L’avant-match de Balbir
Les bordelais affronteront les toulousains sur leur pelouse ce samedi soir en direct sur Orange Sport. En prévision de cette rencontre, Denis Balbir, qui commentera cette confrontation, livre son analyse dans cette interview publiée par le site En Pleine Lucarne.
« Denis, cette 22ème journée est marquée par le choc des deux olympiques (OM-OL). Cette affiche entre Bordeaux et Toulouse peut-elle nous offrir un beau match ?
Beau match nous verrons. Il est toujours difficile de prévoir ce genre de rencontre : il y a des affiches qui débouchent sur des matches moyens et des matches moyens qui débouchent sur des affiches. Ça reste un derby. Au match aller, nous avions eu un match à suspense avec la victoire de Toulouse, qui était mené 2-0 (3-2). Maintenant, est-ce que cette situation va se reproduire ? Pas sûr. Bordeaux reste une équipe moyenne et Toulouse n’est pas vraiment une formation spectaculaire. Elle ferme beaucoup le jeu en plus d’être difficile à manœuvrer pour l’adversaire. En général, le beau jeu n’est pas allié aux résultats. Toulouse possède une étiquette d’équipe défensive et les faits sont présents pour le confirmer.
Que manque-t-il à Toulouse pour s’extirper de cette image ?
Certainement un petit grain de folie. Après il y a le souci de l’effectif, pas tellement renouvelé. La base de bons joueurs comme Daniel Congre ou Moussa Sissoko est présente. Ils ont mûri mais, sans être péjoratif, ce sont des bons joueurs de club qui ont du mal à franchir le pas. Prenons l’exemple de Sissoko. A une époque, il avait une bonne expérience et surtout des offres intéressantes de l’étranger mais depuis, il est rentré un petit peu dans le rang. C’est pas non plus un club où le travail est facilité par le public.
À Toulouse, on est conscient que le rugby prend rapidement le dessus sur le foot. Cette addition de paramètres fait qu’aujourd’hui l’équipe n’est pas très transcendante. Même si elle réalise quelques exploits cette saison et se maintient en haut de tableau de temps en temps, c’est une formation dont on parle très peu justement parce qu’il lui manque cette flamme et cette touche d’invention au niveau du jeu. Il n’y a aucun joueur phare. On ne se dit pas Toulouse, c’est Elmander, comme avant, ou encore Mauro Cetto. Malgré tout, le TFC grappille des points au classement et il faudra certainement compter sur lui.
Est-ce une réelle volonté d’Alain Casanova d’évoluer de cette manière ou bien est-il dépendant de son effectif ?
Un peu des deux. Lorsque l’on discute avec Alain, il souhaite d’abord être prudent. Construire son équipe pour bien défendre. Après, il possède aussi ces fameux petits grains de folie comme l’invention des combinaisons sur coup de pieds arrêtés. On se souvient du but contre Évian TG ; tout le monde est surpris sur la feinte et le TFC l’emporte (17eme journée – 2-1).
Il est important d’ôter cette image d’entraîneur défensif. Alain Casanova fait aussi avec les moyens du bord. Devant, Emmanuel Rivière a longtemps été blessé et Umut Bulut n’est pas un grand finisseur. Au milieu , Didot et Machado tentent d’apporter une touche technique et derrière, c’est assez solide. Donc, effectivement, si le coach toulousain disposait d’un grand attaquant, de milieux créatifs ou d’un très bon joueur par ligne, peut être que le discours de Casanova serait différent. En attendant, il travaille avec des moyens limités et il le fait très bien. Son club est dans le haut de tableau, c’est le signe que l’entraîneur n’est pas si mauvais que ça.
Du côté des Girondins, Francis Gillot semble enfin avoir trouvé la bonne formule.
Francis Gillot est un entraîneur qui a des principes et qui n’en déroge jamais. Il va de l’avant. L’arrivée d’Obraniak et des joueurs comme Jussié lui permettent de démontrer ce qu’il a envie de construire avec une bonne équipe. Jean-Louis Triaud (président de Bordeaux) a compris qu’il fallait lui laisser sa chance. Ce n’est pas le premier venu non plus. Gillot a réalisé de belles choses avec Sochaux. L’effectif était limité à part deux trois joueurs. L’éclosion des joueurs comme Marvin Martin, Ryad Boudebouz ou Vincent Nogueira, c’est lui. Le coach girondin prouve qu’il possède cette capacité à jouer avec des joueurs d’expérience comme Teddy Richert ou Jérémy Bréchet mais aussi de révéler des jeunes. C’est important à l’heure où le football français a du mal à sortir des très bons espoirs.
Sans être flamboyant, Bordeaux semble remonter la pente. Un match référence ou un déclic ?
Je ne pense pas qu’il y ait eu de déclic. Bordeaux n’est pas une équipe qui me fait rêver. Depuis l’année du titre, elle n’a jamais su se relever. Aujourd’hui elle continue d’être médiocre. Un sentiment confirmé contre Évian où il se contente d’un 0-0 chez un promu. Actuellement Bordeaux reste un club un peu à part qui est rentré dans le rang. Ils ont la chance et le mérite de posséder un bon entraîneur.
Néanmoins, ils viennent d’effectuer un bon recrutement avec Obraniak. Un joueur à l’image de ses anciens coéquipiers Éden Hazard ou Yohan Cabaye. Ils possèdent des centres de gravité assez bas avec une bonne technique, notamment sur coups de pied arrêtés. Il pourrait être un joueur très précieux pour eux.
On a très souvent parlé de l’héritage de Laurent Blanc, la succession de Jean Tigana… À un moment, n’était-ce pas aux anciens ou aux joueurs cadres de prendre leurs responsabilités ?
Si bien-sûr, les joueurs ont une grosse part de responsabilité. Au bout d’un moment, il y a eu des clans pour Jean Tigana, des clans pour Michel Pavon…ce sont des périodes où les joueurs sont totalement déconnectés de la réalité de choses… Après c’est une question de niveau. Une baisse de régime comme pour certains défenseurs ou bien de la fatigue mentale et physique, ce ne sont pas non plus des machines. Lorsqu’un élément n’est pas bon, quand il est moyen, voire très mauvais, quelquefois, ce n’est pas volontaire. Prenons l’exemple de garçons comme Mathieu Chalmé. Aux portes de l’équipe de France, maintenant il n’est même plus dans le onze type de Bordeaux. Pourquoi, comment, je ne sais pas. Psychologiquement, il a du plonger entre les blessures et le manque de confiance.
Les responsabilités sont souvent partagées quand un club ne réussit pas. C’est plus facile de remplacer un entraîneur qu’une équipe entière. Les joueurs cadres doivent porter le club. Pour Marc Planus, c’est un gars du coin, qui doit s’investir, il a souvent été blessé, il revient, il a des cartons. Un retard dans la préparation peut-être. Bordeaux vit une année de transition, mais pas sûr que la présidence se contente d’années de transition à répétition.
Ce derby est une occasion rêvée de changer la donne ?
De toute façon, ils n’ont pas le choix. Lorsqu’un club réalise un mauvais début de saison et qu’une légère embellie apparait, il faut la consolider. Ce derby est également une bonne occasion de refaire parler de Bordeaux. On s’intéresse plus à Toulouse. En plus ils sont devants au classement. Ils n’ont pas été champions comme les Girondins mais au moins, ils gagnent en régularité. Les Toulousains finissent souvent dans les 8 premiers. Si on parlait de Bordeaux, c’était pour de l’extra sportif. Samedi soir, c’est une occasion de rentrer dans le rang pour enfin parler de football, cela fait longtemps que l’on a oublié cette notion ! »