Lettre à Jean-Louis

    Jean-Louis,

    Ce texte, on l’a préparé il y a déjà quelques jours, parce qu’on se doutait bien de ce qui allait arriver.

    Nous aussi, à votre arrivée, on s’est mis à rêver. Pas de ce qui allait se passer, non, mais d’un rêve qui a été réalité, que l’on a vécu les années passées, les années de gloire, avec vous.

    Des images plein la tête, le long de la main courante, lorsque ce club était encore familial, humain, ambitieux sportivement, et que le terrain n’était pas encore grillagé comme pour nous empêcher à nous, horribles supporters, de vous approcher, tel un grand danger incontrôlable.

    Nous venions presque spécialement pour votre salut, de loin, de près, avec un mot gentil, une blague, une remarque désobligeamment drôle. Peu importe la méthode, Jean-Louis, vous nous charmiez, même parfois plus que les stars que vous chouchoutiez, brusquiez, et que vous avez amené sur le toit du championnat français.

    Lucides en juillet, l’on savait que la tâche n’allait pas être aisée, et vous arriviez dans un traquenard, mais qu’on vous l’avait bien emballé.

    Non, ces personnes ne vous avaient pas tout dit. Non, ces personnes n’étaient pas de confiance. Oui, elles vous ont trahi, elles ont amoindri la vérité pour vous charmer, vous attirer, et nous calmer, nous, supporters bordelais.

    Jamais ou presque elles ne vous ont parlé sportif et vous en savez pertinemment la raison : elles ne le connaissaient pas, comme elles ne connaissaient pas l’importance des supporters pour un club, ni non plus de l’importance de son identité et de son passé.

    Cette saison a été éprouvante pour nous, nous n’imaginons pas pour vous. Enfin si en fait, on l’imagine, parce que vous faites partie des nôtres, même si vous êtes peut-être plus huitres de Bouzigues que du Bassin ou que d’Oléron. Encore que…

    Vous avez tout vécu lors de cette saison 2020-2021. On vous a tout fait. Plus encore que lors de vos dizaines d’années de carrière, où vous avez été exemplaire, apprécié. Pour vos résultats, mais aussi pour vous, ce que vous êtes, ce que vous serez toujours.

    Non, Jean-Louis, vous ne savez pas « faire que ça ». Votre nature humaine, votre joie de vivre malgré les malheurs de vie que vous avez rencontrés, font que vous êtes quelqu’un d’exceptionnel. Et ça aussi vous savez le faire Jean-Louis, être quelqu’un d’exceptionnel. C’est bien plus important que le foot, non ?

    Nous ne nous connaissons pas, même si l’on s’est parlé et que l’on a plaisanté des dizaines de fois lors de votre premier passage aux vrais Girondins de Bordeaux. Vous êtes, et ne le prenez certainement pas mal, le grand-père que nous aurions aimé avoir. On aurait tellement aimé vous écouter parler football, ce football qui est resté pour vous vrai, et qui a guidé votre vie.

    Lors de la saison qui vient de s’écouler, on a souffert avec vous. On ne vous a jamais attaqué, car l’on savait la difficulté de la tâche. Et surtout, si vous, vous n’y arriviez pas, qui aurait pu y arriver ?

    Non, vous n’êtes pas dépassé. Non, vous n’êtes pas « grillé ». Vous avez juste subi toute l’instabilité d’un club, qui a rejailli sur des joueurs, majoritairement incapables d’aligner de la consistance et de la constance, et ce même si la majorité en avait envie.

    Vous avez tenu, alors que vous auriez pu tout envoyer balader. Mais vous ne l’avez pas fait. Par fierté, surement – et certainement pas mal placée – mais surtout par amour des Girondins de Bordeaux, et ça personne ne vous l’enlèvera. Oui, vous avez fait des erreurs. Mais elles n’étaient en aucun cas dues à une incompétence, un manque de lucidité, ou une pression subie. Ces erreurs l’étaient de par l’incertitude et l’impossibilité de prévoir le lendemain.

    Aujourd’hui Jean-Louis, nous ne pouvons toujours pas prévoir ce qui va se passer demain. Bien malin – et fou – celui qui oserait dire qu’il sait. Mais on a évité le pire sportivement. Dans la difficulté, jamais vous n’avez cessé d’y croire, et de « chercher les ressorts » comme on aime le dire. Et de les trouver, par un système, des choix forts de joueurs, le lancement des jeunes (dont vous avez longuement hésité, sachant très bien que ce n’était absolument pas le moment), un peu de chance qui s’est trop souvent faite rare cette saison, ou encore la vraie prise de conscience que vous avez cru trouver à de trop nombreuses (fausses) reprises. Si toute expérience difficile dans la vie fait grandir, nul doute que vous êtes loin de vous affaisser.

    Jean-Louis, pour ce que vous avez fait, pour celui que vous êtes, pour votre amour du Football Club des Girondins de Bordeaux, nous vous disons merci du fond du cœur. Vous étiez des nôtres, vous l’êtes encore plus aujourd’hui. Les joueurs passent, les dirigeants – encore heureux – passent, les entraineurs aussi, les supporters et les amoureux du club restent. Vous en faites incontestablement partie. On vous aime.

    Merci également à Ghislain Printant, critiqué lui aussi (et très salement sur certaines ondes), mais qui n’a jamais changé d’un iota, se réfugiant dans le travail, la bonne humeur, et la bienveillance. Merci à Jaroslav Plasil qui est dans la continuité de ce qu’il a apporté au club depuis son arrivée en tant que joueur. Merci à Fabrice Grange d’avoir su fédérer et d’avoir pris une relève qui ne s’avérait pas aisée.

    MERCI