La Tribune de Nicolas : “Nous sommes les seuls capables de s’auto approprier cet écusson. Vous qui salissez notre blason chaque semaine, vous n’êtes pas des nôtres”

C’est une lettre ouverte, une tribune, que nous avons reçue, comme un cri du cœur, un constat de la dégradation de notre club, et que nous avons décidé de publier. Nicolas, fidèle supporter des Girondins de Bordeaux depuis l’âge de 4 ans, qui en a désormais 28, vit sur Naples depuis quelques mois, et a eu “un réel besoin” de s’exprimer par écrit sur la situation du FCGB. Nous vous relayons ses mots.
“2 mars 2002, 81e minute, penalty de Pauleta. 1-0 pour Bordeaux qui se dirige tout droit vers sa finale de coupe de la ligue au Stade de France. J’ai 8 ans et mon père m’amène avec lui au milieu des Ultras vivre mon premier déplacement en parcage. Cet amour pour ce scapulaire, déjà ancré dans le sang familial depuis des générations et dans mes veines depuis mes 4 ans, ne me quittera jamais plus et dictera mes humeurs au fil des semaines et ce, sans le savoir, jusqu’à aujourd’hui.
Au-delà des années, je découvre un FCGB riche en histoire, en émotions, avec des légendes qui ont fait la gloire du club et d’autres qui sont en train de l’écrire. De Pauleta, en passant par Savio, Celades, Kapsis, Denilson, Gourcuff, Chamakh, ou encore Ulrich Ramé, ma jeunesse est marquée par des noms tout aussi ronflants que spectaculaires pour la plupart. Puis ce point d’orgue, ce titre de Champion en 2009. Réuni comme 80 000 personnes place des Quinconces, du haut de mon innocence d’adolescent, je vis là sans le savoir ma dernière joie comme supporter avant un long naufrage qui ne cessera de nous engloutir dans les abysses de la Ligue 1.
Car oui, nous avons vécu une saison suivante somme toute étrange avec une première partie de saison remarquable : entre une épopée en Ligue des Champions prodigieuse et un championnat rondement mené. Nous finissions la phase aller par un succès satisfaisant en terre toulousaine et cet énième déplacement au Stadium qui restera pour beaucoup de fans comme le plus marquant pour l’ambiance et le scénario épique. “Nous on s’en fout on est 8e […] Et cette année on va tout arracher”. Si seulement… L’euphorie d’une année civile 2009 magique aura finalement généré un karma terrible dont on en paye aujourd’hui le prix fort.
Tout s’effondre pour le club entre un quart de LDC douteux contre Lyon, une finale de CDL contre Marseille qui voit l’ennemi soulever un trophée depuis 17 ans, sans parler du championnat… On vit là, tous, un premier coup de massue. Le départ de Laurent Blanc ? Le club ne s’en remettra pas. Et nous non plus.
Les erreurs de casting s’enchaînent, les matchs soporifiques également. Peu à peu Bordeaux, cette institution aux 6 titres de Champion de France s’effiloche. M6, propriétaire historique, décide enfin de passer la main au plus offrant. Et nous amène par la même occasion au purgatoire avec l’arrivée de ce fonds de pension nommé King Street et son acolyte GACP. Après de nombreuses secousses, le match contre Nîmes au Matmut Atlantique, où malgré les trois buts de ce Josh Maja, survendu comme une pépite comme tant d’autres chez nous, nous permettent de l’emporter avec les honneurs au début de l’hiver, va sonner selon moi le clap de fin de ce club. Entre une invasion des Ultras pendant presque trente minutes, une fronde menée contre les actionnaires absents et un projet de jeu frôlant le néant, le club frappé du Scapulaire et dans la tourmente malgré sa position favorable à ce moment-là de la saison.
Nous ne referons pas l’histoire, bien évidemment, mais je dois avouer qu’encore aujourd’hui je n’arrive pas à penser que Gérard Lopez ait été une mauvaise chose pour ce club. Dans tous les cas, récupérer une bête déjà blessée et à terre reste compliqué.
Néanmoins, je suis plutôt véhément face aux dirigeants qui eux nous ont vendu du rêve. A commencer par Admar Lopes, soi-disant le nouveau Luis Campos. Lors de mon déplacement avec mon ami cette saison à Monaco pour assister à l’un des naufrages de notre club, nous le voyons prendre l’avion accompagné de sa dulcinée, la veille du match, au petit matin. Je me retrouve assez surpris, car j’ose penser que cet homme doit avoir d’autres priorités que de passer un week-end entier sur le Rocher, compte tenu de la situation du club et des ajustements à réaliser à tous les étages. Bref. Ce génie du football nous aura permis de nous ramener en l’espace de six mois des noms qui auront fait beaucoup de différences: Gregersen, Mensah, Mangas, Marcelo, Onana, Guilavogui, Niang, Pembele, Fransergio, Elis. Très sincèrement sur cette liste non exhaustive, combien se sont avérés être des réussites ? Nous ne sommes pas des professionnels du métier, mais il faudrait être malhonnête pour s’imaginer que des joueurs pas forcément titulaires dans des clubs de seconde voire troisième zone, deviennent des cracks en signant chez nous. Et le constat est sans appel. Aujourd’hui avec l’humilité du supporter que je suis, je ne garderai que notre milieu Ignatenko dont la hargne et l’envie nous rappellent nos valeureux Rool et Jurietti. Et certainement Niang devant qui montre beaucoup de bonne volonté. Pour le reste, tout est à jeter. Et à commencer par vous Mr Admar.
Puis l’entraîneur. A chaque fois nous sommes confrontés aux mêmes problématiques. Soit nous avons des entraîneurs philosophes (Sousa), soit des pédagogues mais peu écoutés par le vestiaire (Gasset), ou alors des types qui ne parlent juste pas notre langue (Petkovic), pour enfin prendre un homme qui ne dépassait même pas les 40% de victoires en carrière avant (Guion). Le tout, à chaque fois, pour des salaires indécents compte tenu du standing de notre club, luttant pour, au mieux, le milieu de tableau. Le fossé se creuse avec les supporters et nous avons de plus en plus de mal à nous identifier à ces hommes qui s’apparentent pour la plupart à des mercenaires, venus empocher un chèque improbable, faire le strict minimum pour repartir derrière.
Car le football c’est cela désormais. Plus tu es mauvais, plus tu fais de l’argent. Et notre ancien coach, dont son seul grand fait d’arme aura été d’éliminer la France aux TAB à l’Euro, l’aura bien compris. Un salaire indigne, des résultats minables et hop, on réclame son dû devant les tribunaux. Et là est la raison de ma tribune: mais n’avez-vous pas honte ? N’êtes-vous pas assez dignes pour partir humblement à coût zéro ? Vous qui êtes millionnaires, réclamez en l’espace de 5 mois de travail, des sommes pharaoniques que le commun des mortels ne pourrait se gagner en l’espace d’une vie. Et pour le coup, votre attrait pour l’argent, plus grand que votre honneur, vous pousse à porter un club au tribunal, pour le saigner jusqu’au cou. Mais n’avez-vous pas honte ? Vous devriez vous excuser plutôt et partir la tête basse, voire même remercier le club de vous avoir rincés pendant des mois. Vous ne mériteriez même pas un euro dans quelconque entreprise pour de tels résultats. Je m’arrêterai là, sinon je pourrais devenir vulgaire…
Enfin, point d’orgue de tout cela, les joueurs. Nous ne referons pas l’histoire de ces saisons écoulées car nous connaissons tous les scénarios qui se sont enchaînés. Mais ces hommes, qui ont le titre de footballeurs professionnels. Ont-ils un semblant d’honneur et d’amour propre ? Représenter un club historique comme le nôtre, une ville élue meilleure destination européenne en 2015, une région comme la Nouvelle Aquitaine, cela devrait être un honneur. Jouer dans un écrin tout neuf, avec toutes les commodités nécessaires, tout est pensé pour vous faire comprendre la chance que vous avez d’évoluer chez nous. Car ne nous mentons pas, aujourd’hui nous, supporters, sommes les seuls capables de s’auto approprier cet écusson. Vous qui salissez notre blason chaque semaine, vous n’êtes pas des nôtres. Vous êtes nos ennemis dans ce marasme et surtout les principaux responsables. Car malgré toutes les erreurs de casting réalisées, les hommes présents sur le pré, c’est vous. Et, malheureusement pour nous, quand nous nous comportons mal dans la vie, on le paye sur le terrain. Des joueurs qui, en pleine “opération commando” -selon les dires de notre coach-, se retrouvent à des soirées en pleine semaine, se mettent minables et repartent chez eux à des heures indignes d’un joueur professionnel, nous en avons vus. C’est petit Bordeaux messieurs, tout se sait.
Ne venez pas nous dire que cette situation vous affecte car pour la majorité, vous allez déserter le camp dans quelques semaines. Et nous serons seuls, meurtris face à ce destin dont nous sommes les seules victimes. Car ce monde est mal fait, les fourvoyeurs s’en sortent toujours. Mais par contre les victimes elles, n’ont que les yeux pour pleurer et les souvenirs comme réconfort.
Aujourd’hui notre destin est bouché par votre amateurisme. A tous les niveaux. Aujourd’hui il nous reste 4 finales à disputer. Autant vous dire que je crois plus à devenir millionnaire qu’à un maintien de notre club. Mais comme détaillé plus haut, je ne vous inclus pas dans l’expression “notre club”, qu’on soit bien d’accord.
Car bon, cette saison, avant de m’envoler vers Naples pour des raisons professionnelles, j’ai voulu donc voyager un peu pour défendre mes couleurs et mon orgueil marine et blanc un peu partout en France. De Monaco donc, en passant par Montpellier, j’ai essayé de suivre en parcage ce club déjà à l’agonie. Chaque weekend vous nous faites vivre des tortures inexplicables, du jamais vu finalement. 84 buts encaissés en 34 matchs… 84… Il ne faut vraiment pas beaucoup s’aimer pour accepter de telles défaites chaque week-end, entendre se faire chambrer pour tous ces supporters partout où nous allons. Vous qui disiez avoir vu les banderoles des Nantais en ville durant la semaine, et être conscients de l’enjeu du match, bah c’est raté. Une fois de plus. Pauvre de nous… Et quand je vois encore combien de bordelais se sont levés sur les deux premiers buts en première mi-temps, je me dis que nous avons vraiment l’honneur d’être des supporters respectueux. Et des fans inconditionnels. Car combien auraient lâché depuis longtemps. Mais comme le disait Cantona, dans la vie on peut changer de métier, de religion, de femme, mais nous ne pouvons pas changer de club de foot. Et concrètement, cet amour-là, seul un passionné peut le comprendre. Ces insomnies provoquées par vos résultats immondes, cette gueule de bois en partant au travail car affectés par ces immondes prestations.
Ici, dans la ville chère à Maradona (n’hésitez d’ailleurs pas à jeter un œil sur Youtube, regardez et inspirez vous, ne serait-ce que prendre 1% de son talent pourrait vous servir), dès que j’évoque mon amour pour les Girondins, l’heure est à la stupéfaction. Tous savent la situation de ce club historique et personne ne comprend comment nous avons fait pour en arriver là. Hélas, en allumant la télévision, ceux, incrédules, refusant la réalité de mes propos, se rendent très vite compte que vous n’êtes que des bons à rien. Et compatissent à ma désolation. Car c’est cela messieurs, un club historique. C’est un club, une institution qui ne peut mourir. Qui restera éternelle dans le cœur des connaisseurs. Je me refuse de croire qu’à cause de vous, notre FCGB disparaîtra.
En d’autres termes, cette place de relégable, vous la méritez. Nous non. Je vous déteste tellement, tous, à tous les étages, pour le mal causé et le désarroi provoqué dans le cœur des supporters. Ceux qui n’ont jamais cessé d’être à vos côtés durant de trop longues années. Sachez que peu importe l’issue de cette saison, je ne vous souhaite rien de bon pour la suite de vos carrières respectives, tant vous avez sali notre club pour ses 140 ans. Moi, je vais continuer à prier les saints napolitains, à contempler les vidéos passées de notre club, et espérer un miracle, un bonheur, comme le ciseau de Pauleta sur un centre de Dugarry contre Lorient. J’avais 8 ans, j’en ai 28, l’amour intact, mais les émotions divergent.
Bordeaux c’est nous”.
Nicolas