Communiqué de l’Association Nationale des supporters après Ajaccio-Bordeaux

    (Photo by Anthony Bibard/FEP/Icon Sport)

    L’association Nationale des supporters a publié un communiqué des suites de ce qui s’est passé lundi dernier lors du match entre Ajaccio et les Girondins de Bordeaux. Le voici.

    Incidents survenus lors du match AC Ajaccio – Bordeaux

    Pour qu’il ne soit laissé aucune place au doute, l’A-N-S condamne et regrette les violences commises lors de ce match. Sans la moindre ambiguïté.

    Cette évidence rappelée, rien n’interdit – au contraire – de s’interroger sur les circonstances qui ont conduit à ces débordements.

    Lorsqu’une rencontre fait l’objet d’une attention particulière des pouvoirs publics, quand bien même la rencontre ne serait pas classée à risque, il est primordial que les supporters visiteurs soient accueillis au sein de la tribune réservée aux supporters visiteurs (le « parcage »). Les clubs et les forces de l’ordre ont l’habitude d’assurer la sécurité de cette tribune et de ses voies d’accès. Cette tribune ne constitue pas un droit au déplacement (puisque tout citoyen français est libre de circuler sur le territoire national), mais un outil de sécurité. Se priver du « parcage », ce n’est pas interdire la présence des supporters visiteurs, mais c’est se priver d’un outil de sécurité élémentaire.

    Pour autant, à trois jours de la rencontre, un vendredi, la préfecture de la Corse du Sud a, par arrêté préfectoral, interdit aux clubs et aux forces de l’ordre d’utiliser cet outil de sécurité. Par conséquent, les supporters bordelais, déjà sur place et ayant organisé leur venue depuis des semaines, ne pouvaient plus accéder qu’aux tribunes dédiées aux supporters « locaux ».

    Alors, certes. Il est possible de soutenir que les supporters bordelais auraient dû respecter cet arrêté. Mais la question n’est pas là. Les supporters bordelais n’auraient jamais dû se trouver dans cette situation. Ils n’auraient jamais eu à choisir, au dernier moment, entre :

    – renoncer illégitimement à leurs libertés citoyennes et à d’importants frais de déplacement et
    d’hébergement ; et
    – se rendre néanmoins au stade pour se battre symboliquement pour leurs droits.

    Dans un Etat de droit, où l’on respecte les libertés fondamentales et où l’on applique les circulaires du ministère de l’intérieur, on ne publie un arrêté préfectoral

    (i) disproportionné (et donc illégal),
    (ii) tardif (et donc inapplicable)
    (iii) sans n’avoir jamais contacté les supporters pour convenir avec eux des meilleures modalités
    de déplacement en Corse et d’accueil dans le stade.

    Le bon sens, les bonnes pratiques, les recommandations ministérielles et le respect du droit commandaient d’utiliser le « parcage » au lieu de priver les clubs et les forces de l’ordre de cet outil de sécurité.

    Et ceci de manière encore plus évidente. L’arrêté préfectoral interdisait uniquement de se comporter comme supporter bordelais (chanter, célébrer un but) ou de se prévaloir de cette qualité (maillot, écharpe, etc.). L’arrêté n’interdisait donc pas aux supporters bordelais de venir au stade. || était donc acquis que des supporters bordelais seraient présents et que, même sans maillot ni chants, ils auraient pu être reconnus par des supporters locaux.

    La présence des supporters bordelais à cet endroit du stade, au milieu des supporters locaux, a pu être ressentie comme une provocation. Or, comme ils l’ont publiquement indiqué, leur présence dans cette tribune n’avait pas vocation à créer des affrontements avec les supporters locaux. Ils étaient simplement privés d’accès au “parcage” par le préfet.

    A l’échelle nationale, il nous semble que de trop nombreuses préfectures publient chaque semaine des arrêtés avec la volonté de se dédouaner de toute responsabilité. Certains hauts fonctionnaires sont convaincus qu’un arrêté leur permet de s’exonérer de toute mission d’ordre public. En réalité, par ces arrêtés, ils accroissent les risques et privent les acteurs de terrain de la capacité d’organiser et de sécuriser la venue des supporters visiteurs.

    Rappelons que l’an dernier les tribunaux administratifs ont, lorsqu’ils ont été saisis par les associations de supporters, systématiquement suspendu ces arrêtés, souvent la veille ou le jour du match. Ce qui a contraint les clubs et les forces de l’ordre à organiser en quelques heures ce qu’ils auraient pu organiser en plusieurs semaines.

    Une circulaire du ministre de l’intérieur de novembre 2019 le dit explicitement : ces arrêtés peuvent créer plus de problèmes qu’ils n’en préviennent. En effet, comme à Ajaccio, les supporters visiteurs ne respectent pas toujours ces arrêtés. Souvent parce que ces arrêtés sont tardifs (les supporters sont déjà sur place ou ne peuvent plus se faire rembourser) ou perçus comme illégitimes. En se privant de la possibilité d’organiser ces déplacements par le dialogue (mode de transport collectif, horaire et point de rendez-vous, jauge maximale de supporters visiteurs), les préfectures prennent le risque d’avoir à gérer une multitude d’individualités non identifiables partout dans le stade.

    Il est plus simple d’ouvrir le parcage et d’y accueillir de manière organisée les supporters que de pousser ces supporters à venir clandestinement partout ailleurs dans le stade. Pour illustration, certains responsables des forces de l’ordre, avec l’aide des clubs, prennent régulièrement l’initiative d’ouvrir cette zone sécurisée au dernier moment malgré sa fermeture administrative ou disciplinaire : GFC Ajaccio – RC Lens, FC Sochaux Montbéliard – RC Lens, Paris FC – RC Lens (Saison 2018 – 2019), Bastia Borgo – Saint Etienne (Saison 2019 – 2020), FC Sochaux Montbéliard – FCG Bordeaux, FC Lorient – Montpellier HSC ou encore FC Nantes – Olympique de Marseille (Saison 2022 – 2023) – Liste non exhaustive.

    Ces illustrations démontrent que les acteurs de terrain, contrairement aux bureaucrates, sont convaincus de la nécessité d’utiliser cet outil de sécurité et d’ordre public.

    Toutes les bonnes pratiques, rappelées dans des circulaires du ministère de l’intérieur ou dans les travaux de l’instance nationale du supportérisme (« INS ») recommandent d’organiser les déplacements de supporters par le dialogue et plusieurs semaines à l’avance. Certains clubs et autorités continuent d’agir en toute impunité passant au-delà de ces bonnes pratiques ; créant ainsi que les risques dont elles pleurent ensuite la réalisation.

    L’an dernier, les préfectures ont pris beaucoup moins de mesures d’interdiction et beaucoup plus de mesures d’encadrement. Les incidents ont chuté en flèche.

    La saison vient à peine de commencer. Il est encore temps de faire primer le dialogue et de privilégier la prévention à la répression afin d’éviter qu’une telle situation se répète. Nous avons, à cet égard, proposé cette semaine aux pouvoirs publics d’organiser des réunions de travail. Nous ne doutons pas qu’ils y répondront favorablement.

    Association Nationale des Supporters