InterviewG4E. Bernard Pardo : « Je dois beaucoup aux Girondins de Bordeaux, ils m’ont relancé. J’y ai découvert un grand club »

    Bernard Pardo n’est passé qu’une seule année aux Girondins de Bordeaux, lors de la saison 1989-1990, une année où il fut vice-champion de France. Mais ce passage a marqué l’ancien milieu de terrain qui en garde forcément un excellent souvenir, et ce même si son aventure s’est mal terminée. Bien sûr, il rejoignit Marseille la saison suivante mais il a toujours su ce qu’il devait au club au scapulaire, un club qui l’a relancé. Il faut aussi savoir que pour ce natif des Bouches-du-Rhône, signer à l’OM était forcément un aboutissement, mais cela se finira également mal à titre personnel puisqu’il se fit les ligaments croisés, ce qui sonna le début de la fin de sa carrière de joueur professionnel. Aujourd’hui, Bernard Pardo tient un commerce à Gardanne, sa ville ne naissance. Ville où il a également des fonctions de conseiller municipal. Il est aussi double greffé du cœur, une histoire qui nous touche tout particulièrement et intimement sur Girondins4Ever. Passé par Brest où il évolua cinq saisons, avec une montée et un maintien dans l’élite, il était la personne idoine pour cette interview de la semaine. Merci Bernard. Interview.

     

    Pour débuter, on va prendre un peu de vos nouvelles. Que devenez-vous depuis la fin de votre carrière de footballeur, et quelles sont vos activités actuellement ?

    Pas mal de choses se sont passées dans ma vie. J’ai été greffé du cœur en 1998. Ça a duré 20 ans. J’ai été regreffé il y a 16 mois, d’un nouveau cœur. À part ça tout va bien. J’ai un commerce depuis 20 ans, chez moi, à Gardanne, avec mon frère et mon fils. Je suis aussi conseiller municipal à la Mairie de Gardanne. Je me suis remarié, avec une charmante femme qui me surveille de près (rires), qui écoute ce que je dis là actuellement. Je peux de nouveau chasser, remarcher. Je vais au stade à Marseille aussi car je suis invité à tous les matches. Depuis qu’ils m’ont regreffé, ça va beaucoup mieux.

     

    On va parler de votre carrière de footballeur. Vous n’êtes passé qu’une saison aux Girondins de Bordeaux, en 1989-1990. Vous souvenez-vous des circonstances de votre recrutement ?

    Oui, je jouais à Toulon et c’était la première année où les Girondins de Bordeaux n’étaient pas en Coupe d’Europe. Le président Bez a décidé de s’occuper lui-même de rechanger tous les cadres, toute l’équipe. Je m’en souviens car quand je suis arrivé à Bordeaux, il y avait quand même Enzo Scifo, Genghini, Stopyra qui étaient interdits de toucher le ballon et qui couraient dans les bois. C’était quand même de gros footballeurs. Pour moi, venir à Bordeaux, qui était le club numéro 1 à égalité avec Marseille, c’était une promotion énorme.

     

    Et du coup, qui vous a fait venir ? Claude Bez ?

    Je crois que c’est Claude Bez, oui. D’ailleurs j’ai une anecdote : lorsque j’ai négocié mon contrat avec Bez, on est tombé d’accord sur le salaire. D’un coup, il me regarde et me demande : « qu’est-ce-qu’il y a M. Pardo ? ». Je lui dis :  « Président, moi j’aimerais avoir une prime si on est champions de France, une prime si on est en Coupe d’Europe et qu’on gagne la Coupe de France ». Il m’a répondu : « C’est bien, j’aime bien les joueurs ambitieux ! Ok, pas de souci ! ». Et je reste encore assis. Il me regarde et me dit : « Qu’est-ce-qu’il y a encore M. Pardo ? », je lui demande si on ne signe rien et là il m’a tendu la main en me disant : « Ça vous suffit M. Pardo ? ». J’ai dit oui et à trois matches de la fin, il m’a convoqué dans son bureau et il m’a donné mon chèque.

     

    Vous avez donc un souvenir spécial de Claude Bez ?

    Un bon souvenir ! Je trouve que c’était un grand président. J’ai eu la chance de côtoyer Claude Bez et Bernard Tapie derrière. Je pense que j’ai connu deux grands Présidents. Je pense que Claude Bez a été un très grand dirigeant à Bordeaux et les gens le regrettent. Depuis Claude Bez, je ne pense pas que ça a été l’idéal pour Bordeaux.

     

    Lors de cette saison aux Girondins, vous avez marqué 2 buts en 49 matchs, vous finissez vice-champion de France et vous êtes de nouveau sélectionné en équipe de France (8 sélections). Est-ce que cette saison est une de vos plus abouties ?

    Oui, je dois beaucoup aux Girondins de Bordeaux. Ils m’ont permis de relancer ma carrière et surtout de redevenir international car je l’avais été une fois. Puis je ne l’ai plus été. À Toulon, j’étais un peu en stand-by et je crois que ce sont les Girondins de Bordeaux qui m’ont relancé, j’en suis même sûr. Donc c’est pour ça que je leur dois beaucoup. Mais malheureusement, on manquait un peu d’effectif. On a été premier durant toute la saison et sur la fin de saison, on a eu quelques joueurs comme Klaus Allofs qui avait un problème de genou, tout comme Piet den Boer. Il nous manquait donc pas mal de joueurs, on n’avait pas assez de banc. Si ça avait été le cas, on aurait pu jouer le titre avec Marseille.

     

    Vous auriez aimé rester plus longtemps à Bordeaux ?

    Disons que je n’ai pas compris ce qui s’était passé. En fin de saison, quand on ne pouvait plus pu être champion à notre retour avec une défaite à Marseille, Claude Bez nous a tous réunis et nous a dit : « Vous êtes tous sur la liste des transferts. Vous êtes tous transférables. Personne n’est irremplaçable ». Et même pour Raymond Goethals, donc on ne comprenait rien à ce qui arrivait. Sur ce fait, je regarde le coach Goethals et il me demande ce que je vais faire. Je lui réponds que je ne sais pas et derrière, il y a Marseille qui me contacte. L’OM était le numéro 1 à l’époque, à égalité avec Bordeaux donc je rentrais chez moi, car je suis marseillais. Je ne suis pas rentré avec du regret. J’ai passé une année merveilleuse à Bordeaux, que ce soit la ville, le club. J’y ai découvert un grand club.

     

    Bernard Pardo
    Photo Icon Sport

     

    Suite à cette saison à Bordeaux, cela devait être un aboutissement pour vous de signer dans ce qu’on pense être votre club de cœur, Marseille, non ?

    Oui, tout à fait. J’avais un peu traîné mes guêtres dans toute la France et me retrouver chez moi, c’était un aboutissement. C’était le club qui venait  de devenir le numéro 1 français, les Girondins de Bordeaux étaient devenus numéro 2. La proposition ne pouvait pas se refuser pour moi. Mais je partais avec regret car franchement, j’avais passé une année merveilleuse.

     

    Aujourd’hui, suivez-vous toujours l’actualité de vos anciens clubs et notamment celle des Girondins de Bordeaux ?

    Oui, tout à fait. Je pense que ces derniers temps, l’instabilité, elle est surtout au niveau des dirigeants. Ils n’arrivent pas à trouver une structure de dirigeants qui est capable de mettre une assise de joueurs. Bordeaux se doit de jouer dans les 3-4 premières places. C’est une place forte du football français et j’espère qu’ils vont le redevenir car Bordeaux mérite d’avoir une grande équipe.

     

    Marseille s’annonce être un prétendant sérieux pour les places européennes. Pensez-vous que Bordeaux puisse prétendre également à l’Europe cette saison ?

    Je pense qu’ils n’ont pas encore un effectif assez abouti. Ils ont trop de résultats chaotiques. Je pense que là ils ont régularisé leur situation puisqu’il n’y a plus qu’un seul actionnaire au club maintenant. Ça vient d’être entériné. Je pense que ça va faire du bien car travailler en binôme, ce n’est pas simple. Je crois que prendre des décisions fermes et définitives pour avancer, cela ne se fait pas en binôme. Il n’y a qu’une personne qui est capable de le faire. Je pense que ça va faire du bien au club.

     

    Qu’est-ce que cela vous inspire, ces investisseurs étrangers qui rachètent les clubs français ?

    Ça se fait de plus en plus et il faut se dire que peut-être que les français ne sont pas intéressés par le football, que les autres misent plus sur les clubs français car ils ont plus d’espoirs de gagner de l’argent.

     

    Est-ce que vous trouvez qu’il y a une différence entre le club des Girondins de l’époque où vous y étiez et celui d’aujourd’hui ? Est-ce que le club a perdu un peu de son prestige ?

    Oui, je pense que quand tu n’es pas qualifié plusieurs fois d’affilée en Coupe d’Europe, tu perds automatiquement de ton prestige. Ça fait combien d’années que Bordeaux n’a pas gagné de titre ? C’est dur car moi quand je suis arrivé à Bordeaux, le club venait d’être auréolé d’un titre de Champions de France. L’année d’après on est vice-champions de France en étant devant toute la saison. Je crois que l’on s’aperçoit que le président Bez était bon.

     

    Que pensez-vous de l’image du club de Bordeaux, souvent décrite comme « Club Med » avec la ville qui est belle, les installations sont bonnes… Vous pensez que cette image est vraie ?

    Mais, sous le temps de Bez, c’était la même chose, ça n’a pas changé. Les installations n’ont pas changé. Le château du Haillan est toujours à la même place. Les stades de foot étaient à peu près les mêmes. Sauf que quand Bez avait quelque chose à dire, il le disait fermement. C’était un Président. Je pense qu’il ne nous aurait pas permis de nous comporter comme des gens du Club Med, je n’y crois pas du tout.

     

    Vous qui avez connu les deux clubs, vous savez qu’il y a cette invincibilité de Bordeaux à domicile qui perdure depuis maintenant 1977… Comment l’expliquez-vous ?

    Je ne sais pas, peut-être qu’ils sont angoissés de venir à Bordeaux. Moi-même, j’avais gagné 3-0 et on avait fait un super match, on les avait bousculés et je pense qu’ils ne s’attendaient pas à ça. Mais disons que cette année, il va falloir faire attention. Cette année, Marseille est conquérant et a une bonne équipe. Bordeaux, je les ai vus jouer et ils ont beaucoup reculé contre Marseille, c’est dommage.

     

    Mercredi soir, les Girondins se déplacent à Brest en Coupe de la Ligue. Le Stade Brestois est un club que vous connaissez bien puisque vous y êtes restés 5 saisons (192 matches, 13 buts). Comment voyez-vous cette rencontre ?

    C’est un club qui a une grosse place dans mon cœur. J’y ai passé les cinq plus belles années de ma vie. Quand on est footballeurs professionnels, à 20 ans, à Brest, c’est merveilleux. On était une dizaine de joueurs du même âge, d’une vingtaine d’années, c’était fabuleux. Sinon, à propos du match, il va falloir que Brest se méfie car ils sont redoutables à la maison. À l’extérieur, ils sont plus chétifs. Mais à la maison, le stade Francis Le Blé n’est pas très grand et ils mettent beaucoup de rythme. Ils vont essayer de les bouger, les bordelais.

     

    On dit que les deux entraineurs Paulo Sousa et Olivier Dall’Oglio ont pour objectif d’essayer, avec les moyens du bord, de produire un beau football, ce qu’ils arrivent plutôt à faire. Êtes-vous d’accord avec ça ?

    Oui, c’est cohérent. Je crois qu’ils sont partis tous les deux sur une ligne d’optique et qu’ils essaient de la conserver, c’est bien joué. Après, quand on va avancer dans la saison, il va falloir être plus réaliste, pour Brest et le maintien, et Bordeaux pour accrocher une place européenne. Un pronostic ? C’est compliqué ! Ils n’ont qu’à faire match nul. Ils iront aux penalties et ils se débrouilleront (rires).

    Merci Bernard !