InterviewG4E. Alain Benedet : « On sent que depuis qu’il y a eu des repreneurs, qu’on ne sait pas trop où le club va »
Alain Bénédet est surtout connu en Gironde pour avoir été l’adjoint de Francis Gillot aux Girondins de Bordeaux pendant trois saisons. Mais avant de devenir coach, Alain fut également joueur professionnel à Toulon, Saint-Etienne, Nîmes, Le Havre ou encore… Metz, le prochain adversaire du club au scapulaire. Il fut ensuite directeur du pôle espoir de Castelmaurou pendant plusieurs années, avant d’être appelé dans un staff professionnel. C’est de là que tout commença. Désormais et depuis le début de la saison, il endosse une nouvelle fonction, celle de numéro 1 à Blagnac. Pour Girondins4Ever, Alain Bénédet a accepté de répondre à de nombreux sujets en rapport avec le FCGB, dont son aventure de trois ans au club, et le regard qu’il porte aujourd’hui sur les Girondins. Interview.
Avant de commencer, nous allons prendre des nouvelles. Depuis que vous êtes entraîneur, vous avez connu des clubs de Ligue 1 en tant qu’adjoint. Aujourd’hui, vous êtes engagé avec le club de Blagnac, qui évolue en National 3, en tant qu’entraîneur principal. Est-ce que ce poste d’entraîneur principal vous correspond mieux que celui d’adjoint ?
Je pense que le poste d’adjoint, j’avais fait le tour. Francis Gillot avait pris une autre direction et est rentré à la DTN. Ca faisait un moment que dans ma tête, ça me trottait de prendre un club de National 3 ou de National 2. Je ne pensais pas le trouver dans ma région, puisque je suis d’Albi. J’ai eu la chance d’avoir ce projet sur Blagnac dans un club qui est déjà bien structuré et j’ai voulu tenter cette aventure en tant que numéro 1 parce qu’être adjoint pendant 10 ans m’a permis d’acquérir beaucoup d’expérience. Maintenant, c’est moi en tant que numéro 1 qui essaie partager cette expérience au club amateur.
Lorsque vous étiez joueur, vous avez joué dans différents clubs de première division, notamment une saison à Saint-Etienne, où vous avez affronté l’équipe des Girondins de Bordeaux en 86-87 qui finira Championne de France. Vous souvenez-vous de cette équipe, entraînée à l’époque par Aimé Jacquet ?
Bordeaux, c’était la grosse équipe ! Il y avait des joueurs de renom, il y avait de la qualité. Il y avait encore Patrick Battiston qui jouait derrière, je m’en rappelle puisqu’il avait blessé un joueur de chez nous involontairement sur une action. Ils ont fini Champions de France tout simplement parce que c’était la meilleure équipe du championnat. C’était toujours quelque chose quand on jouait les Girondins de Bordeaux. Il y a une histoire, un club qui a eu de bons résultats et où sont passés de très bons joueurs.
Est-ce que vous avez été approché par les Girondins de Bordeaux à l’époque où vous étiez joueur ? Ça vous aurait plu ?
Je n’ai pas eu cette chance-là même si j’aurais aimé. J’ai eu la chance par contre d’être adjoint aux Girondins de Bordeaux mais je ne l’ai pas connu en tant que joueur et c’est dommage. Bien sûr comme tout joueur, j’aurais aimé y jouer et rentrer dans le rang des Girondins de Bordeaux, c’est sûr.
Après votre carrière de joueur, vous êtes devenu entraîneur. Vous avez notamment été l’adjoint de Francis Gillot pendant presque 10 ans. Comment s’est fait la rencontre ?
Après ma carrière de joueur, j’ai été entraîneur-joueur à Albi pendant 3 ans et j’ai fait de même dans le club de Gaillac pendant 4 ans. J’ai été ensuite directeur du pôle espoir de Castelmaurou pendant 7 ans où j’avais un CDI. J’avais 47 ans et Frédéric Hantz m’a appelé pour partir avec lui à Sochaux, puisqu’il quittait Le Mans pour Sochaux. Il m’a dit de réfléchir pendant 48 heures pour savoir si je voulais partir avec lui et j’ai tenté l’expérience. Malheureusement, il a été licencié au bout de 6 mois. Le Président n’a pas voulu me licencier et m’a gardé. Et c’est Francis Gillot qui est arrivé et qui a voulu me garder dans son staff. C’est comme ça qu’ont commencé les dix ans de travail avec Francis Gillot.
Et qu’est-ce qui a fait que ça a duré aussi longtemps ?
Il y a une question de franchise et de respect mutuel. Après avec Francis, on se connaissait déjà car on avait fait une formation ensemble pendant un an et demi au moment de notre reconversion. On s’est perdu de vue entre temps. Mais il savait comment moi j’étais, parce que les entraîneurs se renseignent aussi. Par mon expérience de joueur dans tous les clubs où je suis passé, j’ai laissé une bonne image donc je pense que ça a joué aussi dans la façon dont on voit l’être humain.
Après 4 saisons à Sochaux, vous suivez donc Francis Gillot à Bordeaux, club dans lequel vous resterez 3 saisons. Vous rappelez-vous comment s’est fait votre venue à Bordeaux ?
Au départ, c’était un peu compliqué, car moi j’étais encore sous contrat à Sochaux. Francis Gillot a été approché par Bordeaux et il est arrivé au départ avec un adjoint, Qui était René Lobello. Mais comme le président de Sochaux avait dit que si Francis Gillot partait à Bordeaux, il fallait qu’il prenne tous ses adjoints… Donc Jean-Louis Triaud a donné le feu vert pour que je puisse venir rejoindre Francis car il ne pensait pas prendre tout son staff. Je l’ai donc suivi et ça m’a beaucoup plus, notamment de rejoindre le sud-ouest, pour me rapprocher de chez moi et aussi d’être aux Girondins de Bordeaux.
Un joueur vous a suivi durant ces années sochaliennes puis bordelaises, c’est Nicolas Maurice Belay. Vous l’avez entraîné pendant 7 saisons, ce doit être un joueur spécial pour vous, non ?
Oui, mais je pense que c’est un joueur qui aurait pu donner plus encore et qu’il aurait pu faire une carrière autre que celle qu’il a faite. Ca a été un petit peu ma frustration puisque j’étais entraîneur des attaquants, et je sais que Nicolas aurait pu amener davantage au football, avec toutes ses qualités. Il était quand même assez déroutant comme attaquant avec des qualités techniques hors-pair. Mais je pense qu’il n’a pas été assez finisseur comme il aurait dû l’être. En travaillant plus, en étant plus à l’écoute, il aurait pu embrasser une carrière encore plus importante.
A Bordeaux, vous étiez alors entraîneur spécifique pour les attaquants. Et justement dans votre effectif, il y avait un certain Cheick Diabaté. Que pouvez-vous nous dire sur lui ?
Pour moi, c’était un régal de travail avec Cheick Diabaté parce que c’était un joueur atypique. On se demandait comment on pouvait le faire jouer, avec son physique atypique, déglingué de partout (rires). Et au final, on s’aperçoit que c’est un garçon qui met des buts, qui était là, qui avait toujours un coup de pied qui traînait dans la surface. Franchement, ça a été un réel plaisir de travailler avec lui, tout comme avec Yoan Gouffran, avec qui j’ai pris beaucoup de plaisir. C’étaient des garçons qui avaient de l’envie, qui étaient bosseurs et qui écoutaient un peu ce qu’on leur disait. J’ai senti que j’avais amené quelque chose dans leur progression.
L’évènement phare de votre passage à Bordeaux a été notamment ce trophée de la Coupe de France en 2013, face à l’ETG. Quels souvenirs gardez-vous de cette coupe ?
Alors il y a deux choses. La Coupe de France, que je n’ai jamais pu gagner en tant que joueur puisqu’on avait été éliminés en quarts puis ensuite en demis. Et connaître cette joie de remporter la Coupe de France avec Bordeaux qui ne l’avait pas gagnée depuis de longues années, ça a vraiment été un bonheur, que ce soit pour nos carrières d’entraîneurs ou de joueurs. Ensuite, il y a eu quelque chose qui n’a pas été très marqué à cette époque-là, c’est notre qualification en 8ème de finale de l’Europa League, contre Benfica, alors qu’on avait fait un bon parcours. Ça n’avait pas trop signalé par les médias car Bordeaux n’était pas vraiment à mettre à l’affiche pour eux. Sur les trois années, faire un 8ème d’Europa League et remporter une Coupe de France, je trouve qu’en si peu de matches c’était un beau palmarès pour un club comme Bordeaux. Surtout quand on sait qu’on a repris le club à un moment où il était vraiment en difficulté. Après Jean Tigana, c’était difficile de redresser la barque et je trouve qu’en trois ans, avec les faibles moyens que l’on avait, le travail et la cohésion que l’on avait fait avec le groupe étaient bons.
Le week-end dernier Bordeaux a résisté à Marseille et a conservé son invincibilité de 42 ans, très importante pour les supporters. Lorsque vous étiez à Bordeaux, est-ce que ce match avait une saveur particulière ?
Bien sûr ! Parce que pour les supporters, le défi face aux Marseillais il sera toujours d’actualité. On sentait qu’il y avait cette pression de la part des supporters et qu’il fallait garder cette invincibilité. Ce n’était pas évident. Après, j’ai regardé le match dimanche, ça n’a pas été un match vraiment ouvert puisqu’il y a eu peu de frappes aux buts. Ça a été un match cadenassé mais c’est là qu’on voit qu’il y a beaucoup de pression autour de ce match.
Vous qui êtes spécialiste de l’attaque, comment jugez-vous l’attaque des Girondins de Bordeaux actuellement ? Paulo Sousa avait expressément demandé un avant-centre pour compléter son groupe au mercato d’hiver, sans succès…
Je trouve qu’il y a quand même du potentiel offensif. Il y a des garçons comme Jimmy Briand qui est toujours là, Nicolas De Préville qui fait une saison remarquable. Il y a du poids offensif mais tout dépend du plan que l’entraîneur met en place, s’il désire qu’il soit plus à vocation offensive ou défensive… On peut très bien attaquer tout en gardant un équilibre d’équipe sur le plan défensif. S’il y en a 5 qui défendent et 4 qui attaquent, je pense qu’on peut aller de l’avant pour marquer des buts. Mais je m’aperçois qu’ils ne se libèrent pas vraiment pour aller marquer des buts. On voit que dès que ça centre, il y a très peu de gens devant le but. Je pense que c’est un problème d’organisation, par rapport à ce que j’ai vu pour ce match de Marseille ou les autres que j’ai vus avant.
Lorsque ça ne va pas, c’est souvent l’entraîneur qui est visé. Aujourd’hui, c’est le cas pour Paulo Sousa, dont le système de jeu et ses choix sont remis en question. Cela a été votre cas avec Francis Gillot également. Comment vit-on ce type de situation, de l’intérieur ?
Avec Francis Gillot, on discutait beaucoup. On disait que l’on jouait beaucoup défensif, mais dès fois on finissait les matchs avec 6 joueurs offensifs donc quelque part, on était beaucoup plus porté sur l’attaque que la défense, même si la base d’une équipe c’est la défense car c’est sur elle que l’on s’appuie le plus. On a été un équipe qui marquait assez souvent des buts, ça prouve que l’on était porté vers l’avant. Après les critiques, vous savez, c’est toujours la même chose, les médias qui disent que l’on joue cadenassés, qu’on a un championnat de France qui est merdique… Mais on s’aperçoit que les joueurs étrangers qui viennent chez nous, ont du mal à s’imposer dans notre championnat. Ça montre qu’on a un championnat solide, en comparaison aux anglais où l’on voit 5-6 buts par match parfois et qui a un jeu qui est plus porté vers l’avant. On ne peut pas comparer. L’autre jour, je regardais le match Real Madrid- Atletico, j’ai un copain qui y était et il m’a dit que ça n’avait pas été un beau match et qu’il n’y avait eu qu’un seul but. On se focalise beaucoup sur les championnats étrangers alors que le nôtre est très tactique, pas évident à jouer. Et quand il n’y a pas beaucoup de buts, ce sont les entraîneurs qui sont pointés du doigt. Après, il y a aussi l’animation qui est faite par les joueurs, parce que l’entraîneur, ce n’est pas lui qui bloque l’animation. C’est assez compliqué de lancer la pierre de suite à l’entraîneur.
De façon générale, comment jugez-vous les Girondins de Bordeaux ? Ces dernières années, on a souvent dit que le club s’apparentait plus à un Club Med…
Oui, on a toujours dit ça. On dit que Bordeaux c’est une routine, qu’il y fait bon vivre, etc… Ce sont certainement les joueurs qui se mettent dans un certain confort aussi. Parce que le boulot, il est fait de la même façon, à chaque fois que passe un nouvel entraîneur dans ce club. Après, c’est l’investissement des joueurs, on en revient toujours à ça. Dans la mesure où les joueurs s’investissent les résultats arrivent après. Je suis un peu surpris du classement des Girondins, puisque vu l’équipe que je vois sur le papier, c’est une équipe qui devrait déjà être dans les 6-7 premiers. Mais elle a du mal à aller de l’avant, il y a des questions que l’on peut se poser car chaque année on dit la même chose. Ça se répète d’année en année …
Bordeaux traverse une période sensible dans son histoire. Entre le rachat du club par un fonds d’investissement américain et les fortes tensions entre la direction et les Ultramarines, est-ce que vous pensez que l’extra sportif va avoir un impact sur le terrain ?
Oui, je pense. Est-ce que le club travaille sereinement ? Est-ce que les rapports sont ouverts à toutes les catégories du club ? Est-ce qu’il y a une politique sportive mise en place ? Quand il y a un rachat de personnes étrangères, c’est toujours compliqué. Est-ce qu’il y a un maître à bord qui commande le navire ? Je ne sais pas. Moi, j’entends des choses depuis l’extérieur et on voit un club qui ne sait pas trop où il va. C’est assez complexe mais je ne suis pas sur place pour voir ce qu’il se passe. On sent que depuis qu’il y a eu des repreneurs, qu’on ne sait pas trop où le club va, en quelque sorte.
Samedi, Bordeaux se déplace à Metz, club où vous avez joué. Les Messins sont actuellement 16èmes au classement, mais ont quand même mis 3 buts à Saint-Etienne le weekend dernier. Cela risque d’être un match compliqué pour Bordeaux, non ?
Je crois que c’est une équipe qui prend de la hauteur et qui arrive à trouver une certaine osmose, qui marque des buts et qui a retrouvé des sensations. Il y a toujours le public qui est présent à Metz car c’est un club qui est très familial. Il y a un état d’esprit qui règne, il y a une continuité dans ce que faisait à l’époque le président Molinari. Le président Serin qui était déjà au comité directeur à l’époque quand j’y étais, est resté dans une continuité aussi. Le club a su s’encadrer aussi d’anciens joueurs, avec Gaillot qui est directeur sportif, Antonetti aussi a amené sa patte malgré les problèmes qu’il rencontre avec son épouse. Il y a Jean-Marie De Zerbi que je connais bien, avec Hognon qui a pris la place d’Antonetti dans la relation avec les joueurs. On voit que c’est un club où les joueurs ont envie de s’affirmer au plus haut niveau et que c’est un club qui veut rester en première division. La preuve en est qu’il sont également en train de restructurer leur stade, ce stade où il fait bon jouer. Il y a une ferveur qui est forte à Metz et qui a toujours existé. Donc ça va être un match difficile pour Bordeaux, surtout dans l’euphorie dans laquelle se trouvent les Messins à l’heure actuelle.
Un pronostic ?
Je mettrais 1-0 pour Metz, mais ça peut aussi se finir sur un match nul.