Patrick Guillou parle longuement de sa dépression : “Le médecin, qui vivait avec moi, et la mère de mes enfants, ont décidé de m’interner parce que je n’avais plus la force de rien”

    Patrick Guillou, sur beIN Sports et dans le reportage “Silence, je tombe”, s’est longuement confié sur sa dépression, qui touche beaucoup de footballeurs ou d’anciens footballeurs, mais qui est encore aujourd’hui un sujet tabou. Il y a d’abord la première étape, celle de cacher les choses, aux autres et à soi-même.

    « L’élément déclencheur, il est dans des éléments au départ qu’on ne maitrise pas. Lorsqu’on est jeunes, on est confiés, on est sous la responsabilité de personnes, et on croit en ces personnes, on leur accorde leur confiance, et nous, on a l’insouciance de l’enfance. On réussit à l’enfouir, le cacher, à vivre avec, et se créer très jeune et très rapidement, un personnage, un clown blanc […] C’est assez schizophrénique. On crée quelque chose d’autre pour montrer qu’on est autrement, et on a ça en soi, on arrive à vivre avec. On se dit que ça n’existe pas, que ça n’a jamais existé, et tu vis dans ta carrière de foot, dans ta reconversion… Jusqu’au moment où tu rencontres des personnes dans ta vie, où tu as des éléments déclencheurs, d’autres déclencheurs, qui font que cette mémoire traumatique se réveille. Ça explose, ça t’explose au centuple dans la gueule, et tu as toute la merde qui te remonte des égouts, tu te prends un tsunami de merde dans la gueule, et tu pars tout simplement… ».

    L’ancien entraineur adjoint aux Girondins de Bordeaux raconte comment il a vécu cette dépression, jusqu’aux tentatives de suicide.

    « L’alcool, ce n’est pas un penchant, et je pense que c’est ce qui m’a sauvé la vie. Par contre, j’ai cherché un autre exécutoire, et c’était les cachets. J’avais besoin, pour vaincre mes démons, pour sortir à chaque fois de ce marasme, de ces mensonges-là, j’avais besoin de quelque chose qui me permettait de dormir. Personne n’a jamais rien remarqué, c’est ça le truc. Tous les proches n’ont jamais rien remarqué, ceux qui ont travaillé avec moi non plus : personne. C’est une particularité des médicaments, c’est que le lendemain tu étais frais comme un gardon, tu n’avais pas de séquelles. Finalement, tu arrivais toujours à t’en sortir, sauf que ces médicaments te font perdre la mémoire immédiate, te font planer… A la fois, tu es conscient, mais tu n’es pas conscient, c’est très bizarre. Il n’y a personne qui peut t’aider mais tu veux de l’aide. Et tu perds pied jusqu’au moment où tu vas te dire que ta vie n’a plus aucun intérêt, et faire des tentatives de suicide. J’ai fait des tentatives, oui. La première, j’ai pris une surcharge de médicaments avec de l’alcool. Je m’expose, mais ça va peut-être aider d’autres personnes, et de toute façon je m’en branle. En milieu d’après-midi, après avoir dormi plusieurs heures, j’ai une partie de mon corps qui se détache de moi. Je me reconnais vraiment en face de moi, j’ai mon visage en blanc, et il me dit ‘Pat, tu ne peux pas finir comme ça, tu n’as pas le droit’. Du coup, je ne sais pas, l’instinct de survie, je me rendors derrière, il est 3-4 heures du matin, je sais que mes parents m’ont cherché, que la mère de mes enfants m’a cherché, j’avais coupé mon portable… J’ai la force d’aller dans mon appartement, et je vois qu’il a été ouvert, fouillé, pour savoir où j’étais. Et je suis reparti dans un endroit pour dormir jusqu’au lendemain. Le médecin, qui vivait avec moi, et la mère de mes enfants, ont décidé de m’interner parce que je n’avais plus la force de rien. La seconde tentative de suicide est plus compliquée parce que j’ai fait vraiment souffrir autour de moi. C’est une démarche où je m’en veux, parce qu’elle est hyper égoïste. J’ai emmené les gens avec moi, et c’est… voilà ».

    Il décrit justement ses conditions d’internement.

    « Il fallait que je ne sois ni à Saint-Etienne ni à Bordeaux. J’avais décidé avec le Doc de trouver une clinique privée dans la Creuse, qui fait que je pouvais enfin être moi-même. Et le jour où j’arrive, bien sûr, il y a un supporter de Saint-Etienne qui est au fond, et la première réunion où on est tous ensemble… Tu as honte, tu es là… Quand tu es dans la dépression et la noirceur, tu as toujours cette idée et cette volonté de te dire que tu peux aller encore plus loin, tu peux encore tomber plus bas : ‘vas-y, va voir ! Fais-toi mal !’. Donc tu vas écouter de la musique, qui va t’amener à quelque chose d’abyssal, qui va te tirer vers le fond… Au départ, tu n’es pas capable de prendre une douche, j’ai voulu qu’on m’enlève tout, le portable, parce que j’ai voulu me recentrer sur moi-même. Mais quand tu vas prendre la douche, et que tu es suicidaire, on regarde si tu as ta brosse à dent, si tu as ton parfum parce que c’est de l’alcool, une bouteille en verre… Tu es contrôlé, et c’est ce qui me fallait à ce moment-là ».

    Patrick Guillou parla également d’un autre témoignage, d’un ancien joueur des Girondins de Bordeaux, Cédric Anselin, qui a été l’un des premiers à parler de la dépression, qui l’a également touché.

    « Cédric Anselin a été un élément qui m’a fait me dire « ah ouais, ça vaut peut-être le coup’. Il a fait une interview dans 20 minutes Bordeaux, il parle de sa dépression, de sa tentative de suicide, de sa vie qui était équilibrée et qui part en vrille… Il y a beaucoup de similitudes, de choses qui me ressemblent ».

    Patrick Guillou a aujourd’hui un remède qui l’aide dans les moments de moins bien : la peinture.

    « Tu es seul devant ton tableau, tu te recrées une bulle, mais tu sais pourquoi tu te la crées. Elle n’est pas artificielle, c’est parce que tu veux te retrouver, te recentrer sur toi. J’avais commencé à faire 5-6 tableaux quand j’étais dans cette clinique, et aujourd’hui je peins quand je vais moins bien ».

    Le reportage complet ci-dessous