Projet, financement, stade, transferts, équipe opérationnelle, formation, logo, supporters… Bruno Fievet vous dit tout

    Nous rentrons dans une phase décisive pour notre club ; son rachat. Bruno Fievet est le candidat au rachat qui a probablement le plus parlé dans les médias, alors qu’il se dit qu’il est de coutume de rester discret, ce qui est le choix d’autres candidats. Mais à chaque fois que Bruno Fievet est apparu dans les médias, il a toujours tâché d’être le plus honnête, le plus transparent dans la limites des choses qui sont et doivent rester confidentielles. Dans cette interview que nous avons réalisée mardi, Bruno Fievet se dévoile encore plus, et vous donnera bon nombre de détails. Non pas pour « parler trop », non pas parce qu’il « n’a pas l’argent », mais dans un souci d’exposer tout ce qui peut l’être de son projet, et surtout de fédérer, avec pour seul but de recréer un avenir pour les Girondins de Bordeaux. C’est ce que nous avons pu constater dès le premier jour où nous sommes en contact avec lui, au travers ensuite de contacts réguliers, qui ont créé une relation de confiance. Plus qu’une simple relation, nous avons pu constater le sérieux de son projet par de très nombreux documents qui ont été portés à notre connaissance, mais également par des idées qu’il a probablement été le premier à évoquer depuis sa première interview dans les médias, qu’il nous avait d’ailleurs accordée. Nous espérons que vous prendrez du plaisir à le lire, autant que nous en avons eu à l’écouter, presque religieusement, mais sans aucune concession dans les questions posées.

     

    “Avant toute chose, j’aimerais revenir sur des critiques qui se manifestent sur les réseaux sociaux. Il y a surtout celle qui dit que « vous parlez trop ». Pouvez-vous nous en donner les raisons afin que le sujet soit clos ?

    La seule raison pour laquelle je parle, mon objectif unique, il est pour fédérer autour du projet. Localement que ce soient les entrepreneurs avec le Club Scapulaire, les artisans et les commerçants. Avec les supporters que ce soient des Ultras, des supporters « famille » ou des partenaires. Et puis fédérer aussi au niveau de l’écosystème bordelais, c’est-à-dire les politiques, les influenceurs etc… L’important est d’expliquer, de dire qu’en prenant la parole et en essayant d’être pédagogue dans la présentation de mon projet, j’ai voulu attirer autour du projet le plus grand nombre afin d’avoir une sorte de consortium qui puisse manifester son intérêt sur un projet local qui réancre les Girondins avec sa population et dans son environnement. L’important est que cela a fonctionné. Cette stratégie-là est payante parce qu’aujourd’hui je reçois des milliers de messages toutes les semaines des supporters et j’ai joué le jeu de répondre au plus grand nombre. Et on voit bien que les politiques ont manifesté beaucoup d’intérêt pour le projet en le nommant et je cite le maire “raisonnable, responsable et dynamique”. On parlera des clubs que j’ai créé autour, on voit qu’il y a un vrai engouement autour du projet.

     

    Passons maintenant à ce que retient notre attention, le rachat du club. Si l’on a bien suivi, le plan de reprise repose sur trois axes : un fonds européen qui n’entre pas dans l’actionnariat, des entreprises locales (Club Scapulaire), et une association des grands joueurs. Commençons par ce fonds européen, « fonds » étant un mot qui peut faire peur des suites des antécédents que l’on connait…

    Nous, c’est ce qu’on appelle une Sportech, c’est un fonds qui est spécialisé dans le sport et qui n’investit que dans le sport. Donc, le gros avantage est qu’ils en connaissent les risques, ils en connaissent le fonctionnement, les codes, ils en connaissent le fait que la rentabilisation du prêt, de l’apport, ne se réalise pas en un an, c’est quelque chose qui se fait sur la durée. Et puis cette Sportech, elle est déjà investie dans de nombreux clubs de foot et donc ils en connaissent complètement le mécanisme. C’est vraiment un partenaire, ce n’est pas quelqu’un qui recherche du profit rapidement, c’est un partenaire qui a fédéré beaucoup de structures pour le développement du sport. C’est vraiment ce qui m’a séduit dans leur discours. Nous avons affaire à des gens, et je le sais parce que je l’ai vu dans d’autres clubs, j’ai vu comment cela marche, comment ils travaillent… C’est vraiment un modèle qui est vertueux parce qu’il est pour le développement des clubs de foot bien qu’ils ne soient pas exclusivement dans le foot. L’ensemble des sports dans lesquels ils ont investi, ils l’ont fait pour aider les clubs à se développer. C’est pour cette raison que nous avons été vers cette solution parce que même si nous avons aujourd’hui plus de 100 entrepreneurs qui ont rejoint le Club Scapulaire, qui seront des investisseurs locaux, on voit bien qu’on n’arrive pas à lever 100 millions localement, ce n’est pas possible. Donc on est obligés de se tourner vers ce type de structure car personne ne peut mettre de tels moyens à disposition d’un club de foot. On a tous souffert, toutes les entreprises ont souffert, le monde a changé, le monde du football n’est plus celui qui existait il y a un an, l’affaire Mediapro, les stades vides… Tout ça a complètement modifié l’écosystème et a eu aussi un impact sur les entreprises, le Covid est passé par là. Et aujourd’hui, il n’y a pas de structure qui peut mettre beaucoup d’argent dans un club de foot, ça n’existe plus. De toute façon, passer par un fonds c’est obligatoire, et je pense que tous les autres projets qui sont présents, quelque part derrière il y a un fonds, même s’il n’est pas appelé en tant que tel. Je pourrais “tricher” et dire que ce n’est pas un fonds, mais une “Sportech”. Si c’est un fonds de sport, cela reste un fonds.

     

    Comment est-ce possible d’apporter de l’argent sans entrer dans l’actionnariat ?

    Ils recherchent la diversification dans de nombreux clubs et ils ne veulent pas prendre part aux décisions. Ils veulent être dans l’aide, dans l’accompagnement mais ce ne sont pas des décideurs. Ils promeuvent le sport à travers le fonds, c’est ce qui est très intéressant avec eux.

     

    Un fonds qui prête autant d’argent attend forcément un retour. Comment ce retour peut-il s’exercer ?

    Le retour va s’exercer par l’excellent travail qu’on devra mettre en place. Alors certains vont trouver que c’est risqué mais moi je trouve, au contraire, que d’avoir de l’argent qu’on nous prête pour bien travailler et pour rendre une copie propre, c’est le système vertueux vers lequel nous devons aller dans le sport. Aujourd’hui, on l’a vu avec le propriétaire actuel qui d’ailleurs a joué le jeu. On a eu un management dans le club qui a dépensé sans compter que ça soit GAPC sur le sportif et sur les contrats administratifs, puis avec le successeur M. Frédéric Longuépée, avec qui il y a eu beaucoup de dérives sur la partie commerciale et marketing, le logo qui a coûté extrêmement cher… On a vu qu’on avait dépensé de l’argent qu’on avait pas, il suffit de voir le déficit de cette année et le déficit prévisionnel des prochaines années. D’où l’importance de savoir dès le départ dans quelle direction tu dois aller. C’est une chance d’avoir quelqu’un qui te prête pour t’aider à bien travailler, à te restructurer. Je le vois comme ça et dans beaucoup d’entreprises, c’est comme ça que cela marche. Il y a des entreprises qui sont au bord de la faillite, des investisseurs qui mettent de l’argent, cet argent est utilisé pour bien restructurer la société, qu’elle redevienne plus ou moins profitable et qu’elle puisse rembourser la dette qu’elle a emprunté. C’est un système que je connais extrêmement bien dans les entreprises et cela ne me fait pas peur de l’appliquer aux Girondins de Bordeaux. Mais il faudra être performant.

     

    Quelle est l’importance du tissu local avec la création du « Club Scapulaire » ?

    Le Club Scapulaire, cela part d’une discussion avec un de mes amis sur Bordeaux, qui a un très gros réseau. Je lui explique que mon objectif est de fédérer des entrepreneurs et que j’aimerais qu’il soit à mes côtés. J’ai déjà un certain nombre d’entrepreneurs et il faudrait qu’on crée une sorte de “club deal” qui rentrerait dans l’actionnariat des Girondins. C’est ce qui constituera le moteur du développement sportif et économique du club. On se voit, on se parle et on en arrive à la conclusion qu’il faut créer ce club des entrepreneurs qui représentera le liant entre le club et l’entreprenariat Aquitain (partenaire venant de toute l’Aquitaine). On commence à en discuter avec d’autres entrepreneurs et on voit tout de suite un engouement incroyable autour de ça, on est très vite une dizaine, puis 15, et après un brainstorming on décide de l’appeler le Club Scapulaire. On fait un peu de marketing autour, un joli logo, on écrit les rôles du club, les projets sur lesquels on aimerait travailler, et se rejoignent autour de ce club d’autres entrepreneurs locaux. On a fait une séance tout à l’heure (mardi, ndlr), on m’a dit qu’on arrivait à 150, alors que je m’étais arrêté à 100, cela veut dire que ça avance très vite. En deux ou trois jours, on a une cinquantaine d’entrepreneurs qui nous ont rejoint, certains m’écrivent directement ou d’autres contactent le club, il y a le réseau qui se met en route etc… L’idée est que ce club ait une certaine indépendance du projet Bruno Fievet et forcément qu’il pousse pour que ce soit mon projet qui prenne le “lead”. Mais le vrai rôle de ce club est de rassembler et je pense très honnêtement qu’on peut rassembler plus qu’on ne l’a fait. Au final, l’ancrage que l’on veut tous régional, va être piloté par ce club. C’est ce qui le rendra magnifique. Quel que soit le repreneur finalement, en espérant bien sûr que ce sera moi, on ne pourra pas se passer de ce club. Il sera, quelque part, le garant de l’institution. L’institution Girondins de Bordeaux doit prévaloir à tout, à l’actionnaire, au propriétaire, au président, à ses salariés, aux joueurs. L’institution doit redevenir le point central de tout le projet.

     

    Quels anciens joueurs seront associés à la gouvernance du club, et comment cela va fonctionner ?

    Les anciens ne sont pas associés à la gouvernance du club, ils vont avoir un rôle consultatif sur le sportif. Le rôle d’un ancien joueur n’est pas de donner son avis sur les finances du club. Par contre, ils ont toute la légitimité pour orienter dans le développement régional du sport, pour accompagner les clubs partenaires car l’un des objectifs est de développer les clubs partenaires. On en a identifié 12 au niveau régional, 11 au niveau départemental et 18 au niveau de la CUB. L’idée est que ces anciens joueurs nous accompagnent dans les relations avec les clubs, que certains reviennent sur le terrain car il y a une réelle volonté d’aider les Girondins aussi sur la partie sportive, d’amener leur vécu, leur expérience. Ces anciens joueurs doivent nous faire vivre leur vécu, ils doivent le transmettre, le transcrire aux jeunes générations. Il y a quelques jours, je parlais avec Mathieu Chalmé. Moi, j’adore les écouter très honnêtement, car je pense qu’ils ont un vécu qui est tel que ce n’est pas moi qui vais leur apprendre le football, c’est l’inverse. Au départ, j’avais une idée, presque une idéologie, parce que j’ai beaucoup voyagé ces dernières années, j’ai été voir pleins de clubs européens, l’Ajax, Barcelone… Ils ont une identité de jeu et c’est ce que nous devrions travailler aux Girondins dès les plus jeunes. J’en parlais avec Matthieu Chalmé qui me disait “Ca, je ne suis pas sûr”. Il m’indiquait que chez les touts petits, le foot se joue à 5, à 7 et en préformation, d’essayer d’avoir une identité de jeu n’a pas vraiment de sens. Par contre quand il était joueur aux Girondins, ce qui faisait toujours la différence, c’est qu’il jouait toujours pour gagner et je pense qu’il a raison. C’est là-dessus que nous devons réinsister aux Girondins, dans toutes les catégories : on doit réinculquer l’envie de gagner. Aujourd’hui, ça n’est plus la base, on dit aux gamins il faut jouer comme ci, il faut jouer comme ça, prenez du plaisir. Mais si vous voulez former des champions de demain, ils doivent apprendre à gagner quand ils sont petits. La France qui gagne la Coupe du monde en 98, elle gagne la Coupe du monde parce que tous les joueurs qui la composent, sont dans des grands clubs et ils gagnent tous les titres. La France de Michel Platini, d’Alain Giresse, elle n’a rien gagné parce que dans les clubs, on ne gagnait rien. Bordeaux, qui était pourtant le plus grand club de l’époque, n’a pas gagné la Coupe d’Europe. On n’avait pas cette culture de la gagne, comme on l’a eue avec une machine comme Didier Deschamps. Didier Deschamps n’est pas une machine à jouer au football, mais une machine à gagner des matches. Il l’a prouvé en tant que joueur, en tant que sélectionneur et comme entraîneur également. Je pense qu’aujourd’hui aux Girondins, on doit réapprendre avant tout à gagner. On doit la réinsuffler dans le club et en ça je suis très content de cette discussion avec Matthieu Chalmé car il m’a montré que je n’avais pas forcément la bonne vision sur ce que devait être la formation aux Girondins. C’est un détail, mais il est très important car il va conditionner nos jeunes quand ils vont arriver chez les seniors : ils auront cette mentalité de la gagne. Aujourd’hui on le voit, parfois ils n’ont pas cette mentalité-là, ça joue pour jouer mais ça ne joue pas pour gagner.

     

    Donc, dans l’esprit, on oublie l’idée d’imposer une manière de jouer dès les plus jeunes ?

    Par-là, je veux montrer également qu’un projet doit se peaufiner. Vous pouvez avoir une idée mais ce n’est pas vous, en tant que président, qui devez fixer tous les objectifs du club. Dans ce cadre, les anciens Girondins ont tout leur rôle à jouer car ils vont apporter ce savoir, on va les écouter et quelque part on va faire progresser le club au travers de leurs paroles. Mais malheureusement depuis des années ils n’ont pas été consultés, écoutés et aujourd’hui le club est dans l’état qu’il est sportivement et administrativement, parce qu’on n’a pas sur leur faire la part belle.

     

    Y a t-il autre axe du projet que vous souhaiteriez mettre en avant ?

    Il y a un axe dont je ne parle pas souvent mais qui est hyper important. Je n’en parle pas souvent parce qu’il marche très bien, ce sont les féminines. Il ne faudra pas négliger les féminines et surtout ne pas s’endormir sur ce qui a été fait. Le football féminin est au début de son histoire. Dans 3-5 ans les salaires vont exploser, les droits télé vont exploser et les transferts vont exploser. Aujourd’hui, Bordeaux a la chance d’être troisième et va jouer la Champions League féminine mais on est encore trop faible sur la formation. Ulrich a mis des choses en place mais on est encore trop faibles sur ce point et il ne faudra pas que dans 3 ou 5 ans nous dépendions des transferts parce qu’au moment où ils vont devenir trop chers, ce sont les clubs formateurs de jeunes joueuses professionnelles qui vont tirer leur épingle du jeu. Si on ne passe pas ce cap très rapidement, on va redevenir comme chez les seniors, dépendants des transferts, dépendants d’une masse salariale qui va exploser car nous allons devoir acheter des joueuses confirmées qui vont nous coûter cher et du coup nous allons perdre l’avantage que l’on a gagné aujourd’hui en étant troisième, on va le perdre au profit de clubs qui auront bien travaillé sur la formation des jeunes féminines. C’est un projet important qui induit malheureusement que les Girondins de Bordeaux ont aujourd’hui un centre d’entraînement qui est exceptionnel en termes de situation, avec le Château… mais la partie non visible de l’iceberg ce sont les installations pour les jeunes. Il faudra très vite remédier à ça pour qu’ils aient au niveau des féminines et des garçons des installations dignes d’un club comme les Girondins de Bordeaux. L’un ne va pas sans l’autre, vous ne pouvez pas avoir le sportif qui marche bien si vous n’avez pas les infrastructures pour accueillir vos jeunes joueurs et les attirer. Un jeune joueur qui va visiter votre centre, si ce dernier est limite délabré, le gamin va préférer aller dans un club où on va lui proposer des installations de meilleur niveau. Il ne faut pas dissocier l’infrastructure de la partie sportive.

     

    Le changement de logo, est-ce une priorité dès l’arrivée au club ?

    Le changement de logo, on y a déjà travaillé et vous êtes bien placés pour le savoir car nous vous avons montré les plaquettes. On a travaillé sur une plaquette de 6 logos et chaque logo va être décliné dans plusieurs possibilités. On fera une sorte de referendum auprès des supporters, on l’a déjà montré à des anciens joueurs (Lilian Laslandes, François Grenet, Pierre Ducasse, Matthieu Chalmé). Chacun a une idée, le logo qui plait beaucoup aux anciens est celui qu’ils ont eu sur leur maillot, il leur rappelle leurs heures de gloire. Mais également ceux d’avant quand ils étaient supporters du club. On fera une concertation auprès de tout l’écosystème bordelais avec une présentation de plusieurs logos. De cette concertation, un choix sera fait. On reviendra, bien évidemment au fondamental FC Girondins de Bordeaux, on fera en sorte de retrouver ce qui constitue notre ADN, le scapulaire, les demi-lunes de la ville et notre bleu marine. Mais autour de ça, on peut avoir des choses très différentes entre modernisme et vintage. On a 6 idées de logos que nous pouvons décliner en plein de choses. Nous avons également des fans des Girondins qui nous ont montré des choses intéressantes. Nous n’allons surement pas imaginer détenir la vérité et on va essayer d’aller vers un logo qui apporte le plus de motivation à tout le monde, le plus d’identification à l’ensemble des supporters.

     

    Quelle importance auront les supporters dans ton projet ?

    La place du supporter est forcément primordiale que ce soient les Ultras, qui ont joué pleinement leur rôle toute la saison avec des manifestations et on l’a vu encore plus sur les derniers matchs. Pour en avoir parlé avec des joueurs, ils ont été hyper sensibles aux manifestations qui ont été organisées par les Ultras. Dons ces derniers ont un rôle prépondérant dans un club de foot et forcément aux Girondins de Bordeaux. Mais après c’est l’ensemble des supporters qui doit être traité de manière optimale par le club parce que sans les supporters, les clubs de foot ne sont plus rien. On l’a vu, quelle tristesse les stades vides, quelles difficultés pour les joueurs de se motiver. On peut imaginer que Paris a perdu le titre par absence de supporters et donc par absence de motivation, lissant ainsi le niveau entre les clubs de Ligue 1. D’habitude Paris termine avec 10 points d’avance et là on voit qu’il y a 4 clubs qui se tiennent en 4 ou 5 points, donc forcément que la non-présence des supporters a joué un rôle. Il faut redonner au supporter l’envie de revenir aux matches, il faut lui proposer un spectacle et il faut aussi qu’il soit traité de manière tout à fait convenable par le club. Il doit être concerté quand besoin de concertation il y a, que ce soit sur le logo ou autre chose. Le club doit aider les supporters dans les manifestations que ce soit sur la création de grands tifos… Il doit y avoir une vraie discussion entre le club et ses supporters sur des sujets plus sensibles comme les fumigènes, certaines manifestations, pour que tout se passe dans la bonne entente. On fera très attention aux supporters d’où l’idée d’avoir un club des anciens pour faciliter la discussion entre les supporters et le club. C’est un point également fondamental, il y a des gens qui veulent jouer ce rôle dans les anciens. Je parle beaucoup avec Benoit Trémoulinas qui est adoré des Ultras, qui aime aussi les Ultras parce qu’il a été un ancien Ultra. Un garçon comme Benoît a forcément sa place dans le paysage du club alors qu’aujourd’hui il a été mis un peu de côté par le club, et on le voit à la télé avec des prises de position où il n’est pas forcément d’accord avec ce qui se passe. L’important est de rétablir le dialogue, d’avoir une concertation et que le club aide aussi les Ultras dans les manifestations et d’autres groupes de supporters d’ailleurs car j’ai crée le club des artisans et commerçants, qui est au départ une association de supporters avec un objectif simple : remplir le Virage Nord. Beaucoup d’artisans m’ont contacté et nous avons une cellule pilote qui en quelques jours a récupéré une cinquantaine de membres, ce qui correspond déjà à 200 abonnements. Mais on sait que nous aurons une cinquantaine de cellules en tout donc environ 10000 abonnements, ce qui devrait changer le visage du Virage Nord, qui en a besoin.

     

    Chez certains supporters, il y a la phrase qui revient « il parle trop », mais il y a aussi « il parle trop parce qu’il n’a pas les fonds ». Alors, la question est simple ; avez-vous les fonds pour racheter le club, et quelle est ta stratégie ? A savoir si vous avez prévu d’aller jusqu’au redressement judiciaire ou non ?

    Est-ce que j’ai les fonds ? Oui, sinon je n’aurais pas déposé un dossier auprès de la Banque Rothschild. Je confirme déjà que j’ai déposé un dossier auprès de la Banque Rothschild, qui atteste d’une grande partie des fonds, et il y en a encore certains qui vont arriver puisque le club des entrepreneurs est un club qui est en perpétuelle évolution, avec des nouveaux adhérents tous les jours. Il y a un business plan qui a été créé, qui est très conservateur. J’entends par là qu’il va falloir réduire la masse salariale aux Girondins. J’ai déjà expliqué que ce n’était pas un manque d’ambition, mais que c’était une obligation. Bordeaux a l’un des budgets les plus élevés et certainement le budget le plus élevé par rapport à sa place au classement. Cela montre bien que l’argent ne fait pas tout et que ça passera par d’autres actions. Donc, oui, on a l’argent et de toute façon c’est une évidence pour avoir parlé avec certaines instances, dont la DNCG. Si vous n’avez pas l’argent au moment de la reprise du club, le club repart en Ligue 2. Croyez-moi qu’avec l’amour que j’ai pour le club, si je veux me porter acquéreur du club, ce n’est pas pour qu’il reparte en Ligue 2. Donc oui, on a l’argent pour supporter le déficit prévisionnel des prochaines années, et le ramener sur des chiffres tout à fait acceptables en termes de gestion. Concernant la stratégie, redressement judiciaire ou pas, aujourd’hui je ne peux pas tellement en parler. Ce qui va conditionner qu’on aille au RJ ou pas, ce sont les discussions qu’on aura avec le propriétaire et les créanciers. Il est clair qu’aujourd’hui c’est encore King Street et le créancier Fortress, qui ont la main. Si personne n’arrive à s’entendre avec eux, ça ira au redressement judicaire. Si un des repreneurs arrive à s’entendre avec eux, à la fin il deviendra le propriétaire, et il n’y aura pas de redressement judiciaire. C’est aussi simple que ça.

     

    Evidemment, le plan ne se limite pas au rachat. On a une vision à beaucoup plus long terme, donc il y a à prévoir une baisse des dépenses dans les années à venir, mais il y a aussi à budgéter ces mêmes années. 

    J’ai un plan sur dix ans. Au-dessus ce n’est pas possible, et déjà à dix ans, c’est très long. Dans le football, on a toujours une mauvaise année tous les quatre ans, à peu près. Bon, en ce moment, on a plutôt une mauvaise année tous les ans… Mais l’idée, c’est ça. Même Paris qui a forcément budgétisé sur une victoire en Ligue 1, pour eux c’est forcément une moins bonne année. Lyon, qui est traditionnellement qualifié en Ligue des Champions, ne va jouer que la Ligue Europa. Il y a toujours une année tous les quatre ans, qui est une mauvaise année. Donc vous ne pouvez pas faire un budget sur trois ans, puisque vous devez déjà considérer que sur les dix prochaines années, vous en aurez deux moins bonnes. Il faut avoir une vision à long terme. Après, la vraie complexité, ce sont les trois-quatre prochaines années. C’est celles-ci qui seront difficiles, car on part avec un déficit prévisionnel qui est assez important. Juste une parenthèse, parce qu’on a beaucoup critiqué Frédéric Longuépée sur sa gestion, et j’avais été le premier à dire en mars 2020 qu’il fallait prendre tout de suite des mesures parce que le Covid allait apporter une crise économique qui allait perdurer après la crise sanitaire ; on est en plein dedans. On m’avait répondu à l’époque par voie de presse que je disais ça parce que j’étais jaloux. Finalement, je n’avais pas si tort que ça, et le club, au travers de Frédéric Longuépée, a pris un certain nombre de mesures avec un plan social, des départs au niveau des coaches, avec des fins de contrat non renouvelées… Tout ça a pour effet d’améliorer quand même les chiffres futurs du club. Pas suffisamment à son sens, mais la dynamique a quand même été inversée par rapport aux années GACP, et c’est quand même très important de le noter. Si aujourd’hui on était dans une dynamique aussi négative qu’il y a deux ans, le club n’aurait aucune chance de s’en sortir. Il faut savoir qu’il y a deux ans, le club a dépensé 124M€ de trop. Ca montre à quel point le club était en surrégime financier. Aujourd’hui, je ne peux pas dévoiler les chiffres parce que je suis sous contrat de confidentialité, même s’ils ont été un peu donnés dans la presse, mais ils sont quand même sur la bonne direction. Il va juste falloir continuer ce travail pour que le déficit prévisionnel soit le moins important possible.

     

    C’est là qu’on arrive à l’idée des Salary Cap.

    Oui, pour nous, c’est un objectif très clair. C’est ce qui va vous donner la direction pour maitriser la masse salariale, maitriser le nombre de contrats. Aujourd’hui, il y a beaucoup trop de joueurs sous contrat aux Girondins, avec une flopée de joueurs qui ne joueront jamais en Ligue 1, mais qui sont sous contrat parce que sous l’ère GACP on a dit qu’il fallait faire du trading de joueurs. Mais le trading, on le sait, ça ne marche pas, et ça ne marchera jamais. Ca ne permet que d’enrichir les agents, et pas d’enrichir les clubs. Il faut arrêter avec cette vision courtermiste de dire qu’on va former des joueurs pour les vendre. Il faut arrêter d’acheter plein de joueurs moyens pour essayer de faire d’eux des chevaux de course, ça ce n’est pas possible. En plus, quand vous faites ça, vous bouchez complètement l’avenir de votre propre jeunesse, parce qu’ils voient bien qu’-au-dessus d’eux il y a déjà 40 contrats professionnels, et qu’ils n’auront pas leur chance. Du coup, aucune chance qu’ils s’identifient aux Girondins et qu’ils aient envie de rester au club. C’est une idéologie qui est meurtrière pour les clubs de foot. On doit revenir à un nombre de joueurs limité, une trentaine environ, à voir avec les besoins de l’entraineur et en fonction des jeunes qui peuvent monter ou non. Il est bien évident qu’il faudra compléter les effectifs avec des jeunes à un moment donné dans la saison, et les pousser. L’objectif est évidemment d’utiliser la formation, ce qui a été bien fait cette année. On peut reprocher des choses à Jean-Louis Gasset, mais on ne peut pas lui reprocher de ne pas avoir lancé bon nombre de jeunes. Et quelque part, ce sont les jeunes qui nous sauvent sur cette fin de saison. Pour revenir au salary cap, il y aurait quatre classes. D’abord, les stars : zéro, une, ou deux. Aujourd’hui aux Girondins on en a deux, Laurent Koscielny et Hatem Ben Arfa. Est-ce qu’ils ont assumé leur statut de star ?! Oui, non, chacun jugera. Ensuite, on a les titulaires : des joueurs comme Ben Costil, Youssouf Sabaly, Otávio, Pablo avant qu’il parte, Hwang Ui-Jo devant. Eux, on doit leur mettre un salary cap plus bas que les stars, et qui soit acceptable. Aujourd’hui, certains de ces joueurs ont des salaires à 160-180000€, et c’est inacceptable pour un club comme Bordeaux. On doit revenir pour les titulaires à un salary cap acceptable. Ensuite, il y a les joueurs de la rotation, ceux qui jouent régulièrement mais qui ne sont pas annoncés comme des titulaires : Rémi Oudin, Nicolas De Préville… Aujourd’hui, ces joueurs de rotation sont payés comme des titulaires, voire même comme des stars. On a un vrai problème. Et enfin, il y a les jeunes, qui doivent avoir un salaire de jeunes. Ce qui est intéressant là-dedans, c’est que vous savez ce que vous devez faire pour aller chercher le salaire au-dessus. Si vous êtes un jeune, vous devez rentrer dans la rotation pour avoir le droit à un salaire de tant par an. Si vous êtes dans la rotation, et que vous voulez avoir un salaire de titulaire, il faut devenir titulaire. C’est un cercle vertueux. Et le gros avantage de ça c’est que quand vous commencez à discuter avec un joueur dans la période de transferts, s’il vous dit ‘je veux bien venir aux Girondins mais je veux 200000€’, eh bien on le raye, et on passe à un autre joueur. On ne passe pas du temps à faire venir un joueur qui ne rentre pas dans les limites qu’on a fixées. Ca a un effet positif parce que d’abord vous ne perdez pas de temps, ensuite vous ne créez pas de problème dans un vestiaire, et puis le jour où vous voulez vous séparer d’un joueur… Lorsque vous avez un joueur qui touche 200000€ par mois, c’est quasiment impossible car il sait très bien qu’il ne retrouvera pas ça ailleurs, donc il va rester jusqu’à la fin de son contrat. Il sera non seulement une charge financière, mais aussi un boulet que va trainer le coach parce qu’il aura un joueur pas forcément motivé, qui fait la gueule, qui coûte cher. C’est ce qui s’est passé entre autres à l’après titre, mais également dans un passé plus récent avec Nicolas De Préville. Il a été jusqu’au bout de son contrat car il avait un contrat très bon. Je n’en veux même pas au joueur, on lui a donné ce salaire-là à un moment, il l’a pris. Mais un Nicolas De Préville qui aurait eu un salaire beaucoup plus bas, il aurait saisi une opportunité de partir à l’intersaison s’il avait vu qu’il n’avait pas de chance d’être titulaire. C’est pour ça que le salary cap est hyper important. Il va vous permettre de gérer votre vestiaire. Aujourd’hui, si les Girondins ne vont pas bien, c’est aussi parce que le vestiaire a explosé. Ce n’est pas qu’un problème d’entraineur, ou de management au niveau supérieur. Le vestiaire a aussi explosé pour des raisons financières entre les joueurs.

     

    Il va y avoir beaucoup de fins de contrats en juin. On revient à un effectif plus acceptable en termes de nombre. On en est encore loin, mais est-ce qu’il y aura une enveloppe recrutement budgétée pour la saison qui arrive ?

    Forcément. Aujourd’hui, ce groupe, quel que soit l’entraineur, a besoin d’être régénéré. On ne peut pas repartir avec le même groupe l’année prochaine parce qu’on aura les mêmes problèmes. Ce n’est pas un problème d’entraineur. Le groupe ne vit pas bien, il faudra qu’il y ait des départs, ceux en fin de contrat, mais aussi d’autres départs car il faut réinsuffler une autre dynamique à ce groupe-là. Aucun entraineur ne voudrait repartir avec le groupe actuel, c‘est impossible.

     

    Vous avez également parlé d’une équipe opérationnelle autour de vous. On ne peut pas encore dévoiler les noms puisque certains sont actuellement en poste, mais à quels postes les personnes qui t’accompagnent viendraient ?

    J’ai entendu dire qu’un des problèmes de Jean-Louis Triaud à la fin, c’est qu’il était mal secondé. Je ne sais pas si c’est vrai, parce que je pense qu’il y avait des personnes de valeur. Sur la fin des années Triaud, tout le monde était fatigué au club parce que 20 ans, c’est long, ça use. 20 années de Présidence, ou de direction générale, de communication… Au bout d’un moment, c’est long, et il faut régénérer, comme une équipe de foot. C’est pour ça d’ailleurs que j’impose dans mon projet que le Président soit élu pour 4 ans. Si au bout de quatre ans le Président commence à fatiguer, il faudra mettre quelqu’un qui aura la rage, l’envie, les idées. C’est ce qu’il faudra réinsuffler tout le temps pour ne pas que le modèle se fragilise. Pour revenir à la question, l’équipe qui m’entoure est déjà composée pour le manager général, le directeur du recrutement, le directeur de la performance (préparateur physique transversal à toutes les équipes, ndlr).

     

    Il y a aussi la cellule de recrutement…

    Au niveau de la cellule de recrutement, il y aura un directeur du recrutement, avec un coordinateur des scouts en-dessous qui sera Guillaume Duriatti. Il est lui-même scout, et travaille aujourd’hui pour moi, en visualisant des joueurs sur la partie Est de la France, la Suisse, la République Tchèque et l’Allemagne. Ce qui est intéressant aussi, c’est de sectoriser les scouts. Je peux vous donner un ou deux noms. Il y a notamment Mustapha Hadji, un ex-grand joueur, qui va travailler sur l’Afrique et notamment l’Afrique francophone. Je pense que pour des raisons d‘adaptation, c’est toujours mieux d’avoir des joueurs qui parlent la langue. L’Afrique a de nombreux pays francophones : le Maroc, l’Algérie, le Sénégal, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Cameroun… C’est sur ces pays qu’on doit aller chercher des joueurs qui pourront rejoindre les Girondins. On a aussi une cellule qui va s’occuper de toute l’Amérique du Sud avec deux personnes identifiées. On a aussi une personne, dont je ne peux pas dire le nom parce qu’elle est en poste, qui s’occupe de toute la partie Sud de la France, Italie, Espagne, Portugal… On est déjà très bien équipés, et il manque encore un ou deux noms dans la cellule parce qu’on aimerait être cinq ou six. Mais ce qui est vraiment très important, et ce que je veux, c’est l’indépendance de la cellule de recrutement. C’est primordial dans le football actuel que la cellule de recrutement soit indépendante parce que si vous laissez le choix à votre entraineur des joueurs qu’il veut avoir, vous êtes sûrs de deux choses. Premièrement, que la durée du contrat du joueur soit supérieure à la durée du contrat de l’entraineur. La durée de vie d’un entraineur en Ligue 1 est aujourd’hui de 13 mois, même si Nantes favorise beaucoup la baisse de cette moyenne… Mais aujourd’hui, puisque c’est de 13 mois, et que les durées des contrats des joueurs sont de trois ou quatre ans, si l’entraineur choisit son joueur, vous êtes sûrs que pendant trois ans, vous aurez un joueur qui va faire la gueule : parce que l’entraineur pour lequel il est venu ne sera plus là. C’est exactement ce qui s’est passé avec Nicolas De Préville qui était l’homme de Jocelyn Gourvennec. Quand Jocelyn a été limogé, Nicolas De Préville, qui était venu pour lui, s’est retrouvé un peu orphelin et n’arrivait pas à montrer ses qualités. L’entraineur doit demander des profils à la cellule qui lui proposera des joueurs. La cellule lui donnera cinq profils qui correspondent à son vœu. Et derrière, on discute : le Président, le manager général, le directeur sportif s’il y en a un – on verra -, l’entraineur, et l’ensemble de la cellule de recrutement. Pas seulement le directeur de la cellule, mais aussi tous les scouts, qui doivent être impliqués. Ils doivent savoir pourquoi un joueur qui a été proposé n’a pas été retenu, dans le but de les garder motivés, en éveil sur ce qui se fait. Et là, collégialement on dit que le numéro 1 qu’on veut prendre c’est lui, le numéro 2, etc. Et ensuite on commence à discuter avec le joueur. Si le numéro 1 ne peut pas ou ne veut pas, on passe au numéro 2, etc. Cette stratégie du recrutement doit vous éviter tous les problèmes qu’on a connus dernièrement.

     

    Elle limite les risques, donne des responsabilités, et concerne tout le monde…

    Exactement, elle motive tous les acteurs. Aujourd’hui, des informations que j’ai sur le travail qui a été fait par Alain Roche, c’est que même nos recruteurs ne voient plus de matches. On fait de la vidéo. La vidéo, c’est très bien, il en faut, mais elle doit venir confirmer ou infirmer ce que le scout a dit. Ce n’est pas l’inverse. Le scout va le voir sur le terrain, dans plusieurs situations de jeu, à l’extérieur, à domicile, contre une équipe plus faible, plus forte, du même niveau. Un joueur doit être vu au moins six fois. S’il est vu six fois dans six situations différentes, on peut avoir un avis, on a les informations sur le joueur. Mais le travail du recrutement ne s’arrête pas là. Une fois que vous avez vu le joueur six fois, que vous avez identifié que c’était pour vous le bon joueur en tant que scout, c’est là où le directeur de la cellule de recrutement doit se déplacer, pour confirmer ce qui a été vu. La vidéo confirme elle aussi, comme ça on a trois avis sur un joueur. Et évidemment on continue à travailler parallèlement : on discute avec le joueur, on discute avec son entourage, on regarde s’il peut jouer à Bordeaux au niveau de la philosophie, de la mentalité, de façon de vivre… Tout ça est hyper important, on ne peut pas s’arrêter à dire ‘j’ai vu un joueur sur vidéo, oui il est bon, je le connais, on va le prendre’. On connait un joueur quand on a discuté avec tout son environnement et qu’on l’a vu jouer au moins six fois, tout en étant vu par plusieurs personnes. C’est une évidence. Et il faut être d’accord de dépenser de l’argent dans cette cellule pour ne pas que justement ça vous coûte sur des transferts trop onéreux que vous faites à la dernière minute parce que vous n’avez pas pris les bons renseignements. Là, vous vous retrouvez le 28 août en prenant Andreas Cornelius, avec un joueur qui vous plante trois buts pour un salaire de 150000€ par mois. Ça, ce n’est plus possible, on ne doit plus arriver à des choses comme ça.

     

    La cellule de recrutement a déjà commencé à travailler sur les postes où Bordeaux doit se renforcer ?

    La cellule n’a pas travaillé que sur les postes à pourvoir, on a travaillé sur tous les postes. L’idée c’est de regarder tous les postes. Imaginons qu’au milieu de terrain, la blessure d’Otávio dure plus longtemps, il vous faut alors un titulaire au milieu de terrain. Imaginons que Laurent Koscielny décide de partir, il vous faut un taulier derrière. Vous ne pouvez pas le remplacer par un jeune de 18 ans, il vous faut un gars costaud derrière. Déjà qu’on a perdu Pablo… D’ailleurs, si vous ne perdez pas Pablo et Otávio, vous vous posez moins de questions sur la seconde partie de saison… Donc on regarde tous les postes, on essaye d’avoir entre cinq et huit noms par poste. On travaille aussi avec des agents, mais les agents ne contacteront pas l’entraineur. Les agents donneront des noms à la cellule, qui étudiera ça. Si un joueur rentre dans les critères, il sera rajouté à la liste des joueurs qui peuvent être susceptibles d’être transférer aux Girondins, et si ce n’est pas le cas, on expliquera les choses à l’agent. On doit prendre le téléphone avec les agents, c’est important. Tous les jours, j’ai des agents qui m’appellent. C’est très important, on doit créer une relation de confiance avec eux, et on doit leur expliquer pourquoi on ne prend pas tel ou tel joueur. On doit revenir à quelque chose de plus sain aux Girondins.

     

    Donc ce recrutement, on a en parallèle également la formation, puisqu’on a pu constater que les jeunes ont répondu présents en cette fin de saison.

    La formation, c’est deux choses. C’est ce qu’on va y mettre pour bien former nos jeunes. On doit à mon avis augmenter deux aspects. La première chose, c’est la culture de la gagne. Ça doit redevenir un leitmotiv aux Girondins. Et le second point hyper important aussi, c’est le fait de les faire progresser sur leurs qualités physiques. Aujourd’hui, je trouve qu’il y a un trop grand écart quand les jeunes montent en professionnel. On doit travailler sur cet aspect physique pour leur donner des armes plus rapidement, afin qu’ils s’imposent en équipe première. On sent dans les jeunes qui arrivent qu’il y a toujours 3-4 mois avant qu’ils atteignent la maturité physique pour pouvoir jouer en équipe première. Jean-Louis Gasset l’avait d’ailleurs dit, qu’il ne pouvait pas lancer les jeunes parce qu’ils n’étaient pas encore prêts physiquement. Il faut savoir qu’en Allemagne, la post-formation ne s’arrête pas à 19 ans comme en France, mais à 22 ans. C’est-à-dire que l’après-midi, après les entrainements avec les pros, les joueurs continuent à travailler les centres, les passes, les accélérations… Tout ce qui fait leur bagage technico-tactique et physique. En France, on n’a pas cette culture-là. C’est pour ça que vous avez des gamins qui quittent le PSG en étant moyens, en n’arrivant pas à s’imposer, pour arriver dans le championnat d’Allemagne en étant titulaires dans les plus grands clubs. C’est parce que là-bas, on continue la post-formation. C’est quelque chose qu’on doit vraiment aussi changer dans les mentalités en France, du moins aux Girondins, ça c’est sûr.

     

    En parlant de formation, plusieurs anciens joueurs des Girondins risquent d’être transférés cet été, pour lesquels Bordeaux a un intéressement à la revente (Jules Koundé, Aurélien Tchouaméni, ou encore Gaëtan Laborde). Que deviendront ces rentrées d’argent ?

    Mon business plan, je l’ai fait conservateur, cela veut dire que je n’ai pas pris en compte les chiffres dont je ne suis pas sûr. Les transferts de Jules, d’Aurélien ou de Gaëtan dans des autres clubs, avec une clé de répartition pour les Girondins, je ne les ai pas pris en compte une seconde dans mon business plan. Cela veut dire que si l’argent tombe, bien sûr qu’on va le réutiliser. Tout ou partie, je n’en sais rien, dans les recrues ou dans l’infrastructure, je n’en sais rien encore. Il faudra voir ce que l’on a au moment où ça tombera parce que peut-être que Jules Koundé sera transféré dans les derniers jours du mercato… Il faut être réaliste aussi, et j’espère qu’au 28 août d’ailleurs on aura fini notre recrutement depuis longtemps. Ce sera pour préparer le prochain mercato, travailler sur les jeunes… Et sur la formation, ce n’est pas que les Girondins de Bordeaux, c’est aussi de réancrer le club avec les clubs de la région, aller voir les meilleurs joueurs. Cela veut dire qu’il faudra aussi des scouts pour les jeunes. La cellule de recrutement ne doit pas s’arrêter à aller voir des joueurs professionnels. On doit aller voir les jeunes de toute la région, des jeunes garçons et des jeunes filles. On doit aussi alimenter notre centre de formation chez les filles. C’est un travail qui ne s’arrête jamais, perpétuel. Aujourd’hui, les Girondins ne se déplacent plus. Je parle beaucoup avec Lionel Laporte, le père d’Aymeric : son gamin, on n’a pas été le voir jouer. Il rêvait de venir aux Girondins. C’est anormal. On peut perdre un gamin parce qu’on n’a pas trouvé qu’il était suffisamment bon, mais il faut au moins se déplacer pour le voir… Si vous ne faites pas cette démarche-là, comment voulez-vous que les gamins aient envie de jouer aux Girondins, si on ne leur donne pas un minimum d’intérêt ? C’est impossible. Il y aura donc un déploiement de scouts, ainsi que l’apport des anciens joueurs pour refaire du lien avec les clubs de la région, c’est hyper important. Ce sont eux les garants de notre histoire, on doit les remettre dans le projet.

     

    On ne va pas mentir aux supporters en parlant de Ligue des Champions, comme Joe DaGrosa l’avait fait à l’époque. Quels seront les objectifs raisonnables pour la première année ?

    Aucun objectif en termes de classement, mais par contre beaucoup d’objectifs en termes de jeu, de valeurs, d’envie, de combativité. Vous êtes bien placé pour savoir qu’un de mes amis est Tony Vairelles. J’ai envie d’avoir 11 Tony Vairelles sur le terrain, ou 11 Gaëtan Laborde, ou 11 Hwang Ui-Jo. Des mecs qui rentrent pour gagner, pour tout donner. Des mecs qui sortent lessivés, qui ne font pas la gueule quand ils sont remplacés. Et qu’ils soient remplacés par des joueurs aussi motivés de rentrer… C’est ça les valeurs du sport, ce que l’on doit retrouver aux Girondins. Si on a ça, le classement suivra tout seul. On ne sera pas en Ligue des Champions, mais on doit assurer rapidement un maintien sans trembler après un but de Reims à la 25ème minute de jeu… Bordeaux doit retrouver un rang dans le football. Nos adversaires doivent nous craindre comme c’était le cas à Lescure. Au Matmut, les gens doivent se dire qu’ils vont jouer contre une équipe qui a faim, qui va mettre des tampons, qui ne va rien lâcher pendant 90 minutes. Comme Lens le fait, comme Brest le fait. Les mecs se dépouillent pendant 90 minutes avec leurs moyens, et ils se battent pour un seul objectif : le club. C’est ça qu’on doit retrouver. Il n’y aura pas d’objectifs chiffrés, mais des objectifs de valeurs.

     

    En moyenne, le budget de ces dernières années était entre 65 et 80M€. Il sera surement revu à la baisse ?

    Oui, il sera revu à la baisse. Aujourd’hui, les clubs qui devraient être dans la même catégorie que nous – parce qu’ils sont en avance sur nous – comme Nice, Montpellier, ont des budgets entre 45 et 50M€. N’oublions pas ce que l’on vient de vivre. Les droits TV ont été divisés, il n’y a plus de recettes dans les stades, aux Girondins il y a très peu de recettes marketing parce que les supporters ne veulent pas acheter le maillot avec le nouveau logo… Aujourd’hui, avec des recettes moindres, on ne peut pas avoir un budget plus grand, ce n’est pas possible. Il faut retrouver quelque chose de cohérent. Mon business plan est basé sur de la cohérence. Si on repart sur des excès, on explosera. Le budget de Rennes, la première année où ils sont en Coupe d’Europe, était de 35M€. L’argent ne fait pas tout. Il y a beaucoup de monde qui confond le fait d’avoir beaucoup d’argent, pour avoir des résultats. On l’a vu. Il n’y avait pas plus riche de King Street sur la planète. Le duo King Street-Fortress est immensément riche. Et pourtant, ils ont dépensé beaucoup trop d’argent pour des résultats qui sont hyper décevants. Il ne faut surtout pas refaire ces erreurs-là, et imaginer que parce que vous avez beaucoup d’argent, vous allez avoir des résultats. Soit vous en avez immensément et vous allez en dépenser immensément, c’est ce que fait Paris. Soit vous avez une philosophie de formation et un budget maitrisé, et là vous pouvez reconstruire. C’est ce qu’a fait Lyon. Les trois clubs les plus formateurs au monde, selon les chiffres de la Fédération, ce sont Barcelone, le Real Madrid, et Lyon. On croit toujours que les clubs riches ne sont pas des clubs formateurs, mais si. Ils sont devenus riches parce qu’ils ont formé de très bons joueurs. L’ADN de Lyon, c’est tous les joueurs qu’ils ont formés. Benzema, Fékir, Aouar… C’est ce qui a fait la richesse de Lyon. On peut critiquer, aimer ou non Jean-Michel Aulas, son modèle est juste exceptionnel.

     

    Il y a deux semaines, vous avez rencontré Alain Anziani. Qu’est-ce qui est ressorti de cet entretien ?

    C’était une très bonne réunion, j’ai beaucoup apprécié l’échange qu’on a pu avoir. Je pense que j’avais présenté un peu le projet comme je le fais maintenant. Il a été très bien perçu, très bien accueilli. Et j’ai manifesté l’intention, à deux ans, de racheter le stade. Pourquoi à deux ans ? Un Partenariat Public Privé (PPP), il faut au minimum deux ans pour pouvoir le casser. C’est un appareillage juridique qui est important. On doit vraiment prendre le temps de bien faire les choses. Tout le monde dans le partenariat souhaite ça, que ce soit Fayat, Vinci, la Métropole, ou moi. On veut tous que les Girondins soient propriétaires de leur stade. On sait très bien que les mariages à trois, ça ne marche pas. Il y a trois structures aujourd’hui pour qui les intérêts divergent. Comment pouvez-vous gagner de l’argent pour rentabiliser quelque chose, quand vos intérêts divergent ? Ce n’est pas possible. Il faut réaliser ça, et la seule façon de le réaliser c’est que les Girondins soient propriétaires de leur stade. C’est un actif incroyable en plus, cela donnera de la valeur au club. On parle toujours de valorisation dans le football, aujourd’hui la seule valeur des Girondins c’est ses joueurs. Et elle est moindre aujourd’hui dans une période compliquée.

     

    Nous en sommes témoins, cette réflexion existe depuis plus d’un an, vous aviez déjà ce projet à l’époque. Sans trahir de secret, il y avait une grande marque associée à l’acquisition de ce stade. Est-ce que c’est toujours d’actualité aujourd’hui ?

    C’est toujours d’actualité. On doit associer à l’acquisition du stade une vision et un projet. Acheter le stade juste pour acheter le stade, ça ne servirait à rien. Il faut le rendre déjà Girondins de Bordeaux, avec le logo, les couleurs, pour que les supporters se l’approprient. Il faut l’aménager, c’est-à-dire faire la ludification du stade pour que les gens viennent aussi pour s’y amuser avec des activités. Il faut le reconnecter avec la culture. Et j’irai plus loin, c’est ce que je veux faire avec la société en question, ce stade est très énergivore. C’est un problème que remonte souvent Pierre Hurmic : ce stade consomme beaucoup trop d’énergie. Mon idée, et c’est ce que je lui ai proposé il y a plus d’un an déjà, c’est d’être le premier stade énergie verte en France. Ça n’enlèvera pas le fait qu’il soit énergivore, mais au moins vous allez consommer de l’énergie verte, et ce sera une superbe vitrine pour la société qui va le rendre énergie verte. Si vous êtes l’acteur majeur de cette énergie verte, vous aurez une visibilité incroyable. Et là, on a des très grands noms qui veulent s’associer à ce projet. Mais ça ne s’arrêtera pas là, il faudra créer autour du stade des bureaux, une zone d’attractivité. Un stade ne peut pas juste marcher un soir tous les 15 jours. Ce n’est pas possible. Donc on doit retrouver quelque chose de bien plus vivant autour du stade. C’est là où le modèle vertueux du Club Scapulaire, qui sera fait avec de nombreux entrepreneurs, va trouver tout son sens. Ce club va faire vivre l’aménagement autour du stade. Il va lui trouver une raison d’être. C’est tout l’écosystème bordelais qui se mettra au service de cet outil incroyable. Je ne dis pas qu’on pourra remplir les 40000 places à chaque match, mais on doit retrouver au moins les chiffres qui étaient ceux des dernières années sous l’ère M6, soit 65%. Cela fait une moyenne de 25-26000 spectateurs. Pour les Girondins, c’est très bien, il faut savoir qu’à Lescure il n’y avait que 33000 places. Si on arrive à retrouver 26-28-30000 spectateurs de moyenne, on aura gagné, et ce stade sera vivant.

     

    C’est pour cela que c’est important d’avoir la main dessus, afin de développer que ce soit l’intérieur comme l’extérieur de ce stade.

    Exactement. Un stade est un lieu de vie. On doit pouvoir acheter son sandwich sur le parvis, on doit pouvoir avoir des manifestations, les enfants doivent pouvoir s’amuser. Tout ça fait partie du spectacle. Et en plus, il y a quelque chose qui a énormément changé en France depuis un an, c’est l’heure des rencontres. Avant, c’était toujours le samedi soir à 20 heures. Maintenant, la majorité des matches est le dimanche à 15 heures. Ce qui vous laisse du temps avant, et du temps après. Pour occuper les gamins le dimanche, cela devient une offre incroyable. Mais il faut la travailler. Si vous incluez en plus les collectivités, vous pourrez avoir les jeunes des quartiers défavorisés, etc. Il y a vraiment quelque chose à faire avec les pouvoir publics pour augmenter l’offre Girondins de Bordeaux »