InterviewG4E. Florian Brunet : “Les projets ont besoin de temps, pour être les plus performants possibles”

    Des suites de ses alertes depuis quelques jours, mais également du communiqué des Ultramarines, Florian Brunet, porte parole du groupe de supporters des Girondins de Bordeaux, a voulu parler plus longuement de ce qui se tramerait actuellement pour l’avenir du club, et l’épée de Damoclès d’un redressement judiciaire. Interview. 

     

    Finalement, comme les Ultramarines l’avaient annoncé, la procédure initiée par Frédéric Longuépée n’était pas la bonne, puisque cela freine les démarches à venir ?

    Nous le répétons depuis le début, c’est une initiative exclusivement de Frédéric Longuépée, qui a voulu se faire passer en sauveur. Mais c’est en fait tout l’inverse qui est en train de se passer. Cette procédure était totalement inutile. On a aujourd’hui confirmation que King Street voulait partir dans des bonnes conditions pour tout le monde. Ils étaient tout à fait prêts à assumer un passage de relais dans des conditions sereines, sans avoir, par cette procédure lancée par Frédéric Longuépée, un timing serré à respecter.

     

    Le problème est donc aujourd’hui le timing, qui semble bien trop court, des suites de cette démarche ?

    C’est une démarche inutile, qui empêche la quiétude. Elle a fait rentrer au milieu de ça une banque d’affaires, un mandataire ad hoc. Tout cela était inutile. King Street et ses représentants auraient pu parler en direct avec les repreneurs, dans un contexte beaucoup plus apaisé, avec moins de tiers. Aujourd’hui, on se retrouve dans une situation avec la possibilité d’un redressement judiciaire qui n’est pas encore totalement écartée. Le temps passe… Et si l’article de la Ligue va plutôt dans notre sens, il reste toujours le couperet DNCG. Il y a un élément très important à prendre en compte par rapport à ça, c’est l’insistance de nos clubs concurrents qui voient d’un très bon œil les problèmes actuels de notre club, et seraient ravis que soit prononcée une descente en division inférieure. On voit très bien actuellement les supporters du Toulouse FC s’amuser de nos déboires et espérer qu’on ne s’en sorte pas. Mais il n’y a pas que le TFC.

     

    On suppose que le pouvoir politique et public est au courant de cette situation ?

    Tout d’abord, nous avons eu ces derniers mois de relations assez tendues avec Pierre Hurmic. Toujours respectueuses, mais assez tendues. Nous sommes satisfaits depuis quelques semaines des messages qu’il a fait passer. On le sent attentif à l’évolution du club, et on le sent souhaiter que tout cela évolue dans le bon sens. On est très régulièrement en contact avec lui, et on l’a fortement sensibilisé sur ce danger qui existe. Le maire de Bordeaux a évidemment d’autres soucis que les Girondins de Bordeaux, même si c’est un souci important. Il n’a peut-être pas toujours le temps d’être bien conscient du danger qui nous guette. Nous le sensibilisons énormément depuis quelques jours, et aujourd’hui encore, afin qu’il soit très vigilent à ce qu’une décision catastrophique ne soit pas prise dans les jours qui viennent. Nous sommes réellement très inquiets. Si malheureusement par le passé nos prévisions se sont souvent révélées exactes, on espère vraiment alerter aujourd’hui d’un danger qui n’arriverait pas. Si nous avions raison, ce serait dramatique. En tout cas aujourd’hui, personne ne peut dire qu’il y a zéro pourcentage de chance que le redressement judiciaire soit prononcé. Ce risque existe et s’il n’y a aucune deadline pour la reprise du club pour l’instant, il y a une vraie deadline à ne surtout pas prononcer le redressement judiciaire. Il ne faut surtout pas que cette décision soit prise. Si on a décidé de monter au créneau, c’est qu’on a des éléments convergents comme on en avait eu au début du processus, qui nous inquiètent et nous font penser que des gens souhaitent que cette décision soit prise. On veut à tout prix l’éviter. Nous avions révélé au début de ce processus des manœuvres en coulisses peu louables. Nous confirmons encore aujourd’hui que ces manœuvres existent sans doute et poussent les décisionnaires à prendre cette décision qui serait dramatique pour le club.

     

    Vraisemblablement, la procédure du mandataire ad hoc pourrait être arrêtée. Est-ce que ça ne pourrait pas faire en sorte qu’il n’y ait pas derrière de redressement judicaire ?

    Faire uniquement reposer sur une bonne décision de King Street l’avenir de notre club, est quelque chose que nous satisfait peu. Je ne suis pas un spécialiste du droit commercial. Il apparait que cette possibilité existe et est réelle, mais il n’y a pas signaux qui nous font penser que King Street va se retirer de ce processus. Donc à partir de là, le danger demeure, et nous voulons vraiment que tout le monde se concentre pour que cette décision ne soit pas prise.

     

    Dans le communiqué qui a été publié ce midi, il est évoqué que plusieurs repreneurs intéressants sont en lice. Pouvez-vous nous confirmer que Ultramarines ont eu tous les repreneurs potentiels ?

    Nous confirmons que la quasi-totalité des repreneurs encore en lice, et les potentiels repreneurs qui se sont retirés, nous ont évidemment contactés. Aujourd’hui, toute personne qui s’intéresse aux Girondins de Bordeaux étudie forcément son environnement et son contexte, et ne peut remettre en cause l’importance des Ultramarines, du Virage Sud, et des supporters girondins dans ce processus.

     

    Est-ce que vous pouvez comprendre que certains supporters ne voient pas pourquoi on se priverait d’un repreneur comme Didier Quillot, vu l’état actuel du club ?

    Je comprends tout à fait. Nous avons beaucoup d’éléments pour réellement juger, beaucoup plus que le supporter lambda. Je comprends donc les interrogations. Il faut déjà bien comprendre pourquoi on a autant milité contre Didier Quillot. Je vois ici et là des réactions interrogatives sur la façon dont on mène nos combats, et des personnes ne comprennent pas que l’on attaque violemment un projet et moins un autre. Je veux m’expliquer sur ça. La première chose à dire c’est qu’il est quand même compliqué d’avoir un projet qui ne repose pas sur une quelconque nébuleuse financière plus ou moins claire. Ce qui est important c’est avant tout les personnes qui portent ces projets et l’idéologie que ces personnes portent. Le problème avec Didier Quillot, ce n’est pas que Mediapro, que sa déclaration GACP, et que la guerre qu’il a menée contre les Ultras quand il était à la Ligue. Le problème contre lui est avant tout idéologique. Didier Quillot est un clone de Frédéric Longuépée, d’Antony Thiodet, et vient d’une école qui appréhende le football comme un produit commercial totalement dénué d’affect. Là est le fond du problème. Nous lui avons fermement expliqué, puisqu’il nous a contacté, que son idéologie nous venions de la vivre depuis plus de deux ans, et que nous voulions à tout prix ne plus la revivre. Au-delà de ça, dans tout ce qu’il a dit dans notre dos, qui nous est arrivé aux oreilles, dans l’échange que nous avons eu avec lui, mais également dans son œuvre passée notamment à la Ligue, on sent aussi un très fort mépris des supporters, qu’il appréhende comme des gens bons uniquement à agiter des drapeaux et à chanter, et à ne surtout pas faire autre chose. Ensuite, je rassure tout le monde, nous ne nous privons de rien. Didier Quillot a un projet ultra-bancal. D’ailleurs, quand il m’a contacté, il m’a 50 fois répété le mot « modeste ». Quand on force le trait à ce point-là, cela veut dire qu’il a un projet très modeste, avec très peu d’investisseurs derrière lui. Nous avons l’intime conviction que Didier Quillot espère un redressement judiciaire, pour racheter un champ de ruines et passer pour le sauveur. Et nous avons toujours la conviction que ce beau monde, Quillot, Rothschild, Longuépée, se connait de près ou de loin, et que des manœuvres vont en ce sens pour déclencher encore une fois un redressement judiciaire qui serait un cataclysme pour notre club aujourd’hui.

     

    Au départ, le projet de Gérard Lopez, basé sur le trading, ne va pas forcément dans le sens de l’idéologie prônée Ultramarines puisqu’il s’agit du foot-business quelque part. Est-ce que son profil peut coller malgré les craintes évoquées ici et là dans le domaine financier ?

    Nous voulons un projet qui, irrémédiablement, sollicitera des levées de fonds. Il est utopique aujourd’hui de croire que qui que ce soit est capable de mettre 100-150M€ à court et moyen terme sur la table, par le biais de fonds propres. Donc il y aura toujours un projet avec une levée de fonds. Nous voulons en revanche un projet qui soit aussi porté par des passionnés qui comprennent et qui aiment le football. Comprendre et aimer le football n’est pas donné à tout le monde. Nous avons aujourd’hui la conviction qu’il y a autour de la table, pour sauver notre club, des gens passionnés, qui aiment et qui comprennent le football, qui appréhendent d’une manière correcte et intéressante l’environnement du club, et qui vont trouver les ingrédients nécessaires pour le faire renaitre. Il faut aussi prendre conscience aujourd’hui que le club est fracturé, a des cicatrices béantes, et vient de vivre deux ans terribles où les gens ont été touchés dans leur chair, dans leurs tripes, ont été volés, violentés, humiliés… Que cela soit les salariés, les partenaires, les supporters. Nous avons tous besoin que ces cicatrices béantes se cicatrisent enfin, et que l’on se réconcilie tous. Que toutes les bonnes volontés se mettent autour de la table pour faire renaitre ce club populaire et familial. Aujourd’hui, nous pensons que ces ingrédients, ce projet, sont en train de naitre. Mais ce ou ces projets ont besoin de temps, pour être les plus performants possibles. Ce temps n’est pas forcément ce que souhaitent le mandataire ad hoc et le tribunal de commerce. Nous les exhortons à temporiser et à laisser les gens travailler le plus calmement, le plus sérieusement, et le plus professionnellement possible. C’est un projet compliqué, que nous pensons et espérons ambitieux, avec les bons ingrédients, avec les bonnes volontés, mais c’est aussi un projet délicat, qui demande de la concentration. Un projet qui demande tout sauf des deadlines totalement inutiles et infondées, constamment. La seule deadline c’est celle de la DNCG mi-juillet, et nous avons la conviction que les gens qui travaillent aujourd’hui pour le bien du club, seront prêts pour rassurer totalement la DNCG, sans avoir besoin de passer par un redressement judiciaire qui, de toute façon, aux yeux de la DNCG, serait à coup sûr éliminatoire, en tout cas pour un maintien en Ligue 1.