Loïc Ravenel : “Vous mettez la dette sous un autre lampadaire… Est-ce qu’on va éclairer le lampadaire ou pas ? C’est la question”

    (Photo by Anthony Dibon/Icon Sport)

    Loïc Ravenel, du Centre International d’études du Sport, basé en Suisse, sur France Bleu Gironde, a été invité à s’exprimer sur l’opération effectuée par Gérard Lopez et les fonds d’investissement aux Girondins de Bordeaux, à savoir un transfert de la moitié de la dette vers Jogo Bonito (23M€), vis-à-vis du passage devant la DNCG ?

    « J’ai vu ces informations. Je ne suis pas non plus un spécialiste de toutes ces opérations financières, je ne suis pas dans l’optimisation fiscale. Mais en lisant cela, on se rend compte qu’il y a des tours de passe-passe. On sent bien que la dette est toujours là, et qu’on va essayer de se débrouiller en la faisant circuler vers une autre société, pour qu’elle ne rentre pas dans les comptes, etc… Là, au-delà de ce cas particulier, que va dire la DNCG ? Que la dette a disparu ou qu’elle est encore là ?! Malgré tout, elle reste attachée au club… On voit qu’on est dans un système où l’on voit qu’on a des montages financiers de plus en plus compliqués. Je mets au défi quelqu’un de comprendre toute la stratégie de Gérard Lopez entre Lille, Bordeaux, tant les circuits financiers peuvent être opaques, tant les objectifs recherchés peuvent être parfois difficiles à comprendre… On a cette impression, qui n’est pas qu’une impression et qui est une réalité, que le football attire tout un tas d’acteurs dans le but est de faire de l’optimisation fiscale, pour générer des profils ou éviter de générer trop de pertes. C’est un secteur, si on raisonne plus largement, qui a toutes les caractéristiques pour avoir les voyants qui clignotent au rouge, en termes de transparence financière. Vous êtes dans un système dans lequel l’argent coule à flot, dans lequel il y a des interactions très fortes entre les pays à l’international, où on passe d’un pays à l’autre avec des réglementations différentes… Vous êtes dans un milieu où ça reste très opaque, on ne connait pas quels sont les contrats… On a rarement l’intégralité. Vous êtes dans un système où vous avez des investisseurs de toute nature : des investisseurs sérieux et officiels mais aussi des investisseurs du crime organisé, du blanchiment d’argent, et compagnie. Il y a de l’optimisation fiscale, des paradis fiscaux… On est dans un système quand même extrêmement opaque. Donc quand on voit ce genre de manipulation, on peut se douter qu’il y en a tout un tas d’autres qui existe et qui rend ce milieu à la fois extrêmement complexe et pour lequel il est vraiment très difficile d’avoir des avis tranchés sur la validité d’une telle ou telle procédure […] C’est toujours une définition de là où vous regardez. Vous mettez la dette sous un autre lampadaire… Est-ce qu’on va éclairer le lampadaire ou pas ? C’est la question. En soit, il n’y a pas un effacement de dettes, on ne passe pas l’éponge… Ce n’est pas le cas, elle est reprise ailleurs, espérant que la vente de joueurs et les futures opérations financières permettent de la rembourser plus tard en la mettant, d’une certaine manière, sous le tapis ».

    Puis le spécialiste donna son avis sur la levée de l’option d’achat d’Alberth Elis, qui enrichit Boavista (plus gros transfert de son histoire), et prochainement les Girondins de Bordeaux avec une plus-value, les deux clubs appartenant qui plus est à la même personne.

    « Cela me fait penser qu’on est sur des types de transferts qui sont de plus en plus complexes. On a de l’optimisation fiscale derrière les transferts. Il y a eu aussi le fait de posséder des parts de joueurs par exemple qui ont été interdits… On a de plus en plus de contrats avec des options en fonction d’un certain nombre de critères… Les paiements peuvent être étalés sur plusieurs saisons désormais… On s’échange les joueurs… On peut même faire passer des joueurs par des clubs passerelles pour éviter de payer des taxes… Il y a une sorte d’optimisation dans ce marché des transferts. Il faut bien se rappeler une chose ; plus vous faites bouger un joueur, plus vous créez de la valeur, et plus vous pouvez en récupérer d’une manière légale, ou illégale comme dans certains endroits ».

    Retranscription Girondins4Ever