Gustavo Poyet : “L’Europa League, c’était pas mal du tout mais après le dimanche, c’était autre chose (rires). Mais quand tu dis ça comme entraîneur, ils pensent que tu dis ça contre eux…”

    Si l’on devait faire une comparaison au niveau des demandes des coaches aux Girondins de Bordeaux, Gustavo Poyet et Paulo Sousa vivent à peu de chose près la même situation : des départs de joueurs cadres ou à fort potentiel, et très peu d’arrivées. Vis-à-vis de ce qu’il a vécu au FCGB, “Gus” explique l’importance d’avoir un groupe étoffé – surtout quand on joue une compétition européenne – mais surtout d’avoir un attaquant qui marque au moins 15 buts par saison.

    “C’est difficile de parler sur ce qui se passe actuellement, car je ne sais pas ce que le club a dit à Paulo, comment ils allaient le faire, quels joueurs ils ont amené ou pas… c’est difficile. Ce que j’ai toujours dit, c’est que le centre de formation de Bordeaux, c’est un Top 5 de France. Alors, si on s’appuie sur des jeunes qui sont dans le Top 5 de France, il faut les voir intégrer chaque année l’équipe première. Moi, quand je suis arrivé au club, Jules Koundé avait 19 ans, je pense, et il avait déjà joué 3-4 matchs avec Jocelyn Gourvennec et Eric Bedouet. Il avait la qualité, la mentalité pour jouer tous les matchs. Ce n’était pas moi, c’était Jules. J’étais vraiment convaincu que Tchouameni et Youssouf pouvaient prendre une part importante dans notre groupe de joueur. Ils ont joué pratiquement tous les matchs d’Europa League, les trois. On a donc commencé l’Europa League avec 3 joueurs qui avaient à peu près 19 ans. Je n’avais pas peur parce que je savais qu’ils avaient la qualité et la mentalité pour être là. C’est à eux de le démontrer, je n’ai pas eu peur de les faire jouer. Mais tu sais que pour les maintenir en consistance dans l’année, tu as besoin de quelque chose de plus. Il faut au moins un attaquant qui marque 15 buts. C’était qui le dernier attaquant qui en a marqué autant ? On parle de Bordeaux ! Avec tout le respect pour les autres équipes, on ne parle pas d’une équipe qui joue le maintien, on parle de Bordeaux. Ça devrait être le Top 5. Alors si pour être à ce niveau, tu n’as pas un joueur qui va rester quelques années, qui va marquer 15 buts, on se trompe d’objectifs. Et ce n’est pas un problème de supporters, d’entraîneur ou de comment tu les entraînes. C’est un problème financier où il faut trouver des solutions mais qui sont plus difficiles. Il faut essayer de maintenir un groupe de personnes qui travaille pour le même objectif. Si on choisit de jouer les prochaines années avec de jeunes joueurs, tout le monde va savoir que Bordeaux a une équipe majoritairement jeune. Tu vas gagner beaucoup de choses mais tu vas en perdre aussi : l’expérience, la consistance. Mais c’est une option. Tu vas trouver un joueur qui est spécialiste devant le but et en lui donnant 2-3 ans, tu vas faire de lui ce joueur qui met 15 buts. On va trouver un système de jeu que l’on pourra garder pour quelques années, comme celui que l’on a trouvé nous, ce 4-3-3, qui a été magnifique avec nous. Tu sais, l’important pour l’entraîneur, c’est de pouvoir s’adapter. Quand Meité n’était pas là, tu faisais rentrer Lerager et ça pouvait marcher. Mais tu as une boule au ventre qui te rappelle qu’il faut que tu joues bien. Lors de la deuxième année, j’ai demandé des joueurs qui avaient l’habitude de jouer le jeudi et le dimanche. Tout le monde pense dans le football que c’est facile, mais non. Les joueurs qui sont dans un club qui joue les compétitions européennes chaque année, ont l’habitude de jouer jeudi et dimanche tout le temps. Et il y a ceux qui n’ont pas cette habitude-là et ces joueurs-là auront besoin de plusieurs années pour être au même niveau jeudi et dimanche. Pour illustrer ça, on peut prendre l’exemple d’un club qui joue la Champions League. Le mercredi, ils jouent un match à l’extérieur contre Liverpool à Anfield et dimanche, tu joues contre l’équipe qui est dernière du championnat de France. Quel match les joueurs ne veulent pas manquer d’après vous ? (rires). Tu as donc besoin de joueurs vraiment forts mentalement pour être sûr que le dimanche ils vont jouer avec le même niveau que mercredi. Et à ce niveau, tous les joueurs ne sont pas les mêmes. Les gens pensent que comme ils prennent de l’argent, il faut qu’ils jouent, point. Mais ce n’est pas ça. C’est mental, une habitude que les joueurs doivent prendre. Nous, on avait des jeunes, jamais ils n’ont joué jeudi et dimanche. Poundjé, Otávio n’ont pas beaucoup joué jeudi et dimanche. Lerager et Laborde aussi avant de partir… On avait un groupe de joueurs qui jouait le plus qui n’avait pas l’habitude de jouer jeudi et dimanche. Tu as donc besoin d’un groupe plus grand, ce qui te permet de faire des changements ou alors il te faut des joueurs qui aient l’habitude d’enchaîner ces matchs. Comme ça tu peux enchaîner les performances similaires sur les deux compétitions. J’ai regardé comment ça s’est passé après. L’Europa League, c’était pas mal du tout mais après le dimanche, c’était autre chose (rires). Mais quand tu dis ça comme entraîneur, ils pensent que tu dis ça contre eux. Alors que non. Je suis avec vous. Je dis ça car je veux jouer au même football le jeudi et le dimanche. Je connais ce genre de situation, je l’ai connue quand j’étais à Saragosse, à Chelsea. Il y a des joueurs qui ont l’habitude d’enchaîner ces matchs-là et d’autres qui ne l’ont pas. Si tu as un groupe vraiment jeune, avec des joueurs qui ont de l’adrénaline et de l’énergie tout de suite, tu sais que 3 mois plus tard, le niveau va baisser car tu sais qu’ils ne pourront pas maintenir ce niveau. Donc tu as besoin des autres joueurs pour maintenir ce standard. Mais non, tout le monde pensait que c’était moi qui étais fou (rires)”.

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