InterviewG4E. Jérôme Alonzo : “Je ne suis pas tendre avec Bordeaux par l’ennui qu’il me procure récemment, parce que ce que j’y ai vécu était extraordinaire. Et c’est ça qui me fait de la peine”

    (Photo by Dave Winter/Icon Sport)

    Cela fait quelques semaines que nous voulions converser avec lui sur les Girondins de Bordeaux. Jérôme Alonzo, grand gardien de notre championnat, aujourd’hui consultant, commentateur et intervenant sur différents médias, a un avis tranché et bien affirmé sur de nombreux sujets. Cela vient évidemment de son caractère, qui a été linéaire pendant toute sa carrière : un joueur de club, droit, avec du caractère. Connaissant bien notre championnat (17 saisons en Ligue 1 et Ligue 2, plus de 300 matches en professionnel), et ayant toujours en tête l’image des Girondins de Bordeaux comme un club qui gagne, l’ancien portier de Sainté, Nantes ou Paris nous a livré son analyse sur le club au scapulaire, qu’il attend au plus haut niveau dans les années à venir. Jérôme précise également ses propos sur la rumeur de la venue d’Olivier Giroud à Bordeaux, fait part de l’évolution du jeu de Paulo Sousa, donne son avis sur Benoit Costil qu’il connait bien, tout ceci avec en toile de fond la rencontre de samedi face au Paris Saint-Germain (17h30). Une interview pour laquelle nous avons pris énormément de plaisir, et nous vous en souhaitons tout autant à la lecture. Entretien.

     

    Samedi se jouera la rencontre entre Bordeaux et Paris, dans un stade plein, ce qui arrive rarement au Matmut Atlantique. Est-ce que le contexte actuel de Paris, à savoir des joueurs cadres blessés et le match rapproché de Ligue des Champions, peut donner une chance aux Girondins ?

    De toute façon, de ce que je vois depuis le début de la saison, les Girondins ont une chance. Le problème pour vous c’est que Paris, sans ses cadres, en a mis trois à Madrid (rires). Donc c’est ça qui est inquiétant. Le problème pour les adversaires de Paris cette année, c’est que Paris a des plans B. Paris n’a plus seulement un onze intéressant, Paris a un effectif intéressant. Et ça, pour moi, ça fait la différence parce que pour le très très haut niveau, il faut avoir 20 grands joueurs et tous les postes quasiment doublés. Et Paris les a cette année. On l’a bien vu contre Madrid : vos trois stars ne sont pas là et j’ai rarement vu Madrid se faire bouger comme ça, honnêtement. Dans l’engagement, dans l’envie. J’ai presque envie de vous dire : le schéma tactique et la technique individuelle du joueur… J’étais au Parc, quand je vois ça, avec cet engagement-là, en Ligue 1, même sans 3 stars, ça va être dur pour tout le monde. Mais, il y a la jurisprudence Strasbourg. Parce que Strasbourg qu’on le veuille ou non, s’il n’y a pas le miracle Neymar, tu fais 0-0. Et la jurisprudence Lyon, où si tu n’as pas Neymar, tu fais 0-0. Donc quelque part, ce PSG est très paradoxal, mais surtout n’allez pas croire qu’avec des joueurs en moins, ça sera plus facile.

     

    Avec le match rapproché de Ligue des Champions, peut-être que les têtes seront ailleurs. On imagine que pour les joueurs du Paris Saint-Germain, ce n’est pas la même motivation de jouer contre Madrid que contre les Girondins…

    Alors, j’espère que la motivation est la même parce que c’est quand même un métier fantastique que l’on fait, que font ces gars-là aujourd’hui. Moi, il y a 20 ans, à part Ronaldinho ou Pauleta, je n’ai pas eu de méga-stars autour de moi, on va dire. Et on aimait tellement ce métier que quand on jouait Guingamp, Bordeaux ou Chelsea en Champions League, on avait les dents qui rayaient le parquet, de la même façon. Aujourd’hui, j’espère vraiment… Après je ne connais pas assez les mecs intimement… J’espère en tout cas que même si l’enjeu n’est pas le même, que la musique avant le match n’est pas la même, j’espère, si ce sont de vrais champions, que la motivation est la même. Quand on est Champion dans ce PSG-là, on doit être motivé comme à Bordeaux, comme à Madrid, comme à Galatasaray. Pareil. Advienne que pourra au prochain match. S’ils prennent un pet ce n’est pas grave. Mais chaque match doit être joué à fond parce que le monde entier te regarde, car c’est ça la réalité aussi. Je veux dire, si Neymar met 3 buts à Bordeaux, le monde entier va vous voir. Si Di Maria met un but à Bordeaux, le monde entier va le voir. Et si vous battez le PSG, le monde entier va vous voir. Tu vois, donc quand tu joues au PSG, tu as une responsabilité énorme à chaque match et j’espère que ça, ils l’ont compris.

     

    A l’époque où vous jouiez, Bordeaux était reconnu comme un grand club du championnat de France. Aujourd’hui, on a l’impression que Bordeaux ne fait plus peur et n’est plus attractif. Et vous dites vous-même qu’on s’y ennuie. Qu’est ce qui s’est passé d’après vous ?

    Oui, j’assume à 100% mes propos. Je vais vous expliquer un truc, c’était à L’Equipe d’Estelle, on se chambrait et quand il y a les potes de Bordeaux, on chambre… Je vais être très clair et j’assume mon propos qui n’est pas injurieux et j’ai d’ailleurs des centaines d’amis bordelais qui me disent « t’as raison, faut oser le dire, qu’on se bouge les fesses ». Bref, je vous l’explique en deux mots. A mon époque, et encore plus à celle d’avant, j’en parle souvent avec Alain Roche par exemple, Bordeaux a toujours été une place forte du championnat français. Avec des joueurs de légende, des matches de légende. Et moi la dernière fois où je me suis levé de mon canapé pour Bordeaux, c’était avec Duga. Je suis désolé, c’est la vérité, que l’on aime Bordeaux ou pas. Moi, j’ai toujours aimé Bordeaux, c’est une ville où j’ai des copains, où j’y joue au golf… Je n’ai rien contre Bordeaux, mais dites moi depuis 10 ans, à part vous, supporters fidèles et loyaux des Girondins, qui en France se lève pour Bordeaux, depuis le titre de Laurent Blanc, quand je jouais encore ?! D’ailleurs, je m’étais fait rouster contre Bordeaux cette année-là (rires). Depuis 2009, expliquez-moi à quels moments vous avez envie de vibrer, de monter sur la table à la maison ? Jamais. En vrai, Bordeaux est dans un cycle où ce n’est plus le grand Bordeaux. Alors maintenant, il y a un investisseur, on sent qu’il y a un coach qui a un tableau de bord plutôt cohérent, mais effectivement Bordeaux fait partie des équipes comme Rennes l’année dernière, qui ont un super effectif, qui ont un super stade, un peu de pognon mais où on s’emmerde. Ce n’est pas injurieux, c’est la vérité. Cette année, on a l’impression qu’ils ont envie qu’il se passe un truc. J’ai un copain qui m’a dit « oui mais on a fait l’Europa League », mais l’Europa League, tout le monde s’en fout. J’en ai parlé aussi pendant les vacances avec Benoit Costil, parce qu’on est potes, je lui disais, ce sont des gars comme toi qui doivent driver le club. Des gars charismatiques, bons sur le terrain, qui ont des choses à dire… Ce sont des joueurs que l’on a envie de voir jouer. Même avant ma génération, avec Tigana, Giresse, Dropsy, après il y a eu Duga, etc, après Gourcuff, Chamakh, Laurent Blanc, bon… Depuis eux jusqu’à maintenant, il n’y a plus un joueur que moi, qui fais une émission télé, j’aurais envie d’aller interviewer. Il faut que les gens comprennent qu’un club, il doit avoir des personnalités fortes, sur le terrain, en coulisses. Il faut des meneurs, des leaders, mais pas que sur le terrain, qui vous donnent envie d’aller au stade, de faire la fête et moi, je suis désolé, je re-suis Bordeaux depuis qu’il y a Benoit, avant ça ne m’intéressait pas. Enfin oui, pour bosser, bien évidemment, mais voilà. J’assume mes propos, mais en revanche, j’ai l’impression que le vent du changement est là.

     

    Du coup, le côté nostalgique que vous avez du Bordeaux d’avant, ça se base vraiment sur les joueurs présents, en termes de caractère…

    Oui et ce qui se passe quand tu aimes le foot et que tu as mon âge, forcément, dans tes 4 clubs, il y a Bordeaux. Ça fait partie des clubs où il y avait des présidents forts, Bez, Tapie… A l’époque, le vrai classico c’était Marseille-Bordeaux. Marseille-Paris a été fabriqué parce que Bordeaux n’avait plus les armes et que Bordeaux n’était plus aussi médiatique, donc Tapie s’est cherché un nouvel ennemi et a trouvé le PSG et Canal, ce qui n’était pas con. Mais historiquement, le vrai classico en France, dans les années 80-90, c’est Bordeaux-Marseille, avec Giresse, Tigana, Dropsy, je me répète et après avec la génération de Zizou et de Duga. Quand j’allais à Bordeaux, je peux te dire que ce couloir, c’était une légende. Et encore une fois, parfois je ne suis pas tendre avec Bordeaux parce que tout me passionne et que je dis ce que je pense. Justement, je ne suis pas tendre avec Bordeaux par l’ennui qu’il me procure récemment, parce que ce que j’y ai vécu était extraordinaire. Et c’est ça qui me fait de la peine. Parce que le stade du Matmut Atlantique, il est beau, ça c’est beau oui, mais on dirait un hôtel ! J’ai l’impression que je vais à l’hôtel chaque fois que je vais là-bas, un cinq étoiles, c’est fabuleux (rires). Il n’y a pas une poussière par terre c’est magnifique. Et je fais la même réflexion à mes copains de Nice entre l’ancien stade et le nouveau. Le nouveau, je n’y mets pas les pieds, je n’en ai rien à foutre. J’assume ce côté vieux con là-dessus, le vieux Lescure, c’était mon rêve. D’ailleurs, j’aurais aimé à l’époque avoir des touches et jouer à Bordeaux, parce qu’à cette époque-là, ça voulait dire quelque chose. Ce couloir, putain… Ce sont des émotions, des souvenirs. Dans ma vie de footballeur, le vieux Lescure, c’était vraiment un grand souvenir.

     

    Ça aurait donc été un club où vous auriez aimé jouer ?

    A l’époque oui ! Aujourd’hui, je ne suis pas entraîneur et je n’ai pas envie d’entraîner, mais par exemple aujourd’hui, tu me dis Bordeaux ou Saint-Etienne, ce sont deux clubs qui sont amis en plus, je vais à Sainté parce qu’il y a toujours cette âme. Mais oui, bien sûr, à l’époque, si j’avais eu des touches, dans les années 2000, mais évidemment ! J’en parlais souvent avec Pauleta, car lui me parlait beaucoup du club de l’intérieur, Pauleta avait adoré Bordeaux. Donc oui, dans les années 2000, au plus fort de ma carrière, ça aurait été un club où j’aurais été très honoré d’aller y jouer. Ça ne s’est jamais fait, je n’ai jamais eu de contacts précis, et il y avait Ulrich à l’époque qui était intouchable. Mais oui, c’était évidemment un club qui attirait tous les joueurs de France, donc il n’y avait pas que moi.

     

    Giroud

     

    Pour revenir à l’actualité, lorsque la rumeur Olivier Giroud est apparue à Bordeaux, vous expliquiez qu’il ne fallait pas qu’il y aille, estimant qu’il allait s’y ennuyer (lire ICI).

    Parce que je pense qu’aujourd’hui, et pour connaître très bien Olivier, je pense que ce n’est pas encore un challenge qui est fait pour lui. Et la preuve c’est qu’il n’a pas donné suite, il n’y a pas eu un début de quart de négociation. Olivier Giroud est un joueur qui quoi qu’on en dise en plus, écoutez bien ce que je dis, ce n’est pas seulement pour Bordeaux, tout ce que l’on dit sur le Matmut Atlantique, quand tu es habitué aux stades en Angleterre où tous les dimanches devant 45 000 personnes, à mon avis, il peut vite se pendre aux poteaux. Ce n’est pas péjoratif, c’est la vérité. Il y a aussi un truc, c’est que la France pour Olivier c’est compliqué. Tu sais bien le rapport qu’ont les français avec lui. Olivier, qui est un ami aussi, est un personnage clivant : ou tu l’aimes, ou tu ne l’aimes pas du tout. Pour le coup, chaque émission que je fais sur Giroud, je le défends parce que je trouve totalement injuste le traitement qu’il reçoit de la part des français. Et tu imagines être sifflé un match sur deux quand tu joues un match à l’extérieur ? Quand tu es Champion du monde, quand tu es 3ème ou 4ème meilleur buteur de l’histoire des Bleus… Mais quel pays ingrat on est quand même, c’est un truc de fou ! Donc oui, je disais, ce n’est pas une bonne idée, un pour « l’ennui » et parce que Bordeaux n’est pas redevenu le grand Bordeaux. A ce titre, d’ailleurs, je pense que Bordeaux n’y a pas pensé. Et de deux, parce que je ne pense pas qu’Olivier ait envie de revenir jouer en France.

     

    Du coup, si on prend ces arguments-là, l’arrivée de Laurent Koscielny, c’est aussi étonnant qu’il passe de l’ambiance anglaise à l’ambiance française, même si lui est plutôt apprécié en France.

    Alors c’est un peu étonnant mais c’est un choix de Laurent. Tu vois le truc. Pour X raisons, humaines, familiales, je ne sais pas, peut-être qu’il a fait le tour de la question et qu’il a envie. Déjà, comme tu l’as dit, Laurent a une très bonne côte d’amour en France donc il n’y a pas de souci, il y va en toute discrétion. Et de ce que je sais, Laurent et Bordeaux se sont rapprochés très vite, ça veut dire qu’il y avait aussi une volonté du joueur de revenir en France, dans un projet intéressant. Et puis, il y a une différence aussi qui est énorme, c’est que Laurent, à cause de sa blessure, il n’est pas Champion du monde. La pression sur lui n’est pas la même. Je pense que les deux cas sont différents et après tu peux tout à fait comprendre que quelqu’un ait envie d’un retour au bercail et je pense que ce n’est pas le cas d’Olivier pour les raisons que j’ai évoquées tout à l’heure.

     

    Paulo Sousa

     

    Pour revenir sur l’équipe actuelle des Girondins, notamment le coach, vous aviez des interrogations à l’arrivée de Paulo Sousa, en mars dernier. Avec du recul, que pensez-vous de lui ?

    En étant très honnête, je ne connais pas tout le monde, comme j’ai une vie à part du foot (rires) mais c’est vrai que je ne le connaissais pas bien quand il est arrivé à Bordeaux. Et même pour plusieurs journalistes de L’Equipe avec qui je bosse maintenant, on ne le connaissait pas bien. Déjà, il est charismatique, c’est bien, je trouve toujours que c’est important qu’un entraîneur soit charismatique, c’est quand même la vitrine de ton équipe et c’est important que le gars se présente bien, parle bien en conférence de presse et avoir la presse dans la poche. Qu’il soit présent et tout le jeu… Ensuite, sur le plan du jeu, j’ai vu un Bordeaux catastrophique en fin de saison dernière, on est tous d’accord (rires), ça serait dur de dire encore « là, Jérôme tu es sévère avec nous ! ». Vous avez juste réussi à faire descendre Caen et ce n’était pas sympa d’ailleurs (rires). Vous vous êtes réveillés 1 fois en 7 semaines et c’était pour faire descendre Caen. Donc fin de saison dernière très difficile et là vraiment j’ai l’impression que… J’ai regardé le match contre Brest presqu’en entier, c’est 2-2… voilà, mon compliment de la journée arrive… Attention, je me suis régalé. Il y a eu des arrêts de gardiens, il y a eu de beaux buts. Il y a tout eu dans ce match. Mais ça reste un nul à domicile. Après dans le jeu, ça passe par les côtés, ça centre en première intention. Encore une fois, comme pour le club, j’ai l’impression qu’il y a un projet qui se dégage. Est-ce qu’on laissera du temps à ce coach-là de bosser, j’espère pour lui, j’espère pour le groupe. Après, il y a Paris. Il faudrait sortir de ce ventre mou, approcher le TOP 5 de manière à ce que les gens reparlent de vous tout simplement. Parce qu’aujourd’hui en vrai, moi je me fais chambrer par les potes bordelais, mais la vérité c’est qu’on a envie de Bordeaux revienne dans le TOP 5 pour toutes les raisons que je t’ai évoquées plus tôt. Mais c’est un travail de la part de tout le monde. Il y a pas qu’un bon coach, un bon président… Et c’est ce qu’a bien fait Saint-Etienne l’année dernière par exemple. Avec un Jean-Louis Gasset, que vous connaissez bien à Bordeaux d’ailleurs. Tu vois, il faut des gens charismatiques qui portent le club vers le haut et qui redonnent envie aux gens qui ne sont pas bordelais de s’intéresser de nouveau à Bordeaux. Est-ce que ce coach-là peut le faire ? Je n’ai pas encore la réponse. Il a l’air d’avoir des idées qui, moi m’intéressent, d’un point de vue tactique, qui sont vraiment intéressantes.

     

    En parlant de Paulo Sousa, c’est un entraîneur qui aime construire depuis le gardien de but, ce qu’aime d’ailleurs Benoit Costil, puisque cela lui apporte des responsabilités. Quel est votre œil d’ancien gardien de but sur ça ?

    Le monde a changé. Nous, on nous demandait de remettre long sur l’attaquant. C’était pas dans les années 70, c’était en 2000 jusqu’à 2010. D’ailleurs c’est drôle d’en parler avec quelqu’un des Girondins car un des précurseurs, c’était Ulrich Ramé. Tout le monde parlait de Fabien Barthez. Pour moi, de ceux de ma génération qui avaient un bon pied droit et gauche, c’était Ulrich. Sans aucun problème. Ulrich pourrait jouer aujourd’hui ! Enfin, dans ce rôle-là aussi. Moi, je pourrais jouer à l’anglaise à la limite. Non mais c’est que je n’avais pas confiance dans mon jeu au pied. Je n’ai pas de pied gauche pour commencer, et moi ma génération c’est « tu mets sur le grand devant ! » ou dans la course de Pauleta après, quand je jouais avec lui. Sur la fin de ma carrière, la tendance tournait un peu à faire tourner l’attaquant en sortant court. Ça commençait un peu. Aujourd’hui, oui avec un profil comme celui de Benoit, qui est parfaitement à l’aise au pied, qui fait très peu d’erreurs à ce niveau-là, il est parfaitement à l’aise dans un système comme ça. Benoit est le gardien moderne par excellence et un gardien moderne doit savoir relancer court dans les intervalles pour faire mal de suite et casser les lignes très tôt. Et Benoit dans sa panoplie, il a ça, bien sûr.

     

    Benoit Costil

     

    En continuant sur Benoit Costil, il y a quelques semaines, vous déclariez qu’on attendait un peu plus de lui, du moins qu’on lui promettait un avenir meilleur ?

    Comment dire sans lui faire trop de compliments, sinon il va avoir la grosse tête après (rires) ! On en a parlé ensemble et Benoit a parfaitement conscience de ça. Un gardien ne doit plus être bon, ça ne suffit plus, c’est fini. Il faut qu’il soit très bon. Quand tu es dans un club comme Bordeaux, et je me répète, où c’est tranquille… En fait, j’avais dit vraiment que je voulais voir Benoit dans un club sous pression. J’avais dit que j’étais certain que ce garçon, dans un club comme Marseille, où vraiment ça tape tout le temps… Bordeaux on n’est pas sous pression tout le temps, tu n’as pas de pression populaire, quotidienne, c’est comme ça. J’espère que ça reviendra. Mais je suis certain que Benoit, c’est un gardien qui, plus c’est tranquille, moins il est bon. C’est la phrase que je voulais dire. Pour moi, c’est certain que Benoit est un gardien qui est fort sous pression lorsque les matches sont chauds. Et c’est vrai qu’à une époque, il était moins décisif et il était le premier à le reconnaître. Benoit est un gardien qui mérite de jouer la Champions League. Si c’est à Bordeaux, je serais ravi pour vous ! On refera l’interview et je te dirais « voilà, maintenant je m’éclate ! ». Mais si ce n’est pas à Bordeaux, un jour où l’autre, pour franchir ce dernier palier de progression dans la pression, dans tout ce que représente le poste de gardien, quand c’est dur, quand c’est bon, quand c’est chaud… Ça, peut-être qu’un jour, ça se fera à Bordeaux.

     

    Vous pensez qu’à 32 ans, il peut encore se lancer un challenge comme ça ?

    J’ai toujours dit que si Mandanda s’en va, je le verrais à Marseille. Maintenant, Mandanda redevient très bon et j’ai vu que vous l’aviez prolongé d’une année Benoit aussi… Mais typiquement, 32 ans, il aura 33 ans l’année prochaine, c’est l’âge parfait pour un gardien, pour moi. Là, il est dans la force de sa carrière. S’il est bien à Bordeaux, ce qu’il m’a dit, ce qu’il m’a confirmé, et s’il sent que le projet est solide et effectivement si son projet de fin de carrière c’est d’amener Bordeaux en Champions League, là c’est un challenge merveilleux. Là, il va jouer sous pression et il va être encore meilleur. Parce qu’on a oublié de dire un truc : Benoit c’est un beau gosse, il parle bien… Mais c’est un super gardien. Au-delà du jeu au pied, demain si je suis coach, je veux un gardien qui arrête des buts surtout. Comme un défenseur, le mec il défend, c’est pareil (rires). Benoit est un super gardien et est-ce qu’aujourd’hui avec Laurent, ces deux mecs plein d’expérience, avec un ou deux ajustements, est-ce que ces mec-là peuvent ramener Bordeaux sur le podium ? Cette année, je pense que c’est encore un peu court. Maintenant est-ce que les investisseurs ont envie de mettre encore un peu d’oseille l’année prochaine pour que Bordeaux aille lutter devant ?! De toute façon, Lille est passé devant, c’est ça la réalité aujourd’hui. Rennes était en train de passer devant. A une époque où on dit tous les ans, Bordeaux doit être 4ème ou 5ème… Mais maintenant 4ème ou 5ème, ça ne sert plus à rien. Aujourd’hui, l’avenir de Bordeaux c’est de rattraper le podium très vite, parce que ça ne chôme pas derrière. Tu as Nice qui arrive avec des milliards. Ça veut dire qu’il n’est pas trop tard mais qu’il ne faut pas traîner non plus parce que derrière les places pour le podium… Regarde, Monaco galère mais va revenir, Lyon galère tout court. Ça veut dire que Paris va être Champion, mais que derrière c’est hyper ouvert, et même si c’est hyper ouvert, on n’y voit pas Bordeaux, c’est ça qui est terrible ! Dès qu’on parle de Lille, de Rennes, de Nice, de Saint -Etienne, de Lyon, de Marseille, ça veut dire aujourd’hui que des têtes de gondole comme Laurent ou Benoit doivent aussi servir de moteur pour que d’autres joueurs français ou étrangers viennent à Bordeaux. Car quand ces joueurs-là vont être en fin de cycle, ça va être compliqué aussi : Benoit a 32 ans, Laurent 34, il vous reste 2-3 ans, ça va aller vite !

     

    Justement, Bordeaux a été racheté par un fonds d’investissement américain, qui semble vouloir construire petit à petit, mais sans énormément de moyens comme d’autres clubs… C’est compliqué aussi parce qu’ils n’arrivent pas avec une masse d’argent énorme.

    Tu as tout dit… Le problème c’est que le nerf de la guerre aujourd’hui « oui, on construit à Saint-Etienne » et c’est mon club de cœur. Pendant des années, avec le salary cap, on ne donne pas plus que tant par mois au meilleur joueur de l’équipe. Ok Président, mais pendant 8 ans, tu as été 6ème ou 7ème ! L’année dernière, tu casses la tirelire et il se passe quoi ? Tu finis presque 3ème ! Et oui, ça se limite à ça malheureusement. Les meilleurs joueurs coûtent chers. Un attaquant aujourd’hui c’est 300 000€ par mois. Benedetto c’est 300 000 balles par mois. Point. Tu m’expliques ce que tu veux après, mais si tu n’as pas de pognon pour acheter des joueurs très costauds à chaque ligne, tu es mort pour le podium. Alors oui, tu auras une année, comme pour Nice, il y a 4 ans avec Ben Arfa. Tu auras un miracle tous les 5-6 ans. L’année dernière, tu as Lille qui finit 2ème, qui font la saison de leurs vies, parce que tu as trois joueurs qui marchent sur l’eau. Mais globalement, si tu n’as pas dans ton effectif, 3-4 top players, pour le podium c’est dur.

     

    Pour finir, on va faire un petit focus sur les gardiens bordelais. Cédric Carrasso était un grand gardien que vous sembliez apprécier particulièrement. Malgré sa volonté de rester à Bordeaux, tout comme celle des supporters, il a finalement quitté le club. Pourquoi appréciez-vous ce joueur ?

    Je ne sais pas. C’est comme pour toi dans ton boulot, j’imagine, quand tu croises des mecs, des fois ça accroche, des fois, ça n’accroche pas. Et moi, Cédric, on n’était pas amis intimes parce qu’on n’a jamais joué dans la même ville, mais j’ai toujours pris du plaisir à lui parler après les matches. J’aimais bien ses interviewes, j’aimais bien son style de jeu, c’était un gardien très spectaculaire. Je ne sais pas, je ne peux pas te l’expliquer. Benoit c’est pareil, au début, je ne le connaissais pas mais j’ai tout de suite accroché avec lui. J’aimais beaucoup Ulrich Ramé aussi à l’époque où on parlait après les matches. Ou quand j’étais gamin aussi, il y avait Joseph-Antoine Bell, Dominique Dropsy. L’autre fois, tu vois, comme quoi je m’intéressais beaucoup à Bordeaux lorsque j’étais jeune, j’ai gagné un quizz ! On m’a dit « il y a un gardien néerlandais qui a joué à Bordeaux », tout de suite j’ai trouvé Stanley Menzo ! Il a fait 8 matches dans les années 90 (rires), c’était un gardien qui a joué 10 ans à l’Ajax avant, et je me rappelais des beaux maillots à l’époque… Bordeaux, c’est une grande histoire de gardiens ! Et c’est bien que Benoit perpétue la tradition des grands gardiens à Bordeaux.

     

    Benoit Costil et Paul Bernardoni

     

    A Bordeaux, on a également Paul Bernardoni, qui a été prêté une seconde année de suite à Nîmes, et prolongé par les Girondins (tout comme Benoit Costil). Comment pensez-vous que cela va se passer à l’avenir ?

    Justement, j’allais y venir ! Même s’ils s’entendent bien, Paul ne voudra pas être la doublure de Benoit et Benoit la doublure de Paul. Donc tu as deux très bons numéro 1 et tu as prolongé les deux. Vendre Benoit à 33 ans, je ne sais pas. Paul est plus jeune. Ils ne vont pas se retrouver avec une guerre des goals l’année prochaine, parce que ça, dans un vestiaire, il n’y a pas pire. Paul progresse beaucoup à Nîmes, il fait de supers matches, de superbes saisons. Il était moins à l’aise à Bordeaux quand il y a joué. Maintenant, je pense que le garçon a un potentiel. Même s’il y en a un plus jeune que l’autre, de culture, je préfère Benoit, mais c’est mon point de vue très personnel. Pour ce qui est de l’équipe dirigeante et du coach, l’été prochain, il y a un souci ! Mais s’ils ont prolongé Paul et qu’il y a encore Benoit, qui a prolongé aussi, tu vendras peut-être plus facilement un mec de 22 ans qui est international espoir, qu’un mec de 33 ans. Je n’en sais rien. Ou alors c’est le moment, si Mandanda arrête, de vendre Benoit à Marseille, enfin mon rêve sera réalisé ! Mais là, en juin prochain, vous allez avoir un souci à gérer, à moins qu’ils aient déjà un plan, ce qui est possible. C’est bizarre de prolonger deux numéros 1 potentiels alors qu’aucun ne veut être numéro 2.

     

    Un petit pronostic pour samedi ?

    Ça a fait quoi l’année dernière, 1-1 non ? Paris s’en sort très bien deux fois… et pour Bordeaux s’il y a un nul, ce n’est pas un mauvais résultat. Donc je vais redire 1 partout. Briand pour Bordeaux et Neymar pour Paris.

    Un énorme merci à Jérôme pour le temps qu’il nous a accordé. Ce fut un honneur et un plaisir.