InterviewG4E. Le point complet de Florian Brunet sur le contenu de la réunion à la mairie

    La réunion à la mairie, comme si vous y étiez. Florian Brunet, porte-parole des Ultramarines mais également de nombreux sympathisants qui se reconnaissent dans leurs combats, a fait le point sur le contenu de cette réunion de mercredi à la mairie de Bordeaux. Vous y découvrirez plusieurs informations sur ce qui y a été dit, sur ce que la direction des Girondins de Bordeaux a concédé, et sur quoi les discussions vont continuer dans les jours et semaines à venir. Tout ceci sur le fond d’un retour prochain – en toute sécurité – au stade des supporters, espéré pour le début de la saison prochaine. Interview.

     

    Quel est ton ressenti à froid de cette réunion ? Est-ce qu’on peut dire que le mot « constructif » est le mot résumant le mieux cet échange ?

    « Constructif, c’est peut-être un peu tôt pour le dire, mais pour toute construction, il faut une première pierre. Aujourd’hui (mercredi, ndlr), dans cette volonté de fonctionner, d’essayer de créer un nouveau contrepouvoir autre que les supporters, en essayant d’inclure les anciens joueurs et le pouvoir politique, c’est peut-être une première pierre intéressante. Maintenant, il faut voir ce que ça donne. Mais à froid, je suis encore plus satisfait quand je vois le communiqué de la mairie qui grave dans la roche les engagements qui ont été donnés devant témoins, et d’ailleurs que le club essaye déjà de minorer en disant par l’intermédiaire d’une de ses représentantes, que le changement de logo est uniquement pour les 140 ans du club… Non, non, nous ne parlons pas que des 140 ans, et Thomas Jacquemier a été très clair là-dessus, nous parlons d’un logo pour les 140 ans qui se pérenniserait. Qu’ils ne commencent pas déjà à changer ce pourquoi ils ont ouvert la porte. On est très satisfait du communiqué de la mairie qui sacralise les avancées du jour ».

     

    Par rapport à la mairie, quelles ont été les relations avec Pierre Hurmic, notamment avec le passif que tout le monde connait ?

    « La relation politiques-supporters est pour nous philosophique dans le sens où un club de football n’est pas une entreprise comme une autre, c’est un bien commun. Il est du devoir du pouvoir politique de protéger les biens communs. A partir de là, tout Pierre Hurmic qu’il est, on ne peut pas lui fermer la porte. S’ils ont la volonté d’agir, c’est ce qu’on leur demande. Ils ont, à nos yeux, l’obligation de s’inquiéter du devenir d’un bien commun. On n’a jamais coupé les ponts avec Pierre Hurmic. On a toujours eu une relation très franche, on se connait très bien depuis très longtemps, on a eu déjà de très fortes divergences notamment lors de la construction du Stade René Gallice. On a des relations avec lui comme on en a avec Nicolas Florian, avec l’ensemble du paysage politique bordelais. Evidemment qu’on a été déçus par ses promesses préélectorales non tenues après son élection. Mais il n’est jamais trop tard pour se racheter, il n’est jamais trop tard pour être utile. A partir du moment où il comprenait nos exigences de participer à cette réunion sans la présence de Longuépée et Poupard, il n’y avait aucune raison que l’on n’y aille pas. Aujourd’hui, il a été utile. Il nous a épaulés sur la question du logo, très fermement. Il nous a épaulés sur la question de faire sortir du bois Ehrmann. Il est très inquiet du retour au stade, et sur l’ensemble des sujets on s’est retrouvé et le communiqué de la mairie est très satisfaisant, beaucoup moins creux que celui de la première réunion, d’ailleurs. Ce qui est très important, c’est qu’il grave les engagements qui ont été pris aujourd’hui. Bien sûr, on n’est pas dupes du jeu politique, on ne l’a jamais été. On ne l’était pas en juin, on s’est toujours méfié, on n’a jamais espéré quoi que ce soit, on ne croit que ce qu’on voit. Mais aujourd’hui, il a fait le taff. On est très contents de lui aujourd’hui, on sera peut-être très en colère contre lui dans quelques mois, mais… Certes, il nous a promis des choses lors des élections en demandant le départ de Longuépée, il n’y est pas arrivé, et en même temps nous non plus. On lui a rappelé qu’on aurait aimé qu’il mette un peu plus de véhémence sur la durée. Il n’a rien fait de si terrible qui nous empêche aujourd’hui d’associer le pouvoir politique à l’inquiétude que l’on a tous, parce que c’est son rôle ».

     

     

    Tu as souligné l’investissement d’Alain Giresse lors de cette réunion. Comment s’est-elle matérialisée ?

    « Alain Giresse a été très agressif et véhément sur le logo. L’une des représentantes du club, que je n’ai pas envie de citer pour ne pas lui donner une importance qu’elle ne mérite pas, a défendu ce logo. A tel point que je lui ai dit que si elle ne me croyait pas, qu’elle écoute alors Alain Giresse qui était meurtri dans son cœur. Alain Giresse a fait part avec conviction de sa grande colère vis-à-vis de ce logo, du mensonge qui a été utilisé à ce moment-là quand Longuépée a dit que les anciennes gloires avaient participé à son élaboration… Alain Giresse a été très véhément sur cette question-là, et il a compris tous nos désidératas. On a été déçus qu’il ne quitte pas la réunion précédente avec nous, mais on s’en est expliqué aujourd’hui, et il s’en est excusé. Il l’a regretté, et quelque part, cela a été une bonne chose d’en discuter aujourd’hui, et d’oublier ce moment, par le biais de ses excuses. Alain Giresse, depuis le départ de ce conflit, est l’un des anciens joueurs les plus réguliers, qui s’investit le plus, et qui a été à nos côtés aujourd’hui ».

     

    Est-ce que les autres anciens joueurs, François Grenet, Lilian Laslandes, voire Ulrich Ramé, ont été sur cette même ligne de conduite ?

    « Ulrich Ramé nous a expliqué le travail qu’il faisait actuellement, à savoir renouer le lien avec les clubs amateurs. On lui a dit ‘ah, tiens, vous ne les faites plus payer ?’. Encore une chose qu’on avait pointé du doigt, et pour laquelle on avait raison. Il nous a expliqué ce lien qu’il essaye de recréer d’une voix très douce, très calme. On a rebondi là-dessus en lui disant qu’il fallait faire revenir au stade tous les jeunes des clubs amateurs. Il faut que ces milliers d’enfants qu’on avait à Lescure, et qu’on a de moins en moins à Gallice voire pratiquement plus, reviennent au stade. Et il faut rouvrir la plaine du Haillan. Là, François Grenet et Lilian Laslandes nous ont beaucoup épaulés sur cette question-là, et ont conforté l’idée que l’identité des Girondins de Bordeaux était son esprit famille, populaire, son ouverture à l’extérieur. Lilian et François ont été très clairs là-dessus, cela fait partie de l’identité du club, et le bunker qu’on est en train de faire au Haillan n’a pas lieu d’être… Ce n’est pas comme ça qu’on va avoir demain des futurs supporters, et également des futurs joueurs car parmi tous les gamins qui viennent au stade et au Haillan, il y a beaucoup de supporters, et quelques joueurs en devenir. Toutes nos grandes gloires sont passées par ce chemin-là, ont commencé à aller au stade en étant invités ».

     

    Revenons sur les trois points qui ont dirigé cette réunion. Le premier est celui de faire sortir Daniel Ehrmann du bois, chose qui n’a jamais été faite depuis l’arrivée de King Street puisqu’aucune communication n’a été effectuée par le fonds d’investissement.

    « C’est le moindre des respects que peut nous témoigner Daniel Ehrmann. C’est un message que l’on se tue à faire passer depuis le départ. Alors, Thomas Jacquemier a beau nous expliquer que ce n’est pas dans la culture des fonds d’investissement, mais là aussi Pierre Hurmic a été assez véhément sur ce sujet, et nous très véhéments. Il est complètement scandaleux que le propriétaire du bien commun que sont les Girondins de Bordeaux, ne s’exprime pas et ne soit pas transparent sur la situation actuelle, sur l’avenir à court à moyen terme. Thomas Jacquemier nous a en tout cas promis de faire le maximum pour que Daniel Ehrmann parle au peuple girondin. Je ne dis pas que c’est sur ce point-là qu’il est le plus optimiste, mais tout le monde était d’accord pour dire que ce serait la moindre des choses de communiquer. Thomas Jacquemier s’est engagé à essayer de le convaincre ».

     

    Sur le deuxième point qu’est le logo, qu’a-t-il été dit ? Est-ce qu’un changement est uniquement possible pour l’occasion des 140 ans ?

    « Thomas Jacquemier a été, sur ce point-là, le plus optimiste. Lui, il associe ça aux 140 ans, très bien. Mais ça va bien au-delà de ça. Dans la discussion, c’était bien clair que ça devait aller au-delà de ça. Là aussi, Pierre Hurmic a été très offensif, et évidemment Alain Giresse qui a été très agressif. On peut espérer que le club, sur toutes nos revendications, commence à accéder à celle-ci. Maintenant, encore une fois, ce ne sont que des paroles, mais qui sont cependant gravées dans la roche, qui les engagent. Il faudra rendre des comptes, et pas qu’à nous, mais au pouvoir politique et à tous les gens présents à cette réunion. Nous, de toute façon, on a continué inlassablement de faire part de nos revendications. Evidemment, on savait très bien que ça ne servirait à rien de parler de la démission de Longuépée pendant deux heures, mais on a quand même rappelé longuement pourquoi nous ne pardonnerons jamais à Frédéric Longuépée. Nous avons expliqué longuement pourquoi nous ne travaillerons jamais avec Arnaud Poupard ».

     

    On vient donc à la troisième revendication, à savoir la sécurité au stade lorsque le public pourra revenir…

    « On a surtout alerté sur la dangerosité de la situation. L’ensemble des supporters va vivre un moment historique, même si on ne sait pas encore quand. On vit un moment historique depuis un an, et on va en vivre un autre qui sera notre retour au stade. Sur ce retour, nous sommes extrêmement inquiets. Ça a été un très long sujet. On espère encore que les stades vont s’ouvrir en début de saison prochaine. Le pronostic d’août, pour l’instant, tient toujours, et août, c’est déjà demain. Si le stade ouvre demain aux supporters, on est sur une bombe à retardement. Je connais parfaitement ma tribune, les gens qui la composent, j’y ai grandi, je connais son caractère, sa personnalité. Je sais que la colère des gens ne sera plus maitrisable, surtout par rapport aux messages qui ont été véhiculés récemment, en donnant raison aux supporters marseillais après les événements de la Commanderie. Nous, on lutte d’une manière digne, structurée, parfois professionnelle, dans un combat de longue haleine depuis maintenant septembre 2019, et on n’est pas suffisamment écoutés… On n’a pas obtenu suffisamment satisfaction. Ça, c’est un message qu’on a envoyé dans l’inconscient ou le conscient des gens. Les gens nous le remontent et nous disent ‘regardez, notre méthode n’est pas la bonne ! Les méthodes violentes, visiblement, payent beaucoup mieux !’. On sent tout ça, et aujourd’hui, on a peur de ne plus pouvoir maitriser les gens. On ne trouve plus rien à leur dire… On a mené toutes les actions possibles et imaginables, avec une dignité exemplaire. Et aujourd’hui finalement, les avancées sont encore très faibles. On est sur une bombe à retardement pour un retour au stade ».

     

     

    Il y a des revendications par rapport à ce retour au stade, notamment au niveau de l’organisation comme le camion de matériel qu’il faudrait pouvoir de nouveau rentrer, la liberté d’expression, et aussi les stadiers, la présence de David Lafarge…

    « Ça a été un grand sujet. Tout le monde est inquiet. Nous les premiers, mais pas que nous. La police est très inquiète. Le maire est très inquiet. Tout l’environnement du club est très, très inquiet. On a essayé de préparer cela, car il faut déjà le faire. On a expliqué ce qu’il fallait faire pour que ce retour au stade se passe sans débordements. Evidemment, l’histoire du camion qui transporte notre sono, nos drapeaux, notre table de vente ; tout notre matériel. Ce camion, cela fait des décennies qu’il rentrait à Lescure, puis à René Gallice, sans le moindre problème. Et au contraire, au niveau de la sécurité, c’est beaucoup mieux qu’il rentre. Frédéric Longuépée, avec ses méthodes de petit dictateur, nous a enlevé ce pseudo avantage, tout en se retranchant derrière la Préfecture. Ce fut très drôle parce qu’on est en relation avec la police évidemment, on travaille avec eux depuis des décennies. La police est très mécontente que ce camion soit dehors parce qu’en termes de sécurité, c’est très dangereux. Si on imagine un Bordeaux-Marseille ou Bordeaux-Paris, avec des supporters adverses tout autour du stade, avec un camion qui décharge à l’extérieur… Ça pose un vrai problème de sécurité. Sur ce point, on va dire que le club a cédé, mais ça coule de source. Mais pour nous cela reste une concession très mineure. Le deuxième point, c’est la liberté d’expression. Cela fait plus de 20 ans que nous l’avons acquise. Là, on a longtemps expliqué que lors des 20 dernières années, Bordeaux a été un exemple pris dans toute la France au niveau de la coopération entre le club et ses supporters ».

     

    Cette collaboration est née d’un Bordeaux-Lorient en 99…

    « Oui, le responsable sécurité de l’époque était Bernard Lafaye, qui était un vestige de l’ère Bez, qui avait lui aussi des méthodes très dictatoriales. Après quelques fumigènes, il nous avait envoyé des stadiers pour nous mâter par la force. Ce jour-là, il y avait eu plus d’une dizaine de personnes hospitalisées. J’avais été lynché, comme de nombreux supporters, et des stadiers avaient été blessés aussi. C’est sans aucun doute les plus grands incidents connus au Parc Lescure dans son histoire. De ce jour-là est née la genèse de cette magnifique collaboration. David Lafarge était le bras droit de Bernard Lafaye. David connaissait très bien le Virage, il y venait étant jeune, et on commençait doucement à lui faire confiance car il avait un relationnel pertinent. Après ce Bordeaux-Lorient, on a demandé la démission de Bernard Lafaye, que l’on a obtenu, et on a demandé à ce que ce soit David Lafarge qui le replace. C’est ce qui a été fait. A partir de là a commencé à naître une collaboration, chacun était à sa place. Ça n’a pas empêché des moments tendus comme au début des années 2000, où on demandait encore plus d’ambition à M6. On a une petite part de responsabilités, j’en suis persuadé, sur le bon parcours qu’il y a eu dans les années qui ont suivi. Au début des années 2000, on a attaqué violemment M6 sur les ambitions et les années suivantes se sont beaucoup mieux passées. Il y avait eu de grosses frictions avec Triaud, qui avait fait une lettre d’excuses par rapport à des choses scandaleuses qu’il avait dites. On avait eu notamment un jeune qui était mort dans des conditions terribles et Jean-Louis Triaud n’avait pas voulu lui faire une minute de silence, et nous reprochait déjà les fumigènes, et même d’être debout ; il avait complètement pété les plombs et on ne s’était pas parlé pendant un an et demi, deux ans. Il nous avait finalement fait une lettre d’excuses pour renouer le dialogue. Et ensuite sont arrivées les belles années, la Ligue des Champions, les Quinconces où Triaud nous réserve une haie d’honneur, où on va sur la scène avec lui, et puis bien sûr Adieu Lescure. Pour revenir au présent, on a raconté tout ça ce mercredi, en leur expliquant qu’on voulait éviter un nouveau Bordeaux-Lorient. On connait les gens qui composent notre tribune. Ce sont des gens de caractère, qui ont une histoire commune, des gens qui ont une véritable identité, qui ont un véritable amour du club. Nous savons que si notre liberté d’expression est attaquée, il y aura des débordements. Nous savons que si des nouveaux stadiers exercent la sécurité comme s’ils l’exerçaient dans une boite de nuit, nous allons très vite à des débordements terribles. Il faut que le camion rentre, il faut que notre liberté d’expression soit totale, que le service de sécurité actuel et avec qui on a parcouru l’Europe, en qui on a confiance et avec qui on travaille depuis des années, soit là. Un des plus bels exemples sont les incidents à Pau l’année dernière, où ce sont les leaders ultras qui, en rentrant sur le terrain, avec l’autorisation de nos stadiers, ont géré les incidents qui étaient en train de se créer car les palois avaient envahi le terrain, avaient envoyé des projectiles et étaient extrêmement agressifs envers les supporters bordelais… C’est nous, avec les stadiers, qui avons empêché ce jour-là une émeute, à tel point que les stadiers à la fin de ces incidents viennent nous voir et nous disent ‘là, vous êtes des professionnels, sans vous jamais nous n’empêchions cette émeute’. Ces gars-là, on les connait parfaitement, on se respecte, on se fait confiance. Ces gens-là font que depuis 20 ans le Virage Sud est une tribune exemplaire. Il n’y a jamais eu d’envahissement de terrain, de projectiles sur le terrain, de fumigènes sur le terrain… La sécurité à Bordeaux est à montrer en exemple. Et Longuépée a tout détruit, ou en tout cas quelque chose d’important en recrutant un nouveau responsable sécurité, tout en maintenant le titre de responsable sécurité à David Lafarge. Aujourd’hui, on nous a confirmé qu’ils avaient arrêté ce processus de remplacement de notre sécurité. Et ça, c’est extrêmement important. Il va falloir le vérifier dans les faits mais ces dizaines de stadiers à qui on a rendu hommage devant le stade pour Bordeaux-Metz – on leur a fait une ovation – sont indispensables pour la quiétude dans le Virage Sud. Quand pour Strasbourg a été dépêchée une sécurité inconnue venue de Paris, ça a duré 5 minutes… Immédiatement des incidents ont éclaté parce qu’on avait face à nous des gens qui se croyaient en boite de nuit, qui nous parlaient de manière agressive. Et il y a eu de très violents incidents devant des femmes, des enfants, des personnes âgées… Si on touche au service de sécurité, on aura non seulement un nouveau Strasbourg, mais on aura même encore pire. C’est essentiel que les stadiers soient conservés, ils se battent pour rester en place, ils nous respectent énormément. Aujourd’hui, Thomas Jacquemier a pris des engagements là-dessus, dont celui que le service de sécurité ne serait pas remodelé. Sur la liberté d’expression, il y a évidemment une grosse divergence, qui est amusante. Thomas Jacquemier nous dit ‘oui, mais vous allez nous amener des grands messages, des direction démission etc’. La liberté d’expression, ce n’est pas permettre uniquement des messages gentils, sinon ça serait trop facile. Jean-Louis Triaud n’a jamais empêché une banderole contre M6 et même contre lui, de rentrer au stade. Là, il y a un vrai sujet divergent, mais ce n’est absolument pas négociable. Nos messages nous appartiennent. Nous avons gagné cette confiance, et ce droit de s’exprimer. C’est un droit fondamental, qui a entrainé l’histoire de Bordeaux-Nîmes, d’ailleurs. Longuépée avait empêché une banderole de rentrer, et cela a entrainé un tout petit mouvement de foule qui a fait paniquer l’arbitre, qui a arrêté le match pendant une demi-heure, pour finalement que Longuépée soit obligé de faire rentrer ces banderoles. Mais c’est un vrai sujet. Un groupe humain a le droit de s’exprimer sans être contrôlé, sinon ce n’est pas de la liberté d’expression. Sur ça donc, il y a toujours un point de divergence, mais qui n’est absolument pas négociable, et qu’il va falloir que le club concède ».

     

    Photo Johann Chanseaud

     

    Toujours sur le registre de la sécurité, il y a également le cas Arnaud Poupard…

    « Jamais on ne parlera à Arnaud Poupard. Jamais. Surtout que non seulement il a remplacé quelqu’un qui a fait un travail extraordinaire pendant 20 ans à nos côtés, qui a été humilié, placardisé, mais il n’y a pas que ça : Arnaud Poupard nous a déjà menti, et dès le début. Il nous avait dit que David ne voulait pas s’occuper de nous. C’est quand même embêtant de vouloir débuter une relation sur un mensonge. Cela a entrainé une scène assez cocasse puisque le jour de l’intronisation de Jean-Louis Gasset, on avait demandé à David si vraiment il ne voulait plus être notre interlocuteur. David, devant tout le monde, et Arnaud Poupard, avait clairement dit que Poupard mentait. Et il y a aussi eu Bordeaux-Nantes… Comment voulez-vous que l’on fasse confiance à quelqu’un qui profite de notre absence pour faire asseoir le Virage Sud, en se retranchant derrière une loi qui n’existe pas ?! Comment peut-on faire confiance à quelqu’un qui, dès qu’on a le dos tourné, vient nous faire les pires saloperies ?! N’envisagez pas une seule seconde que nous discuterons, que nous travaillerons, avec Arnaud Poupard. Alors, on leur amène des pistes, comme celle qu’il s’occupe d’autres tribunes, comme le Virage Nord, mais laissez David s’occuper du Virage Sud si vous ne voulez pas de problème. Car quelle est la plus grande qualité de David ? C’est d’éviter les problèmes. Et il a plutôt une carte de visite qui n’est pas mal car depuis 20 ans, il n’y a pas eu de problème. Le retour au stade sera un moment compliqué, mettons toutes les chances de notre côté, et il faut que David soit présent. Là aussi, ça a interpellé le maire, Alain Giresse, ça a touché tout le monde. Il y avait beaucoup de monde mercredi autour de cette table qui connait David, et qui aime David. Tout le monde est d’accord pour dire que c’est important, qu’il faut mettre toutes les chances de notre côté parce que même en mettant toutes les chances de notre côté, la colère restera encore présente vis-à-vis de Longuépée, de Poupard, du manque d’ambition de ce club, de cette perte d’identité… Ne jouons pas avec le feu car sinon on va tout droit à la catastrophe. On a été très vindicatifs sur cette question-là parce que c’est nous qui allons payer le plus les pots cassés en tant qu’individus. Le club a énormément à perdre, et Thomas Jacquemier le concède. Il sait que des incidents au stade feraient fuir les spectateurs, ça enverrait une image désastreuse. Mais qui rendrait des comptes si ça allait très loin ? Les premières personnes du Virage Sud qu’ira chercher la police, ce sont les personnes qui depuis des années se mettent en avant… Je n’ai absolument pas envie d’aller rendre des comptes par rapport à ça. Mais je connais aussi ma tribune, je sais qu’elle a une très forte identité, et qu’elle ne transigera pas sur ça. Ni sur sa liberté d’expression, ni sur les stadiers, ni le contrôle qu’on a de la tribune. Cela fait 20 ans qu’un stadier n’est pas rentré dans la tribune, depuis 99. Nous gérons notre tribune. Imaginons une bagarre au sein de la tribune, nous allons être plus efficaces que n’importe qui parce que les gens nous connaissent, nous respectent. Une tribune populaire c’est une micro société, extrêmement structurée, hiérarchisée, avec une histoire commune, des valeurs communes. Il faut nous laisser le contrôle de la tribune. Si la sécurité rentre dans la tribune, si un ordre est donné de transgresser cette organisation, nous allons tout droit à la catastrophe. Nous avons aujourd’hui donné tout ce qu’il faut pour que ça se passe bien, tout ce qu’il faut pour que la contestation puisse continuer de se faire sans débordements regrettables, et que nous serons les premiers à regretter ».

     

    C’est important que Bordeaux se distingue par rapport à d’autres clubs, même si on se rend compte qu’en ayant d’autres méthodes, plus violentes et expéditives, les choses avancent beaucoup plus vite…

    « La dignité n’empêche pas de se faire respecter. Je ne défends évidemment pas la violence, mais je connais ma tribune, elle n’acceptera pas d’avoir sa liberté d’expression bâillonnée. Elle n’acceptera pas que la confiance pour son autogestion lui soit enlevée. Elle n’acceptera pas que des nouveaux stadiers se croient en boite de nuit. Elle n’acceptera pas ça, et elle aura raison de ne pas l’accepter. A un moment donné, ça fait deux ans qu’on tient nos troupes, et cela reste des hommes. Quand vous avez utilisé tous les moyens légaux, dignes, non-violents, et qu’il ne nous en reste plus aucun, malheureusement, l’homme finit par tomber dans ses excès. Si malheureusement cette chose terrible arrive, je serai sans doute amené à rendre des comptes. Je ne peux pas ne pas comprendre la colère des gens. Ces gens-là méritent le respect, ils font partie du club, ils ont participé aux plus grandes heures du club, ils ont écrit l’histoire du club. Ces gens-là méritent le respect et il ne faudra pas leur en vouloir si demain il y a des très gros problèmes. On donne toute notre énergie pour que ça n’arrive pas, et c’est pour ça que ça a été un sujet très important mercredi. On alerte tous les gens qu’on peut alerter sur cette question-là parce que personne mieux que nous ne connait le caractère et le tempérament de notre tribune, qui est une tribune fière, une tribune digne. Elle n’en reste pas moins humaine, et elle peut être amenée à un moment donné à péter les plombs, surtout quand on voit le message envoyé il y a quelques semaines : ‘la violence paye’. Evidemment que ce n’est pas Bordeaux, que ce soit la casse matérielle, la violence à l’intérieur du stade ; ce n’est absolument pas Bordeaux. Bordeaux, c’est une manifestation de 3000 personnes où on rend la place Pey-Berland plus propre qu’elle ne l’était. Bordeaux, c’est 700 personnes au Haillan le 13 février, des personnes qui sont dignes, qui sont respectables et qui passent un message fort. Evidemment que c’est tout ça Bordeaux. Mais Bordeaux n’a jamais tendu la joue gauche, et on ne peut pas la tendre quand on va représenter notre ville en Corse, au Kazakhstan, en Russie, dans des contrées européennes très dangereuses, où il nous est arrivé de voir la mort en face. Vous ne pouvez pas être un enfant de cœur pour représenter votre ville aux quatre coins de l’Europe. Ce sont des gens qui ont du caractère, et qui n’ont pas l’habitude de tendre l’autre joue… On fait tout ce qu’on peut pour prévenir ça, pour éviter ça, mais il ne faudra pas nous dire qu’on n’aura pas prévenu. On a donné toutes les cartes, toutes les solutions, toutes les pistes pour que la contestation puisse continuer dans un climat raisonnable. Tout le monde en a été témoin, personne ne pourra nous dire ‘on ne savait pas’ ».

     

     

    Tu as expliqué, mercredi soir, que le salaire de Frédéric Longuépée n’aurait pas été baissé…

    « Ce n’est pas ‘il n’aurait pas’, il n’a pas été baissé ! Il ne sera pas baissé. Ça a été un sujet de cette réunion. On a interpellé tout le monde en disant que c’était complètement scandaleux qu’un PDG d’une entreprise demande à ses salariés de baisser leur salaire, sans montrer l’exemple. On nous a répondu ‘oui, mais il n’a pas pris ses bonus’. Ah, d’accord… C’est censé nous satisfaire, cette réponse ?! Tout le monde a convenu autour de la table – sauf évidemment les collaborateurs de Frédéric Longuépée – que ce n’était pas possible. Et malheureusement, Thomas Jacquemier l’a confirmé, Frédéric Longuépée n’a pas baissé son salaire, et il ne le baissera pas ».

     

    D’autant qu’il y a toujours un danger financier au niveau du club…

    « Il y a toujours un danger d’accident industriel majeur. On a répété à Pierre Hurmic qu’il n’avait pas voulu de ce stade, mais que c’était peut-être lui qui allait hériter de cette patate chaude, avec un club en National 3. Contrairement à ce que disait justement Pierre Hurmic, un dépôt de bilan entraine la perte du statut professionnel s’il n’y a pas de repreneur. Dans ce cas-là, ce n’est plus un dépôt de bilan mais un redressement avec reprise. Ce risque, on a beau nous dire qu’il est minime, on ne peut pas dire qu’il n’existe pas. Pierre Hurmic doit être informé de ça. On a vraiment alerté tout le monde sur la dangerosité de la situation financière. Thomas Jacquemier nous rassure, nous dit que King Street fera le nécessaire et continuera d’assumer… Mais bon, c’est quand même assez légitime de s’inquiéter du désastre parce qu’on est clairement, entre l’endettement et le déficit, à -110M€. Et cette somme grossit tous les mois… La situation reste telle qu’elle est avec le Covid et l’absence de spectateurs, donc tous les mois le club perd de l’argent. Personne ne peut dire avec certitude que King Street continuera d’assumer sans problème jusqu’à la fin des temps… On ne peut pas croire ça. Et à côté de ça, on a explosé le nombre de salariés en passant de 220 à 310, et ça restera toujours supérieur à 2018 même après les départs qui vont se faire. On a fait exploser notre masse salariale… La situation est terrible, et ça a été un long sujet aussi aujourd’hui. On a des joueurs qui sont payés à un niveau qu’on ne payait même pas quand on était en quart de finale de la Champions League ! Le meilleur joueur de l’équipe actuelle est mieux payé que le meilleur joueur de 2010… Et on a des salaires démentiels, au-delà de celui-là. Il y a un vrai risque de désastre industriel et financier, et il est urgent que tout le monde baisse son salaire, à commencer par Frédéric Longuépée. Comment peut-on espérer que les joueurs baissent de manière significative leur salaire – et c’est ce qu’il faut – si le PDG ne montre pas l’exemple ?! C’est inconcevable. Cela touche et inquiète Pierre Hurmic. Imaginez le stade René Gallice avec une équipe en National 3, ou même en Ligue 2… ».

     

    Il y a un risque de descente au niveau financier, est-ce qu’il y a un risque cette saison de descente sportivement parlant ?

    « Il manque deux victoires, bon… Tant qu’on ne les aura pas, il faut rester inquiet, mais la victoire à Dijon a été, pour cette question-là, extrêmement importante. On peut quand même être raisonnablement optimistes, mais on ne nous annonce absolument aucune sortie d’argent pour recruter cet été… Ce sera des recrutements dits ‘très malins’. Alors, ça n’empêche pas d’avoir des bonnes idées… On a toujours dit que faire un bon recrutement, ce n’était pas nécessairement avoir beaucoup d’argent. Mais on ne sent pas des jeunes qui poussent fort, avec tout le respect qu’on a pour eux. Là aussi, ça a été un long débat ».

     

    Oui car beaucoup de sujets importants, comme la sécurité, nous empêchant de parler de sportif actuellement, alors qu’on aimerait tous n’avoir que ça à penser et commenter…

    « On a évidemment parlé du sportif. On est tous tombés d’accord pour dire que ce qui a fait les grandes heures des Girondins, c’est la formation, le sentiment d’appartenance, qui nous a permis de rebondir sur l’importance de renouer un lien avec le peuple girondin, en remettant un logo digne de ce nom. Cette réunion a été extrêmement intense, elle a duré trois heures. On a abordé tous les points et comment on pouvait retrouver notre rang. Eh bien, en reprenant les recettes qui ont marché… C’est mettre le paquet sur la formation, avoir des liens très forts avec les clubs amateurs, avoir les meilleurs joueurs de la région, redévelopper un sentiment d’appartenance qui sera incarné par ces jeunes… Ces jeunes, ce sont eux qui ont écrit notre histoire ; Giresse, Dugarry, Lizarazu, Grenet, Laslandes… Ils étaient tous supporters avant d’être professionnels. Il faut recréer tout ça. Ce sentiment d’appartenance passe par un nouveau logo. Il restera derrière énormément de travail, mais c’est la première pierre qu’il faut poser. Ce nouveau logo permettrait de réconcilier le club avec les gens, et permettrait de commencer à retrouver une identité. Ensuite, il ne faut pas faire payer les clubs amateurs, mais les faire venir au stade. Il faut que tous les gamins de la région viennent au stade, qu’on réentende ces chants aigus qui parfois nous énervaient à Lescure (rires). Cela nous a parfois énervé, mais qu’est-ce qu’on aimait ça au fond, parce qu’on avait tous été à leur place… Les gens que l’on fait venir au stade, ce sont des futurs supporters, et il y en a quelques-uns qui seront des futurs joueurs aussi. Il y a aussi le recrutement local qui fera développer le sentiment d’appartenance. Et évidemment rouvrir cette plaine du Haillan qui est devenue un bunker…  Retrouvons notre identité populaire, familiale : c’est ça Bordeaux. Et tout ça, finalement, c’est du sportif. On s’est tué à répéter qu’on ne demande que ça, parler du sportif. C’est ce Bordeaux-là qui a été sur le toit de l’Europe, avec cette communion entre le club et ses supporters, où tout le monde tirait dans le même sens. Le sportif, c’est la finalité de tout ce dont on a parlé ce mercredi. Vous ne pouvez pas avoir de sportif si votre logo est rejeté par tout le monde, si personne ne s’entend au club, si les supporters sont en conflit avec le club, si vous faites payez les clubs amateurs, si Le Haillan devient un bunker… Tout est lié. Nous, on ne demande que ça, de ne parler que de sportif, j’insiste. Si on ne parle que de sportif, cela veut dire que tous les autres problèmes ont été réglés. L’ambiance qui règne depuis des mois ne mènera à rien, et des joueurs l’ont révélé. Quand Yacine Adli dit que personne ne s’entend dans ce club, qu’il n’y a rien qui va à tous les niveaux, ‘comment voulez-vous que sur le terrain on soit efficaces ?’. Laurent Koscielny a expliqué le malaise aussi, on le sent bien. Beaucoup de clubs ont déjà négocié des baisses de salaires significatives, nous sommes à la traine. Et on entend que certains joueurs ne baisseront pas leur salaire. Mais pourquoi ? Parce que pendant le premier confinement les joueurs étaient au chômage technique, et Antony Thiodet, avec l’aval de Frédéric Longuépée, leur cassait du sucre dans le dos (cf les leaks révélés par les Ultramarines, ndlr)… Voilà pourquoi les joueurs ne veulent pas baisser leur salaire parce que le club, dans leur dos, les a insultés, bafoués… On n’a que ce qu’on mérite, tout est lié ».

     

    Photo Ultramarines

     

    Pour finir sur le sportif, même si l’on connait tous les circonstances atténuantes qu’il peut avoir, Jean-Louis Gasset a-t-il toujours le soutien des supporters et particulièrement du Virage Sud ?

    « On voit bien que ce n’est pas un problème d’entraineur. D’autant plus que cet entraineur-là a une sacrée carte de visite à Bordeaux. On a été témoin de son travail pendant ses années avec Laurent Blanc, et on sait le travail monumental qu’il faisait. On est régulièrement en contact avec Jean-Louis Gasset, et il est humain, il écoute, il est extrêmement respectueux des supporters, et il aime Bordeaux du plus profond de son cœur. Il est très malheureux de la situation actuelle du club. On avait des résultats extrêmement décevants avec d’autres entraineurs, et je ne pense pas que le problème soit l’entraineur, sincèrement. Le problème est avant tout une direction qui ne montre pas la bonne direction, et qui au contraire insuffle un état d’esprit très délétère à tous les niveaux du club, qui ne permet pas à l’équipe de performer. Le problème est là, ce n’est pas Jean-Louis Gasset. Je ne dis pas que ses choix sont toujours compréhensibles, Jean-Louis est comme tout le monde, il fait des erreurs. Mais il est humain, il a un grand cœur, c’est un grand amoureux des Girondins, il a une carte de visite, il a eu des résultats. Ce n’est certainement pas lui le problème, c’est au contraire tout l’environnement du club qui est délétère à cause de cette direction ».