InterviewG4E. Ludovic Obraniak fait le bilan de la saison des Girondins de Bordeaux, et se projette avec optimisme sur l’avenir
Lors de son départ le 31 janvier 2014 pour le Werder Brême, nous étions déçus, très déçus même. Et pour cause, même s’il restait sur des rencontres compliquées avec les Girondins de Bordeaux les semaines précédentes – à l’image de l’équipe – il n’en restait pas moins un des joueurs les plus créatifs et techniques de notre effectif, capable de débloquer des situations que ce soit dans le jeu ou sur coup de pied arrêté. Nous n’étions pas déçus pour lui car l’opportunité du Werder, à 29 ans, était quelque chose de fantastique pour lui qui n’avait pas encore connu l’étranger, mais bel et bien pour nous avec une saison devenue compliquée, fin de cycle oblige (avec notamment le départ de Francis Gillot à l’issue de trois saisons), et qu’il représentait et caractérisait la folie dans le jeu qui nous confortait à suivre notre équipe. Depuis, de l’eau a coulé sous les ponts, et Ludo connut trois aventures à l’étranger, puis un passage à l’AJA, avant de raccrocher officiellement fin 2018. Nous étions curieux de le voir œuvrer dans un milieu qui, si l’on y repense, ne lui était pas si étranger tant il s’exprimait déjà très bien lorsqu’il était joueur professionnel : les médias et RMC. Du vestiaire aux After, en passant par les grandes Gueules du Sport le dimanche matin, nous avons retrouvé quelqu’un de consciencieux, de pointu, et ne s’arrêtant pas à la simple analyse du café du coin : un professionnel, à l’image du joueur qu’il était. En somme, ce qu’il vit actuellement grâce à RMC est incontestablement le pendant de sa première carrière. Nous avons ainsi décidé de faire le bilan de la saison des Girondins de Bordeaux avec lui, qui a suivi tout particulièrement son ancien club ces derniers mois et qui a, vous allez le découvrir, un avis intéressant sur tout. Interview.
Quel bilan global peux-tu faire de cette saison des Girondins de Bordeaux ?
« C’est une saison de plus ratée. En même temps, on s’attendait à une période de transition, avec la prise de pouvoir de Ricardo. Cette situation était assez ambigüe, avec Eric (Bédouet) aux commandes, Ricardo qui n’était pas autorisé à parler… La saison s’est avérée pire que ce qu’on attendait, mais on savait que c’était une période de transition. On savait que le nouvel investisseur arrivait, prenait la température, parce que mine de rien Bordeaux a quand même une région assez spéciale. Ce n’est pas le même environnement qu’à Marseille ou autres, mais il y a un environnement quand même à Bordeaux qu’il faut prendre en compte. Donc les nouveaux investisseurs ont pris la température, et en prenant Ricardo, c’était peut-être aussi une manière de se rassurer : il connaît le club, il y a passé quelques années. C’était l’occasion de faire l’entre deux de manière plutôt fine. Au final, ça a été un fiasco parce que Ricardo n’a pas été autorisé à se lever, à parler, je considère ça comme un scandale. Et quand ton coach ne peut pas intervenir, surtout dans les matches, c’est quand même handicapant. Et je crois aussi que son niveau de santé ne lui a pas permis d’être le leader qu’il était il y a quelques années. Son arrivée, je ne sais pas si c’était une bonne idée ou pas, en tout cas ça avait le mérite d’être sain sur le projet de départ.
Puis c’est Paulo Sousa qui est arrivée en remplacement de Ricardo…
Je suis assez emballé par le choix qui a été fait de Paulo Sousa. J’ai toujours pensé que c’était ‘le footballeur aux footballeurs’. Quand je vois cet entraineur, la carrière qu’il a eue… Alors, certes un bon joueur ne fait pas un entraineur, mais au-delà de sa carrière de joueur, il a eu une carrière d’entraineur qui laisse entrevoir certaines qualités de management, de qualité de jeu. La Fiorentina, ce n’est pas n’importe quel club, le Maccabi Tel-Aviv non plus. Les gens peuvent penser ce qu’ils veulent mais j’ai joué en Israël, et je sais très bien ce que représente le Maccabi Tel-Aviv, la pression qu’il y a là-bas, et dans un championnat qui est loin d’être simple. Tout laissait à croire que cet entraineur était le bon choix par rapport aussi à l’image. C’est quelqu’un qui est très élégant, très distingué, c’est un gentleman ; c’est ce dont on a besoin du côté des Girondins de Bordeaux. On a beau dire ce qu’on veut, ce club est aussi lié à l’esthétisme. Il parle portugais, la politique sportive sera animée par des portugais, donc il y a une certaine cohérence dans ce choix-là. Et puis on peut aussi imaginer que Bordeaux renoue avec son passé glorieux qui intègre les brésiliens, parce que dans les grandes heures des Girondins de Bordeaux, il y a toujours eu quelques brésiliens. Le fait d’avoir quelques portugais, sur le thème du langage, cela peut attirer quelques joueurs. Le bilan n’est pas bon clairement sur le plan comptable, parce que la fin de saison a été catastrophique, mais il y avait un audit, une espèce de revue d’effectif. Je crois que ce n’était pas vraiment le but recherché de performer tout de suite. D’ailleurs l’entraineur a été subtil là-dessus, en disant qu’il observait et qu’en fonction de ce qui allait se passer, il prendrait des décisions en conséquence. Donc même si tout laisse à penser que c’est le foutoir et que les résultats peuvent laisser une empreinte un peu pessimiste, je suis assez optimiste pour la saison prochaine. Parce que beaucoup de choses vont changer, j’en suis persuadé.
Malgré tout, pour rester sur la saison qui vient de s’écouler, comment peut-on expliquer qu’il n’y a pas eu de choc psychologique ou de déclic… On a eu l’impression que le rachat influait énormément sur la performance des joueurs…
Ça n’a pas fonctionné, mais comme il l’a dit, il a vu les comportements. Et moi pareil. J’ai fait toutes les soirées du samedi (sur RMC), je n’ai quasiment pas raté un match des Girondins. Ce qui m’intéresse, c’est la capacité d’un entraineur à agir sur un groupe, et sur les individualités. J’ai vu certaines individualités se ressaisir, reprendre de la confiance, au contact de Paulo Sousa. Et j’ai vu des mecs plonger, des mecs chez qui on n’attendait pas plus, et qui ont confirmé qu’ils n’étaient pas fait pour jouer dans ce club-là. Des gens qui ont des envies d’ailleurs… J’ai vu dans l’équipe actuelle une certaine faiblesse au milieu de terrain. C’est surtout là que pour moi le bât blesse. C’est la pierre angulaire d’un système… J’ai trouvé des mecs braves et cohérents dans leur image de carrière, par rapport à tout ce qu’ils ont fait dans la saison. Des mecs comme Jimmy Briand, qui certes n’a plus ses jambes de 20 ans mais qui répond toujours présent quand on a besoin de lui. Avec le côté exemplaire toujours présent, comme Benoit Costil. Par contre, j’ai été très déçu par des joueurs comme François Kamano, Younousse Sankharé, des joueurs qui sont souvent en demi-teinte. Ce sont des joueurs sur qui on aurait pu compter pour la saison prochaine mais je crois que… C’était aussi le but de l’entraineur, de voir sur qui il pouvait compter la saison prochaine. J’ai trouvé aussi une certaine faiblesse au niveau des latéraux. Pas qu’ils ne fassent pas le taff, mais quand tu es club comme les Girondins de Bordeaux, il faut une vraie qualité de centre… Surtout quand on joue dans un 3-5-2, il faut pouvoir alimenter les attaquants. J’ai vu notamment Nicolas De Préville redevenir le joueur que j’ai connu quand j’étais à Lille. Il y a quand même du positif là-dedans. Pablo depuis quelques mois confirme qu’il est un joueur très intéressant. Paulo Sousa a aussi lancé pas mal de jeunes… Au-delà du résultat, la revue d’effectif est plutôt intéressante, et je pense qu’il a pu s’apercevoir sur qui il allait compter ou pas la saison prochaine. Et ça, c’est quand même très important pour la suite des événements. L’objectif était là, même si les gens sont déçus. L’important était surtout de gagner contre l’Olympique de Marseille, ça a permis de faire passer la pilule de la fin de saison, et je pense que l’année prochaine sera nettement différente de cette année.
Il a ses idées, il sait sur qui compter, ou pas, parce contre ce qui se dit c’est qu’il n’y aura pas énormément de moyens l’année prochaine… D’ailleurs on se concentre sur des joueurs uniquement libres. Il aura les idées, mais est-ce qu’il aura l’effectif ?
Dans le football, il n’y a pas que l’oseille qui compte. Si tu te positionnes comme tout le monde sur les mêmes joueurs que tout le monde a vu, le mec qui vaut dix millions va se vendre à trente, parce que tout le monde est sur lui… C’est pour ça qu’ils ont fait venir Eduardo Macia, parce qu’il a un réseau avec Hugo Varela, à l’image de Luis Campos à Lille. L’idée c’est d’aller miser sur des joueurs que personne n’a vu. Sinon le projet n’a aucun sens… Quand tu fais venir Zeki Celik qui évoluait en D2 turque, et qui est pour moi le meilleur latéral droit de la saison, quand tu fais venir Soumaré, Youssouf Koné qui prend la place de Ballo-Touré… Ces mecs-là ont de la suite dans les idées. Ils ne cherchent pas la facilité dans le recrutement là où tout le monde se place, et faire monter les enchères jusqu’à ce que ça devienne trop cher… Je pense qu’il faut se positionner sur des profils différents et tenter des coups. C’est aussi ça aux Girondins, le fonds d’investissement va tenter des coups. Dans le football, au vu du nombre de joueurs, il y a des choses à faire et surtout vu le profil des recruteurs, du directeur sportif et de l’entraineur… Le fait d’avoir mis un nom comme Paulo Sousa peut faire basculer, à offre équivalente, la balance. Parce que le joueur aura envie d’évoluer avec un entraineur qu’il connaît, ou qui aura la même langue que lui, où qui connaît son système de jeu. Je crois qu’il n’y a pas forcément besoin d’avoir des millions d’euros pour faire des bons coups sur le marché des transferts.
Il n’y a pas que le sportif aussi, il y a une grosse restructuration avec l’arrivée de plusieurs directeurs à différents pôles. Même au centre de formation il y a eu des entraineurs dits emblématiques qui n’ont pas été renouvelés comme Jean-Luc Dogon, André Pénalva, Matthieu Chalmé qui pourrait ne plus être coach de la National 3 la saison prochaine… Même chose avec Jérôme Dauba à la tête des féminines… Est-ce que tu penses qu’il y avait une nécessité de bouger les lignes ?
Il y avait besoin de bouger les lignes oui, clairement. Après, est-ce que c’est sur les postes que tu m’as cité, je ne sais pas. Quand un nouvel investisseur arrive, on ne peut pas faire forcément avec l’existant. Peu importe les compétences de certains. Matthieu Chalmé est connu, il a aidé à sauver le club, des gens comme Ulrich Ramé ou Alain Deveseleer sont des gens compétents aussi, mais… Ce sont des gens qui font partie de l’ancienne direction, qui connaissent trop bien le club, et qui peuvent être trop dangereux pour la nouvelle direction, je pense. Quand tu mets un nouveau projet en place, il faut avoir des gens en qui tu peux avoir une entière confiance, qui adhèrent totalement à ton projet. Quand tu as fait partie d’un ancien projet, il est difficile de t’intégrer à 100% au nouveau. Si ce n’est pour protéger ton poste… Je pense qu’il ne peut pas y avoir deux courants de pensée à l’intérieur d’un club, et quand un nouvel investisseur arrive malheureusement il doit faire sauter des têtes. Ces têtes sont souvent en rapport avec les grosses têtes de l’ancienne direction. Mais je crois que c’est la condition nécessaire pour pouvoir passer à autre chose. Ils ont acheté le club, ce sont eux les propriétaires, ils ont la vision et le projet, il faut qu’ils mettent leurs hommes en place pour aller au bout de leur imagination sinon il y aura toujours des freins à l’intérieur. Des freins visibles en plus car ce sont des gens qui ont pris énormément de pouvoir au fil des années. C’est regrettable pour eux et je ne dis pas que ce sont des gens qui ne sont pas compétents, c’est juste que quand il y a un nouveau projet… Je suis partisan de renouveler la totalité de l’ensemble du club, et ils ont en plus les moyens de le faire.
Au moins dans l’administratif.
Oui, ils ont peut-être vu ce qui se passait du côté de Marseille, et dans les autres clubs. Ils se disent qu’ils ne vont peut-être pas afficher trop d’ambitions tout de suite : ‘on va mesurer nos propos parce que ça peut nous péter à la gueule’, et c’est ce qui arrive à l’Olympique de Marseille. S’ils avaient modéré leurs propos au départ et qu’ils n’avaient pas plongé tout le bassin marseillais dans le rêve, le Champions Projet tout ça, peut-être que ça se serait passé différemment. Il ne faut pas mentir aux gens, les gens ne sont pas fous. Il vaut mieux partir d’une idée plus générale et au fur et à mesure, s’il y a des bonnes surprises, ce sera à leur avantage. Je crois qu’ils ont peut-être tiré les leçons de ce qui s’est passé en France.
Tu déplorais sur l’effectif un manque de personnalité mais surtout de talent dans l’équipe actuelle. N’est-ce pas plutôt un problème générationnel, à savoir que les joueurs aujourd’hui n’arrivent pas à se faire mal… Un manque de joueurs de caractère, de leader… On n’en avait pas beaucoup cette année à part Benoit Costil, Jimmy Briand…
C’est le changement du marché qui fait ça. Avant, on achetait l’expérience, ça avait une vraie valeur, et aujourd’hui ça n’a plus de valeur. Ce qui a de la valeur c’est prendre un joueur qui ne vaut rien pour le vendre à un prix exorbitant. L’objectif économique des clubs est là. Cela crée forcément un fossé entre des mecs qui sont sur leur fin de carrière et ces jeunes qui arrivent en masse, qui n’ont pas d’expérience. Il est difficile pour ces jeunes de prendre les responsabilités si tôt, à part si tu as l’ego et la dimension charismatique d’un Kylian Mbappé. Ce n’est pas le cas aux Girondins de Bordeaux mais un Jules Koundé est déjà très performant pour son âge et son intégration se fait de très belle manière. Mais tu ne peux pas lui donner des responsabilités trop vite, ça serait le griller. Je crois que justement, il ne faut pas oublier que l’expérience ça a une vraie valeur. Je prends l’exemple de Lille qui s’est totalement trompé en ne prenant que des jeunes avec Marcelo Bielsa, au final l’année d’après ils recrutent trois mecs d’expérience… Il y a une certaine cohérence dans tout ça. Dans des moments difficiles, il faut savoir compter sur des mecs qui connaissent bien l’environnement, qui connaissent bien le championnat, qui ont l’habitude qu’on les envoie au feu, qui ont l’habitude de gérer les supporters et la pression. Ce n’est pas toujours facile pour les jeunes et comme ils arrivent en masse, et qu’ils n’ont parfois pas l’expérience, c’est parfois trop leur demander. Je ne crois pas en tout cas que ce soit un manque de talent, la nouvelle génération est très talentueuse, sauf qu’ils ne devraient se consacrer qu’au terrain. Or, aujourd’hui, on leur demande trop de responsabilités. Le poids de ce qui se passe dans l’environnement devrait être pris par les anciens, mais il n’y a plus assez d’anciens.
Jimmy Briand n’était pas forcément venu pour être le numéro 1 en attaque et finalement, il l’est devenu par défaillance des autres joueurs offensifs…
Jimmy, il a fait plus que le taff… On peut dire ce qu’on veut, honnêtement dans l’état d’esprit c’est irréprochable, c’est vraiment l’exemple pour tous les jeunes qui arrivent derrière. C’est un vrai exemple. C’est un mec brillant (il se reprend, ‘pardon pour le jeu de mots, ce n’est pas fait exprès’), c’est un mec vraiment intelligent, qui a une vraie réflexion, qui a le sens des valeurs. C’est une bonne recrue pour les Girondins de Bordeaux. Je serais eux, je le garderai pour pouvoir justement accompagner la nouvelle génération. Ils vont surement aussi prendre d’autres joueurs sur le plan offensif. Les Maja etc, ils ont besoin d’une référence. La référence, c’est Jimmy Briand. Cette référence-là, il ne faut pas la négliger. Ce n’est pas parce que tout le monde en France pense que passer la trentaine… Il faut regarder l’importance qu’a eu Florent Balmont dans un club comme Dijon. Ça n’a pas de prix tout ça, il faut garder des fondations solides dans un club. Ces jeunes sont l’avenir, mais il faut des mecs qui leur montrent la bonne direction, le bon état d’esprit, la bonne attitude. Ils ont, en Jimmy, en Benoit Costil, en Jaro cette saison, l’exemple, des mecs qui sont irréprochables. Des mecs sur qui on peut s’appuyer et prendre l’exemple pour progresser. Il faut garder ces mecs-là ».
On pensait, après sa première partie de saison, qu’on pouvait s’appuyer sur François Kamano. Et c’est raté, des suites surement de son faux-départ à Monaco. Tu peux pendant un mois jouer à côté après ça, mais jouer toute une demi-saison à côté…
J’ai beaucoup aimé le joueur, mais j’ai détesté son état d‘esprit sur la seconde partie de saison. Sur son transfert avorté, déjà, par rapport à d’où il vient, signer aux Girondins de Bordeaux c’est déjà une vraie chance pour lui. Si tu regardes un peu le plan de carrière, honnêtement, passer par les Girondins, c’est monter une marche pour lui. On va être clair. Quand il a voulu faire le job, tout allait bien, et dès que ça a été le mercato, il a eu les yeux plus gros que le ventre. Il aurait pu justement rester dans ce qu’il avait fait, finir la saison avec les Girondins, accompagner tous les jeunes comme il l’avait fait sur sa première partie de saison… Mais il a été trop gourmand et trop orgueilleux. Je n’ai pas du tout aimé ses déclarations sur Éric Bédouet qui est un garçon qui, certes, a peut-être des limites en tant qu’entraineur, mais qui a pris ses responsabilités quand il fallait les prendre et qui est une figure emblématique du club, quoi que ce garçon en pense. Il faut montrer du respect pour les gens qui sont là, pour l’institution et les gens qui ont travaillé pour ce club. Éric Bédouet, il est couvert de titres, ce qui n’est pas le cas de François Kamano. Peu importe ce qu’il pense, il faut savoir garder ses états d’âme, et respecter les gens qui travaillent pour le club et qui ont été là avec lui. Son attitude a été très individualiste, et dans son comportement et dans son jeu en seconde partie de saison. Je crois qu’au final ça l’a desservi. Il serait resté comme en première partie de saison, il aurait trouvé un club sans problème. Il serait parti en Angleterre cet été. Au final, aujourd’hui, au vu de ce qu’il a montré, je ne suis pas sûr qu’il y ait un club qui s’intéresse à lui.
Est-ce qu’il n’y a pas un manque d’intelligence, de ne pas voir plus loin ?
Ce n’est pas un manque d’intelligence, mais trop d’ego. En plus, s’il te plaît, pour aller à Monaco… Voilà. Je ne sais pas en termes de contrat ce que ça représentait, mais… Quand tu as un club comme Bordeaux qui te permet de te mettre en lumière et justement de passer une étape, prends ce qu’il y a à prendre, fais ton année… Et, surtout, il voulait quitter les Girondins quand ils en avaient le plus besoin. Je pense qu’il récolte ce qu’il a semé, et je ne suis pas sûr que ce qu’il aurait pu trouver en restant dans le même état d’esprit, il ne le trouvera pas à mon avis sur ce mercato. En tout cas, j’ai été très déçu de son comportement et de son jeu en seconde partie de saison. Tout ça a joué sur son niveau de jeu.
Il marchait, il n’arrivait plus à accélérer, parce que tu le changes de côté…
Ouais, mais c’est de la faute à Eric Bédouet, c’est de la faute à « l’autre ». Mais quand tu commences à dire que c’est la faute des autres… J’ai un vrai doute sur les gens qui mettent toujours les autres responsables. Mais ce n’est que mon avis.
Quand tu quittes Bordeaux, tu dis à l’époque « la routine ça lasse un peu », des propos qui étaient pour le championnat de France mais aussi Bordeaux. N’est-ce pas ça le problème aussi à Bordeaux ? On parle de belle endormie, d’un climat trop calme celui du Haillan… On dit même souvent Club Med…
En ce qui me concerne, je ne parlais pas de Bordeaux. Quand je parlais de routine, ce n’était pas péjoratif, et en aucun cas je ne dénigre le championnat de France parce que c’est celui qui m’a mis le pied à l’étrier, celui qui m’a fait grandir et progresser, et finalement m’a donné une vraie base dans mes expériences à l’étranger. C’était plus sur le fait que j’étais aux trois quarts de ma carrière dans le championnat de France, donc je connaissais, et je n’étais plus surpris. Et quand tu n’es plus surpris, voilà… Tous les ans, tu rejoues les mêmes équipes. Alors, on a été bercés à Bordeaux la première année par le parcours en Europa Ligue, mais j’avais envie de voir autre chose. J’avais fait 200-300 matches en Ligue 1, j’avais 29 ans et je m’étais dit ‘putain, c’est le moment où jamais’. C’était par rapport à ça, ce n’était pas par rapport à la routine du club, des Girondins. Je n’ai jamais trouvé vraiment de routine dans ce club-là, au contraire. C’est un club qui m’a permis d’assouvir mes ambitions à la fin de ma période lilloise, un club dans lequel j’ai pris énormément de plaisir. On a joué la Coupe d’Europe, on a été en huitièmes de finale, on a été jouer à Kiev, au Benfica, on a gagné la Coupe de France… Je me suis vraiment marré. Je n’ai jamais trouvé de routine dans le quotidien aux Girondins. C’est juste que j’étais dans le championnat depuis longtemps, que j’avais envie de découvrir autre chose. J’ai ce côté aventurier et je me suis dit que le train, c’était le moment de le prendre, et passait le Werder à ce moment-là. Au vu de l’histoire qui a suivie, peut-être que j’aurai dû faire le choix de prolonger aux Girondins, mais j’avais tellement envie de découvrir l’étranger que j’ai essayé de tenter ma chance. Et j’ai eu le sentiment que ce serait peut-être ma dernière chance. C’est aussi simple que ça.
Et concernant l’image de la « belle endormie » ?
Pour moi, le truc de la ‘belle endormie’ machin, c’est une excuse. Quand tu es un professionnel, tu es un professionnel. Certes, tu as une belle qualité de vie à Bordeaux, comme à Marseille, à Montpellier, à Nîmes, Paris… Mais quand tu as envie d’être un pro, tu l’es, peu importe où se localise la ville dans laquelle tu joues, c’est une excuse trop facile pour moi. De dire que c’est la ‘belle endormie’ et que c’est pour ça que ça ne performe pas… Si tu es un vrai professionnel et que tu as une vraie ambition… Peut-être que parfois le club a manqué un peu d’ambition, peut-être. Peut-être que le club se satisfaisait d’une 7ème place, peut-être que là la direction aurait dû amener des objectifs plus ambitieux. Mais honnêtement, je ne me suis jamais senti dans une quelconque… C’est la personnalité du joueur qui fait que. Dans n’importe quel environnement, que ce soit à Metz ou ailleurs, j’ai toujours envie de me dépasser, de travailler, parce que c’est ma nature. Après, si les autres s’en servent comme excuse, c’est leur problème. Mais il y a d’autres villes où il fait bon vivre, où ça travaille plus qu’à Bordeaux.
En parallèle de ça, tu as un taux de remplissage du stade cette année qui est catastrophique, qui est forcément aussi en corrélation avec les résultats…
Je crois que c’est une erreur fondamentale que d’avoir délocalisé le stade aussi loin. Peut-être que le club aurait dû faire des efforts avec des architectes ou des gens compétents dans ce domaine, mais je crois qu’il aurait été plus judicieux de restaurer Chaban Delmas que de partir si loin. Moi qui y suis allé quelques fois, honnêtement, j’ai mis une heure et demie pour venir, et une heure et demie pour rentrer. Rien n’est fait pour donner l’envie d’y aller, honnêtement. Aussi, ce stade a été fait pour l’Euro donc il n’est pas du tout aux couleurs des Girondins, tu n’as pas l’impression de venir dans l’antre des Girondins. Après, la grande majorité du public bordelais est un public versatile qui change en fonction de la mode, oui, un peu. Il y a les vrais qui sont toujours là. On ne va pas se mentir, Bordeaux c’est plus un public de spectateurs que de supporters, hormis le Virage, les groupes de supporters. Bègles a pris de l’ampleur au niveau de la ville aussi, et il était plus de bon ton de supporter l’UBB que de supporter les Girondins. L’UBB a pris la place à Chaban, et cela contribue au fait qu’il n’ait personne au grand stade. Après, bien sûr, il y a le jeu proposé, l’équipe. Il y a quand même pas mal de mecs qui sont du cru à Bordeaux, il y a quand même une certaine représentation au niveau du club. Mais ça se perd, donc il faut faire attention à ça. La ville a besoin de s’identifier à certains joueurs. Ils sont en train d’améliorer les campagnes d’abonnements, d’améliorer les transports, pour que les gens aient envie de venir. Honnêtement, ça ne donne pas toujours envie. Au-delà même du jeu proposé. C’est un vrai frein et je trouve que c’est une erreur de stratégie grave d’avoir fait le stade là-bas. Rénover Chaban aurait été une bien meilleure idée. Quand je vois Chaban qui est plein avec le « Match des Légendes » un lundi soir… Bordeaux n’avait peut-être pas besoin d’un si grand stade si loin. Ils auraient pu garder ce stade qui était historique, avec les arches, il y avait une vraie identité dans ce stade, il y avait un truc. On aurait pu travailler là-dessus, avec la zone des vestiaires, le long couloir. Il y avait une vraie identité de stade, et on se noie dans un stade qui ressemble à tous les autres, sauf au niveau de l’extérieur. Je ne crois pas qu’il n’y ait que la piètre prestation au niveau du jeu qui soit en cause honnêtement.
Tu as joué avec Cheick Diabaté, un joueur critiqué et moqué, mais un joueur qui marquait…
Il n’y a que les idiots qui se sont moqués de lui. Honnêtement, si tu regardes dans l’histoire des attaquants des Girondins, au niveau du ratio temps passé sur le terrain et buts marqués, je pense qu’il ne doit pas être très mal placé (il est le 11ème meilleur buteur du club avec 66 buts, et plus haut par rapport à ce ratio). Les stats parlent pour lui.
Est-ce qu’un joueur de ce profil, point d’appui buteur, serait le profil idéal devant ?
Tu l’as eu cette année, c’était Andreas Cornelius. Oui, mais bon, sur le profil, c’est ça. Après, cela dépend forcément de la qualité des joueurs que tu vas chercher. Je ne sais pas, il n’y a pas de profil adéquat. Ton profil est en fonction de la vision du coach, de la relation des hommes, de la complémentarité. Je n’ai plus de standards ‘il faut un grand devant’. Quand je vois ce qu’un Firmino (1.81m) est capable de faire, il est épais comme une arbalète… Quand je vois ce qu’il est capable de faire en pivot, devant le but, et de faire jouer les autres, tu te dis qu’il faut arrêter ce truc des profils. Il faut prendre la qualité des joueurs et l’intégrer avec les autres. Il faut prendre 4-5 joueurs majeurs dans ton équipe, et essayer de les rendre meilleurs avec des profils qui les mettent en valeur, c’est aussi simple que ça. Quand j’étais à Bordeaux, j’étais bon parce que j’avais Mariano qui m’ouvrait tout le temps le couloir, ce qui me permettait de rentrer sur mon pied gauche, de dédoubler, parce que j’étais incapable de faire des un contre un pendant une saison. C’est aussi ça, c’est la complémentarité des mecs sur les ailiers, au milieu… C’est une connerie de dire qu’il faut tel ou tel profil.
En parlant de profil, tu as quand même un poste qui disparaît, le tien, celui de numéro 10…
On n’en voit plus, et c’est bien dommage. C’est bien dommage parce que le poste de numéro 10 te permet de laisser ton attaquant sur la ligne de front. Comme aujourd’hui ils jouent tous en 4-3-3, dans ce genre de système, pour venir chercher la pointe haute du triangle, c’est souvent l’attaquant qui décroche. Ils jouent souvent avec un 6 pointe basse devant la défense. Donc, si tu avais un 10, cela ferait un losange. Or, quand tu es positionné comme ça, tu peux créer des triangles quasiment partout. Tu peux trouver des mecs entre les lignes, tout en gardant ton attaquant qui pèse sur la ligne du hors-jeu et sur la défense centrale adverse. Si c’est ton attaquant qui vient faire la pointe du triangle, et si tu n’as pas des ailiers qui sont capables de prendre l’espace quand ton attaquant décroche… Excuse-moi du peu, mais en termes d’ailiers qui vont vite, il n’y en a pas 50000 non plus aujourd’hui… Cela veut dire que les mecs viennent te resserrer sur un espace de jeu, tu réduis considérablement cet espace de jeu. Quand ton attaquant décroche, tu perds 30 mètres. Tu fais mal à l’adversaire quand tu joues dans son dos, sauf que quand tu joues comme ça c’est impossible. Le poste de numéro 10 pouvait faire justement la jonction avec ton milieu à deux et tes deux récupérateurs, il pouvait libérer ton attaquant que tu pouvais laisser sur ta pointe d’attaque, il pouvait servir de relai sans que tu aies à dénaturer ou mettre à poil ton système offensif. Je trouve que la ‘disparition’ de ce poste est négligeable, mais après chacun voit midi à sa porte. Ça te permettait aussi des fois d’avoir un second mec, sur les phases offensives, qui se projetait dans la surface de réparation. Aujourd’hui, tes trois milieux qui sont souvent à vocation défensive, ils ne se projettent jamais. Donc quand un mec centre, il n’y a que deux mecs dans la surface (celui dans l’axe et l’ailier opposé), aujourd’hui c’est trop peu…
On voulait terminer sur Caroline Thiebaut, ton agent de communication et celle qui a permis de rendre cet entretien possible. Peux-tu nous parler d’elle et de son apport pour des personnes comme toi, qui ont terminé leur première carrière professionnelle de footballeur ?
Comme dans n’importe quel domaine, il faut s’entourer de gens qui sont compétents et qui sont meilleurs que toi. Caroline est très compétente dans ce qu’elle fait. Au-delà du plan professionnel, c’est quelqu’un pour qui j’ai une profonde amitié, c’est quelqu’un pour qui j’ai beaucoup d’affection. Elle me permet de travailler en toute confiance parce qu’elle maitrise totalement ce qu’elle fait. Et puis elle permet aussi de développer mon réseau, c’est quelqu’un qui a quand même un réseau, qui est très intelligente, et avec qui je passe de très bons moments. Elle me permet d’explorer des terrains que je n’avais pas encore exploités.
Un très grand merci à Ludo pour cet entretien (très) plaisant. A bientôt.
https://twitter.com/carothiebaut/status/1126879930283909122