InterviewG4E. Laurent Fournier : “Je souhaite bonne chance à mon pote Alain Roche (rires). Ce sont les résultats qui vont définir la stabilité et la suite des clubs”

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    Dans notre esprit – qui est loin d’être parfait, on vous l’accorde – Laurent Fournier était plus identifié Paris Saint-Germain. Certainement parce que c’est avec le PSG qu’il remporta le plus de titres : Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupse en 1996, Champion de France (1994), vainqueur de la Coupe de France (1993, 1998), de la Coupe de la Ligue (1998), du Trophée des Champions (1995), mais également de nombreuses finales et titre de vice-Champion de France. Pourtant, c’est bel et bien à l’Olympique Lyonnais que Laurent Fournier a joué le plus de matches en tant que professionnel, mais également par qui il a été formé, lui qui est natif de Lyon. Dans cette carrière de joueur de près de 18 ans, avec uniquement des clubs phares de notre championnat, celui qui compte trois sélections avec l’Equipe de France est passé une saison par les Girondins de Bordeaux, en 1994-1995. De nombreux sujets en rapport avec le club au scapulaire seront traités dans notre entretien de la semaine. Merci à Laurent pour le temps qu’il nous a accordé. Nous souhaitons qu’il retrouve un club rapidement, lui qui a également, du haut de ses 56 ans, une grosse expérience avec des passages dans de nombreux clubs français. Interview.

     

    Vous avez joué à Bordeaux durant une saison en 1994/1995. Vous souvenez-vous comment vous avez été approché pour jouer en Gironde ?

    Je suis arrivé après le titre du PSG. Je ne m’étais pas mis d’accord avec le Paris Saint-Germain et vu la saison que Bordeaux avait faite avant avec Rolland Courbis et l’arrivée de Toni, l’entraîneur, Bordeaux voulait faire quelque chose pour concurrencer le PSG. On s’était mis d’accord alors. Après, ça a été un peu compliqué parce que l’entraîneur s’est fait virer, on a fini 7ème du championnat et on a pu jouer la Coupe Intertoto.

     

    Quelle image aviez-vous du club à cette époque ?

    Celle d’un grand club, avec toutes les belles équipes qu’il y a eu, comme Marseille, Lyon ou Saint-Etienne. On se rappelle surtout de l’ère Bez, Couécou, Jacquet, et des joueurs comme Tigana, Müller, Giresse. C’était un honneur de pouvoir rejoindre un club qui avait connu pas mal d’épopées européennes et de continuer ce qui avait été fait avant. Je crois que quelques années avant, Bordeaux était descendu en deuxième division, un peu ce que vivent à un moment tous les grands clubs, comme Saint-Etienne. C’était intéressant aussi de travailler au Haillan qui est une belle structure. C’était pas mal !

     

    Vous intégrez alors un groupe composé de grands joueurs en devenir, à savoir Duga, Zidane, Liza, qui réaliseront une épopée historique en Coupe de l’UEFA l’année qui suit. Quels souvenirs gardez-vous de ce groupe ?

    C’était un groupe qui avait l’habitude de travailler avec Rolland Courbis. Après, le groupe a eu des difficultés à travailler avec plus de rigueur de la part des entraîneurs portugais. Moi, ça ne me dérangeait pas parce que j’avais eu Artur Jorge, juste avant au PSG. Après, le talent de Dugarry, Lizarazu et Zidane commençait à exploser. On avait une belle équipe, même une très belle équipe. Je pense que la mayonnaise avait du mal à passer et c’est sûrement pour ça qu’on a fini 7ème, parce qu’au début de championnat, je crois qu’on était dans les 3 premiers. Après, il y a eu pas mal de petits pépins et ça a été plus compliqué.

     

    Cette saison-là, le club était présidé par Alain Afflelou. Avez-vous des souvenirs particuliers avec lui ?

    Il n’était pas très présent. C’était surtout Benguigui, le directeur sportif qui était surtout là. Après, le président avait manqué d’un peu de rigueur par rapport à ce que j’avais connu avant, dans des clubs comme Paris ou Marseille. Mais c’était un club bien structuré, qui avait de l’ambition, avec des joueurs talentueux. Quand vous voyez ce qu’ont été capables de faire Dugarry, Zidane ou Liza, je crois que ça veut dire que Bordeaux avait bien travaillé. Mais ce n’était pas l’heure qu’ils explosent, ça l’a fait après.

     

    Vous n’êtes resté qu’une saison à Bordeaux, souhaitant repartir à Paris. C’est parce que la mayonnaise n’avait pas pris, comme vous le disiez tout à l’heure, que vous n’êtes pas resté plus longtemps ?

    Non, parce qu’il y a eu l’arrivée de Muslin comme entraîneur. J’ai participé à la Coupe Intertoto au départ pour qualifier Bordeaux en Coupe de l’UEFA. Paris voulait que je revienne et au milieu, on se marchait un peu dessus, avec Daniel Dutuel. Il y a eu la possibilité pour Bordeaux de me transférer, donc c’est pour ça que je suis parti. Après, quand vous êtes trop au milieu c’est compliqué, quand vous avez l’ambition de jouer, parfois il vaut mieux partir.

     

    Vous avez fini votre carrière de joueur à Bastia. Cette année-là, les Girondins finissent champions de France, lors de la dernière journée, au Parc des Princes. Est-ce que vous vous souvenez de cette saison et de cette équipe bordelaise ?

    Comme j’étais joueur au départ à Bastia puis entraîneur, je n’ai pas beaucoup de souvenirs de Bordeaux parce que je ne crois pas les avoir affrontés avec Bastia. Je me rappelle que Bordeaux avait été gagné son titre au Parc et qu’ils étaient en concurrence avec Marseille. Ils avaient fait une saison pleine, ils méritaient leur titre.

     

    Depuis que vous êtes entraîneur, avez-vous eu l’occasion un jour de venir sur le banc bordelais ?

    Non, jamais. Je suis resté sur la région parisienne et ensuite j’ai eu la chance d’aller à Strasbourg, à Auxerre. Après, Bordeaux, c’est un grand club, il faut avoir de l’ambition. Actuellement, ils sont en pleine restructuration mais je n’en ai pas eu la possibilité.

     

    Vous avez entraîné Clément Chantôme, à Poissy, qui a également joué sous les couleurs bordelaises. A Bordeaux, il a fait de bons débuts avant de s’éteindre un peu… Comment expliquer qu’il n’ait pas eu la carrière qu’on lui prédisait ?

    Je ne vais pas dire qu’il n’a pas eu une belle carrière parce qu’il a quand même joué avec Ibra et avec Paris, il a gagné des titres. Après, comme je le dis souvent, quand vous jouez à Paris ou à Marseille, il y a une telle pression… C’était un très bon joueur, techniquement, il était bon et au PSG, il était souvent titulaire. Et parfois, le fait de changer de club et devoir s’adapter, c’est dur. Je me rappelle que pour moi en arrivant à Bordeaux après le PSG, au départ, c’était difficile, même si j’ai fait une de mes meilleures saisons en termes de buts. Ça dépend de l’environnement dans lequel on tombe et peut-être que pour lui, Bordeaux ça a été compliqué.

     

    La crise économique actuelle rend la gestion des clubs de football très difficile et vous êtes un des premiers concernés. Les stades sont vides et les droits TV ne sont pas là. A Bordeaux, il y a actuellement 30 postes qui seront supprimés et le président Longuépée a annoncé au début du mois un déficit possible de 80M€ à la fin de la saison. Comme pour de nombreux clubs, c’est très préoccupant ce qu’il se passe actuellement. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

    C’est compliqué ! Je souhaite bonne chance à mon pote Alain Roche (rires). Ce sont les résultats qui vont définir la stabilité et la suite des clubs. Après, 30 personnes, c’est énorme ! Je pense que toutes les personnes qui vont être licenciées aiment le club. Des fois, c’est compliqué à accepter. Quand on est dans une situation comme ça, avec le COVID, c’est difficile à gérer. Mais sincèrement, j’espère que Bordeaux va s’en sortir. Je regarde surtout le niveau sportif et en ce moment, ils sont sur une pente ascendante avec trois victoires de suite, ce qui n’était pas arrivé depuis longtemps. Je pense qu’il faut qu’ils continuent de travailler et ça doit redonner le moral à tout le monde, même si pour les personnes qui vont être licenciées, ça va être difficile à accepter.

     

    Vous avez parler d’Alain Roche justement, qui a pris les fonctions de Directeur Sportif aux Girondins. Il arrive dans des conditions difficiles, qui l’étaient déjà même avant la crise dû COVID. On sait que revenir à Bordeaux lui tenait à cœur, après son expérience à Paris. Comment vous le voyez dans son nouveau rôle à Bordeaux ?

    Je le vois bien ! Je crois que son téléphone sonne souvent. Après, quand on voit ce qu’ils sont capables de faire au niveau sportif en ce moment, c’est très bien. J’avais lu 2-3 articles sur lui disant qu’il avait redonné un peu d’espoir et le sourire au club. Dans un rôle de directeur sportif, c’est compliqué, on ne peut pas être pote avec tout le monde. On ne peut pas faire plaisir à tout le monde. Je crois que son expérience à Paris l’a fait progresser. Sincèrement, j’espère qu’il va réussir à trouver l’argent et vendre les joueurs pour amener le déficit en dessous des 80M€ annoncés. Ce rôle lui va bien, il l’a eu à Paris où c’était plus compliqué. Là, on a l’impression qu’on le laisse travailler plus sereinement. Son expérience à Paris va lui faire du bien.

     

    Pour amener de nouveaux joueurs dans le groupe, on a une autre option, celle de s’appuyer sur le centre de formation. Cela peut permettre de pallier l’absence de certains profils dans le groupe professionnel, à défaut d’avoir l’argent pour recruter. Mais cela peut être aussi un risque de leur donner trop de responsabilités, à la fois pour l’équipe et le jeune. Vous qui avez vécu ça en tant que joueur qui a débuté sa carrière à l’âge de 16 ans, puis en tant qu’entraîneur, comment bien gérer l’intégration des jeunes dans le groupe pro ?

    En les encadrant bien ! Avec des joueurs comme Koscielny, Baysse ou encore Briand, ils sont encadrés pour passer ce cap-là, en restant toujours dans le respect du foot et du club. Moi, j’ai commencé à 15 ans, j’étais avec des joueurs comme Tigana, Moizan, Serge Chiesa ou comme Yves Chauveau qui vous encadrent et vous permettent de passer ce cap-là. Après, l’état d’esprit des jeunes a changé. Il va falloir qu’ils écoutent. Peut-être que l’année prochaine, ça sera eux qui seront sur le devant de la scène et qui permettront aux Girondins de sauver leur peau financièrement. Il y aura peut-être un transfert d’un joueur qui explose. Je pense qu’il faut beaucoup travailler sur l’état d’esprit en centre de formation actuellement. Si vous avez des jeunes avec un très bon état d’esprit et qu’ils sont bien entourés, ça peut être bon.

     

    Aujourd’hui, c’est Jean-Louis Gasset et son staff qui est aux commandes du groupe. L’objectif est de redonner confiance à tout le monde et remettre l’équipe à un niveau du classement qui correspond plus au club et son histoire. Que pensez-vous du travail qu’il mène depuis quelques mois à Bordeaux ?

    Ça a été compliqué au départ. J’entendais que son équipe était nulle, surtout en début de saison. Je crois qu’après, il a remis les pendules à l’heure. On disait que Bordeaux n’arrivait pas à gagner plusieurs matchs de suite, là on a vu que Bordeaux l’a fait. Ils ont eu une belle victoire à Nice 3-0 qu’ils ont confirmé 2-1 contre Angers ce weekend, c’est bien. Ça permet de revenir autour de la 7ème place. De travailler dans une bonne ambiance et une ambiance de victoires, ça prouve que dans le staff et dans la direction, ils sont sur la bonne lignée.

     

    Que pensez-vous du groupe actuel des Girondins de Bordeaux, notamment de nos défenseurs centraux, Laurent Koscielny et Paul Baysse ?

    C’est l’expérience ! Pour encadrer les joueurs et dans les moments difficiles, ils sont là. Quand vous êtes solides défensivement et que vous arrivez à aller gagner, ne pas prendre de buts à Nice par exemple et surtout en en mettant 3, ça prouve qu’il y a du talent. On voit que la mayonnaise commence à bien prendre devant. Après, c’est la gestion du groupe et si le groupe adhère au travail de l’entraîneur, vu les qualités des joueurs, je pense que ça peut être l’équipe de la deuxième partie de saison.

     

    Hatem Ben Arfa est arrivé à Bordeaux il y a quelques mois. Que pensez-vous de son arrivée à Bordeaux et de son apport à l’équipe ?

    Je pense que c’est un plus. Quand vous avez un joueur de talent comme ça qui est capable de vous décanter des matchs, comme il l’a fait cette saison, à des moments difficiles, je crois que c’est toujours intéressant pour le groupe. Après, le joueur a mûri depuis ses passages à Lyon et au PSG. Il a surtout envie de s’éclater. On le voit dans son attitude, sa façon d’être, ce n’est plus le Hatem Ben Arfa d’il y a 6-7 ans. C’est un mec qui a envie de se mettre dans le collectif et d’apporter énormément au club. Je crois qu’il a dû aussi murir avec ses expériences à l’étranger et il est revenu à Bordeaux dans de bonnes conditions.

     

    Otávio, notre milieu défensif, s’est rompu le tendon d’Achille la semaine dernière. Cela va grandement handicaper l’équipe dans la mesure où aujourd’hui nous n’avons personne pour le remplacer. Que pensez-vous de ce joueur ?

    Je pense que c’était le métronome des Girondins. On n’est jamais à l’abri de blessures. Il y a sûrement des joueurs qui peuvent dépanner au milieu des défenseurs, ou alors il faut changer d’options, de jouer à 5… Je crois que le coach que vous avez a l’habitude de maîtriser toutes les options tactiques. A lui de trouver la bonne solution. C’est vrai qu’on est déçu quand un joueur se blesse, surtout quand c’est un élément essentiel. Maintenant, c’est aux autres qui se plaignaient avant de ne pas jouer de démontrer qu’ils sont indispensables et qu’ils peuvent apporter autant que l’a fait Otávio jusque-là.

     

    Vendredi, Bordeaux se déplace à Lyon, qui s’est bien relancé dimanche soir face à Saint-Etienne, après une petite période creuse. On imagine que ce match a dû permettre aux Lyonnais de reprendre un peu de confiance. Comment voyez-vous ce match ?

    Ça va être un test pour les Girondins. Quand vous êtes sur une série de 3 victoires, vous arrivez à Lyon avec beaucoup d’ambitions, sans pression. On sait que Lyon est favori avec le PSG pour le titre de champion. Hatem Ben Arfa aime bien jouer contre ses anciens clubs aussi… Lyon, avant ce match contre Saint-Etienne avait perdu contre Metz donc dans le football, tout est possible. La confiance fait beaucoup. Les attaquants de Bordeaux sont capables de poser des problèmes à l’équipe lyonnaise. Après Lyon, offensivement, c’est très fort. Je crois qu’il va falloir être solide, comme l’a fait Metz. Ils sont venus, ils ont attendu et ont réussi à marquer le but qui leur a permis de remporter ce match-là.

     

    Un pronostic ?

    Sur les 3 derniers matchs de Bordeaux, on sent qu’il y a une montée en puissance, mais je vais dire Lyon parce que je pense qu’ils ne veulent pas refaire le match qu’ils ont fait contre Metz. Après, Bordeaux a toutes ses chances, en faisant comme à Nice, en marquant d’entrée et en finissant proprement. Je pense que Ben Arfa est capable de tout et sur un match comme ça, il peut décanter la rencontre.

    Merci Laurent, @ bientôt !