Bixente Lizarazu : « Vivre en vase clos, c’est usant, stressant, mais c’est le prix à payer »
Dans sa chronique du jour dans L’Equipe et sur l’équipe de France, Bixente Lizarazu aborde cette troisième rencontre face au Danemark.
« Ce troisième match contre le Danemark donnera la possibilité de faire tourner l’effectif, ce qui est essentiel pour la dynamique de groupe pendant un long tournoi. Si les Bleus veulent aller loin, il faut que chaque joueur vive sa Coupe du monde du mieux possible. Quand on ne joue pas, c’est plus dur et on est forcément moins bien. J’ai disputé deux Coupes du monde dans la peau d’un titulaire (1998 et 2002) et, si je ne l’ai pas vécu, j’ai souvent pu en parler avec ceux qui jouaient moins comme Frank Lebœuf ou pas du tout comme Lionel Charbonnier. En 1998, Frank est toujours resté concerné, ce qui lui a permis de faire une grande finale. Et Lionel communiquait toujours son enthousiasme, très positif pour la vie de groupe. Un footballeur n’est pas fait pour ne pas jouer, c’est l’essence même de sa passion. C’est une situation que tu subis, que tu gères comme tu peux, donc plus ou moins bien. Les journées sont encore plus longues quand tu ne joues pas. Le troisième match permet aussi de donner du temps de jeu et de faire récupérer certains titulaires, même si le bénéfice qu’on en retire ne s’observe pas toujours à court terme. En 1998, ceux qui, comme moi, n’avaient pas joué le troisième match contre le Danemark avaient manqué de rythme et de tonicité pour le huitième contre le Paraguay (1-0 a.p.). Mais cette fraîcheur nous avait ensuite fait du bien pour la suite de la compétition. Même s’il n’y a pas de cadeau à faire, il est donc hyper important de faire participer le maximum de monde, pour que chacun puisse se dire : « Voilà, moi aussi j’ai contribué. » Cela permet de garder le sourire et la concentration pour les semaines qui restent à vivre. Pour ceux qui n’auront pas joué après ce match, en revanche, cela sera très, très long… Depuis quatre semaines, les Bleus vivent en vase clos, coupés de l’extérieur et personne n’est fait pour cet isolement. Tout tourne autour des entraînements, de la récupération, des massages, des soins, de la surveillance de son poids, etc. On est autocentrés, renfermés sur soi, ce qui rend une Coupe du monde compliquée à gérer sur le plan psychologique. Une routine s’installe, qui peut être usante, et on ressent parfois le besoin de retourner dans la vraie vie, de se changer les idées. Une Coupe du monde ne se gagne pas que sur la logistique (le centre d’entraînement, les hôtels, le temps perdu dans les déplacements…) mais elle peut se perdre là-dessus. On ne se rend pas compte à quel point cela joue sur l’humeur et le mental des joueurs, voire du staff, et combien il faut travailler sur soi pour lutter contre cet enfermement. S’il y a des contre-performances et que l’ambiance n’est pas bonne dans l’équipe, cela peut être explosif… On peut combattre ça par des activités comme de la lecture, des discussions, des jeux, mais, au bout d’un moment, on a fait le tour. Bien sûr, on est là pour la plus belle compétition, mais on comprend que certains entraîneurs lâchent la bride à leurs joueurs. Une journée ou une demi-journée libre, ce n’est pas grand-chose, mais c’est une respiration dont on peut ressentir les bénéfices pendant une semaine. Vivre en vase clos, c’est usant, stressant et c’est un équilibre difficile à trouver. Mais c’est le prix à payer. Et ça vaut le coup quand la gagne est au bout ».