InterviewG4E. Mauro Cetto : « Par rapport à leur histoire, les Girondins méritent de revenir en haut du classement, de rejouer un rôle important »

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    Mauro Cetto, aujourd’hui âgé de 38 ans, a été capitaine du prochain adversaire des Girondins de Bordeaux lors de la première journée de Ligue 1 2020-2021 : le FC Nantes. International argentin des moins de 20 ans, le défenseur central de métier est arrivé en France à l’âge de 19 ans et a évolué six saisons chez les Canaris. A l’approche de ce derby de l’Atlantique (vendredi 19 heures, sur Telefoot), nous avons voulu parler de son rapport avec les Girondins de Bordeaux, lui qui les a affrontés à de nombreuses reprises en France au cours de sa carrière, que ce soit avec Nantes, mais également Toulouse (quatre saisons) et Lille (une saison). Un grand merci à Mauro pour le temps qu’il nous a accordé, sa sympathie, et la qualité de ses réponses, dans un français impeccable. Bravo ! Interview.

     

    Vous êtes arrivé en France, à Nantes, à l’âge de 19 ans. Nantes est l’un des rivaux des Girondins de Bordeaux, ce duel que l’on appelle « le derby de l’Atlantique ». Est-ce qu’on vous a fait sentir cette rivalité à votre arrivée ?

    Disons qu’à l’époque, je me suis très vite informé de quels étaient les derbys pour Nantes. Il y avait deux clubs qui ressortaient du lot. Bien évidemment, un de ces clubs était Bordeaux, l’autre était Rennes, au vu de la distance qu’il y a entre Nantes et Rennes. C’est clair que le derby de l’Atlantique, c’était Nantes-Bordeaux et ça je l’ai su très vite.

     

    D’autant que votre second club en France était Toulouse, un autre rival territorial des Girondins ?

    Oui, tout à fait (rires). Là aussi c’était bien marqué. J’ai la possibilité de jouer ces deux derniers face aux Girondins. Du côté de Toulouse, c’était vraiment marqué. Pour eux, c’était le seul derby de Ligue 1 à l’époque et le match le plus représentatif, le plus important pour les supporters, c’était celui-là.

     

    Lors de la saison 2008-2009, vous finissez 4ème avec Toulouse. Le Champion, cette année-là, est les Girondins de Bordeaux. Quels souvenirs gardez-vous de cette équipe ?

    J’ai le souvenir avant tout que c’était une grande équipe. Je me souviens bien que l’on avait souffert lorsque l’on avait joué chez vous notamment. Je me rappelle bien évidemment de l’année extraordinaire qu’avait faite Yoann Gourcuff à l’époque. C’était sûrement, du moins pour moi, la meilleure année de sa carrière. Je garde ce souvenir que c’était une équipe qui jouait bien au football, qui était dure à battre. Notre gardien à l’époque, c’était Cédric Carrasso, qui est parti chez vous l’année suivante.

     

    Vous avez également connu, lors de cette fin de cette saison-là, le départ de Cédric Carrasso, qui est devenu une idole aux Girondins. Quels souvenirs gardez-vous de lui et quel regard portez-vous sur sa carrière ?

    L’année où il a été avec nous, il était impressionnant. Cette saison-là, il a peut-être été le meilleur gardien de Ligue 1, ou pas loin. Malheureusement, on n’a pu profiter de lui qu’une seule saison, on aurait aimé qu’il reste avec nous. Mais j’ai très bien compris son idée de partir jouer la Ligue des Champions. Pour moi, ça reste un très bon souvenir d’avoir joué avec lui. C’était quelqu’un de très calme, posé dans les vestiaires, mais très énergique sur le terrain. Il était impliqué au niveau du leadership, tout ce qui concerne l’envie, la représentation du club, du groupe sur le terrain, on le voyait vraiment. Mais en dehors, il était super calme, tranquille. Je garde un très bon souvenir car cette année-là, il avait été décisif avec nous, il avait joué un rôle important pour cette 4ème place avec Toulouse. Par rapport à sa carrière, je pense qu’il a fait une carrière énorme, en jouant à Marseille aussi, en étant appelé de temps en temps en équipe de France. C’est un gardien de très haut niveau.

     

    Mauro Cetto
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    Durant votre carrière, avez-vous eu la possibilité de signer un jour aux Girondins de Bordeaux ?

    Je n’ai pas de souvenir d’avoir eu des approches avec Bordeaux. En tout cas, c’est un club contre qui j’ai joué énormément de fois, avec Nantes et Toulouse. C’était toujours des matches spéciaux pour moi. C’est un club que j’ai toujours aimé. J’aimais l’ambiance, la ville où je suis allé aussi. C’est un club représentatif en France, par rapport à son histoire et son palmarès. Je ne me rappelle pas avoir eu des approches mais j’aurais bien aimé en tout cas.

     

    Quelle image avez-vous des Girondins de Bordeaux ? Est-ce qu’il s’agit toujours pour vous d’un grand club, malgré le fait que l’image se soit quelque peu dégradée ces dernières années ?

    Oui, forcément, avec les résultats actuels, l’image se dégrade. Mais cela arrive dans tous les clubs qui enchaînent des mauvais résultats pendant quelques années. L’image commence à se dégrader mais par rapport à son histoire, Bordeaux reste un grand club de France, dans le Top 5-6. Je pense que c’est une question de temps. Par rapport à leur histoire, ils méritent de revenir en haut du classement, de rejouer un rôle important dans le championnat. Sûrement que cela va bientôt arriver.

     

    Bordeaux et Toulouse ont été rachetés par un fonds d’investissement américain. Que vous évoque ce genre de rachat ?

    A une époque, on entendait beaucoup qu’il y avait la possibilité que des gens de l’extérieur viennent racheter des clubs et maintenant, c’est devenu une réalité. C’est de plus en plus commun et notamment, l’arrivée des américains qui viennent acheter en Europe. A Toulouse, on ne sait pas encore ce que ça va donner, on peut avoir confiance. A Bordeaux, je sais que pour les résultats ne sont pas les meilleurs et que l’ambiance avec les supporters et leurs rapports avec les actionnaires ne sont pas top. Mais encore une fois, c’est dû aux résultats. Dans le football, qu’on le veuille ou pas, l’humeur de tout le monde est déterminée par les résultats et rien d’autre. L’arrivée d’investisseurs étrangers amène de nouvelles dynamiques, mais à un moment donné s’il n’y a pas de résultats, c’est difficile à tenir.

     

    Vous qui êtes en Argentine, est-ce qu’on connait les Girondins de Bordeaux là-bas ?

    Disons qu’on n’en parle pas beaucoup. On connaît car il y a eu des argentins au club. Il y en a qui est très connu ici et qui a passé de bons moment à Bordeaux, c’est Fernando Cavenaghi, notamment. C’est un joueur très reconnu en Argentine car il a joué à River Plate. Par rapport à ça, Bordeaux a pris un peu plus de notoriété ici en Argentine. Après, c’est vrai que quand dans ton effectif, tu n’as pas de joueurs argentins importants, ici, on n’en parle pas énormément.

     

    Mauro Cetto
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    Pendant plusieurs années, Bordeaux avait un partenariat avec le Proyecto Crecer, sa filiale argentine, et cela s’est arrêté en début d’année 2020. Vous qui étiez directeur sportif en Argentine à Rosario, trouvez-vous que les clubs argentins manquent de partenariats avec les clubs européens ?

    Je pense que l’Argentine continue tout le temps à faire sortir de bons joueurs. Avoir un lien entre des clubs européens et l’Argentine, ça sera toujours bénéfique pour les deux équipes. Le club aura un bon joueur et pour nous, ici, c’est important de pouvoir vendre en Europe. Ça devient de plus en plus difficile de vendre en Europe, en ce moment, il n’y a que les très bons qui vont là-bas. On va continuer à travailler, la matière prime. Les joueurs, ici, on les aura tout le temps. Je pense que ce qu’avait Bordeaux avec ce club en Argentine était bon. Bien sûr qu’il n’y aura pas de miracle, il n’y a pas de Messi tous les ans. Mais les bons joueurs, on en a et on en aura tout le temps.

     

    Il y a eu de nombreux argentins qui ont évolué aux Girondins et qui ont marqué la mémoire des supporters. Il y a notamment Fernando Cavenaghi, qui a été champion de France en 2009… que pouvez-vous nous dire sur lui ?

    Cavenaghi, je le connais un petit peu. C’est quelqu’un qui a fait une énorme carrière. Ici en Argentine, il a été très bon à ses débuts à River, il a gagné énormément de titres. Il est revenu à River pour terminer sa carrière. Entre temps, il a joué en Russie, à Bordeaux… Il a fait une carrière énorme et gagner un titre avec Bordeaux, ce n’est pas quelque chose qui arrive aussi facilement. Il a réussi. Je sais qu’il est dans la mémoire des supporters à Bordeaux, je sais que vous l’aimez beaucoup. Ici à River aussi, il est très aimé. River, c’est un des deux plus grands clubs d’Argentine et être aimé dans ces grands clubs, ça marque quand même.

     

    Il y a un autre argentin à qui on pense particulièrement, notamment à l’approche des matchs face à Nantes, c’est Emiliano Sala, qui a joué pour les deux équipes. Quels souvenirs gardez-vous de lui ?

    Je ne le connaissais pas personnellement, mais le temps passe et on le regrette de plus en plus. Malheureusement, il était au top de sa carrière et il n’a pas eu le temps d’en profiter. Ni de sa carrière, ni de sa vie. Les souvenirs que l’on a de lui ou en tout cas de ceux qui l’ont côtoyé de près, c’est que tout le monde parle d’un garçon ultra charmant, gentil. Ça me fait toujours de la peiner de parler à lui, de penser qu’il a fini comme ça. Malheureusement, la vie s’est très rapidement terminée pour lui, mais les souvenirs resteront sûrement pour toujours.

     

    A Nantes, vous avez également joué avec un ancien bordelais, Jérémy Toulalan, qui a joué durant l’ère Jocelyn Gourvennec. Que pouvez-vous nous dire sur lui ?

    Jérémy, j’ai eu l’occasion de jouer de nombreuses années avec lui à Nantes. D’entrée, on voyait que c’était un joueur impressionnant. C’était sans doute un des meilleurs milieux défensifs avec lequel j’ai joué. Pareil pour lui, il a fait une énorme carrière en équipe nationale. Je pense qu’il a arrêté un peu tôt mais c’était un choix. Après, par rapport à tout ce qu’il a pu montrer durant sa carrière, je pense qu’on aurait pu lui donner plus de chances en équipe de France. Mais je pense qu’il a marqué son époque, au milieu de terrain. Je garde aussi de très bons souvenirs parce que c’était une bonne personne aussi.

     

    Samedi, Nantes et Bordeaux s’affrontent pour la première journée de Ligue1. L’ambiance est particulière avec les restrictions sanitaires dues à la Covid. Comment imaginez-vous la reprise des matchs en France, dans ce contexte ?

    Disons que l’on a vu déjà un peu avec la Ligue des Champions et l’Europa League, qu’au niveau football, ça ne change pas grand-chose mais qu’au niveau de l’ambiance, ça manque. Ça manque de ne pas voir les supporters au bord du terrain, les ambiances après un but ou des situations de jeu importantes. Le football sans supporters ce n’est évidemment pas la même chose. Mais en même temps, on n’a pas choix, on est obligé d’attendre et il n’y a que le vaccin qui changera tout ça. Vous, en France, vous avez la « chance » de pouvoir revoir du football car nous, ici en Argentine, on n’a pas encore cette chance-là. On va devoir attendre au moins un mois ou un moins et demi avant que le championnat ne reprenne. Donc disons qu’il faut essayer d’en profiter du football sans supporters en espérant qu’ils puissent revenir au plus vite.

     

    Avec la Covid, de nombreux joueurs de Nantes seront absents pour ce match. Cela fait un sacré désavantage pour les canaris, pour débuter cette nouvelle saison

    Oui, sans doute. Après, ça sera quelque chose de récurrent, je pense. On va se retrouver souvent avec des joueurs absents à cause de la Covid. On espère que ça sera le moins souvent possible car c’est important de toujours avoir les meilleurs joueurs sur le terrain. Mais il va falloir s’habituer à ça aussi. Si l’idée est de continuer malgré tout le championnat, on va devoir s’habituer à voir des équipes avec des absents.

     

    Un pronostic pour ce match, vendredi ?

    Je n’ai rien contre vous (rires), mais par rapport à ce que me dicte mon cœur, j’espère que le FC Nantes gagnera. Mais j’espère surtout que l’on va revoir du bon football pour cette reprise, qu’on retrouve la normalité, petit à petit, et que le football qui fait tant de bien aux supporters et à tout le monde, revienne très vite.

    Merci Mauro !

    Mauro Cetto
    (Photo by Antoine Fruges / Icon Sport via Getty Images)