InterviewG4E. Jean Gallice : « Mon père a véhiculé des valeurs qu’il devrait y avoir aux Girondins : du travail, du labeur, du courage, de l’honnêteté »
Jean Gallice a donné le coup d’envoi de la rencontre de Coupe de France entre le Pau FC et les Girondins de Bordeaux. Jean, fils de René Gallice qui est l’appellation du stade du FCGB par les Ultramarines. Nous avons conversé plusieurs minutes avec ce grand passionné des Girondins de Bordeaux, qui suit de près l’actualité du club, et qui ne s’y retrouve pas dans de nombreux points. Interview.
Qu’est-que vous pensez de la situation sportive actuelle des Girondins de Bordeaux, éliminés de toute Coupes, et classés en seconde partie de classement ?
C’est le lot d’équipes comme ça qui n’ont pas une base très, très forte. L’organisation (tactique), on peut toujours la remettre en question, mais après je pense qu’en termes de valeurs intrinsèques, certainement que c’est une équipe qui n’a pas d’énormes moyens à mon avis techniques, pour pouvoir s’exprimer à un niveau supérieur pour l’instant. Sur ce que j’ai vu à Pau… Je pensais que le long terme, avec les prolongations, ils finiraient par faire céder l’équipe amateur de Pau. En en définitive, rien ne s’est trop passé. Est-ce que c’est un problème d’ordre physique ? Maintenant, avec leurs GPS soi-disant, ils arrivent à tout contrôler. C’est à vérifier. La preuve, on a vu le début de saison de Lyon, on s’est aperçu qu’en termes foncier, la préparation n’avait pas été extraordinaire. Les nouvelles méthodes d’entrainement qui consistent toujours à faire de l’intensif, ça a sans doute été vérifié, je l’espère. Mais je crois qu’à un moment donné, sur un temps de 90 minutes, avoir les capacités de récupération nécessaires pour fournir 120-130 sprints… Ce n’est pas en ne faisant que des sprints qu’on aura cette capacité. C’est comme celui qui veut faire un test de Cooper, qui ne s’entraine qu’en faisant des tests de Cooper, ce n’est pas comme ça qu’il va s’améliorer. Il va falloir qu’il y ait toute une démarche pour permettre d’améliorer sa puissance aérobique, son seuil, et ainsi de suite. Je m’interroge un peu sur ces nouvelles préparations. Si déjà physiquement, on n’est pas très bien, on perd la lucidité au fil des minutes, on commence à commettre des erreurs. Et puis psychologiquement, à ce moment-là, cela peut engendrer pas mal de choses… Accuser le copain de ne pas faire les efforts, tout ça. Quand j’ai joué à Bordeaux, on finissait 12ème, on n’était pas brillants. Dès qu’on avait une série de deux, trois défaites d’affilée, là, on essayait de se responsabiliser au niveau du marquage, les uns les autres. Je ne pense pas qu’en ce moment dans cette équipe il y ait cette solidarité dans l’effort.
C’est ce qui ressort parce qu’au niveau physique, tout semble cadré, avec Paulo Sousa qui a bien insisté sur la mentalité, et non pas le physique.
Si vous êtes moralement cuit… Ensuite, il y a toutes les valeurs du club. C’est peut-être un argument banal, mais on est quand même dans un pays de rugby, où les valeurs d’entraide, d’altruisme, de solidarité sont importantes et ont toujours été l’essence au niveau des Girondins. Même à l’époque de mon père, on savait que quand on venait à Bordeaux, ça allait être du solide, du costaud, et qu’on ne sortait pas des matches la fleur au fusil, qu’il fallait cravacher pour battre les équipes de Bordeaux. Là, je trouve qu’il n’y a pas un joueur d’Aquitaine dans l’équipe, c’est ce qui est un peu désolant. Le centre de formation des Girondins sort des joueurs mais pour l’instant, on ne voit pas trop sur la feuille de match qui en est sorti… Paul Baysse, il ne le font pas jouer. Je l’avais eu au tournoi de Toulon, je trouvais que c’était un gamin qui était pas mal. Après, à Nice, il était bien, et là il se retrouve un peu laissé pour compte. C’est quand même particulier de laisser 3-4 joueurs avec des salaires conséquents, à rester en stand-by. L’ayant suivi, j’ai regardé, et quand je le voyais jouer, il me surprenait même à Nice par son placement, son jeu, sa rigueur, sa maturité. C’est pour ça que c’est assez particulier. Et on ne va pas revenir sur la douceur du Haillan…
Alors, ça, on n’a pas de théorie là-dessus, mais il doit y avoir quelque chose dans l’air, quelque chose de ne pas palpable…
Quand on s’entrainait à Rocquevielle, on n’avait pas ce souci. Les douches marchaient une fois sur trois, on allait se doucher sous un robinet, on attendait chacun son tour, les terrains étaient catastrophiques… C’étaient les conditions d’il y a 40-50 ans. Mais là, il y a tout le confort, tout est prêt, tout est niquel… Et en plus, le fait que ce terrain d’entrainement, à mon avis, soit éloigné du stade, je pense qu’il serait temps de réfléchir à une entité sportive, avec centre de formation, centre d’entrainement et tout ça, au Lac. D’un côté en plus ça préserverait au niveau écologique la nature, ce serait mieux que des constructions. Je pense qu’une unité de lieu, puis envisager une activité commerciale aussi, ce serait plus intéressant. Être loin du stade… A Lyon, ils ont tout rapatrié ensemble, je pense qu’il y a une idée à creuser, justement pour renforcer un peu l’idée du club.
En parlant d’identité club, les Ultramarines sont opposés aux dirigeants et à l’actionnaire, avec de nombreuses affaires, comme celle de la billetterie par exemple.
Je n’ai pas très bien compris au début. Comment ils peuvent artificiellement dire que la tribune est pleine ? On ne peut pas réserver de places… (rires). C’est une stratégie d’imbéciles parce que quand on voit les matches, on voit qu’il y a toujours des places au Sud en fait. C’est particulier. Ce sont des financiers, ils sont là pour faire du pognon… Par contre, au départ de tout ça, penser que c’est un truc rentable… Je pense quand même qu’ils n’ont pas été naïfs à ce point-là ?! En rachetant le club à M6, ils ont dû faire leur calcul et penser qu’ils allaient gagner du pognon là-dessus. En France, pour gagner du pognon avec le foot… Mais c’est toujours le serpent qui se mord la queue, s’il n’y a pas les résultats, derrière, tout s’effondre.
Est-ce que vous vous reconnaissez encore dans ce club ?
De toute façon, d’aller me pointer dans ce stade en pleine pampa… Quand j’étais en 6ème au lycée Montesquieu, on mettait pratiquement trois heures à pied pour aller chercher des têtards dans les marécages du Lac… J’ai gardé une impression, forcément… Alors, allez foutre ce stade là-bas… Après, quand on voit tous les problèmes d’accès… Je viens de discuter avec une date abonnée depuis X années aux Girondins, tout le monde regrette le Stade Lescure. Au moins, c’était en centre-ville, l’évacuation des spectateurs se faisait quand même beaucoup plus vite parce qu’on pouvait partir dans tous les sens. Il y avait quelques problèmes pour se garer mais avec un match tous les 15 jours… Et je trouve que c’est difficile de créer une âme dans ce stade, je le trouve froid, impersonnel, et je vois mal comment on peut arriver à bien l’animer. Ça manque d’âme. Lescure, la façon dont il était ceint, je trouvais qu’au niveau de l’ambiance, c’était quand même plus convivial, plus facile à gérer pour les groupes de supporters… Et il ne faut pas avoir 70 ans pour être sur les hauts des tribunes, bonjour la dégringolade. J’y suis allé une ou deux fois, on a l’impression d’être aspirés par le terrain, c’est terrible. Il y a une conjoncture de choses qui font que, je ne vois pas comment ils vont retrouver un crédit auprès du public, de tout le monde, ça me parait difficile.
Vous comprenez également ce conflit entre les Ultramarines et la direction, ainsi que le propriétaire du club ?
D’un côté, ce sont ceux qui défendent les valeurs du football, le football amateur j’ai envie de dire. Parce qu’un professionnel, c’est un ancien amateur qui se met à gagner du fric. Les valeurs du football pour les supporters, c’est le football en tant que jeu populaire, jeu où tout le monde peut s’exprimer en étant joueur ou en étant supporters, en défendant les couleurs de son club.
Que pensez-vous de ce qui est fait dans le cadre d’un partenariat/jumelage proposé aux clubs amateurs, par les Girondins de Bordeaux ?
Je me suis fait expliquer, ça me parait aussi bizarre. A Lyon, les clubs pros de Lyon versent des sommes à la mairie, et ce sont les clubs, avec ce fonds qui est collecté par la mairie de Lyon, qui retrouvent cet argent… La mairie fait des appels à projet, et les projets sont financés par ce fonds. C’est à peu près exactement l’inverse de ce que fait Bordeaux, donc ça parait particulier là-aussi. Ils demandent quelque chose comme 1500€, mais peu importe la somme… Il doit y avoir 250-300 clubs en région Aquitaine, et en plus je ne vois pas comment des clubs qui sont du côté de Poitiers peuvent être concernés par ce partenariat… Mais admettons que cela fasse 200 clubs à 1500€, je ne vois pas ce que ça peut rapporter au club. Peut-être quelques mois du salaire d’un joueur, et jusqu’à 100000€ ça doit être un joueur moyen, puisque les bons doivent être à 300000 (rires), hors charges.
Ce stade est peut-être froid, il n’a pas encore d’âme, mais il a quand même un joli nom populaire dirons-nous…
Disons que je n’y suis pour rien là-dedans (rires). Ça a été soumis au vote. Si la reconnaissance de mon père s’est faite, je pense qu’elle était justifiée. Je pense que quelque part, entre sa vie de footballeur à Bordeaux, sa vie de commerçant, son passé d’ancien combattant… Il a véhiculé des valeurs qui ressemblent à celles qu’il devrait y avoir au club au niveau des Girondins. Du travail, du labeur, du courage, de l’honnêteté. Par contre, on peut se poser la question de comment M6 a pu vendre le club à ces mecs-là. Je ne sais pas quelle est la part de responsabilités de M6, mais ils devaient savoir que les garanties de ces gars-là, s’il n’y avait pas de résultats, elles s’effritaient complètement. Et évidemment, les Ultramarines ont dénoncé ça bien avant que ce soit signé. C’est justement pour ça ! Alors, où est le coupable ?
Merci à Jean Gallice pour ce témoignage.