe ?

    « Cette équipe était à l’image d’un rouleau compresseur à l’époque. Avec un très grand manager,  qui maîtrisait son sujet, qui connaissait les joueurs, qui prenait les qualités de chacun et qui savait responsabiliser chacun d’eux. Ce qui a fait qu’ils se sont sentis libérés et qu’ils sont allés jusqu’au bout. Une année vraiment magnifique, du titre donc. Chapeau à eux ».

     

    Revenons sur les Girondins actuels. Ils ont été rachetés, tout comme ton premier club lillois, par un fonds d’investissement. Que penses-tu de ces nouveaux rachats en France ? Cela peut-il  vraiment faire passer un cap à Bordeaux ?

    « Quelque part, on a besoin de passer par là pour revitaliser un club. L’âme d’un club part un petit peu et les dirigeants le savent, que tout s’estampille. C’est le point dommageable, mais c’est donc aussi vital en quelque sorte pour un club. Les joueurs et les dirigeants partent mais le club reste à vie. A un moment donné, il faut changer certaines choses pour pérenniser le club. Malheureusement, cela devient courant. En France comme partout, c’est le nouveau business football. Je pense que Bordeaux peut franchir un cap, mais pas tout de suite. Ce n’est pas un rachat comme celui du PSG par exemple. Ce sont des moyens sur le long terme, cela demande plus de temps. Mais il y a tout pour faire quelque chose de bien à Bordeaux, c’est une belle ville, une belle région, des gens aiment le football. Il faut un peu plus de patience que d’autres clubs plus armés. Les investisseurs sont ensuite obligés de répondre aux exigences des dirigeants ou de supporters rêveurs ».

     

    Jimmy Briand

     

    Toi qui étais attaquant et qui as connu ce joueur, quel avis portes-tu sur la carrière de Jimmy Briand et sur ce qu’il fait actuellement ?

    « J’ai connu Jimmy lorsqu’il débutait à Rennes. C’était un jeune prometteur qui a fait de bonnes choses au Stade Rennais. Par la suite aussi, il a fait de bons clubs tels que Lyon ou d’autres à l’étranger et l’Equipe de France. Honnêtement, cela m’est arrivé quelques fois de le regarder et de voir son niveau et ses exigences encore aujourd’hui à son âge. L’on n’est pas si loin que ça au niveau de l’âge, et il m’a surpris il y a quelques années de cela. Avec l’âge, on commence à se ternir. Je trouve qu’il maintient toujours un bon niveau de ce qu’il a pu montrer il y a dix ans, je suis assez impressionné. Je trouve ça bien, qu’il continue, je suis content de lui. Il n’y a pas de secret, c’est du boulot, du travail de sape, des notions d’attaque. Cela fait plaisir de voir des joueurs que l’on connait encore à ce niveau-là ».

     

    Tu as aussi évolué avec d’anciens girondins, comme Matthieu Chalmé notamment (à Lille, ndlr). Le voyais-tu entraîner après sa carrière ? Et pourquoi ?

    « Oui, il avait déjà des compétences tactiques au-dessus de la moyenne à l’époque, même pour lui-même. Je ne suis pas étonné, c’est une suite logique pour sa vie. J’ai aussi appris qu’il était entrepreneur dans un truc de vin (Château La Connivence., ndlr). Matthieu, c’est quelqu’un de réfléchi, d’intelligent, avec des compétences. Bon courage dans ce métier-là qui n’est pas facile. Je ne suis pas étonné, je suis même content pour lui ».

     

    Matthieu Chalmé

     

    Bien d’autres noms aussi, tels que Mathieu Debuchy à Lille, Pascal Feindouno à Sainté, David Bellion et Cyril Rool à Nice, quels genres de joueurs étaient-ils ? As-tu des anecdotes sur certains ?

    « Je vais commencer par une anecdote sur David Bellion, que j’ai connu à Nice. On jouait tous les deux en attaque à l’époque, on était parfois en concurrence mais on s’entendait super bien. On faisait un stage de pré-saison pour Nice à Vittel. On était tous les deux dans la même chambre, donc on se focalisait un peu sur la saison, comment nous allions jouer ensemble, combien de buts nous allions marquer, comment nous allions nous associer devant ? Il s’avère que quelques jours après, il n’était pas bien, toujours sur son téléphone. Il m’annonce que Laurent Blanc l’a appelé, qu’il le veut pour Bordeaux et qu’il veut y aller. Je lui demande ce qu’il en était de ce que l’on s’était dit ensemble. Il m’a répondu que Bordeaux était un grand club, que cela ne se refusait pas, avec un champion du monde comme coach, qu’il était désolé etc. Il est revenu, il a pris ses bagages cinq minutes après, il est venu dire au revoir à tout le monde, à l’entraineur qui n’était pas au courant. Et puis, il est parti, comme ça (rires). Il est allé à Bordeaux et il a fait ses premiers matches là-bas. C’est assez marrant. Il a passé une première année à Bordeaux où il a marqué des buts, donc tant mieux pour lui.

    Ensuite, concernant Mathieu Debuchy, j’avais une très bonne relation aussi. A l’époque, c’était un jeune joueur qui commençait professionnel. Il s’est appuyé sur des joueurs comme moi, Matthieu Bodmer, Pelletan, Jean II Makoun et autres. Il était à peine plus jeune que Yohan Cabaye, mais il faisait partie de ce groupe-là. On le mettait avec nous aussi, le connaissant un petit peu. Il a toujours été respectueux toute sa carrière, bosseur, très mature dès son plus jeune âge. Des jeunes comme lui, je n’en ai pas connus beaucoup. C’est tout à son honneur ».

     

    Ce week-end, Bordeaux se rend à Amiens, une ville que tu as connue. As-tu une attache avec ce club ? Comment imagines-tu l’issue de cette rencontre ?

    « Je n’ai pas forcément d’attache, mais il y a beaucoup de personnes que j’apprécie là-bas. Je n’ai pas joué beaucoup, j’y suis allé en fin de carrière, il y a trois-quatre ans de cela. J’étais dans une période compliquée à l’étranger, et je suis revenu à Amiens, en France, pour me relancer un petit peu. C’était un championnat un peu particulier par rapport à ce que j’ai pu faire en Ligue 1. J’ai côtoyé des gens sympas. J’ai aussi travaillé avec l’entraineur, qui est toujours en poste aujourd’hui et que j’avais eu avant. On a toujours eu de bonnes relations tous les deux, de bonnes discussions de football, très compétent, et de bonnes idées. Je ne suis pas étonné de sa réussite. Avec Matthieu Bodmer, qui était mon coéquipier, mais aussi et surtout mon ami, nous avons joué pour les mêmes clubs : Lille, Saint-Etienne, Nice, Amiens. On est amis et on s’est suivi, c’est assez marrant. Récemment, je suis allé à Amiens, pour mon petit frère qui jouait là-bas, et je l’ai revu. C’est toujours bien de le revoir car il a vraiment compté dans ma carrière de footballeur.

    Ce ne sera pas évident pour Bordeaux à Amiens, car ils se défendent bien à domicile. Ils ont besoin de points, ce n’est pas joué d’avance pour Bordeaux en tout cas. Honnêtement, je vois bien un match nul, car Bordeaux a de bonnes individualités et il suffit juste d’un bon jour pour que cela fasse des dégâts. Je pense qu’il y aura un partage de points ».

     

    Amiens

     

    Pour finir, qu’es-tu devenu ? Avec quelle équipe joues-tu ? Que peut-on te souhaiter pour la suite ?

    « Je suis en train de faire durer le plaisir sur les terrains, dans une D3 suisse à Genève depuis quelques temps. Cela se passe super bien, on joue les premiers rôles et on se bat pour monter. Je suis le meilleur buteur du championnat avec 8 buts en 17 matches. J’entraine aussi une jeune équipe de réserve pour transmettre mes acquis d’attaquant. J’aimerais bien monter une structure d’académie sur Genève pour livrer mes acquis d’attaquant pour les jeunes qui sont ici. Dans l’idée, c’est quelque chose qui me plait beaucoup. J’essaie de me situer dans l’après-foot. Vous pouvez me souhaiter que cette académie ouvre dans tous les cas ».

     

    Il terminera l’interview sur un mot très amical à l’égard des supporters bordelais, ainsi qu’au club.

    « Merci beaucoup à vous. Bon courage dans votre travail, ainsi qu’aux Girondins. J’ai beaucoup de respect pour les Girondins de Bordeaux. Ce serait bien de vous revoir au plus haut niveau, pour le football français ».

    Un grand merci à Matt Moussilou d’avoir accepté notre entretien et pour sa simplicité lors de notre échange. Bonne continuation !