InterviewG4E. Christophe Hutteau fait le point sur Johab Pascal, Marvin De Lima, Delphine Chatelin, Andréa Lardez, Rudy Orea, Guerric Bernou et Enzo Chauvet
Après une première partie sur l’actualité et la situation des Girondins de Bordeaux, l’agent de joueurs et de joueuses, Christophe Hutteau, fait un point complet sur chaque bordelais/bordelaise dont il gère les intérêts. Merci une nouvelle fois à Christophe pour le temps qu’il nous a accordé.
Vous avez fait signer très récemment Johab Pascal, qui est international haïtien, qui était très en vue il y a encore deux ans, au moment de la signature de son contrat professionnel. Il est passé un peu à travers les gouttes de l’effervescence de la jeunesse en début de saison. Quel est l’objectif le concernant ?
Déjà que Johab puisse enchainer les matches, ce qu’il n’a pas pu faire depuis deux ans à cause de blessures récurrentes, qui l’ont très fortement handicapé. C’est l’objectif premier. C’est un joueur qui a des qualités rares, et je n’invente rien car je suis son nouvel agent depuis seulement quelques jours, et les Girondins de Bordeaux n’ont pas attendu mon analyse pour voir les qualités de Johab. L’objectif premier c’est celui-ci, et pour en avoir discuté avec la direction du club, c’est aussi leur souhait, que le joueur puisse enfin enchainer les semaines, les matches avec l’équipe réserve avant de pourquoi pas, d’intégrer le groupe professionnel. Mais aussi de pouvoir, d’ici la fin de la saison, démontrer que tout le potentiel que tout le monde a vu de lui, il est en capacité de l’exploiter. Et on prendra une décision à ce moment-là. C’est un joueur à très fort potentiel, assurément. Malheureusement, à chaque fois que le staff technique avait prévu de l’incorporer aux entrainements sur une période longue, afin qu’il puisse démontrer son potentiel, à chaque fois il y a eu un petit pépin physique qui l’a éloigné. J’en ai discuté avec Admar Lopes qui m’a dit qu’ils ne prendraient pas de décision avant la fin de la saison puisque c’est un joueur dans lequel ils croient, mais il faut qu’il puisse être en capacité de leur démontrer.
Il y a ensuite la belle histoire Marvin De Lima, qui est resté aux Girondins alors qu’il avait des propositions de contrat professionnel ailleurs…
Par beaucoup de clubs, oui, c’est incroyable… Ce garçon a un talent fou (long silence). Je mesure mes propos, je ne voudrais pas qu’on lui mette la pression. Marvin, c’est… J’ai été l’agent de grands joueurs, à l’image de Mathieu Valbuena pendant près de dix ans quand même. Aujourd’hui, oui, Gaëtan Laborde, qui lui a une histoire extraordinaire et qui est loin d’être terminée, croyez-moi. Mais Marvin, je le place dans cette catégorie de joueurs. S’il continue d’avoir cette fraicheur, et je n’en doute pas car c’est un garçon qui aime le foot… Je sais que cela peut paraitre surprenant qu’on dise qu’il aime le football alors qu’il est footballeur, mais il y en a tellement qui ne regardent pas les matches la semaine… Lui, il ne raterait pas un match. Et puis, il a aussi quelque chose de remarquable, c’est que c’est un garçon très bien éduqué, avec des parents présents mais dans le bon sens du terme, qui lui ont donné des vraies valeurs. Aujourd’hui, pour toutes ces raisons, je suis tout sauf surpris. De toute façon, quand je vois la qualité des clubs qui nous ont proposés au mois de juin dernier de signer professionnel, et donc de sauter le contrat stagiaire-pro qu’on a finalement signé aux Girondins de Bordeaux, ne fait que prouver la qualité et le potentiel de ce garçon. Et j’ai envie de dire que certains peuvent se tromper, que certains peuvent voir dans mon discours un discours commercial, mais on a pu voir, sur ses quelques apparitions dans l’équipe professionnelle, ce qu’il était capable d’apporter. Le sélectionneur des U19 portugais a vu la même chose puisqu’il a été sélectionné avec les U19 portugais. Et le sélectionneur de l’Equipe de France U19, alors qu’il y a pourtant du beau monde dans son équipe comme Mathys Tell qui a été acheté une fortune par le Bayern Munich, il est venu chercher Marvin ! Sur les trois matches, le premier ne comptait pas car il était arrivé la veille, du fait qu’il ait joué le dimanche avec l’équipe réserve, donc il était prévu qu’il ne joue pas le premier match, comme tous les garçons dans ce cas-là. Mais tu t’aperçois qu’il est titulaire le deuxième match avec un but et une passe décisive, en faisant 90 minutes. Et le troisième match, il fait un match incroyable… Rares sont les gens qui ont vu le match, mais j’invite tout le monde à regarder ce match pour voir le vrai potentiel de Marvin. Il a cette fraicheur, il a quelque chose que les autres n’ont pas. Malgré sa petite taille, il a cette force dans les appuis, cette explosivité. Il est fort sur ses jambes, et ça ce sont des qualités rares dans le football moderne. Pourtant, c’est ce que les entraineurs aujourd’hui recherchent. Et, très honnêtement, quand je vois les coups de téléphone que j’ai pu recevoir ces derniers jours de la part de clubs français et étrangers, au sujet de Marvin, après ses deux prestations avec l’Equipe de France, voilà… Cela prouve que mon discours n’est pas commercial, c’est une réalité.
Cela signifie qu’il y aura des discussions prochainement pour un contrat professionnel ?
Là non plus, je ne veux pas trahir un secret mais, les Girondins de Bordeaux, par l’intermédiaire d’Admar Lopes, m’ont déjà contacté pour qu’on se voit dans les prochains jours, oui. Donc nous allons en discuter tranquillement, sereinement.
Qu’est-ce qui a fait qu’il a choisi l’Equipe de France, alors que quelques jours plus tôt il y avait la sélection du Portugal ? Y a-t-il eu une relation de cause à effet ?
Alors, non, il n’y a pas eu de relation de cause à effet car j’avais eu le sélectionneur de l’Equipe de France quelques jours avant la publication de la liste portugaise.
Qu’est-ce qui a fait la différence dans son choix de sélection, bien que rien ne soit encore définitif, et il faut le noter.
Oui, rien n’est définitif. Ce qui a fait la différence, tout simplement, c’est qu’il s’agissait pour l’Equipe de France de matches officiels et éliminatoires pour le Championnat d’Europe U19, alors que pour le Portugal il s’agissait d’un tournoi amical. Et puis, Marvin est français. Il est né à Bayonne, c’est un régional de l’étape. Avant d’être d’origine portugaise, parce que son papa est portugais, il est français.
On peut, que ce soit pour Marvin et d’autres, souligner de toute façon la qualité de la formation bordelaise, qui avait été décriée ces dernières années.
La qualité de la formation girondine a été très souvent décriée. Franchement, j’ai trouvé cela injuste. Oui, ils n’ont pas toujours tout fait bien, bien évidemment. Mais qui aujourd’hui peut avoir la prétention de tout faire bien ?! Et je regarde… Les Tchouaméni, Koundé, Laborde, Pellenard, et bien d’autres… Ils ont été formés à Bordeaux ! On ne parle de joueurs qui sont sortis des Girondins de Bordeaux il y a dix ou quinze ans. Il y a un vrai travail qui est fait. Pourtant, j’ai envie de dire que tous les moyens n’ont peut-être pas non plus été donnés à la formation bordelaise. Quand vous voyez les locaux, franchement… Quand les parents aujourd’hui ont le choix entre venir à Bordeaux ou venir dans un autre club, si vous vous basez uniquement sur les infrastructures, ce n’est pas faire injure que de dire que c’est difficile… Là aussi, ce n’est pas un discours de circonstances, ce n’est pas taper sur la direction actuelle des Girondins de Bordeaux. Ils viennent d’arriver, ils n’ont géré que des incendies, il a fallu les éteindre. Mais ça ne doit pas nous empêcher d’être objectif dans nos analyses.
Il y a maintenant deux semaines, une de vos joueuses, Delphine Chatelin, est revenue à la compétition, après une grave blessure…
C’est génial… C’est une belle victoire. Je suis vraiment profondément heureux pour elle. Le risque qu’elle soit contrainte de stopper sa carrière après cette opération était grand. Elle a réussi à déjouer tous les pronostics, parce qu’elle a bossé, parce qu’elle a été sérieuse, respectueuse des protocoles mis en place par le chirurgien… Elle a fait preuve de beaucoup de ténacité, donc oui, c’est génial. C’est génial ! Ça vaut pour elle, mais cela doit valoir pout toutes et tous, c’est le juste retour du travail effectué, une notion qui est bien souvent galvaudée et oubliée par beaucoup.
Il y a également Andréa Lardez, la capitaine des Girondins, qui est la première joueuse qui a signé dans votre agence. Qu’est-ce qui vous a fait que vous êtes aujourd’hui également représentant du football féminin ?
Je n’ai pas vocation à m’occuper de beaucoup de joueuses, parce que j’ai beaucoup de joueurs déjà à gérer. Mais ce sont des rencontres. Ce sont des belles rencontres. Andréa est la première, car originaire de Mont-de-Marsan, connaissant également l’un de mes collaborateurs. On a été mis en relation, on s’est rencontrés, on a déjeuné ensemble. Andréa aussi, c’est quelqu’un qui est une grande professionnelle, qui fait un boulot de fou, et qui ne cesse de continuer à progresser d’ailleurs. C’est là où elle est aussi intéressante. Quand je vois ses matches, je m’aperçois qu’elle a encore une marge de progression, et elle ne cesse au fil des semaines et des saisons, de progresser. C’est quelqu’un que j’adore Andréa aussi, parce que c’est quelqu’un de droit. Les féminines ont ça de différent des garçons : quand elles ont quelque chose à vous dire, elles vous le disent (rires). J’apprécie beaucoup Andréa et Delphine. Je me félicite, non pas pour des raisons financières vous l’avez bien compris, de travailler avec elles. Ce sont des rencontres, et j’ai toujours fonctionné comme cela depuis que je suis agent. C’est pour vivre ces moments de complicité. Je ne regrette aucunement d’avoir été, et d’être l’agent de deux féminines. J’ai été très chanceux parce que j’ai rentré deux très belles personnes.
Quelle est la situation de Rudy Oréa ?
Rudy est un garçon qui a un potentiel fou, d’un avis unanime au sein même du club. Mais il est dans le dur. Cela fait partie de la carrière d’un joueur de football. Il faut impérativement qu’il arrive à passer un cap mentalement. C’est difficile pour lui, mais bon, j’estime que le rôle d’un agent est aussi d’être là, dans ces moments-là. Il est parti passer quelques jours, il y a quelques semaines, dans un autre club de première division. Le constat était le même qu’aux Girondins de Bordeaux, donc à un moment il est difficile de dire que ce n’est que de la faute des Girondins de Bordeaux. Mon discours avec lui a été très clair, il faut qu’il travaille, c’est lui qui a la clé. Le potentiel, il l’a. C’est un bon garçon, que j’apprécie d’un point de vue humain, mais aujourd’hui c’est à lui de faire mentir tout le monde, de prouver qu’il est capable de se surpasser mentalement.
Et celle de Guerric Bernou ?
Guerric a un énorme potentiel, dans lequel le club croit. Il n’y a pas d’ambiguïté. Il y a beaucoup de gardiens aujourd’hui aux Girondins de Bordeaux dans sa catégorie. Il va avoir sa chance, j’en ai parlé avec Admar Lopes et Patrick Battiston. Il doit continuer à travailler, et il travaille. Il a le temps, il a signé le temps. En plus, on sait tous qu’un gardien arrive à maturité beaucoup plus tard. C’est un garçon d’une rare intelligence puisqu’il poursuit ses études. Il bosse. Ça va venir.
Qu’en est-il enfin d’Enzo Chauvet ?
Il est avec les U19. C’est la même chose, il a un gros potentiel, il doit continuer à travailler. Les joueurs, avec moi, ils n’ont pas de chance. Je n’irai jamais leur dire que c’est blanc si c’est gris, et à l’inverse si c’est blanc, je ne vais pas leur dire que c’est gris. Enzo doit travailler. Il progresse. J’en ai parlé avec ses éducateurs dernièrement. Il n’a pas eu beaucoup de temps de jeu jusqu’à présent mais là aussi il y a de la concurrence. Ça va venir. S’il continue avec le même état d’esprit, la même volonté de se surpasser, il y arrivera. Il n’y a pas de raison ».
Rendez-vous d’ici deux jours pour une troisième et dernière partie sur les joueurs passés par les Girondins de Bordeaux, dont il gère également les intérêts.