InterviewG4E. Christophe Hutteau : “Aujourd’hui, on assiste à un nouvel élan positif aux Girondins, et ça, qu’est-ce que ça fait du bien !”

    Dans un milieu où il est majoritairement coutume de se faire discret, l’on ne peut pas dire que Christophe Hutteau est quelqu’un qui ne manie pas la langue de bois. Suiveur du club depuis de très nombreuses années, en étant d’abord journaliste, Christophe Hutteau est aujourd’hui très ‘implanté’ aux Girondins de Bordeaux par l’intermédiaire de joueurs et joueuses dont il gère les intérêts. Parfois décrié pour certains de ses avis et points de vue, il est obligatoire et tout aussi honnête de reconnaitre qu’il s’est rarement trompé dans ses prédictions, comme tout ce qui s’est passé la saison dernière, que ce soit sportivement et même économiquement parlant. Cet entretien se déroulera en trois volets avec aujourd’hui le bilan après 15 journées de Ligue 2, puis dans la semaine deux autres parties dont une sur les joueurs/joueuses actuels des Girondins sous contrat avec son agence, et une autre sur les anciens Girondins évoluant aujourd’hui dans d’autres clubs.

    Nous remercions chaleureusement Christophe pour le temps qu’il nous a accordé, et sa sympathie.

     

    Le club a finalement survécu, et de manière assez incroyable cet été, alors qu’il y avait une grande crainte à ce qu’une descente en Ligue 2 nous emmène beaucoup plus bas… Est-ce qu’on peut dire que Gérard Lopez a sauvé le club une seconde fois ?

    Je ne sais pas si on peut dire qu’il a sauvé le club une seconde fois. En tout état de cause, il a le mérite, réellement, sincèrement, que le club soit aujourd’hui en Ligue 2. J’ai toujours été clair sur le sujet et sur Gérard Lopez. Ce n’est pas un ami, c’est encore moins un ennemi : je ne le connais pas. Je n’ai jamais eu affaire à lui. Je suis d’autant plus objectif dans mon analyse en disant que c’est quand même un homme qui a hérité d’une situation catastrophique. Alors oui, il n’a pas tout fait bien, bien évidemment, mais quelle personne aujourd’hui fait tout bien ?! Je n’en connais pas. Oui, il faut lui reconnaitre le fait que si les Girondins de Bordeaux aujourd’hui, sont en Ligue 2, performent, et redeviennent un club attractif, on doit le lui reconnaitre. On doit le saluer pour ça, complètement.

     

    Le plus important est qu’on ait retrouvé un club sain, financièrement et dans l’état d’esprit évidemment.

    Alors, financièrement, je n’en sais rien, et je ne m’exprimerai absolument pas sur cet aspect des choses parce qu’aujourd’hui personne ne sait réellement quelle est la situation du club d’un point de vue financier. Maintenant, ce que je constate, c’est que je vais moi-même assister aux matches des Girondins de Bordeaux le plus souvent possible avec plaisir. Il y a une atmosphère vraiment positive autour de cette période, de ce club, ce qui n’était pas le cas depuis un certain nombre d’années, notamment depuis la vente du club par M6 à GACP. Oui, aujourd’hui, on assiste à un nouvel élan positif, et ça, qu’est-ce que ça fait du bien !

     

    A cet égard, bien qu’une descente en Ligue 2 ne peut pas être souhaitable, on peut quand même dire que ça a été, pour ça, un mal pour un bien.

    Complètement. Après, les choses auraient été bien plus faciles si le club s’était maintenu, et on s’aperçoit qu’en réalité, il aurait pu se maintenir avec seulement quelques points de plus, ce qui doit attiser les regrets. Je ne doute pas que Gérard Lopez et son équipe, avec Thomas Jacquemier et Admar Lopes en tête, auraient fait des changements nécessaires pour permettre la pérennité des Girondins de Bordeaux, même si le club était resté en Ligue 1. J’en suis intimement convaincu.

     

    Screen Florian Sabathier

     

    Admar Lopes a été critiqué plus d’une fois la saison dernière, et vous l’avez défendu plus d’une fois aussi. S’il y a eu certains choix contestables l’année dernière, cette année on peut dire qu’il a su trouver un juste équilibre entre la jeunesse du centre de formation et le recrutement qu’il a fait.

    Contraint et forcé puisque le club n’avait pas la capacité d’investir cet été. Maintenant, oui, j’ai toujours été l’un des rares à défendre Admar Lopes y compris dans la tourmente. Je l’ai rencontré à de nombreuses reprises dans le cadre de mon activité professionnelle, et j’ai pu m’apercevoir que c’était quelqu’un qui connaissait parfaitement le football, qui aimait le football, et qui a toujours fait passer l’intérêt collectif avant l’intérêt individuel. Et ça, c’est quelque chose qui m’a fortement impressionné. Beaucoup auraient, dans cette tourmente, baissé les bras. Lui, non. Il a continué à travailler, il a encaissé, et je ne doute pas une seconde que ça n’a pas dû être facile pour lui non plus. J’ai été amené, à amener Didier Sénac aux Girondins de Bordeaux, qui a quand même été le capitaine emblématique de ce club, et qui n’était jamais revenu au Haillan depuis qu’il avait quitté les Girondins de Bordeaux en tant que joueur, soit un certain bail (en 1995, ndlr). Admar nous a reçus et on a longuement, longuement discuté. Didier Sénac, qui a quand même été responsable de la cellule de recrutement du Racing Club de Lens pendant de nombreuses années, et dont le savoir-faire n’est plus à démontrer – tout comme la loyauté et sa connaissance du football – m’a toujours dit ‘ce mec est impressionnant parce qu’on a parlé de nombreux joueurs lors de notre entretien, et il les connaissait tous’. Oui, c’est un mec qui connait parfaitement le football. Alors, aujourd’hui, je souris, bien sûr, parce que nombreux sont ceux qui trouvent des qualités à Admar, mais rares étaient ceux qui la saison dernière le défendaient. J’ai cette fierté de ne pas avoir changé casaque, et d’avoir encore aujourd’hui le même discours que celui que j’avais il y a quelques mois.

     

    Christophe Hutteau avec Didier Sénac, au Haillan

     

    Didier Sénac qui avait d’ailleurs défendu Admar Lopes sur le cas Fransérgio par exemple…

    A l’époque, lorsque Fransérgio a été recruté, c’est assurément un bon coup. Alors, oui, aujourd’hui, cela peut paraitre pour beaucoup surprenant. Mais non. Fransérgio était un joueur respecté lorsqu’il évoluait au Portugal, à tel point que Didier Sénac, lorsqu’il était responsable du recrutement du Racing Club de Lens avait souhaité, m’a-t-il dit, le recruter, mais que ça n’avait pas pu se faire pour des raisons financières. Il était lui-même très étonné des difficultés d’adaptation de Fransérgio depuis qu’il était arrivé à Bordeaux. Comme quoi, vous savez, le football… Il n’y a pas de vérité, il n’y a pas de science exacte. Après, par rapport à votre question, et d’éventuels échecs de recrutement de la part d’Admar Lopes la saison dernière… Vous savez, je connais très bien celui qui est décrit comme le recruteur hors-pair au niveau mondial, à savoir Luis Campos. J’ai la chance de bien connaitre Luis Campos et de m’entretenir régulièrement avec lui. Lui-même dit que sur un recrutement vous ne pouvez jamais avoir 100% de réussite. Ce n’est pas possible, ça n’existe pas.

     

    Si on regarde d’ailleurs le recrutement ‘brut’ de la saison dernière, on ne peut pas dire que ce sont des mauvais joueurs de football.

    C’est très bizarre parce qu’en d’autres périodes, cette équipe, ce recrutement, nous aurait permis de terminer dans les 10-12 premiers de la Ligue 1. Comme quoi, oui, il faut toujours, notamment dans nos commentaires, nous suiveurs, nous observateurs, et pour certains intervenants ou décideurs dans le monde du football, oui, il faut faire preuve d’humilité dans nos analyses.

     

     

    En revanche, il y a quelqu’un que vous n’aviez pas épargné, et qui est toujours à la tête de l’équipe première, à savoir David Guion. Il semble plus adapté à ce projet actuellement, celui de faire remonter le club. Est-ce que c’est aussi votre ressenti ?

    Mon analyse en ce qui concerne les joueurs est objective, et doit être la même pour le coach, à savoir qu’il est arrivé probablement au mauvais moment, dans un contexte très difficile. Ce n’était pas l’homme de la situation l’année dernière, et pour preuve, le club est descendu, quoi qu’on dise, et quelles que soient les analyses des uns et des autre aujourd’hui. La vérité est là. Maintenant, il faut lui reconnaitre des circonstances atténuantes. C’était aussi la première fois qu’il arrivait, dans sa carrière d’entraineur, dans un rôle de pompier de service finalement. Et puis, il n’a pas manqué grand-chose. Oui, mon analyse a été dure, parfois incomprise, mais force est de constater que les faits, une nouvelle fois, m’ont donné raison, malheureusement. Je dis malheureusement parce que j’aurais tellement aimé me tromper. Maintenant, il ne faut pas non plus tout lui mettre dessus. Il faut dire que tout le travail qui est fait depuis le début de la saison, et jusqu’à présent – mon analyse sera peut-être toute autre dans les prochaines semaines ou les prochains mois – le travail est fait et bien fait. Les esprits chagrins iront dire que de toute façon il n’avait pas le choix parce que le club ne pouvait pas recruter, donc il s’est appuyé sur des jeunes joueurs, ce qui n’est pas sa volonté de départ. Moi, je n’irai pas jusque-là. Je dirais que oui, c’est un fait, il n’a pas pu faire autrement, il a fait avec ce qu’on lui a donné, mais maintenant ils ont bien travaillé. Ils ont fait un début de championnat on ne peut plus satisfaisant. Il faut rester prudents là aussi dans nos analyses, la route vers un retour en Ligue 1 sera très difficile, je persiste et je signe. Je l’espère vraiment et sincèrement pour connaitre beaucoup de salariés de ce club, de joueurs et de joueuses bien évidemment. Aujourd’hui on sait tous que – et je n’irai pas jusqu’à parler de survie – que l’avenir du club réside aussi vers un retour en Ligue 1. C’est important. Souhaitons-le.

     

    Est-ce que pour cet objectif de montée – et on a eu une bonne nouvelle par rapport à la DNCG il y a quelques jours* – il faut renforcer l’effectif au prochain mercato selon vous ?

    Alors, là aussi, il y a une analyse qui a été donnée, est-ce que c’est la bonne, je ne sais pas… On dit qu’il n’y a pas de nouvelle mesure coercitive… Je crois savoir que c’est plutôt ça, à savoir qu’il n’y a pas de nouvelles mesures supplémentaires que celles qui ont été prises et dictées en début de saison par la DNCG. Moi, je pense que c’est plutôt ça… Je sais que, pour avoir rencontré Admar Lopes ces derniers jours, aujourd’hui, ce n’est pas trahir de secret que de dire que le club ne sera pas en capacité de recruter à tout-va lors du mercato d’hiver. Non, ce n’est pas vrai, il ne faut pas raconter d’histoires.

     

    Donc se baser sur les mêmes choses que l’été dernier, c’est-à-dire de voir si quelqu’un part pour ensuite pourvoir le remplacer.

    J’ai l’impression mais je n’ai pas de certitudes parce que ça dépasse mon rôle. Mais oui, j’ai l’impression que c’est ça, et ce qui est déjà bien ! Franchement ! Je ne reviens pas sur ce que j’ai dit au début de cet entretien, c’est déjà top d’être là.

     

    * La DNCG, au sujet de l‘”encadrement de la masse salariale et des indemnités de mutations” a expliqué n’avoir “aucune mesure prise à l’égard du club”. Reste à savoir s’il s’agit de mesure supplémentaire à savoir à celles de cet été pour les Girondins. Le Club, par le biais d’un communiqué, a laissé entendre qu’il n’y avait réellement aucune mesure et aucune autre mesure prise par le gendarme financier du football : “La commission de contrôle des Clubs Professionnels de la DNCG a décidé d’une absence de mesure à l’égard du FC Girondins de Bordeaux pour son examen de mi-saison. Le club se réjouit de cette décision qui vient confirmer la trajectoire positive de restructuration et de redressement entreprise l’été dernier. Elle conforte aussi le projet porté, depuis la reprise du club, par son actionnaire et sa direction, engagés à poursuivre le renforcement de la stabilité économique du club au service de son ambition sportive sur le long terme”.