Marc Wilmots : « Comme d’autres techniciens de ma génération, j’ouvre tout de même les yeux : les clubs sont rachetés un à un par des businessmen ou par des fonds d’investissements qui ne connaissent rien au foot »
Marc Wilmots, dans La Capitale, a parlé du « nouveau monde » du football, à savoir les clubs rachetés par les fonds d’investissement, ou encore ceux qui utilisent de plus en plus la data par exemple.
« Les anciens joueurs sont un peu mis de côté au profit de ce phénomène venu d’Allemagne : les laptop trainers. Attention, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : un grand passé de joueur ne fait pas un grand entraîneur ! Il ne faut surtout pas croire ça, c’est le meilleur moyen de ne pas faire avancer le football. Mais comme d’autres techniciens de ma génération, j’ouvre tout de même les yeux : les clubs sont rachetés un à un par des businessmen ou par des fonds d’investissements qui ne connaissent rien au foot. Ou plutôt si : ils savent le profit qu’ils peuvent en tirer. Un match en stats, ça leur parle comme un cours de bourse. Un joueur qui réussit 85% de passes, ça fait wouaw ! Mais quelle est la nature précise de ces passes ? Vers l’avant, latérales, des remises en retrait ? Et les courses, les démarquages, ils figurent où dans les datas ? Nulle part, sauf les kilomètres parcours. Après la démonstration de Dieumerci Mbokani à Anderlecht lors du quatrième match des playoffs, il a eu une réponse qui a tapé en plein dans le mille : « Je cours peut-être moins, mais je cours juste ». Tout est résumé dans cette phrase. Les datas sont importants et je les ai beaucoup utilisés en équipe nationale car ils permettent de trouver la bonne alchimie et d’anticiper pas mal de choses. Mais ils ne font pas les matches ! Et ça ne transforme certainement pas les pieds de plomb en Soulier d’or ! J’ai fait l’école des entraîneurs de Cologne en compagnie de Thomas Tuchel. Nous avons énormément discuté sur le sujet lorsque les datas étaient en train d’apparaître dans les analyses et les projections des directions de club. Nous sommes de deux générations différentes mais pour lui comme pour moi, 80% du foot se joue dans la tête. Et en tant qu’entraîneur, quand on rentre dans un vestiaire, le laptop ne te précède pas, que je sache. C’est là que tu regardes un groupe dans les yeux, que tu fais trembler les murs ou que tu te montres conciliant, que tu motives ou que tu relativises. À la mi-temps d’un match, après une déception ou dans l’euphorie, ta touche Enter ne te sert pas à grand-chose. Pour résumer mon rapport aux datas, je ne suis contre rien mais il faut juste être conscient de ce que l’on peut en retirer… ou pas. Ça fait de moi un has been, ce que je dis ? ».